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Bateaux, plateaux, arsenaux : quels enjeux géopolitiques dans un Arctique en mutation ?

Frédéric Lasserre

Résumés

Trois grandes controverses, bien différentes, opposent les pays de l’Arctique. Tout d’abord se pose la question du statut des routes maritimes potentielles des Passages du Nord-ouest et du Nord-est, alors que des scénarios y prévoient un accroissement de la navigation. Ensuite se pose la question de l’extension de la souveraineté économique sur les plateaux continentaux, au-delà de la ligne des 200 miles marins, et des litiges frontaliers que les chevauchements pourraient susciter. Enfin, alimentées par le souci des États arctiques d’asseoir leur contrôle sur les espaces maritimes qui se libèrent des glaces, les politiques de sécurisation que plusieurs d’entre eux mènent apparaissent parfois comme une militarisation de l’Arctique, en particulier pour la Russie et, un temps, pour le Canada. Ces trois controverses diffèrent tant de par les enjeux que du fait de jeux d’alliances changeants. Mais ces phénomènes traduisent-ils réellement un emballement des enjeux géopolitiques pour l’Arctique  ?

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Texte intégral

1La fonte rapide de la banquise dans l’Arctique, en été, laisse entrevoir la possibilité de sa disparition en été d’ici 15 à 60 ans, et de l’ouverture de passages maritimes relativement libres de glace sur des périodes de plusieurs mois. Les glaces fondent de plus en plus tôt, se reforment de plus en plus tard, prolongeant déjà la saison navigable pour tous les navires de deux mois et demi à désormais trois à cinq mois. Cette fonte relance ainsi les mythiques Passages du Nord-est (au nord de la Sibérie) et du Nord-ouest (à travers l’archipel arctique canadien), routes maritimes plus courtes de 7 000 km entre l’Europe et l’Asie que par Panama ou Suez. Ces perspectives de mers arctiques libres de glace sur de plus longues périodes relancent aussi les projets d’exploration minière et d’hydrocarbures, tant du côté russe que du côté canadien, avec des perspectives intéressantes en matière de pétrole, de gaz, d’or, de diamants, de nickel.

2Les médias rapportent régulièrement les jeux de pouvoir qui se dessinent dans l’Arctique actuellement. Certains parlent même d’une «  bataille pour l’Arctique  », d’une nouvelle «  guerre froide  » pour les ressources de la région, voire d’une possible guerre entre pays riverains de l’océan Arctique pour le partage de ses richesses. De tels scénarios catastrophes sont peu crédibles compte tenu des enjeux dans cette région, importants mais pas stratégiques, et certainement pas insolubles grâce à des négociations.

3Trois grandes controverses, bien différentes, opposent les pays de l’Arctique. Tout d’abord se pose la question du statut des routes maritimes potentielles des Passages du Nord-ouest et du Nord-est, alors que des scénarios y prévoient un accroissement de la navigation : s’agit-il de détroits internationaux, ou ces passages sont-ils sous la souveraineté complète du Canada et de la Russie  ? Ensuite se pose la question de l’extension de la souveraineté économique sur les plateaux continentaux, au-delà de la ligne des 200 miles marins, et des litiges frontaliers que les chevauchements pourraient susciter. Enfin, alimentées par le souci des États arctiques d’asseoir leur contrôle sur les espaces maritimes qui se libèrent des glaces, les politiques de sécurisation que plusieurs d’entre eux mènent apparaissent parfois comme une militarisation de l’Arctique, en particulier pour la Russie et, un temps, pour le Canada. Y a-t-il une course aux armements en Arctique  ?

4Ces trois controverses diffèrent tant de par les enjeux que du fait de jeux d’alliances changeants. Mais quels phénomènes traduisent-ils effectivement un emballement des enjeux géopolitiques en Arctique, ou au contraire faut-il les lire à travers une analyse plus modérée  ?

  • 1 Données du siège de NORDREG, Northern Canada Vessel Traffic Services Zone Regulations/ Règlement su (...)
  • 2 Directement sur le site de la NSRA, [en ligne] URL : www.nsra.ru, ou colligées et mises en forme su (...)

5L’approche méthodologique de cette recherche repose sur une analyse documentaire (Masse, 1999) conduite par triangulation reposant sur l’intégration de documents de natures différentes (Denzin, 1973 ; Rothbauer, 2008 ; Heath, 2011 ; Carter et al., 2014), médias, mémoires, articles scientifiques, rapports d’entreprises, statistiques économiques. Tout d’abord, les statistiques du trafic commercial maritime dans l’Arctique canadien et dans l’Arctique russe avec les bases de données de la Garde côtière canadienne, communiquées directement à l’auteur1, et les statistiques de trafic commercial de l’Administration de la route maritime du Nord (NSRA)2, au prisme des analyses présentes dans la littérature scientifique et professionnelle. Pour les enjeux militaires et concernant les espaces maritimes, ce sont des sources gouvernementales, des revues professionnelles et scientifiques qui ont été mobilisées afin de souligner les tendances et les facteurs présidant à ces évolutions. Le cadre théorique repose sur une analyse de géopolitique comprise comme les enjeux de pouvoir portant sur des territoires et espaces (Lacoste, 1976 ; Foucher, 1991 ; Lasserre et al., 2020).

Passages, trafic maritime et contrôle des détroits

Un différend ancien sur les passages arctiques

  • 3 Et dont on trouve des illustrations dans des articles comme Borgerson, S. «  Arctic meltdown  ». Fo (...)

6Avec la fonte de la banquise s’est développée l’idée que le trafic maritime pourrait connaitre une expansion rapide sur les routes des passages arctiques, passage du Nord-ouest à travers l’archipel arctique canadien, et passage du Nord-est au nord de la côte sibérienne. Cette idée repose sur le constat que les routes entre l’Asie du Nord et l’Europe sont beaucoup plus courtes que via les canaux de Suez et de Panama. La littérature abonde de textes annonçant l’imminence de l’explosion du trafic maritime arctique (Lasserre, 2019a), une conclusion basée uniquement sur la prémisse que des routes plus courtes intéresseraient nécessairement les armateurs dans le cadre des importantes relations commerciales entre Asie, Amérique du Nord et Europe3. De plus, cette expansion annoncée du trafic à travers les passages arctiques pose à nouveau la question de leur contrôle politique et administratif.

  • 4 La Route maritime du Nord est la portion du passage du Nord-est comprise entre le détroit de Kara e (...)

7Tant le Canada que la Russie estiment que ces passages relèvent de leur souveraineté. Pour Ottawa, la section du passage du Nord-ouest (PNO) traversant l’archipel arctique se trouve dans ses eaux intérieures, du fait d’un titre historique hérité des Inuits, une position officiellement établie en 1986 (Lasserre et Lalonde, 2010). Pour Moscou, les segments de la Route maritime du Nord (RMN)4 traversant les détroits arctiques russes sont également sous sa souveraineté, car ils traversent les eaux intérieures définies depuis 1984 (Lasserre et Lalonde, 2010). De plus, la Russie comme le Canada invoquent l’article 234 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), qui stipule que l’État côtier, dans les eaux englacées plus de 6 mois par an, peut prendre des mesures non discriminatoires pour réglementer le trafic maritime (Bartenstein et Lalonde, 2019). On ne parle pas ici de souveraineté mais de pouvoir réglementaire.

8Les États-Unis de manière récurrente, et l’Union européenne dans une moindre mesure, se sont opposés à ces revendications canadienne et russe (Office of the Geographer, 1992 ; Commission européenne, 2008 ; Lasserre, 2010a ; Charron et al., 2014 ; Lajeunesse, 2016 ; Thieffry, 2016 ; Lasserre, 2017). En 1988, par le traité de l’Arctique, Ottawa et Washington convenaient d’être en désaccord et de respecter leur position respective, tandis qu’avec la fin de la guerre froide, le gouvernement américain avait moins de motifs de chercher à tester la résolution de Moscou à défendre ses prétentions. Un modus vivendi tacite s’est établi, chaque partie campant sur ses positions sans qu’aucune n’estime nécessaire de trancher le nœud du différend. Une rupture, à tout le moins rhétorique, s’est produite en 2019 lorsque le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, a ouvertement rejeté la position canadienne sur le PNO, la qualifiant d’«  illégitime  » (Cecco, 2019) tandis que le Secrétaire à la Marine Richard Spencer a évoqué la possibilité d’envoyer un navire de guerre forcer le PNO pour défier la revendication canadienne (Sevunts, 2019), deux déclarations qui ont consterné le monde politique à Ottawa avant que Spencer ne soit finalement démis de ses fonctions (Johnson, 2019) sans que l’on sache si la déclaration du Secrétaire d’État Pompeo demeurait la ligne officielle américaine.

9Si l’administration Trump a peut-être choisi de faire du litige un enjeu politique, pendant des années a prévalu le constat, qui a conduit au traité de 1988 jamais remis en cause, que l’enjeu ne valait pas un conflit politique. Le Canada et la Russie revendiquent le contrôle des passages arctiques, les États-Unis et les pays européens acceptent globalement ce contrôle administratif sur le trafic commercial, et ce d’autant plus facilement que le trafic de transit demeure très limité. Le litige porte davantage sur des questions de principe – la crainte du précédent pour les États-Unis (Lalonde et Lasserre, 2013) – et sur la liberté de transit des navires militaires pour des pays européens comme la France, qui a fait transiter un navire de guerre par la RMN sans autorisation russe pendant l’été 2018 (Ouest France, 2018).

Un trafic commercial de transit qui demeure très limité

10L’analyse des trafics le long des deux principaux itinéraires de navigation arctique, le PNO et la RMN, démontre au contraire que le trafic de transit connait une hausse très limitée. Le trafic total connait une expansion réelle, surtout du côté russe, mais il s’agit d’un trafic dit de destination : les navires viennent dans l’Arctique pour y effectuer leur activité économique, s’arrêtent donc et tombent alors sous le coup de la réglementation de l’État du port, qui permet aux États côtiers de contrôler le trafic.

