LE CReSP RÉPOND À VOS QUESTIONS

Volume 1, numéro 10
Jeudi, 25 juin 2020
Le Centre de recherche en santé publique (CReSP) est l’un des nouveaux centres financés par le Fonds de recherche du Québec – Santé.
Le CReSP est issu d’un partenariat entre le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et l’Université de Montréal. Il compte 53 membres chercheurs réguliers et des experts utilisateurs de connaissances.
Afin de répondre aux questions de santé publique en lien avec la pandémie de la COVID-19, le CReSP met en place un bulletin d’information à destination des praticiens et des gestionnaires du système de santé publique qui n’ont pas le temps de se tourner vers la littérature pour répondre à leurs préoccupations de santé publique dans le contexte actuel.

Louise Potvin, PhD
Directrice scientifique du CReSP
L'équipe éditoriale du bulletin est composée d'Hélène Carabin, rédactrice en chef et spécialiste en épidémiologie, et de trois rédacteurs : Roxane Borgès Da Silva, spécialiste en organisation des services de santé, Maximilien Debia, spécialiste en hygiène du travail, et Kate Zinszer, spécialiste en épidémiologie.


Hélène Carabin, DVM, PhD
Rédactrice en chef
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QUESTION DE LA SEMAINE - 25/06/2020
Foyers d’infection de la COVID-19 dans les services de garde et les écoles (primaires et secondaires) à travers le monde: facteurs de risques, symptômes, et taux d’attaque.

AUTEURES : Laura Pelland-St-Pierre, étudiante au doctorat en santé publique, option épidémiologie et Louise Duquesne, étudiante à la maîtrise en santé environnementale
RÉDACTRICE : Kate Zinszer, PhD

Les indices réfèrent à des limites d'étude en bas de page.


Taux d’attaque et symptômes de la COVID-19 chez les enfants d’âge préscolaire ou scolaire

À RETENIR: Les données probantes semblent démontrer que la susceptibilité et le risque de développer des symptômes cliniques suite à une infection au SARS-CoV-2 augmentent avec l’âge. De plus, les enfants sont souvent asymptomatiques, ce qui rend d'autant difficile l’obtention d’une estimation valide du taux d'attaque dans cette population.

  • Une étude transversale utilisant les données de surveillance de 3 353 individus provenant de 637 foyers en Israël indique que les enfants seraient moins à risque d’infection que les adultes (25% d’enfants positifs contre 44% d’adultes positifs dans l’échantillon testé) (1a).
  • Les programmes de dépistage à grande échelle en place, notamment en Corée du Sud, en Italie et en Islande, ainsi que des données de traçage du coronavirus, démontrent que les enfants ont un taux d’attaque plus faible comparativement aux adultes (2).
  • En simulant des modèles de propagation du coronavirus pour des pays aux caractéristiques démographiques différentes, dont le Canada, une équipe a estimé que la susceptibilité d’infection chez les personnes de moins de 20 ans était la moitié de celle des adultes. De plus, ils ont estimé que les symptômes cliniques d’une infection au SARS-Cov-2 ne se manifestaient que dans 21% (12-31%) des infections chez les enfants et dans 69% (5-82%) chez les adultes (3c).
NB : Le taux d’attaque est défini comme le nombre de personnes infectées divisé par le nombre de personnes à risque pour une période définie.

 
Impact de la fermeture et de l’éventuelle réouverture des écoles et des garderies sur les foyers d’infection du SARS-CoV-2 

