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Les réfugiés, une main-d’œuvre à part ? Conditions de séjour et d’emploi, France, 1945-1975

Alexis Spire
p. 13-38

Résumés

Si les politiques restrictives en matière d’immigration ont mis en évidence ces quinze dernières années l’assujettissement de la politique d’asile à la politique migratoire, le lien entre l’accueil des réfugiés et l’immigration économique sont bien antérieurs. Entre 1945 et 1974 les réfugiés étaient considérés comme une main-d’œuvre parmi les autres. Les bureaux d’orientation et de placement des réfugiés ont facilité leur intégration sur le marché du travail en période de pénurie de main-d’œuvre, mais dès la fin des années soixante les premières mesures destinées à juguler l’importance prise par les régularisations des étrangers entrés irrégulièrement en France (notamment sanction financière pour leurs employeurs) ne font aucune exception pour les réfugiés. Finalement, il faut attendre la suspension de l’immigration de travail en 1974 pour qu’un régime véritablement spécifique soit accordé aux réfugiés.

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Notes de la rédaction

Ce texte a été publié une première fois dans Guillon, Legoux, Ma Mung eds, 2003

Texte intégral

1La concomitance entre l’affirmation d’une volonté de maîtrise des flux migratoires et les restrictions en matière d’accueil des réfugiés a progressivement accrédité l’idée d’un assujettissement de la politique d’asile à la politique migratoire. Selon les périodes et l’état d’achèvement du droit international, les conditions de séjour et d’accès au marché du travail des demandeurs d’asile et des réfugiés se sont plus ou moins distinguées de celles réservées à l’ensemble de la population étrangère. L’objectif de cette contribution est de s’interroger sur l’évolution, entre 1945 et 1975, de cette tension entre spécificité du traitement des réfugiés et contrôle des conditions de séjour et de travail des étrangers, tout au long d’une période marquée plutôt par une politique d’appel à la main-d’œuvre étrangère.

  • 1  Il en est ainsi de la Convention sur le statut des réfugiés provenant d’Allemagne, signée à Genève (...)
  • 2  Ces titres, dont le nom est emprunté au docteur Fritjhof Nansen, ancien commissaire de la SDN en c (...)

2À la Libération, la catégorie de « réfugié », mentionnée dans certaines conventions internationales1 signées par la France, n’est pas encore constituée dans la pratique administrative ; elle regroupe d’une part les personnes déplacées stationnées en pays étrangers et d’autre part les bénéficiaires de titres Nansen2 qui résident en France. Utilisés pour pallier les insuffisances de main-d’œuvre, ces travailleurs particuliers ont l’avantage de n’être soumis à aucune convention bilatérale et de ne revendiquer la protection d’aucun État. La signature de la Convention de Genève en juillet 1951 constitue une étape importante dans le processus d’élaboration d’un statut du réfugié mais au-delà des résolutions de principe du droit international, il faut se demander quelles ont été les conditions pratiques d’application de cette nouvelle législation. Présenté souvent comme un impératif éthique, l’asile répond surtout à des intérêts politiques et sociaux qui peuvent être contradictoires. Ainsi, lorsque l’activité économique commence à ralentir à la fin des années soixante, les premières mesures prises pour limiter le recours des employeurs aux régularisations ne font aucune exception pour les réfugiés et s’appliquent à tous les étrangers entrés de façon irrégulière ; ce nouveau dispositif va contribuer à accroître la confusion entre traitement de l’asile et recours à la main-d’œuvre étrangère. Finalement, il faut attendre la suspension de l’immigration de travail pour qu’un régime véritablement spécifique soit accordé aux réfugiés.

Les réfugiés : une main-d’œuvre comme les autres

  • 3  Il s’agit de populations déportées par les Allemands pour des motifs politiques ou au titre du tra (...)
  • 4  La délégation française de l’OIR les aide à produire leurs documents d’état civil et leur délivre (...)
  • 5  Outre les 600 000 Volksdeutsche vivant pour la plupart en Autriche, une part importante de ces per (...)