Un très faible trafic de transit

11Si le scénario de l’accroissement rapide du trafic de transit parait séduisant en théorie, il traduit surtout une piètre connaissance des contraintes du marché du transport maritime. Il suppose en effet que les armateurs raisonnent fondamentalement en termes de distance à parcourir. La technologie des navires à coque renforcée étant au point depuis des années, si tel était le cas, le déclin de la banquise aurait entrainé depuis déjà longtemps une augmentation très importante du trafic de transit par les routes des passages arctiques, du Nord-ouest (PNO) dans l’archipel arctique canadien, et du Nord-est (PNE) au nord des côtes sibériennes, avec la Route maritime du Nord (RMN), nom donné par les autorités russes au segment du PNE entre le détroit de Kara et le détroit de Béring.

12Or, il n’en est rien : le trafic commercial de transit – donc des navires qui empruntent ces routes sans s’arrêter dans l’Arctique – demeure très faible : de zéro à deux navires marchands par an dans le PNO – 5 en 2019. Dans la RMN, le trafic a crû jusqu’à un maximum de 71 navires en 2013 avant de chuter à 18 en 2015 pour se stabiliser à 27 en 2017 et 2018, et à 31 à la mi-octobre 2019 (tableau 1). On est très loin des 11 500 transits via Panama et des 18 100 via Suez. Des enquêtes ont déjà démontré le faible intérêt de nombreuses compagnies maritimes pour les routes arctiques, malgré les distances plus courtes (Lasserre et Pelletier, 2011 ; Beveridge et al., 2016 ; Lasserre et al., 2016). Une différence importante entre les deux routes arctiques apparait également : le long du PNO, la plupart des transits sont le fait de navires de plaisance, et très peu de navires commerciaux (tableau 2), au contraire du portrait du trafic de transit le long de la RMN qui souligne le poids des navires de commerce (tableau 3).

Tableau 1. Nombre de transits par les routes arctiques.

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

RMN

2

3

5

13

41

46

71

31

18

19

27

27

37

PNO

9

13

17

20

21

31

22

17

27

23

33

5

25

RMN : Route maritime du Nord / PNO : Passage du Nord-ouest

Source : NORDREG, Iqaluit ; CHNL, Kirkenes, [en ligne] URL : https://arctic-lio.com/​category/​statistics

Tableau 2. Types de navires en transit, Passage du Nord-ouest.

Type de bâtiment

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2016

2018

2019

Brise-glace

2

2

1

2

2

2

2

2

4

3

2

1

Navire de croisière

2

3

2

3

4

2

2

4

2

3

5

Navire de plaisance

2

7

10

12

13

22

14

10

15

2

13

Remorqueur

1

2

1

2

1

1

Navire commercial

1

1

1

1

1

1

5

Navire de recherche

1

1

1

1

1

Total des transits

6

7

12

17

19

18

30

22

17

23

5

25

Sources : NORDREG, Iqaluit.

Tableau 3. Types de navires en transit, Route maritime du Nord.

Type de navire

2007

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Brise-glace

2

3

2

2

1

2

1

Navire gouvernemental

1

0

1

1

2

1

Navire de croisière

1

1

1

3

1

1

Remorqueur, navire de service

1

4

4

5

1

1

3

4

1

2

Cargo

1

5

6

31

38

64

24

11

11

24

23

32

Navire de recherche

2

2

2

2

Pêche

2

1

3

Total des transits

2

5

13

41

46

71

31

18

19

27

27

37

D’après les statistiques de l’Administration de la Route maritime du Nord. Transits entre le détroit de Béring et le détroit de Kara.

Source : CHNL, Transit Statistics, [en ligne] URL : https://arctic-lio.com/​category/​statistics/​, consulté le 23 oct. 2020.

Des facteurs économiques encore très contraignants

13Dans le domaine du conteneur, la raison tient fondamentalement à l’incertitude entourant la fiabilité du temps de transit : les compagnies travaillent en juste à temps, vendant donc non seulement la livraison des produits transportés, mais aussi la garantie de leur livraison un jour convenu, d’après des horaires publiés six mois à l’avance. Chaque jour de retard implique des pénalités financières et une fiabilité écornée. Or, impossible de prévoir six mois avant si la fonte estivale aura permis de libérer les détroits arctiques, ceux-ci présentant une grande variabilité interannuelle dans le calendrier de la débâcle ; impossible de prévoir également si les courants et les vents ne transporteront pas de la glace dérivante ou des growlers, blocs de glace très dure issus de la désagrégation des icebergs de plus en plus nombreux, qui viendront obstruer les détroits par où passeront les navires. Cette incertitude, structurelle pour les routes arctiques, s’ajoute aux coûts qu’impliquent les primes d’assurances plus élevées, l’obligation de naviguer avec une coque renforcée, et sans doute à moyen terme de consommer, pour des raisons environnementales, du fioul plus léger (MDO) mais plus cher que le fioul lourd (HFO) (Humpert, 2019a). En novembre 2019, les compagnies de croisières se sont imposé l’interdiction d’utiliser le HFO dans les croisières arctiques (Humpert, 2019b). Dans ces conditions, l’annonce par plusieurs compagnies maritimes majeures (CMA CGM, Evergreen, Hapag Lloyd, MSC) à l’automne 2019, de leur renoncement à l’usage des routes arctiques, ne représente pas en réalité un sacrifice commercial majeur (Humpert, 2019c). De plus, ces routes seraient nécessairement saisonnières : malgré la perspective de la disparition de la banquise pour une période indéterminée en été, celle-ci se reformera toujours, car malgré les changements climatiques, ce seront toujours des conditions polaires qui règneront en hiver, l’obscurité totale, le blizzard et des températures de -50 °C. Naviguer dans de telles conditions suppose des navires à coque très renforcée, beaucoup plus fortes que la plupart des navires actuels aptes à la navigation estivale, et aux coûts d’exploitation plus élevés : c’est trop cher et trop risqué pour nombre de compagnies maritimes. Les entreprises devraient se contenter de la saison estivale, et donc modifier radicalement leurs horaires deux fois par année, dans des opérations logistiques complexes, augmentant le risque de retard, et coûteuses.

14Ceci reflète l’état du potentiel maritime arctique à l’heure actuelle. Ce portrait pourrait changer. Ainsi, la poursuite de la fonte en été aboutira probablement à des étés sans glace, dont la durée est encore incertaine. On observe également l’émergence de projets d’interconnexion avec les hinterlands sibériens dans le cadre de projets russes ou chinois, liés aux nouvelles routes de la soie : projet Belkomur de connexion du port d’Arkhangelsk au réseau ferroviaire russe ; projet de prolongement du réseau ferré jusqu’à Dudinka ; projet de développement de la navigation fluviale sur l’Ob, l’Ienisseï et la Léna pour ainsi valoriser les ports de Dudinka et de Tiksi en plateformes fluvio-maritimes (Lasserre et Têtu, 2019). Dans ces conditions, il est possible que certaines compagnies décident de valoriser un marché, modeste au départ, avec des liaisons saisonnières qui pourraient également desservir les marchés intermédiaires sibériens. Il est possible aussi que des compagnies maritimes s’efforcent de développer un petit marché de transit, comme en a témoigné le transit en 2018 du porte-conteneur Venta Maersk. La compagnie maritime Maersk était en juin 2019 en discussion avec l’entreprise russe Rosatomflot, responsable de la gestion des brise-glace le long de la RMN, mais à la fin de 2019 l’entreprise danoise n’avait déposé aucune demande de permis de navigation (NSRA, 2019). Cela relève encore de la prospective.

15Dans le domaine du vrac, la réticence des armateurs est moindre, mais tout aussi réelle. Elle tient là encore à la structure du marché : les navires organisent leurs voyages sur la base d’un marché de tramp, c’est-à-dire de voyages ad hoc selon les possibilités d’affrètement. Or, investir dans un navire à coque renforcée pour naviguer dans des conditions arctiques, plus cher à l’achat et à l’exploitation, avec un équipage compétent selon les normes du Code polaire, suppose que ce navire sera amorti sur des routes arctiques, autrement il ne sera pas compétitif. Il est très difficile pour un armateur de vrac de s’assurer de contrats de long terme sur le transport de pondéreux. C’est pourquoi les armateurs qui souhaitent réellement obtenir la garantie de contrats de long terme, investissent dans les projets d’exploitation des ressources naturelles ou signent des contrats de long terme, comme Cosco, Teekay, Dynagas, Mitsui OSK, Sovcomflot pour les projets Yamal ou Arctic LNG2 (voir la section sur les ressources naturelles). Comme dans le domaine du conteneur, il est possible que certaines compagnies décident de développer un marché de niche, en tirant avantage du fait que la route plus courte permettrait d’effectuer quelques rotations estivales de plus que par Suez, par exemple pour le fer norvégien jusqu’en Asie – on est ici encore dans le registre de la prospective. Dans le domaine du vrac comme du conteneur, les facteurs structurels à l’industrie ne soutiennent guère l’avènement d’autoroutes maritimes en Arctique (Lasserre, 2019b).

Un trafic de destination en forte hausse, surtout en Russie

  • 5 Dans la zone définie par le code polaire de 2017. Voir par exemple Protection of the Arctic Marine (...)
  • 6 Incluant toute la mer de Norvège et la mer de Béring.

16Pourtant, le trafic maritime général augmente en Arctique : une étude portant sur le trafic de 2014 relevait déjà 2 300 navires dans l’Arctique5 (Ocean Conservancy, 2017), un trafic largement alimenté par les navires de pêche (721), puis par les cargos de marchandises (345), les tankers (166) et les vraquiers de vrac solide (136), et concentré en mer de Norvège et en mer de Barents. Une autre étude (Silber et Adams, 2019), portant sur une zone plus étendue6, rapportait la présence de 5 606 navires dans la zone arctique ainsi définie, avec une très forte concentration du trafic dans les mers de Béring, de Barents et de Norvège, un développement soutenu en mer de Kara, et une très forte représentation de navires de pêche et de commerce impliqués dans la desserte des communautés et des activités économiques locales.