À RETENIR: Étant donné la fermeture de la majorité des garderies et des écoles (primaires et secondaires) dans le monde, peu d’études rapportent des foyers d’infection dans ces milieux; la majorité étant des études de modélisation. Certains chercheurs soutiennent que les enfants seraient d’importants vecteurs en milieux scolaire et préscolaire alors que d’autres croient en un rôle limité de ceux-ci dans la propagation du SARS-CoV-2. L’impact de la fermeture des garderies et des écoles sur la propagation du coronavirus reste donc controversé.
  • Mondialement, la fermeture des garderies et des écoles (primaires et secondaires) a été l’une des premières mesures de mitigation de la transmission du coronavirus affectant un peu plus de 60% des élèves et étudiants en date du 18 juin 2020 (estimations faites par l’UNESCO) (4a).
  • À ce jour, les quelques rapports et publications scientifiques ayant trait aux cas de SARS-Cov-2 en milieux scolaire et préscolaire ne rapportent aucun foyer d’infection, uniquement des cas sporadiques (5a, 6ad, 7a). À titre d’exemple, une étude transversale réalisée dans une garderie belge juste avant le confinement et la fermeture des écoles n’avait détecté aucun cas de SARS-CoV-2 auprès de 84 enfants âgés de 6 à 30 mois (6a, d). D’autre part, malgré des contacts étroits entre enfants et professeurs asymptomatiques dans des écoles restées ouvertes en Australie, aucune transmission d’enfant à professeur n’a été répertoriée dans le rapport émis en avril 2020 par le National Centre for Immunisation Research and Surveillance (7a).
  • La Suède est l’un des rares pays qui a décidé de maintenir ses écoles (jusqu'à la 9e année) et garderies ouvertes. Malgré cela, aucune donnée épidémiologique qui aurait pu aider à comprendre le rôle des écoles dans la propagation du coronavirus n’a été collectée (8a, b).
  • Des études de modélisation de l’impact de la fermeture des écoles sur la trajectoire de l’épidémie indiquent qu’environ 2 à 4% des décès auraient été évités (9a, c). Plusieurs auteurs argumentent que les enfants seraient peu susceptibles d’être la source initiale d’une infection dans leur famille (10c, 11a, c, 12). Une revue systématique appuie cette idée en ajoutant que la plupart des enfants infectés seraient initialement liés à un adulte du foyer familial (9a, c).
  • D’un autre côté, une étude visant à estimer l’effet sur les hospitalisations en Ile-de-France soutient qu’avec une réouverture des écoles au maximum de leur capacité en juin, le système de soins intensifs se retrouverait submergé (138% [118-159%] d’occupation), attribuant ainsi un rôle important aux écoliers dans la transmission du coronavirus (13a, c).
  • De plus, une étude de cohorte rétrospective française d’élèves et leur famille, ainsi que le personnel d’une école (N=661), recense un taux d’attaque total de 25.9%, soit 171 personnes ayant développé des anticorps au SARS-CoV-2. Le taux d'attaque était plus élevé parmi les membres de l'école (38.3%, 43.4% et 59.3% pour les élèves, les professeurs et le personnel de l'école respectivement) que parmi les parents et les frères/soeurs (11.4% et 10.2% respectivement) (14a).  
  • Keeling et al. proposent un déconfinement progressif des écoles où la densité des classes devrait être diminuée avec des contacts restreints parmi les élèves en plus d’une application rigoureuse des mesures d’hygiène (15a). 
  • D’autre part, des études sur le virus de l’influenza ont rapporté que la fermeture des écoles ne serait efficace que lorsque le R0 est faible (R0<2) et lorsque le taux d’attaque est plus important chez les enfants que chez les adultes (16). Une revue de littérature sur le même sujet (17), appuyée par une étude de modélisation anglaise (10c), suggère que les avantages de la fermeture des écoles pourraient être plus faibles qu’espérés puisque les contacts entre enfants et entre enfants et adultes se maintiennent. 

Conclusion :

À ce jour, des études démontrent que les enfants sont moins susceptibles d’attraper la COVID-19 et moins susceptibles de la propager comparativement aux adultes. En ce sens, de nombreux auteurs soutiennent que les enfants n’auraient qu’un impact restreint dans la transmission du SARS-CoV-2 et donc que la fermeture des garderies et des écoles (primaires et secondaires) n’aurait eu qu’une portée limitée. Toutefois, étant donné la fermeture massive des écoles et des garderies dans le monde, la majorité des données scientifiques proviennent d’études de modélisation qui peuvent avoir une portée et une fiabilité limitée, d’autant plus que plusieurs se basent sur des paramètres dérivés de l’influenza. Ces études démontrent que la fermeture des écoles aurait permis de réduire la vitesse de propagation du virus; mettant en lumière le rôle des enfants dans la pandémie.

Il est important de noter que les médias ont rapporté un certain nombre de d’éclosions dans des garderies et des écoles primaires et secondaires restées ouvertes ces derniers mois, notamment en Suède mais aussi au Québec, au Vermont, en Nouvelle-Zélande, en Australie, etc. Pourtant, aucun article scientifique n’en a fait mention jusqu’à présent. Il est difficile de déterminer si les médias auraient mal rapporté ces évènements mais, il est certain qu’il est nécéssaire d’en prendre compte lors de l’interprétation des données scientifiques sur le sujet des éclosions en milieu scolaire.


Principales limites méthodologiques

a. Études non révisées par les pairs (incluant les preprints)

b. Publication sous forme de commentaire ou lettre à l’éditeur

c. Possibilité de biais de confusion

d. Estimations basées sur des échantillons de petite taille.

e. Possibilité de biais de sélection

f. Rapport de cas

 

Références avec évaluation par les pairs

2. Munro APS, Faust SN. Children are not COVID-19 super spreaders: time to go back to school. Arch Dis Child. 2020;05:05.