3Dès la fin de la guerre, la question du recours à la main-d’œuvre étrangère se pose aux autorités françaises en même temps que celle de la gestion des populations réfugiées. Une réserve importante de main-d’œuvre s’offre dans les camps de personnes déplacées3 installés dans les zones occupées d’Allemagne et d’Autriche. De mai 1945 à mars 1946, quelques 3 000 de ces personnes déplacées sont acheminées vers la France. À partir de 1947, elles sont placées sous la responsabilité de l’OIR (Organisation Internationale pour les Réfugiés) qui se voit rapidement confier deux attributions fondamentales : attester la reconnaissance des réfugiés et leur assurer une assistance dans leurs démarches quotidiennes4. Provenant pour la plupart d’Europe centrale5, ces populations présentent le double avantage de constituer un réservoir de main-d’œuvre et de former une population considérée comme assimilable.

L’échec du recrutement des personnes déplacées comme main-d’œuvre

4Pour le gouvernement français, l’immédiat après-guerre est marquée par la difficulté d’organiser une immigration de main-d’œuvre contrôlée par l’État et assurée par la signature de conventions bilatérales. En effet, l’accord signé avec le gouvernement italien le 22 février 1946 s’avère très vite insuffisant : prévoyant le recrutement de 20 000 ouvriers en direction des mines, il n’a abouti le 30 novembre 1946 qu’à l’introduction par l’Office National d’Immigration (ONI) de 3 000 Italiens. Dans ce contexte de pénurie de main-d’œuvre, le recours aux personnes déplacées a l’avantage de ne pas être soumis aux exigences d’un État d’origine : les modalités de recrutement sont fixées par le gouvernement français et nécessitent seulement l’avis de l’Organisation Internationale pour les Réfugiés (OIR).

  • 6  CAC 19850705 art. 1.

5Le premier accord, signé en juin 1947 et complété par celui du 13 janvier 1948 concerne le recrutement de travailleurs dans les conditions normales de l’immigration en France. L’Office National d’Immigration (ONI) fait venir, sans leur famille, des volontaires qui signent un contrat de travail avant leur départ des camps allemands. Mais très vite, cette procédure baptisée « immigration directe », n’atteint pas les résultats escomptés : beaucoup de personnes déplacées vivant dans le cadre de familles nombreuses refusent de partir ; de leur côté, les représentants de l’OIR regrettent que le souci français de pallier les insuffisances du marché du travail l’emporte sur la volonté de résoudre le problème des réfugiés (Noiriel, 1991 : 135). L’instrumentalisation de cette question de l’asile s’illustre parfaitement dans le rapport que le directeur de l’ONI dresse pour l’année 1949 : P. Bideberry préconise de renoncer aux introductions de personnes déplacées car « il ne reste plus que les intellectuels, les non-travailleurs et les infirmes »6.

6Suite à ce premier échec, une nouvelle expérience, intitulée « Plan culture famille », est engagée : les deux nouveaux accords, signés le 9 août et le 16 novembre 1948, prévoient le recrutement direct de personnes déplacées avec leur famille. Les représentants français s’engagent à accueillir 1 000 familles, originaires pour la plupart d’Europe centrale, à condition qu’elles acceptent d’être « placées » en milieu rural. L’organisation concrète prévue pour ce projet illustre à elle seule la confusion établie alors entre réfugiés et main-d’œuvre d’appoint : après une soigneuse sélection dans les missions de l’ONI, les personnes déplacées sont acheminées en France dans des centres spéciaux où les employeurs sont appelés à choisir sur place les travailleurs et leur famille à leur convenance. Ce nouveau procédé vise à déjouer la méfiance des employeurs agricoles vis-à-vis de l’embauche de travailleurs qu’ils ne connaissent pas.

  • 7  La commission nationale de la main-d’œuvre réunie le 28 mars 1950 évalue à 2 811 familles, représe (...)

7Mais très rapidement, les fonctionnaires du ministère du Travail jugent que les besoins à satisfaire dans l’agriculture concernent des célibataires, sans personnes à charge, et qualifiés pour certains travaux. En mars 1950, dans un contexte de marché du travail saturé, ils proposent la dénonciation des accords relatifs au « Plan culture famille ». L’opération qui a été menée avec beaucoup de retentissement est donc interrompue en juin 1950 et n’a bénéficié en trois ans qu’à un peu plus de 10 000 personnes déplacées7 tandis que dans le même temps, l’ONI a recruté plus de 200 000 travailleurs, permanents ou saisonniers.