17Confirmant cette tendance à l’accroissement du trafic maritime dans l’Arctique, l’activité maritime a quadruplé dans l’Arctique canadien de 1990 à 2018, passant de 89 voyages dans la zone arctique à 408, puis à 423 en 2019 (Nordreg, 2019). Dans l’Arctique russe, si le tonnage de transit est en croissance mais demeure faible (passant de 111 000 t en 2010 à 491 000 t en 2018) (CHNL, 2019), il explose pour le tonnage chargé ou déchargé dans les ports arctiques, passant de 2 millions de tonnes (Mt) en 2010 à 18 Mt en 2018 (tableau 4) et pourrait atteindre 30 Mt en 2019 alors qu’au 15 novembre il avait atteint 26 Mt (Staalesen, 2019). Il s’agit en réalité de trafic de destination, et non pas de transit, soit des navires qui viennent dans l’Arctique pour y effectuer une activité économique, puis repartent : pêche, tourisme, desserte des communautés, desserte des sites d’exploitation des ressources naturelles. Il s’agit là du principal moteur de l’expansion du trafic maritime dans la région arctique, et le second type d’activité économique dont les perspectives se voient profondément affectées par la fonte de la banquise.

Tableau 4. Trafic de marchandise transporté, Route maritime du Nord.

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

En transit

0,111

0,821

1,262

1,176

0,274

0,04

0,215

0,194

0,491

0,697

Volume total

2,085

3,225

3,75

3,914

3,982

5,432

6,06

9,737

18

31,53

Nombre de voyages

1 705

1 908

2 022

2 694

(Millions de tonnes métriques)

Sources : CHNL, 2020.

Tableau 5. Trafic maritime dans l’Arctique canadien selon le type de navire, 2005-2019.

2005

2007

2009

2011

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Navires dans l’Arctique canadien

(nombre de voyages)

121

181

185

317

349

301

315

347

418

408

423

dont :

Navires de pêche

20

39

44

136

137

119

129

131

138

139

130

Navires-cargo

65

101

100

126

127

108

120

147

188

197

219

dont :

Cargo général

16

28

23

38

35

32

34

36

50

48

59

Tanker

17

24

23

30

28

25

27

23

24

29

28

Vrac solide

21

27

27

23

27

33

36

53

72

89

102

Remorqueurs & barges

11

22

27

33

36

18

23

35

42

31

30

Navires de plaisance

10

9

13

15

32

30

23

22

32

17

19

Navires de croisière

12

17

11

11

17

11

18

20

19

21

24

Navires gouvernementaux

9

9

10

20

17

23

16

20

22

18

20

Autres brise-glace

2

2

2

2

Navires de recherche

6

9

7

11

20

10

9

6

13

13

8

Autres

1

1

4

1

3

Source : NORDREG, Iqaluit.

18Pour l’Arctique canadien, il n’existe pas de statistiques reflétant le tonnage transporté. Le trafic est nettement plus limité depuis quelques années que dans la RMN, pour le transit comme pour le trafic de destination. L’augmentation du trafic de destination, toutes catégories confondues, est cependant manifeste dans l’accroissement et la ventilation du nombre de voyages dans la zone couverte par Nordreg (nord du 60e parallèle) : on observe (tableau 5) un net accroissement de la fréquentation des navires de pêche et de cargo, qui viennent pour la desserte des communautés et des projets miniers, en particulier la mine de Mary River (île de Baffin) desservie par le port de Milne Inlet. Il est significatif à cet égard que le trafic de navires-cargo ait continué d’augmenter malgré la fermeture du port de Churchill en baie d’Hudson en 2016.

19Ainsi, il apparait nettement que, contrairement à un cliché communément admis, le trafic de transit demeure marginal en Arctique et qu’il n’attire pas les armateurs pour des raisons structurelles inhérentes aux marchés du transport maritime. Le trafic de destination connait une expansion marquée en Sibérie, liée à la mise en exploitation des ressources naturelles, mais ce trafic demeure soumis à la législation russe. Dans ce contexte, il est possible que les différents États intervenant dans l’Arctique ne jugent pas nécessaire de nourrir un différend sur le statut des détroits arctiques, au vu du faible enjeu stratégique qu’ils représentent dans le transport maritime mondial.

L’extension des plateaux continentaux

  • 7 Courrier international, 2008, Arctique : l’autre guerre froide, Courrier international, 935 (2-8 oc (...)

20À la faveur des changements climatiques s’est développé le mythe de l’explosion du trafic maritime de transit, mais une autre représentation a émergé : la fonte de la banquise activerait l’intérêt des États côtiers pour leurs espaces maritimes et les pousserait à se lancer dans une course à l’appropriation des plateaux continentaux étendus, espaces maritimes qui recèleraient d’abondantes ressources naturelles (Labévière et Thual, 2008 ; Howard, 2009 ; Emmerson, 2011). Les médias font régulièrement état des jeux de pouvoir qui structurent la définition des espaces maritimes dans l’Arctique, avec comme élément déclencheur en 2007 le drapeau russe planté au pôle Nord. Alors que les États dévoilent progressivement leurs revendications sur des plateaux continentaux étendus, revendications dont plusieurs se chevauchent, certains observateurs parlent d’une «  bataille pour le Grand Nord  » (Labévière et Thual, 2008), d’une nouvelle «  guerre froide  »7, voire d’une «  folle course armée  » (Borgerson, 2008 : 72) entre pays côtiers de l’océan Arctique pour le contrôle de ses richesses (Deustche Welle, 2019), des discours aujourd’hui moins omniprésents mais toujours récurrents.

Les paramètres juridiques des espaces maritimes des plateaux continentaux étendus

  • 8 Les droits souverains dans les ZEE concernent la colonne d’eau mais aussi les ressources du sol et (...)

21À partir de 2007, l’accent médiatique et politique s’est porté sur les revendications des États côtiers de l’océan Arctique pour l’appropriation des fonds marins de la région. Ce dossier est bien différent du contentieux relatif au contrôle des routes maritimes qui pose la question du statut des détroits fréquentés, puisqu’il concerne l’extension de la souveraineté économique sur des ressources sous-marines potentielles. En fait, la CNUDM de 1982 a déjà établi les procédures d’affirmation des droits souverains sur les plateaux continentaux8. Une bonne partie de l’océan Arctique est déjà sous le contrôle économique exclusif des pays côtiers, et personne ne conteste le principe des Zones économiques exclusives (ZEE). Ces espaces maritimes ne sont plus source de conflit : de nombreuses frontières maritimes ont été convenues et seuls subsistent les litiges entre États-Unis et Canada en mer de Beaufort et entre Canada et Danemark au nord du Groenland (voir figure 1).

Figure 1. Limite des ZEE dans l’Arctique.

Figure 1. Limite des ZEE dans l’Arctique.

Juin 2019.

Source : adapté de F. Lasserre, 2010b.

22Par ailleurs, Moscou peut bien planter le drapeau russe au fond de l’océan Arctique, comme en août 2007, son geste de revendication, par ailleurs présenté comme archaïque par le Canada (Reuters, 2007), n’a aucune valeur juridique. Cet épisode ainsi que les déclarations du gouvernement russe quant aux risques d’une guerre pour les ressources arctiques ont grandement contribué à ce glissement de l’actualité politique arctique. Quoi qu’il en soit, le principe de la ZEE est acquis pour tous les États côtiers et la revendication d’un plateau continental étendu doit être avalisée par une Organisation des Nations unies, la Commission des limites du plateau continental (CLPC), qui examine les preuves géologiques de l’extension du plateau continental physique au-delà des 200 milles marins. Cependant, la Commission ne tient compte ni de l’ordre de présentation des dossiers ni du caractère unilatéral de la revendication : le droit à un plateau continental étendu est imprescriptible, tous les États côtiers peuvent en bénéficier indépendamment des revendications de pays tiers, et toute revendication doit être avalisée sur le fond par la CLPC.

23Le plateau continental étendu, en vertu du droit international précisé par la CNUDM, est une zone marine au-delà de la limite des 200 milles marins qui forme la limite de la ZEE. Un État côtier n’est pas souverain, ni sur la ZEE, ni sur le plateau continental étendu : il y détient des droits souverains sur l’exploitation des ressources des fonds marins et de la mer (ressources de pêche) dans la ZEE ; sur les seules ressources des fonds marins dans le plateau continental. Dans la ZEE comme dans la zone du plateau continental, la liberté de navigation demeure entière, un navire étranger peut circuler librement tant qu’il ne s’engage pas dans une activité d’exploitation des ressources. Cette nuance parait subtile, mais elle est de taille : en dehors de ces sphères de contrôle, l’État côtier ne régit pas les activités des tiers dans la ZEE et le plateau continental étendu. Il est donc abusif de parler de souveraineté canadienne à propos du plateau continental étendu, il est préférable de parler d’intérêts canadiens ou de droits souverains.

Figure 2. Les espaces maritimes prévus par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

Figure 2. Les espaces maritimes prévus par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

CNUDM, 1982.

Source : K. Bartenstein, 2010.

24La ZEE est définie de manière géométrique : sa limite externe est située à 200 miles marins (320 km) de la ligne de base des côtes. Au-delà des limites de la ZEE, l’État côtier peut ainsi revendiquer des droits souverains sur les ressources du sol et du sous-sol marin (pas de la colonne d’eau) jusqu’à 350 miles marins (620 km), ou jusqu’à 100 milles marins de l’isobathe 2 500, à condition que cet espace soit constitué par le prolongement physique de la plate-forme continentale en mer (voir figure 2). Le plateau continental étendu est déterminé par la limite du talus continental, soit la ligne où s’arrête la plaque continentale et où débutent les grands fonds marins de la plaque océanique. C’est donc une limite à déterminer à travers des recherches géomorphologiques et géologiques, les États devant instruire leurs preuves dans le dossier remis à la Commission des limites du Plateau continental (CLPC), l’organisme des Nations Unies chargé d’examiner les dossiers de revendications des États. Autrement dit, c’est sur la base d’un critère géologique qu’un État peut se prévaloir de ce droit, et c’est justement ce à quoi s’affairent les États côtiers : ils multiplient les missions océanographiques dans le bassin arctique pour pouvoir prouver devant la CLPC que la géologie des fonds marins leur ouvre la porte à des revendications au-delà de la ZEE. La CLPC n’examine que les arguments d’ordre géomorphologique : elle ne trace pas de frontière et ne se mêle pas de possibles revendications croisées. En outre, le droit à un plateau continental est imprescriptible : tout État côtier y a droit, quel que soit l’ordre du dépôt des revendications. Ce n’est donc pas du tout sur la base du «  premier arrivé, premier servi  » que sont déterminées les attributions à des plateaux continentaux étendus. Il n’y a pas de course aux zones arctiques : il n’y a qu’une course contre la montre, les États devant obligatoirement déposer leur dossier de revendication moins de 10 ans après leur ratification de la CNUDM. Le feu vert de la Commission ne signifie pas que l’ONU avalise les revendications mais qu’elles sont légitimes d’un point de vue géologique : il reste à négocier avec les pays voisins les frontières communes (Lasserre, 2011, 2019c).