3. Davies NG, Klepac P, Liu Y, Prem K, Jit M, group CC-w, et al. Age-dependent effects in the transmission and control of COVID-19 epidemics. Nat Med. 2020.

10. Davies NG, Kucharski AJ, Eggo RM, Gimma A, Edmunds WJ, Jombart T, et al. Effects of non-pharmaceutical interventions on COVID-19 cases, deaths, and demand for hospital services in the UK: a modelling study. The Lancet Public Health. 2020.

12. Sypsa V, Roussos S, Paraskevis D, Lytras T, Tsiodras S, Hatzakis A. Modelling the SARS-CoV-2 first epidemic wave in Greece: social contact patterns for impact assessment and an exit strategy from social distancing measures. medRxiv. 2020:2020.05.27.20114017.

16. Viner RM, Russell SJ, Croker H, Packer J, Ward J, Stansfield C, et al. School closure and management practices during coronavirus outbreaks including COVID-19: a rapid systematic review. Lancet Child Adolesc Health. 2020;4(5):397-404.

17. Rashid H, Ridda I, King C, Begun M, Tekin H, Wood JG, et al. Evidence compendium and advice on social distancing and other related measures for response to an influenza pandemic. Paediatr Respir Rev. 2015;16(2):119-26.

Références sans évaluation par les pairs

1. Dattner I, Goldberg Y, Katriel G, Yaari R, Gal N, Miron Y, et al. The role of children in the spread of COVID-19: Using household data from Bnei Brak, Israel, to estimate the relative susceptibility and infectivity of children. medRxiv. 2020:2020.06.03.20121145.

5. Brurberg K. The role of children in the transmission of SARS-CoV-2 (COVID-19), 1st update – a rapid review. Oslo: Norwegian Institute of Public Health2020 [Available from: https://www.fhi.no/en/publ/2020/The-role-of-children-in-the-transmission-of-SARS-CoV-2-COVID-19-1st-update/].

6. Stefanie D, Esra E, Ine W, Bram D, Kurt B, Surbhi M-K, et al. No SARS-CoV-2 carriage observed in children attending daycare centers during the first weeks of the epidemic in Belgium. medRxiv. 2020.

8. Vogel G. How Sweden wasted a ‘rare opportunity’ to study coronavirus in schools. Science. 2020.

9. Ferguson N, Laydon D, Nedjati-Gilani G, Imai N, Ainslie K, Baguelin M, et al. Report 9: Impact of non-pharmaceutical interventions (NPIs) to reduce COVID-19 mortality and healthcare demand. Imperial College COVID-19 Response Team2020 [Available from: https://www.imperial.ac.uk/media/imperial-college/medicine/sph/ide/gida-fellowships/Imperial-College-COVID19-NPI-modelling-16-03-2020.pdf].

11. Ludvigsson JF. Children are unlikely to be the main drivers of the COVID-19 pandemic - a systematic review. Acta Paediatr. 2020;19:19.

13. Laura Di D, Giulia P, Chiara ES, Pierre-Yves B, Vittoria C. Expected impact of reopening schools after lockdown on COVID-19 epidemic in Île-de-France. medRxiv. 2020.

14. Fontanet A, Tondeur L, Madec Y, Grant R, Besombes C, Jolly N, et al. Cluster of COVID-19 in northern France: A retrospective closed cohort study. medRxiv. 2020.

15. Keeling MJ, Tildesley MJ, Atkins BD, Penman B, Southall E, Guyver-Fletcher G, et al. The impact of school reopening on the spread of COVID-19 in England. medRxiv. 2020:2020.06.04.20121434.

Autres références

4. UNESCO. Education: From disruption to recovery 2020 [Available from: https://en.unesco.org/covid19/educationresponse].

7. National Centre for Immunisation Research and Surveillance. COVID-19 in schools – the experience in NSW. 2020 [Available from: http://ncirs.org.au/sites/default/files/2020-04/NCIRS%20NSW%20Schools%20COVID_Summary_FINAL%20public_26%20April%202020.pdf].

ÉQUIPE DE PRODUCTION DU BULLETIN:

Iliana Guentcheva, courtière de connaissances, CReSP;

Patricia Dias da Silva, agente de communication, CReSP;

Josianne Crête, agente de planification, de programmation et de recherche, DEUR;

Sylvie Fontaine, bibliothécaire, Université de Montréal;

Mariane Léonard, bibliothécaire, Université de Montréal; 

Camille Darriet, M.Sc. Université Concordia.

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