Le placement des réfugiés sur le marché du travail

  • 8  Organisation Internationale des Réfugiés (OIR) active de 1946 à 1950.

8Le recrutement de réfugiés à l’extérieur du territoire national, sur le modèle des missions de l’ONI installées à l’étranger, n’a donc pas été probant. Néanmoins, parallèlement se met en place un dispositif institutionnel complexe destiné à « placer » sur le marché du travail les réfugiés arrivés par leurs propres moyens sur le territoire. Si l’administration française a accepté de déléguer la procédure d’identification des réfugiés à un organisme international indépendant8, elle entend conserver certaines prérogatives quant au contrôle du marché du travail.

  • 9  Circulaire de l’inspection divisionnaire du travail du 14 août 1948, F7 16070.
  • 10  Ce phénomène existait déjà dans l’entre-deux guerres ; la trajectoire de Norbert Elias, professeur (...)

9Au cours du mois de mai 1948, la commission interministérielle à l’immigration décide l’organisation d’un « centre de sélection médicale et professionnelle et de placement » pour les réfugiés affluant vers la région parisienne. Quelques mois plus tard, un Bureau d’Orientation et de Placement des Réfugiés (BOPRE) est créé à Paris9. Dès leur arrivée, les réfugiés sont dirigés vers le BOPRE qui fait régulariser leur situation du point de vue du séjour, vérifie leurs qualifications professionnelles et les envoie au centre médical du ministère du Travail. Ce dispositif s’avère très vite efficace en termes quantitatifs ; en février 1949, il est étendu à Lille, Nancy, Bordeaux et Lyon et le ministère du Travail annonce bientôt la création de bureaux à Clermont-Ferrand, Toulouse et Marseille. Ces bureaux d’orientation permettent de procéder au « placement » de l’ensemble des réfugiés mais la plupart du temps, les offres de travail se limitent aux secteurs déficitaires, telles que l’agriculture ou les mines. L’obligation de répondre aux insuffisances du marché du travail rend le « placement » des réfugiés d’autant plus difficile qu’ils ont exercé, pour la plupart, des professions intellectuelles : professeurs, journalistes, avocats, juristes. Pour remédier à cette distorsion entre offre et demande de travail, se met en place un dispositif incitatif à l’égard des entreprises et coercitif à l’encontre des réfugiés. Pour rendre cette main-d’œuvre plus attractive, on autorise l’entreprise à l’embaucher sans qu’elle ait à verser à l’ONI la redevance correspondant au remboursement des frais d’introduction. Parallèlement, une forte contrainte institutionnelle pèse sur les réfugiés qui sont soumis, au même titre que les autres étrangers, à l’obtention d’une autorisation de séjour et d’une carte de travail. Ce dispositif permet aux autorités de protéger le marché du travail national et de préserver certaines professions des aspirations de réfugiés récemment arrivés qui par contrecoup, subissent l’expérience du déclassement social10.

Un droit au séjour pas toujours synonyme de droit au travail

10La séparation du titre de travail et du titre de séjour instaurée par l’ordonnance du 2 novembre 1945 formalise la dissociation de deux impératifs qui structurent la gestion étatique de l’immigration : d’une part, la protection du marché national de l’emploi, principal souci du ministère du Travail et d’autre part, le contrôle du séjour davantage du ressort du ministère de l’Intérieur. De ce point de vue, le régime réservé aux réfugiés ne diffère pas de celui des autres étrangers mais il révèle particulièrement le conflit de compétences qui se noue entre deux types de pratiques administratives.

  • 11  Circulaire confidentielle du 27 avril 1949, signée par le ministre de l’Intérieur, Jules Moch, F7 (...)
  • 12  F7 16070.
  • 13  Le régime de la compensation consiste à communiquer au plus grand nombre possible de travailleurs (...)
  • 14  Circulaire du 20 février 1950. CAC 19960405 art. 4.