Une course aux revendications  ?

25En décembre 2001, la Russie a déposé un premier dossier exposant ses revendications. Celles-ci ont été rejetées par la Commission en juillet 2002 (Coutansais, 2009 ; Bartenstein, 2010), au motif que les éléments invoqués ne justifiaient pas entièrement lesdites revendications, en particulier celles portant sur la dorsale de Lomonossov, chaîne de montagnes sous-marines entre la Sibérie et le Groenland que se disputent la Russie, le Canada et le Danemark. Le gouvernement russe estime en effet que la dorsale est un prolongement du plateau continental russe, le Danemark qu’elle fait géologiquement partie du Groenland et le Canada qu’elle prolonge l’archipel arctique canadien… Le Danemark et le Canada ont déjà défini leur frontière maritime économique commune en 1973 entre Groenland et archipel arctique canadien. La Norvège a déposé sa demande officielle d’extension le 27 novembre 2006, demande qui a été acceptée par la CLPC le 27 mars 2009. Les États-Unis, quant à eux, ne peuvent déposer de demande auprès de la Commission, car ils n’ont pas ratifié la CNUDM. D’où les pressions tant démocrates que républicaines pour que le gouvernement ratifie ladite Convention (voir tableau 6).

26La perception d’un processus de définition et de revendication des plateaux continentaux récent et précipité est fausse. Les dispositions du droit de la mer prévoient un délai de dix ans après ratification de la Convention pour le dépôt d’une demande d’extension du plateau continental. Lorsque la Russie, la Norvège et le Danemark ont présenté leurs dossiers, respectivement en 2001, 2006 puis 2014 (zone arctique) leurs demandes n’ont guère soulevé de passion. Cette mise en scène d’une prétendue «  course au plateau continental  » est d’autant moins crédible que plusieurs éléments attestent de la dimension modérée de l’enjeu.

  • 9 Cette estimation ne tenait que partiellement compte à l’époque des gisements de pétrole non convent (...)

27On sait depuis fort longtemps qu’il y a des ressources naturelles dans la région de l’Arctique : charbon au Svalbard, pétrole en mer de Beaufort, fer, zinc, plomb, uranium dans l’archipel canadien, en péninsule de Kola… Du pétrole est exploité au Yukon canadien depuis 1920 et un puits a été opérationnel dans l’archipel arctique, sur l’île Cameron, de 1985 à 1996. D’importantes campagnes de prospection ont été menées au large des côtes du Groenland de 2012 à 2015, sans succès, tandis que la Norvège a renoncé à certains projets de forage en mer de Norvège (Cockburn, 2019). Aux États-Unis, l’administration Trump souhaiterait relancer l’exploration pétrolière sur la côte nord de l’Alaska, dans des zones protégées (Fears, 2018) où la probable présence de pétrole est connue depuis longtemps. En Russie, la région de la péninsule de Yamal recèle d’importants gisements de gaz et de pétrole, gisements tant terrestres qu’en mer ; l’exploitation commerciale a débuté en décembre 2017. Le gisement de pétrole de Prirazlomnoye, découvert en 1989 en mer de Kara, est entré en exploitation en 2013, tandis que l’exploitation de l’important gisement de gaz de Shtokman (3,8 milliards m³), découvert en 1988 en mer de Barents, a été reportée sine die du fait de ses coûts trop importants. En 2008, l’United States Geological Survey (USGS) estimait que 29 % des réserves de gaz et 10 % des réserves de pétrole encore à découvrir se trouvaient dans l’Arctique (USGS, 2008)9, des chiffres qui n’avaient pas changé en 2018 (Allison et Mandler, 2018). Il y a donc, de fait, un intérêt certain des compagnies pétrolières et des États de l’Arctique pour la mise en valeur de gisements dans la région, mais depuis la chute des cours des hydrocarbures en 2014, on relève un relatif désintérêt des compagnies pétrolières pour la région arctique, sachant que les cours mondiaux, modérés depuis 2016, ne permettent guère d’envisager la rentabilisation de nombreux gisements aux coûts très élevés (Gulas et al., 2017 ; Mason, 2017). De plus, il importe de souligner quelques éléments importants quant à l’ampleur de ces ressources.

28Tout d’abord, s’il est vrai que de nombreux gisements ont été découverts dans l’Arctique, les théories actuelles sur la «  course aux gisements  » se fondent uniquement sur des estimations probabilistes. Dans ses rapports de 2000 (USGS, 2000) et de 2008, l’USGS a fortement insisté sur le caractère estimatif de ses données. Fondamentalement, lorsqu’ils annoncent une nouvelle guerre froide pour le contrôle des gisements pétroliers de l’Arctique, bon nombre d’analystes ne font référence qu’à des hypothèses. En diffusant ces chiffres sans prendre la peine, d’une part, de préciser la méthodologie retenue pour les calculs, d’autre part, de mentionner qu’il s’agit d’estimations, les médias, les politiciens et certains analystes peu rigoureux répandent l’idée que ces gisements potentiels sont prouvés, ce qui est faux (Cohen, 2007).

  • 10 Le rapport du USGS de 2008, qui évalue des réserves estimées, parle de 13 % des réserves de pétrole (...)

29Ensuite, s’ils ne sont pas négligeables, ces gisements potentiels ne sont pas non plus gigantesques. Les analystes rappellent que celles de l’USGS, souvent mal citées10, font état d’environ 3 ans de consommation mondiale de pétrole et de 7 ans de consommation de gaz : des réserves estimées conséquentes certes, mais pas aussi importantes que le laissent entendre certains chantres de l’eldorado arctique. L’USGS parle de 90 milliards de barils de pétrole pour l’ensemble de l’Arctique alors que les réserves prouvées de l’Arabie Saoudite s’élèvent à 297 milliards de barils (BP Statistics, 2019). Les gisements estimés de gaz (47 251 milliards de m³) sont en revanche bien plus importants dans l’Arctique qu’au Qatar (28 900 milliards de m³), ou en Iran (31 900 milliards de m³) (BP Statistics, 2019).

30Enfin, tout le monde n’est pas d’accord sur l’ampleur réelle de ces ressources. Ainsi, un bureau d’étude privé du secteur énergétique, Wood Mackenzie, a émis de sérieux doutes sur la validité des estimations initiales de l’USGS (Wood Mackenzie, 2006 ; Cohen, 2007). Il a estimé que le potentiel de l’Arctique était bien moindre que ce qu’annonçait l’agence américaine et, surtout, que l’essentiel des réserves était constitué de gaz et non de pétrole, fait reconnu par l’USGS en 2008. Il semble se confirmer que les estimations des réserves en hydrocarbures se font plus mesurées (Breteau, 2017) malgré des divergences régionales parfois significatives (Mered, 2019).

31De plus, la plus grande partie des gisements en hydrocarbures et la quasi-totalité (près de 95 %) des gisements minéraux se trouvent dans les ZEE. La prétendue course à l’appropriation des gisements arctiques n’a donc que peu de fondement, puisqu’elle ne concerne que les 5 % des ressources potentielles qui se trouveraient au-delà des espaces des ZEE (Despic-Popovic, 2007 ; Mathieu, 2009). Le contrôle de l’exploitation des ressources est déjà largement acquis, sauf dans les zones de chevauchements entre pays limitrophes (la mer de Beaufort entre le Canada et les États-Unis ou la mer de Barents entre la Norvège et la Russie).

32Par ailleurs, même s’il est vrai que les changements climatiques alimentent les spéculations sur l’intérêt économique des espaces maritimes arctiques, ce ne sont pas ces changements, ni la perception de l’urgence de prendre possession de gisements potentiels, qui ont provoqué le calendrier de dépôt des revendications arctiques, lequel découle des dispositions du droit de la mer. Le Danemark a déposé sa revendication par étapes jusqu’en 2014. Le Canada a procédé à un dépôt partiel en 2013 puis en 2019, car la CLPC tolère que le délai des 10 ans soit dépassé dès lors qu’un dossier partiel lui a été soumis. Si course il y a, ce n’est pas du fait de la fonte des glaces, ni d’une course à l’appropriation, mais d’une course contre la montre et ce délai de 10 ans inscrit dans la Convention.

33Enfin, le droit d’un État à un plateau continental étendu est imprescriptible. Cela signifie que son attribution ne dépend ni du calendrier des revendications éventuellement concurrentes ni d’une quelconque occupation des espaces maritimes revendiqués. Autrement dit, un État qui présente sa revendication après ses voisins ou qui ne déploie pas d’importantes campagnes de prospection minière ou pétrolière ne voit pas sa position affaiblie pour autant (Riddell-Dixon, 2008 ; Cochrane, 2009 ; Bartenstein, 2010 ; Lasserre, 2011).

34Contrairement à une idée répandue, les États collaborent activement dans la définition de leurs revendications et la recherche d’éléments géologiques. Depuis 2005, le Canada et le Danemark collaborent, malgré leur différend au sujet de l’île Hans, dans le cadre du programme LORITA (Lomonossov Ridge Test of Appurtenance), afin de collecter des éléments géologiques appuyant leur thèse au sujet de la dorsale de Lomonossov (GEUS, 2006 ; Kontinental Sokkel, Projektet, 2006). Des négociations ont eu lieu en février-mars 2009 entre le Canada et la Russie pour définir et approfondir leur coopération dans l’Arctique (Boswell, 2009). Le Danemark, la Suède et la Russie ont collaboré lors de la campagne océanographique danoise de 2007 (LOMROG, 2007). À l’Ouest, le Canada et les États-Unis ont également coopéré depuis 2008 pour optimiser leurs recherches océanographiques (Riddell-Dixon, 2008 ; Cochrane, 2009).

  • 11 Le Conseil de l’Arctique est un forum de discussion et non pas un organisme décisionnel. À ce titre (...)

35Lors du sommet d’Ilulissat qui s’est tenu au Groenland le 29 mai 2008, les pays côtiers de l’Arctique sont convenus de la nécessité de procéder au tracé des limites maritimes et se sont engagés, dans le cadre de leur coopération au sein du Conseil de l’Arctique11, à respecter les principes du droit international de la Convention de 1982 pour la définition et la négociation des limites des plateaux continentaux. Dans chaque pays, la rhétorique sert les intérêts électoraux des gouvernements, mais ces derniers sont bien conscients de l’avantage qu’ils peuvent tirer d’une coopération pour l’exploitation des ressources : peu de compagnies acceptent en effet d’investir dans des zones en litige.

36En 2009, l’Islande a déposé de son côté sa revendication auprès de la CLPC, et sa demande a été acceptée en 2016, produisant un triple chevauchement avec la revendication norvégienne (validée en 2006) et la revendication danoise.

37Le Danemark a procédé par étapes : en déposant un premier dossier en 2009 pour un plateau continental étendu au nord des îles Féroé, Copenhague arrêtait le compte à rebours en bénéficiant de la tolérance de la CLPC qui permet aux États qui ont effectué une demande partielle de soumettre la suite de leur revendication plus tard – sans échéancier précis d’ailleurs. En 2014, le Danemark, contrairement à ce que la plupart des observateurs attendaient (Lasserre, 2011), a déposé une revendication fort étendue dans le bassin central de l’océan Arctique. La plupart des analystes estimaient que la revendication russe était fort étendue, même si elle s’arrêtait au pôle Nord. La revendication danoise est nettement plus ambitieuse en ce qu’elle ne considère pas le pôle comme une limite tacite des revendications : elle s’étend loin vers le sud de l’autre côté du pôle Nord, le long de la dorsale de Lomonossov, jusqu’à la limite de la ZEE russe.

38Le Canada devait déposer sa revendication le 7 décembre 2013. Le 6 décembre, le gouvernement canadien a déposé une demande partielle sur l’Atlantique, après que le premier ministre Stephen Harper eut refusé de soumettre le dossier préparé sur l’Arctique et eut demandé aux services gouvernementaux de monter une revendication plus étendue (Chase, 2013). La nouvelle revendication a été déposée en mai 2019 et propose, elle aussi, une revendication se prolongeant au-delà du pôle Nord le long de la dorsale de Lomonossov et dans les fonds abyssaux du bassin océanique.

  • 12 Il existe une controverse quant à l’appartenance de l’Islande à la catégorie d’État riverain de l’o (...)

39Ce qui s’est passé ces dernières années au sujet des réserves exploitables de l’Arctique est sans doute un excès d’enthousiasme : plusieurs compagnies d’exploration font valoir que les gisements découverts à ce jour sont souvent difficiles à exploiter, et qu’ils contiennent certes beaucoup de gaz, mais moins de pétrole que prévu. Il est néanmoins certain que des gisements d’hydrocarbures importants restent à inventorier au nord-ouest de l’archipel canadien, à l’est du Groenland et dans les mers arctiques sibériennes. Les gisements miniers sont sans doute eux aussi prometteurs. C’est pour s’assurer la propriété de ces réserves à découvrir que les six pays côtiers de l’Arctique12 s’efforcent depuis plusieurs années de fourbir leurs arguments géologiques, avant d’aborder la phase des négociations politiques pour déterminer les délimitations des plateaux continentaux et des ZEE. La fièvre médiatique accréditant l’idée d’une course effrénée est ainsi une représentation très exagérée et peu conforme à la réalité tant historique que juridique. Cette «  fièvre arctique  » repose sur des scénarios dont rien encore ne laisse supposer qu’ils vont devenir réels : l’exploitation des gisements arctiques est en cours, mais, pour le moment, elle ne concerne que les terres et les ZEE, qui ne sont pas contestées. Il n’est pas certain que d’autres gisements soient découverts au-delà de la limite des 200 miles marins. En somme, c’est bien la fragilité des scénarios catastrophes qu’il convient de souligner ici. Si «  la bataille du Grand Nord a commencé  » (Labévière et Thual, 2008) comme certains l’affirment, cette bataille ne sera très probablement que politique. Ce ne sera sans doute pas facile – depuis 1967, le Canada et les États-Unis sont en désaccord sur la frontière de leurs espaces maritimes respectifs en mer de Beaufort… – mais les négociations, aussi âpres soient-elles, demeureront néanmoins dans les limites de la bienséance diplomatique. Le 27 avril 2010, la Norvège et la Russie, qui s’opposaient sur leurs limites maritimes depuis la guerre froide, ont annoncé, contre toute attente, avoir trouvé un terrain d’entente pour leur frontière commune en mer de Barents.

Quelles perspectives  ?

40Début décembre 2013, le gouvernement du Canada a déposé une demande partielle de plateau continental étendu portant sur le secteur atlantique auprès de la Commission sur les Limites du Plateau continental (CLPC) des Nations Unies. Il semble que le gouvernement canadien avait pourtant un dossier prêt à être soumis pour la région arctique, et que ce soit une décision politique du premier ministre Stephen Harper qui a conduit le gouvernement à surseoir au dépôt de sa revendication en Arctique. La raison invoquée fréquemment par les médias, et confirmée à demi-mot par le gouvernement, est d’étendre la revendication d’un plateau continental étendu jusqu’au pôle Nord (Chase, 2013). C’est chose faite depuis mai 2019, avec le dépôt d’une revendication canadienne d’un plateau continental étendu qui englobe le pôle Nord, dont la valeur stratégique est pourtant des plus réduites.

41Dans le cas spécifique de l’océan Arctique, les États sont de fait rendus à des étapes différentes de leurs revendications (tableau 6).

Tableau 6. État des revendications sur un plateau continental étendu en Arctique.

Russie

Norvège

Danemark

Islande

Canada

États-Unis

Date de ratification

12 mars 1997

24 juin 1996

16 nov. 2004

21 juin 1985

7 déc. 2003

Non ratifiée

Date butoir

13 mai 2009

13 mai 2009

16 nov. 2014

13 mai 2009

7 déc. 2013

-

Dépôt des revendications

20 déc. 2001

Nouveau dépôt, 3 août 2015

27 nov. 2006

Soumissions partielles :

- Nord des Féroé, 29 avril 2009

- Sud du Groenland, 23 juin 2012

- Est du Groenland, 27 nov. 2013

- Nord du Groenland, 11 déc. 2014

29 avril 2009

6 déc. 2013, partielle (Atlantique)

23 mai 2019, partielle (Arctique)

-

Avis de la Commission

Demande de précisions, 14 juin 2002

Revendication acceptée, 27 nov. 2009

Revendication au nord des îles Féroé acceptée, 25 mars 2014.

Revendication acceptée, 10 mars 2016

-

-

Source: Nations Unies, Oceans & Law of the Sea, Submissions, through the Secretary-General of the United Nations, to the Commission on the Limits of the Continental Shelf, pursuant to article 76, paragraph 8, of the United Nations Convention on the Law of the Sea of 10 December 1982, 12 décembre 2019, [en ligne] URL : https://www.un.org/​Depts/​los/​clcs_new/​commission_submissions.htm, consulté le 13 nov. 2020.

42La revendication de la Russie était la première à avoir été rendue publique. Elle a suscité de nombreuses réactions du fait qu’elle revendiquait la dorsale de Lomonossov jusqu’au pôle Nord. Or, tant le Canada que le Danemark ont dévoilé des revendications nettement plus étendues, dépassant le pôle Nord pour se rendre jusqu’à la limite de la ZEE russe dans le cas danois (voir figure 3). La nouvelle revendication russe déposée en 2015 est très semblable à celle de 2001 et ne va pas au-delà du pôle ; or il est beaucoup plus souvent fait état, dans les médias, d’une position russe présentée comme ambitieuse, alors que la revendication danoise s’étend bien au-delà du pôle à travers le cœur du bassin océanique jusqu’à la limite de la ZEE russe.

43Cinq États sur six ont déposé leur revendication, Norvège (2006), Russie (2001, 2015), Islande (2009) et Danemark (2012-2014), et celle du Canada qui a été déposée en mai 2019. La revendication étatsunienne ne peut être déposée officiellement tant que le Congrès n’aura pas ratifié la CNUDM.

Figure 3. Revendications sur des plateaux continentaux étendus et frontières maritimes en Arctique.

Figure 3. Revendications sur des plateaux continentaux étendus et frontières maritimes en Arctique.

Source : compilation au 1er juin 2020 des revendications officielles ou des projets de revendication, F. Lasserre ; Nations Unies, Submissions to the CLCS, [en ligne] URL : https://www.un.org/​Depts/​los/​clcs_new/​commission_submissions.htm, consulté le 5 juin 2020.

44Ainsi, contrairement à une idée reçue, de nombreuses frontières maritimes ont été tracées et mutuellement agréées entre États, dont le dernier accord entre Norvège, Islande et Danemark au nord des îles Féroé en octobre 2019 : on est loin de l’état de vive tension que certains analystes et médias dépeignent dans la région. Certes, les revendications plus récentes de l’Islande (2009), du Danemark (2012-2014) et du Canada (2019) induisent des chevauchements importants avec les revendications norvégienne ou russe. Il reste à voir si la CLPC acceptera l’étendue des prétentions russes, danoises et canadiennes. Quand bien même cela serait le cas, et que les États se retrouvent dans l’obligation de négocier les limites de leurs zones respectives, on a vu que cela est possible au vu des précédents (notamment avec le traité russo-norvégien de 2010) et au vu de la coopération arctique qui prévaut jusqu’à présent.