11Les premières tensions entre le ministère du Travail et les préfectures apparaissent dans le courant de l’année 1949, période où le marché du travail est saturé. Les consignes données par le ministère de l’Intérieur sont de ne pas poursuivre, pour entrée clandestine ou séjour irrégulier, les exilés originaires d’Europe centrale ou orientale et aussi d’Espagne11. À l’inverse, les agents du ministère du Travail sont beaucoup plus réticents car davantage préoccupés par la situation de l’emploi. La lettre qu’adresse le 20 octobre 1949 Daniel Mayer, ministre du Travail et pourtant connu pour sa sensibilité au problème des réfugiés, en témoigne : « Une détente dans le marché de l’emploi ne pouvant être envisagée à bref délai, la France n’est pas actuellement en mesure de recevoir sur son sol de nouveaux étrangers n’appartenant pas aux rares activités professionnelles où la main-d’œuvre reste déficitaire : les mines et l’agriculture. Dans ces conditions, il paraît nécessaire de mettre fin au désordre actuel qui règne dans le domaine de l’admission en France des réfugiés, qui est néfaste à nos finances publiques et affecte les conditions d’existence de nos travailleurs »12. Ce souci de protéger le marché du travail et la crainte d’une concurrence émanant de réfugiés récemment entrés en France se traduisent par un durcissement des pratiques administratives : « J’ai donc été amené à rendre plus strict le contrôle de l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et j’ai donné des instructions pour que les demandes de cartes de travail présentées par des étrangers entrés récemment en France et exerçant des professions touchées par le chômage soient refusées ou dans les cas douteux, fassent l’objet d’un essai de compensation »13. Quelques mois plus tard, les instructions adressées aux directeurs départementaux de la main-d’œuvre sont explicites : « Si le réfugié étranger demande à exercer une profession pour laquelle, en raison de la situation du marché du travail, il ne vous apparaît pas possible de lui accorder une carte de travail, vous pourrez lui délivrer une autorisation provisoire de courte durée (trois mois au maximum) pour une profession que vous aurez déterminée vous-même, en fonction de ses aptitudes ou métiers précédemment exercés par l’intéressé »14.

  • 15  Lettre du 9 août 1951 de la direction du Peuplement au vice-président du Conseil d’État CAC 198102 (...)

12Ces logiques ministérielles, apparemment divergentes lorsqu’il s’agit de savoir si les réfugiés doivent bénéficier d’un régime de faveur ou être soumis au régime général, sont néanmoins conciliées lors des discussions qui président à la signature de la Convention de Genève. Les intérêts ministériels se rejoignent sur la nécessité « d’inventer un mécanisme permettant à la France de conserver le contrôle de sa politique nationale en matière de réfugiés » (Noiriel, 1991 : 144). En août 1951, à l’approche de la signature d’un accord international, la plupart des ministères semblent se rallier à l’idée de déléguer à l’Office National d’Immigration (ONI) la protection juridique et administrative des réfugiés15. Mais le soupçon d’inefficacité qui pèse sur l’Office à cette période dissuade les parlementaires de confier à cet organisme une telle prérogative (Viet, 1998 : 128-129). Ainsi, la création d’un Office spécialisé placé sous la tutelle du ministère des Affaires Étrangères renforce les garanties en matière de reconnaissance du statut de réfugié mais laisse en suspens la question de l’admission au séjour et l’accès au marché du travail une fois ce statut reconnu.

Des principes de la Convention à leur application : la soumission des réfugiés au régime général

13La Convention de Genève a très souvent été analysée comme source de droit pour la reconnaissance du statut de réfugié mais on oublie souvent qu’elle préconise également que les réfugiés puissent bénéficier, dans les pays signataires, du traitement le plus favorable de ceux accordés aux autres étrangers, en matière d’accès au marché du travail. Elle préserve néanmoins la souveraineté des États en ce qui concerne les conditions d’accès au séjour. En France, la ratification de la Convention signée à Genève en 1951 a fait l’objet d’âpres négociations entre représentants parlementaires et responsables administratifs (Noiriel, 1991 : 149). S’il faut attendre le 22 septembre 1954 pour qu’elle entre en vigueur dans le droit français, l’essentiel des réticences provient des fonctionnaires du ministère du Travail qui craignent de ne plus pouvoir assurer la protection de la main-d’œuvre nationale.

Le maintien des réfugiés dans le régime des cartes de séjour et de travail

  • 16  Une circulaire du ministère de l’Intérieur 26 mai 1953 précise dans le détail les conditions d’app (...)