45Tout dépend de l’interprétation que les experts de la CLPC donneront des éléments scientifiques fournis par le Canada, la Russie et le Danemark. Plusieurs scénarios sont possibles :

  • La dorsale de Lomonossov relève du plateau continental eurasien, et en ce cas seule la revendication russe est légitime ;

  • La dorsale de Lomonossov est rattachée au plateau continental nord-américain, et alors les revendications danoise et canadienne sont légitimes, à charge pour eux de départager leurs espaces maritimes. Le pôle Nord se trouvant sur le versant européen de la dorsale, il est peu probable que le Canada puisse conserver l’atelier du Père Noël dans son espace maritime.

  • La dorsale de Lomonossov est distincte des plateaux continentaux et ne peut donc être revendiquée : en ce cas, les trois revendications sont nulles sur cette dorsale.

  • La dorsale de Lomonossov est un morceau de croûte continentale qui peut être rattachée tant au continent eurasien que nord-américain : auquel cas, les trois revendications seraient légitimes, à charge ensuite pour les trois États de se départager l’espace maritime en jeu et de définir des frontières maritimes. La CLPC n’a pas ce mandat.

46Les médias se sont largement fait l’écho d’une prétendue course à l’appropriation des fonds marins arctiques, selon une logique de premier arrivé, premier servi. Or, il n’en est rien. Tout d’abord, si hâte il y a, c’est parce que les États sont confrontés à une contrainte temporelle : 10 ans maximum pour soumettre leur revendication auprès de la CLPC après la ratification. Ensuite, il est peu vraisemblable, d’après les connaissances géologiques actuelles, de trouver d’importants gisements dans ces espaces maritimes – c’est une forme de principe de précaution qui motive les États ici, ne pas se priver d’espaces maritimes auxquels on a droit. Jusqu’à présent, les États arctiques ont largement coopéré et négocié nombre de limites maritimes.

Une course aux armements  ?

47Dans le contexte de l’ouverture croissante des espaces maritimes arctiques, suite à la fonte de la banquise en été, s’est également développé l’idée que l’Arctique serait à l’heure actuelle l’objet d’une course aux armements, traduction de l’appétit des États pour le contrôle des plateaux continentaux, des ressources et des routes stratégiques. Cette course prendrait fondamentalement la forme d’une rivalité entre Occidentaux et la Russie, accusée de fortement se réarmer dans la région.

Le développement de l’idée d’un réarmement agressif de la Russie en Arctique

48Depuis 2007, la Russie mène en Arctique une politique de réaffirmation de ses intérêts et de sa présence militaire. C’est principalement sous l’effet de cette politique que s’est développée cette idée de remilitarisation de l’Arctique, suite aussi aux discours de certains gouvernements, notamment canadien sous le gouvernement conservateur (2006-2015), dont la rhétorique faisait la part belle à de supposées menaces à leur souveraineté dans l’Arctique (Genest et Lasserre, 2015). Conjuguée de plus à une réelle dégradation des relations diplomatiques entre Moscou et les pays de l’OTAN suite à la crise ukrainienne de 2014, à un accroissement réel des activités militaires russes sur les théâtres baltique et scandinave, au déploiement militaire russe en Syrie (2015), cette politique russe en Arctique a suscité de nombreuses réactions, tant politiques que médiatiques.

49Il importe tout d’abord de souligner que, pour condamnables que soient l’annexion de la Crimée, le rôle probable de Moscou dans la guerre dans l’est de l’Ukraine, ces gestes, tout comme l’intervention russe en Syrie ou la recrudescence de l’activité militaire russe sur le théâtre baltique (Lasserre et Têtu, 2016), n’ont rien à voir avec l’Arctique : il faut donc se méfier de tout amalgame.

  • 13 Pour mémoire, réagissant à ce geste et à la bravade de M. Chilingarov, responsable de l’expédition (...)

50Il convient également de rappeler que, jusqu’au drapeau russe planté en août 2007 au pôle Nord, sur le plancher océanique, un geste sans portée juridique mais qui a suscité une très vive réaction du ministre des Affaires étrangères de l’époque, Peter Mackay13, on pouvait plutôt décrire la relation canado-russe sur les questions arctiques comme cordiale, voir coopérative, du fait de la convergence des points de vue sur la question des passages arctiques. Si Ottawa revendique la souveraineté canadienne sur le PNO, Moscou fait de même sur plusieurs segments du passage du Nord-est et entend bien contrôler les mouvements de tous les navires sur la Route maritime du Nord, et les deux États sont confrontés à la constante contestation de la part des États-Unis. Cette convergence d’intérêts entre Russie et Canada sur la question des passages arctiques a été soulignée en 2004 par de nombreuses visites diplomatiques, dont celles à Moscou du ministre canadien des Affaires étrangères Bill Graham en 2002, du premier ministre Paul Martin en 2004 et à nouveau de Bill Graham en 2005, en qualité de ministre de la Défense (Lasserre, 2017).

  • 14 Presidential Decree, President Dmitri Medvedev, 2008 Основы государственной политики Российской Фед (...)

51Néanmoins, en 2007, la Russie a repris ses patrouilles aériennes, notamment de bombardiers à long rayon d’action, à travers le bassin de l’océan Arctique, puis a également repris ses patrouilles maritimes en 2008, après plusieurs années d’interruption dans le contexte du marasme économique et financier qui a suivi la chute de l’URSS. Une volonté nette de redonner des moyens militaires conséquents à la Russie a émergé, pour défendre une zone définie comme stratégique à travers la Stratégie arctique (2008)14. Le Président Poutine avait également décrit l’Arctique en 2004 comme «  un territoire disputé riche en ressources naturelles  », où «  une sérieuse lutte d’intérêts opposés est en cours  » (Izvestia, 2004), et a promis, le 20 février 2012, un programme de réarmement sans précédent pour la Russie (Mer et Marine, 2012). Dès 2007, ce souci de se doter d’un outil militaire conséquent a fait annoncer à de hauts gradés de la marine russe leur objectif de se doter de 5 à 6 porte-avions d’ici 2025, puis 2060 (Defense Update, 2007 ; RIA Novosti, 2008). Un objectif intenable : l’état-major a dû reconnaitre par la suite n’avoir ni les capacités de construction ni les finances pour se doter d’autant de groupes de bataille autour de porte-avions (Lasserre et al., 2012).

52Depuis, les médias se font régulièrement l’écho de la mise en œuvre de ce réinvestissement militaire russe, en particulier dans l’Arctique. Les propos gravitent autour des points suivants :

  • La marine russe a lancé de nombreuses nouvelles unités de surface comme sous-marines et va continuer d’en recevoir en grand nombre d’ici quelques années (Sputnik, 2018).

    • 15 Dont celle de Gramer (2017) et surtout celle publiée par Business Insider et largement diffusée sur (...)

    La Russie a développé de nombreuses nouvelles bases militaires dans l’Arctique, avec un fort appui logistique : «  In recent years [sic], Russia unveiled a new Arctic command, four new Arctic brigade combat teams, 14 new operational airfields, 16 deepwater ports, and 40 icebreakers with an additional 11 in development  » (Gramer, 2017). Des cartes, recensant l’ensemble des bases russes dans l’Arctique, sont fréquemment mobilisées pour souligner l’ampleur du réinvestissement russe et, en contrepoint, la dispersion des bases canadiennes et américaines dans l’Arctique15.

Du rêve de grandeur militaire russe à la réalité

Quel renouveau de la flotte  ?

53Il apparait que le gouvernement russe regrette l’époque de la puissante soviétique passée et qu’il réaffirme régulièrement que l’on doit compter avec la Russie (Giusti et Penkova, 2008), ce dont témoigne le rêve de l’Amirauté russe des 5 groupes de bataille (carrier groups) à l’horizon 2025, horizon reporté à 2060, avant l’abandon du projet pour une option plus modeste d’un seul nouveau porte-avion (Samus, 2018). Ces péripéties sont révélatrices de la dynamique de la marine et du réarmement arctique russe : à la volonté politique, réelle, d’enrayer le déclin de l’appareil militaire s’oppose la dure réalité des finances publiques et de la perte de savoir-faire des chantiers navals russes.

54Ainsi, en 2013 on ne parlait plus que d’un seul nouveau porte-avion dans un avenir prévisible, le Shtorm de 100 000 t, qui devait être lancé en 2025 ; puis ce projet a été abandonné en 2015 pour un projet plus modeste de 70 000 t dont la construction a peu de chances d’aboutir avant 2025, car on estime la durée du chantier à environ 10 ans. Le seul porte-avion russe en activité, le Kuznetsov, connait d’importants problèmes de motorisation : il a été retiré pour des réparations majeures et sera non opérationnel jusqu’en 2021. Il est probable qu’il demeure actif au-delà de 2030, malgré son vieillissement, du fait des incertitudes concernant la mise en service du nouveau porte-avion (Samus, 2018).

55En 2012, Lasserre et al avaient rappelé que la marine russe connaissait un déclin important, tant en termes de tonnage que du nombre d’unités : le taux d’attrition (les retraits de service pour cause d’obsolescence) était bien supérieur à la mise en service de nouvelles unités. Au cours des dernières années, la flotte russe a ainsi effectivement reçu de nombreuses nouvelles unités : 3 sous-marins de classe Borei lanceurs d’engins/missiles balistiques (SNLE) (2013-2014) ; 2 sous-marins nucléaires d’attaque Yasen (SNA), 2014 et 2018 ; 6 sous-marins classiques SSK (2014-2016) ; 1 navire d’assaut (2018) ; 2 frégates (2012, 2018) ; 12 corvettes (2012-2018). Un effort réel de relance de la construction des sous-marins est perceptible, en témoigne le tableau des mises sur cale (tableau 7).

Tableau 7. Mise sur cale et entrée en service actif prévu pour les futurs sous-marins nucléaires russes, jusqu’en 2023.

Mise sur cale

Service actif prévu

Classe Yasen, SNA

Novosibirsk

2013

2019

Krasnoyarsk

2014

2020

Arkhangelsk

2015

2021

Perm

2016

2022

Ulyanovk

2017

2023

Classe Borei, SNLE

Knyaz Vladimir

2012

2019

Knyaz Oleg

2014

2019

Suvorov

2014

2020

Alexandr III

2015

2020

Knyaz Pozharskyi

2016

2021

Données au 1er janvier 2019.

Source : Lasserre, 2019d, données compilées par l’auteur, Jane’s Fighting Ships (IHS) et Flottes de Combat (Ouest-France).

56Mais ces nouvelles unités ne compensent pas les retraits et la chute dramatique du tonnage de la flotte russe depuis 1990 (Lasserre et al., 2012) (voir tableau 8), surtout compte tenu des probables retraits du service des anciens sous-marins nucléaires. En effet, le SNLE Delta III Ryazan, en service depuis 1982, devait être retiré en 2018, mais il a finalement été maintenu en service (Marrow, 2019). Le Typhoon Dmitriy Donskov est de facto retiré, car il sert de plate-forme d’essai du missile Bulava. Les six SNLE de classe Delta IV ont été admis au service actif de 1984 à 1990 et devraient rapidement atteindre leur limite d’âge. En ce qui concerne les SNA, 7 bâtiments ont été admis au service actif en 1990 ou avant et ont donc plus de 28 ans.

Tableau 8. Évolution de la flotte militaire soviétique/russe, 1983-2018. Effectifs par classe de navires.

1983

1991

2008

2018

Sous-marins nucléaires d’attaque (SNA)

70

65

35

18

Sous-marins nucléaires balistiques (SNLE)

67

60

19

11

Sous-marins nucléaires lance-missiles (SSGN)

40

43

11

8

Sous-marins diesel (SSK)

174

130

19

22

Porte-avion

3

5

1

1

Navire d’assaut

0

0

0

1

Croiseurs

45

30

7

5

Destroyers

105

37

19

12

Frégates

99

44

6

10

Corvettes

158

101

83

78

Source : Lasserre et al., 2012 ; Jane’s Fighting Ships, IHS, Londres ; Prézelin, B., Flottes de combat. ; List of active Russian Navy ships, Wikipédia.

57Il ressort du portrait de cette évolution :

  • Le rapide et très significatif reflux de la marine russe après la chute de l’Union soviétique en 1991. De nouvelles unités arrivent en service mais ne parviennent pas à enrayer le déclin imputable aux retraits massifs du service actif. On est donc loin, très loin de la taille de la marine à l’époque soviétique.

  • Certaines classes ont virtuellement disparu, comme les croiseurs ; un seul porte-avion sera en service pendant plusieurs décennies dans la marine russe.

  • Quoi que leurs effectifs diminuent aussi, le poids relatif des petites unités de surface, affectées à la défense côtière, augmente : frégates et corvettes. C’est une posture défensive, non pas hauturière.

  • La classe des sous-marins diesels (SSK) a connu un regain avec l’entrée en service de 6 bâtiments de la classe Improved Kilo/Varshavyanka de 2014 à 2016, renforçant le caractère défensif là encore de la marine russe.

    • 16 SSN et SSBN dans la terminologie anglaise.

    Il en est de même pour les sous-marins nucléaires, qui demeurent l’ossature de la flotte russe, en particulier les SNA et les SNLE16 : ils rappellent que le fondement de la stratégie navale russe demeure la dissuasion nucléaire, et non pas la capacité d’intervention mondiale, loin des bases.

58Ce déclin de la flotte russe, imputable en bonne part à un rythme de retrait trop rapide par rapport à la construction de nouvelles unités, a des causes structurelles : les difficultés budgétaires russes, malgré l’embellie pendant la période des cours élevés du pétrole de 2006 à 2013 environ : la chute des cours du pétrole et les sanctions occidentales suite à la crise ukrainienne ont durablement atteint le budget russe, donc sa capacité de payer pour poursuivre le programme de construction des unités navales. Cette contrainte financière durable renforce une autre difficulté : la perte graduelle de compétence et de capacité des chantiers navals russes : faute de commandes suffisantes pendant de nombreuses années, ces chantiers ont perdu de nombreux ingénieurs et n’ont pas investi suffisamment pour moderniser la capacité de production, les forçant à limiter leur rythme de construction. Ce sont des investissements majeurs, hors de portée du présent budget russe, qui seraient nécessaires pour retrouver une capacité de construction adaptée au programme d’équipement naval (Sheldon-Duplaix, 2015).

Quelles nouvelles bases russes en Arctique  ?

59Depuis 2013 environ, les médias occidentaux se font également l’écho de l’ambition russe de rétablir des bases militaires dans l’Arctique russe. Il s’agit essentiellement de restaurer des bases abandonnées suite à la chute de l’URSS en 1991 (Harding, 2013 ; Lasserre, 2019d).

  • 17 Par exemple, Staalesen (2016) parle de la nouvelle base de Nagurskoye, alors qu’il s’agit d’une anc (...)

60Ainsi, le gouvernement russe a entrepris de rétablir des aérodromes comme Nagurskoye, sur la Terre d’Alexandra dans l’archipel François Joseph ; Temp sur l’ile Kotelny ; Rogachevo en Nouvelle Zemble ; Tiksi ; Naryan-Mar ; Vorkuta, Alykel, Anadyr et Mys Shmidta (AllSource Analysis, 2015 ; Conley et Rohloff, 2015). Plusieurs de ces aérodromes n’ont jamais été totalement abandonnés, car ils avaient une vocation civile également, comme Naryan-Mar, Tiksi ou Anadyr. Certains aérodromes demeurent abandonnés comme Aspidnoye, Chekurovka, Tiksi Nord, Ostrov Bolshevik. Des cantonnements sont prévus, pouvant ainsi abriter entre 150 et 250 hommes, comme à Temp sur l’ile Kotelny où une première infrastructure a été érigée dès 2015 (AllSource Analysis, 2015), ou Nagurskoye sur la Terre d’Alexandra ; d’autres sont prévus à Sredny Ostrov, Rogachevo, l’ile Wrangel et Mys Shmidta (Radio Free Europe, 2015). Deux nouveaux aérodromes sont prévus pour compléter le réseau. Pourtant, nombre d’analystes occidentaux insistent sur la construction de nouvelles bases17. Foxall décrit ainsi la nouvelle base de Trefoil, construite sur la Terre d’Alexandra dans l’archipel François Joseph, comme une base «  majeure  » (Foxall, 2017, p. 8). Mais, si cette base constitue en effet une nouvelle installation dans l’archipel, elle ne peut accueillir que 150 hommes (BBC News, 2017) : il est difficile alors d’évoquer une «  base majeure  ».

61Quels positionnements d’appareils vont se mettre en place, compte tenu de la vulnérabilité relative de ces bases, du coût très élevé du stationnement permanent d’escadrilles de chasseurs et de bombardiers sur ces bases avancées, et que la doctrine d’emploi des bombardiers stratégiques est de les stationner hors de portée des frappes ennemies  ? Il semble que, plutôt que des bases à caractère offensif trans-arctique, ces bases constituent des points d’appui pour mieux contrôler les approches de la côte sibérienne grâce au positionnement d’un nombre limité d’avions de patrouille et de chasseurs (MiG 29, MiG-31, Su-27, Su-35) ou bombardiers tactiques (Su-34). Il semble plus crédible de voir dans la posture russe en Arctique – différente du bras de fer en mer baltique (Lasserre et Têtu, 2016) – le souci d’affirmer la présence russe tout en assurant la défense d’une région dont l’importance pour l’économie de la Russie ne cesse de croître, avec la mise en exploitation des gisements sibériens et l’épuisement progressif des sites méridionaux. De manière plus générale, à la faveur des changements climatiques, des espaces maritimes longtemps considérés comme fermés se sont ouverts rapidement, imposant aux États côtiers qui prétendaient en assurer la gouvernance par le biais de leur ZEE et de leurs plateaux continentaux étendus, de se donner les moyens de les contrôler et de faire appliquer leurs droits souverains (Lasserre et al., 2012).

Un accroissement capacitaire modéré des autres riverains

62Les autres États arctiques n’affichent pas du tout le même degré de réinvestissement dans l’équipement de leurs forces armées. Aux États-Unis, seul un brise-glace sur les 3 existants au début du siècle est encore opérationnel, le Healy. Au Canada, la rhétorique et l’activisme du gouvernement conservateur de Stephen Harper (2006-2015) ont accouché d’une souris. Le gouvernement avait annoncé moult investissements, brise-glace armés, base navale, radars de longue portée, patrouilleurs arctiques… Annoncée en 2007, la base navale de Nanisivik ne sera qu’un modeste dépôt logistique lorsqu’elle sera terminée, pas avant 2022 (Berthiaume, 2020) ; les projets de radars ont été abandonnés tout comme les brise-glace armés, et le nouveau brise-glace lourd, voté en 2008, initialement promis pour 2017, a pris un retard considérable (National Post, 2019). Quant aux patrouilleurs arctiques, deux ont finalement été lancés en 2018 et 2019, deux autres sont en construction (Leclair, 2019), pour là encore des retards considérables dans un programme annoncé dès 2006. En Norvège comme au Danemark, l’accroissement capacitaire est mesuré et traduit davantage le souci d’assurer la modernisation d’un outil polyvalent capable notamment de patrouiller efficacement des eaux plus accessibles qu’autrefois (Lasserre et al., 2012 ; Genest et Lasserre, 2015).

Conclusion

63Trois phénomènes ont été abordés ici : l’idée de l’explosion proche du trafic maritime de transit à travers les passages arctiques ; l’idée d’une course à l’appropriation des espaces maritimes arctiques ; et enfin l’idée d’une course aux armements, largement animée par la Russie, et qui s’alimenterait précisément du désir de contrôle de la région arctique dans un contexte de tensions politiques. À l’examen, il apparait que ces trois idées sont des chimères. Il n’y a pas d’expansion rapide du trafic maritime de transit en Arctique, mais une augmentation régulière du trafic de destination ; il n’y a pas de course à l’appropriation des espaces maritimes arctiques, mais une course contre la montre dans un contexte politique mariant coopération et respect de différends bien réels ; et l’image de la course aux armements semble masquer le déclin continu de la puissance russe malgré un effort réel de renforcement des capacités défensives dans la région.

64Ces phénomènes sont certes liés à l’ouverture de la région, à la faveur des changements climatiques et de la fonte de la banquise, qui laisse entrevoir, de manière illusoire, une grande ouverture commerciale ou un accès aisé aux ressources. Mais ils doivent aussi à l’évolution de paramètres non arctiques : ainsi, la conjoncture économique globale, le ralentissement de l’économie mondiale et la surcapacité des transporteurs maritimes, et le cours des matières premières ; la politique étrangère russe et le souci de Moscou de réaffirmer sa place sur la scène politique mondiale.