14Le premier acte que doit accomplir un réfugié à son arrivée en France est de se présenter aux autorités de police qui lui délivrent une autorisation provisoire de séjour16, et l’attribution de la carte de séjour est en principe conditionnée à la décision prise par l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OPFRA). Néanmoins, si la détermination du statut est du ressort de l’Office, les préfectures sont chargées de mettre à profit le délai d’examen des dossiers pour effectuer une enquête complète sur ces étrangers particuliers qui, comme tout étranger jugé indésirable, peuvent se voir interdire le territoire français pour des motifs d’ordre public.

15En revanche, les conditions d’admission au marché du travail soulèvent beaucoup plus de difficultés : tout au long des négociations, l’article 17 consacré à l’emploi salarié des réfugiés, suscite le plus de réserves et d’amendements de la part des pays signataires. Dans sa version définitive, il stipule que « les États contractants accorderont à tous les réfugiés résidant régulièrement sur le territoire le traitement le plus favorable accordé dans les mêmes circonstances, aux ressortissants d’un pays étranger, en ce qui concerne l’exercice d’une activité professionnelle salariée ». Chaque pays signataire tente de l’adapter à sa législation, le reconnaissant parfois comme une recommandation, parfois comme une obligation juridique.

  • 17  Lettre du 23 mars 1954. CAC 19810 201 art. 1.
  • 18  Circulaire MO 70/54 du ministère du Travail du 9 décembre 1954, CAC 19810 201 art. 1.
  • 19  Cette législation adoptée en période de crise et maintenue par la suite permettait de fixer par ca (...)

16En France, le ministère du Travail proteste dans un premier temps17 auprès du ministère des Affaires Étrangères car la demande de réserve à l’article 17 n’a pas été retenue par la délégation française. Exigeant que ces réserves figurent dans le texte avant sa ratification, il obtient en définitive qu’aucun texte législatif ne soit adopté pour préciser l’application de cet article : les conditions dans lesquelles les réfugiés peuvent accéder au marché du travail vont être régies par des circulaires18 qui les soumettent à la législation relative aux étrangers en général. La plupart des textes destinés à protéger le marché du travail leur sont applicables : la loi du 10 août 193219, l’article 64 du livre II du Code du travail (interdisant d’engager un étranger non muni de la carte de travail) et l’obligation de figurer sur le registre des étrangers. Enfin, quelle que soit leur durée de séjour, les réfugiés demeurent astreints à la carte de travail et l’octroi de cette autorisation est subordonné à la situation de l’emploi dans la profession et la région où l’étranger demande à travailler. Cette carte temporaire de travail est délivrée au réfugié lorsqu’il a obtenu une carte de séjour inférieure ou égale à un an. Cependant, après trois ans de résidence en France, il peut obtenir sur simple demande la carte « toutes professions salariées » valable dix ans sur l’ensemble du territoire.

Les usages administratifs d’un droit immuable

17L’analyse des conditions de l’accueil et de l’accès au marché du travail des réfugiés ne peut se réduire à une exégèse des textes juridiques ; il faut également confronter les principes théoriques affichés aux pratiques administratives. Les usages différenciés qui se dégagent des conditions d’application du statut de réfugié sont de deux ordres : d’une part, l’interprétation d’un même texte peut varier selon la nationalité du groupe auquel il s’applique et d’autre part, sa validité pratique doit toujours être mesurée à l’aune de la conjoncture économique.

  • 20  En témoigne la composition du « Comité national d’accueil des réfugiés hongrois » créé en janvier (...)
  • 21  Circulaire du directeur général de la Sûreté Nationale, J. Verdier, du 31 mai 1958, F7 16069.
  • 22  Circulaire du 22 avril 1959 du ministère de l’Intérieur à MM. les Préfets, F7 16100.
  • 23  Note des Renseignements Généraux du 2 mars 1959, F7 16071.
  • 24  Circulaire du ministère de l’Intérieur du 22 avril 1959, F7 16100.