65L’analyse de ces trois phénomènes souligne ainsi tout à la fois l’intégration de la région arctique dans l’économie et la politique globales, mais aussi l’inexactitude des scénarios catastrophiques chers à de nombreux médias et personnages politiques : l’Arctique demeure encore, malgré l’existence de différends, marqué au coin de la coopération dans un monde certes en mutation rapide, mais sans emballement incontrôlé.

66Dans ces conditions, comment rendre compte de l’idée de tensions politiques qui traverseraient la région, et de l’activisme de certains États  ? Il importe déjà de souligner le caractère relatif de cet activisme : réel dans le cas de la Russie, il est très relatif dans les cas du Danemark, du Canada et des États-Unis, où les gestes concrets, surtout en matière d’équipement militaire, sont loin de rejoindre les déclarations. Un premier élément transparait ici : une part de la rhétorique militaire tient davantage de la gesticulation politique et du discours politique intérieur à saveur électoraliste (Genest et Lasserre, 2015) qu’à un réel regain de tension. La modernisation militaire russe est essentiellement défensive ; au Canada, depuis l’alternance électorale de 2015, on n’entend plus parler de l’urgence de défendre l’Arctique.

67Un autre élément tient à la crise ukrainienne, par définition non arctique, et qui affecte les relations régionales même si elles n’ont jamais interrompu le fonctionnement de la coopération régionale. Moscou affiche clairement son déplaisir et les frictions, bien réelles, entre l’OTAN et la Russie en mer Baltique débordent parfois en mer de Barents entre Norvège et Russie. Mais ces frictions n’ont guère débordé sur d’autres zones de l’Arctique.

  • 18 Agreement on Cooperation on Aeronautical and Maritime Search and Rescue in the Arctic, Nuuk, 12 mai (...)

68Un dernier élément tient à la progressive adaptation des États aux contraintes juridiques et climatiques de la région. Les États disposent de 10 ans pour monter un dossier de revendication de plateau continental étendu et c’est cette course contre la montre qui a parfois été interprétée comme une course à l’appropriation des espaces maritimes. De plus, les changements climatiques, en ouvrant ces espaces maritimes, imposent aux États riverains de se doter d’équipement pour les surveiller. Par exemple, le récent moratoire sur la pêche au cœur de l’océan Arctique signé en octobre 2018 entre les 5 États riverains, l’Islande, la Chine, le Japon, la Corée du Sud et l’Union européenne, n’a guère de sens sans des patrouilles pour valider son respect ; l’accroissement du trafic maritime impose aussi aux États riverains de s’équiper pour faire face à leurs responsabilités, partagées paisiblement à travers le traité sur les zones de recherche et sauvetage du Conseil de l’Arctique18. L’équipement des gardes côtières et des forces armées se comprend dès lors comme la nécessité de pouvoir contrôler un espace de plus en plus ouvert et intégré à l’espace mondial.

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Notes

1 Données du siège de NORDREG, Northern Canada Vessel Traffic Services Zone Regulations/ Règlement sur la zone de services de trafic maritime du Nord canadien, Iqaluit (Nunavut).

2 Directement sur le site de la NSRA, [en ligne] URL : www.nsra.ru, ou colligées et mises en forme sur le site du Center for High North Logistics (CHNL), [en ligne] URL : www.chnl.no/

3 Et dont on trouve des illustrations dans des articles comme Borgerson, S. «  Arctic meltdown  ». Foreign Affairs, 87(2), 2008, 63-87 ; Borgerson, S., 2013, The coming Arctic boom, Foreign Affairs, 92(4), pp. 76-89 ; Howard, R., 2009, The Arctic gold rush : The new race for tomorrow's natural resources. London : Continuum ; Emmerson, C., 2011, The future history of the Arctic. Londres : Random House ; O'Leary, C., 2014, The New Ice Age : The Dawn of Arctic Shipping and Canada's Fight for Sovereignty Over the Northwest Passage, Univ. Miami Inter-Am. Law Review46, pp. 117-124.

4 La Route maritime du Nord est la portion du passage du Nord-est comprise entre le détroit de Kara et le détroit de Béring. Cette section maritime est administrée directement par l’Administration de la RMN et la Russie a établi un régime strict de demande de permis pour tout navire souhaitant y circuler.

5 Dans la zone définie par le code polaire de 2017. Voir par exemple Protection of the Arctic Marine Environment, [en ligne] URL : https://www.pame.is/index.php/projects/arctic-marine-shipping/the-arctic-shipping-best-practices-information-forum/the-polar-code.

6 Incluant toute la mer de Norvège et la mer de Béring.

7 Courrier international, 2008, Arctique : l’autre guerre froide, Courrier international, 935 (2-8 octobre), p. 10-15 ; Kopp, D., 2007, Début de guerre froide sur la banquise, Le Monde diplomatique, septembrepp. 4-5 ; Bartlett, D., 2008, Arctic Host to a New «  Cold War  », BBC News, 19 mai, [en ligne] URL : http://news.bbc.co.uk/2/hi/business/7408896.stm ; National Geographic, 2018, Scenes from the new Cold War unfolding at the top of the world. Militaries are scrambling to control the melting Arctic, octobre, [en ligne] URL : https://www.nationalgeographic.com/environment/2018/10/new-cold-war-brews-as-arctic-ice-melts/.

8 Les droits souverains dans les ZEE concernent la colonne d’eau mais aussi les ressources du sol et du sous-sol marin (art. 56 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer).

9 Cette estimation ne tenait que partiellement compte à l’époque des gisements de pétrole non conventionnels à découvrir. Il n’y a pas eu d’autre estimation.

10 Le rapport du USGS de 2008, qui évalue des réserves estimées, parle de 13 % des réserves de pétrole à découvrir et de 30 % des réserves de gaz à découvrir. Cela représente environ 90 milliards de barils de pétrole et 47 251 milliards m3 de gaz, soit environ 5,2 % des réserves mondiales de pétrole et 24 % des réserves mondiales de gaz prouvées en 2018.

11 Le Conseil de l’Arctique est un forum de discussion et non pas un organisme décisionnel. À ce titre, cette institution s’efforce de promouvoir la coopération, mais ne décide rien sans le consensus des États membres.

12 Il existe une controverse quant à l’appartenance de l’Islande à la catégorie d’État riverain de l’océan Arctique, plusieurs États considérant qu’elle se trouve en réalité dans l’Atlantique nord. C’est la raison pour laquelle elle n’a pas signé la déclaration d’Ilulissat de 2008 sur l’application du droit de la mer sur l’océan Arctique, n’ayant pas été invitée à le faire. Déclaration d’Ilulissat, 2008, [en ligne] URL : https://arcticportal.org/images/stories/pdf/Ilulissat-declaration.pdf, consutlé le 23 sept. 2020..

13 Pour mémoire, réagissant à ce geste et à la bravade de M. Chilingarov, responsable de l’expédition russe qui avait affirmé que «  l’Arctique [était] russe  » (The Guardian 2 août 2007), M. Mackay aurait répliqué en affirmant que «  This isn't the 15th century. You can't go around the world and just plant flags and say : 'We're claiming this territory'  ». Pourtant, il a tout de suite enchainé, dans une phrase nettement moins reprise par les médias, «  There is no threat to Canadian sovereignty in the Arctic ... we’re not at all concerned about this mission — basically it’s just a show by Russia,  » (UK Reuters, 2 août 2017, [en ligne] URL : https://uk.reuters.com/article/uk-russia-arctic-canada-idUKN0246498520070802).

14 Presidential Decree, President Dmitri Medvedev, 2008 Основы государственной политики Российской Федерации в Арктике на период до 2020 года и дальнейшую перспективу [Fundamentals of the State policy of the Russian Federation in the Arctic in the period up to 2020 and beyond], septembre, [en ligne] URL : http://government.ru/info/18359/

15 Dont celle de Gramer (2017) et surtout celle publiée par Business Insider et largement diffusée sur le net depuis (Nudelman et Bender, 2015).

16 SSN et SSBN dans la terminologie anglaise.

17 Par exemple, Staalesen (2016) parle de la nouvelle base de Nagurskoye, alors qu’il s’agit d’une ancienne base soviétique, bâtie dès 1947. Foxall (2017) parle de la construction d’aérodromes à Severomorsk-3 et à Naryan-Mar, alors que ces bases existaient déjà, et qui plus est, n’ont jamais été abandonnées.

18 Agreement on Cooperation on Aeronautical and Maritime Search and Rescue in the Arctic, Nuuk, 12 mai 2011.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Limite des ZEE dans l’Arctique.
Légende Juin 2019.
Crédits Source : adapté de F. Lasserre, 2010b.
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/29603/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,4M
Titre Figure 2. Les espaces maritimes prévus par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
Légende CNUDM, 1982.
Crédits Source : K. Bartenstein, 2010.
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/29603/img-2.png
Fichier image/png, 303k
Titre Figure 3. Revendications sur des plateaux continentaux étendus et frontières maritimes en Arctique.
Crédits Source : compilation au 1er juin 2020 des revendications officielles ou des projets de revendication, F. Lasserre ; Nations Unies, Submissions to the CLCS, [en ligne] URL : https://www.un.org/​Depts/​los/​clcs_new/​commission_submissions.htm, consulté le 5 juin 2020.
URL http://journals.openedition.org/vertigo/docannexe/image/29603/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 2,0M
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Pour citer cet article

Référence électronique

Frédéric Lasserre, « Bateaux, plateaux, arsenaux : quels enjeux géopolitiques dans un Arctique en mutation ? »VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Hors-série 33 | mars 2021, mis en ligne le 25 mars 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/vertigo/29603 ; DOI : https://doi.org/10.4000/vertigo.29603

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Auteur

Frédéric Lasserre

Professeur, Département de Géographie, Université Laval, Directeur du Conseil québécois d’Études géopolitiques (CQEG), Canada, courriel : Frederic.lasserre@ggr.ulaval.ca

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