18Contrairement à un principe intangible de l’ordonnance de 1945, le régime appliqué à certaines nationalités n’est pas toujours strictement identique. Pour la période allant de 1956 à 1960, le sort réservé aux exilés hongrois et yougoslaves a subi ainsi quelques variations, même si l’OFPRA a reconnu comme réfugiés ceux qui sont parvenus à déposer une demande d’asile. L’accueil réservé à ceux qui fuient l’entrée des chars soviétiques à Budapest est d’emblée spécifique car ils sont pris en charge conjointement par des structures associatives et administratives20. À chaque préfecture, est rattaché un comité départemental chargé de l’accueil et du logement des familles de réfugiés hongrois. Près d’un an après leur arrivée sur le territoire, le ministère de l’Intérieur précise aux préfets que « les intéressés ne relèvent pas de la réglementation [générale] et il convient, lors du renouvellement des titres dont ils sont actuellement en possession, de les doter de cartes de séjour de résidents ordinaires »21. Dans le même temps, le sort des exilés yougoslaves est un peu différent. En février 1957, des dispositions sont prises en faveur de ceux qui, entrés en France clandestinement depuis l’Italie, peuvent constituer une réserve de main-d’œuvre. Mais très rapidement, la conjoncture de l’emploi s’étant dégradée, « la situation économique actuelle ne permet plus d’assurer normalement le placement rapide de ces réfugiés dont les qualifications professionnelles ne correspondent que rarement aux besoins de main-d’œuvre étrangère qui peuvent encore se manifester dans certains secteurs »22. Des raisons d’assimilabilité entrent également en ligne de compte si l’on en croit cette note d’un inspecteur des renseignements généraux au directeur de la réglementation du ministère de l’Intérieur : « il est intolérable d’être continuellement importuné par les ressortissants d’un pays avec lequel nous n’avons pas de frontière commune, (ressortissants dont l’assimilation s’est d’ailleurs révélée très délicate) »23. La conséquence pratique de cette appréciation ne se fait pas attendre : elle se traduit dès le 1er mai 1959 par la notification de refus de séjour aux demandeurs d’asile yougoslaves ayant transité par l’Italie24.

  • 25  Pour ceux qui sont inaptes au travail, une solution était cherchée en liaison avec le SSAE.

19En matière d’accueil des étrangers, les usages du droit sont indissociables des variations de la conjoncture économique et cette interdépendance est particulièrement saisissante lorsqu’on compare les conditions d’accueil des réfugiés avec celles des autres étrangers. Jusqu’à la fin des années soixante, les impératifs de la croissance économique ont permis une application souple du régime des cartes de travail. En dépit d’un dispositif administratif et juridique extrêmement contraignant, les réfugiés obtiennent à cette époque rapidement leur mise au travail. Le bureau de placement spécialisé (BOPRE) propose des emplois, déclenche une visite médicale25 différente de celle de l’ONI et le réfugié reçoit un contrat de travail pour une période d’essai d’un mois après laquelle il doit demander une carte temporaire de travail. De plus, en période d’appel à l’immigration, d’authentiques réfugiés peuvent préférer renoncer à demander le statut garanti par la Convention de Genève : l’exemple de l’immigration espagnole à partir de 1956 montre que la possibilité d’une émigration économique parallèle a incité nombre d’exilés entrés en France sur le tard à se contenter du régime général et à ne pas se présenter auprès des services de l’OFPRA (Angousture, 1997 : 466).

20À partir de 1968, ce sont précisément les premiers signes d’un retournement de la conjoncture économique qui incitent les pouvoirs publics à tenter de reprendre en main le contrôle de l’immigration et les premières restrictions s’effectuent au détriment des réfugiés.

Les réfugiés : des « irréguliers » comme les autres ?

  • 26  Il s’agit du décret du 29 avril 1968 et de la circulaire du 20 août 1968 relative à l’application (...)

21À la fin des années soixante, les régularisations d’étrangers entrés en France clandestinement ou avec des visas de court séjour atteignent un niveau record : la part des régularisations parmi l’ensemble des entrées de travailleurs permanents avoisine les 80 %. Pour endiguer un tel phénomène, des mesures sont prises en juillet et août 196826 : une sanction financière est prévue contre les employeurs de main-d’œuvre étrangère en situation irrégulière et tout étranger entré clandestinement est contraint de passer la visite médicale de l’ONI. Or ces mesures, destinées à réprimer ceux que l’on désigne déjà comme « faux touristes », ne font aucune exception pour les réfugiés et s’appliquent à tous les étrangers entrés de façon irrégulière.

Les réfugiés victimes de la lutte contre l’immigration irrégulière

22Jusqu’alors, les réfugiés statutaires bénéficiaient de facilités en matière de recherche d’emploi : ils avaient accès aux services spécialisés pour le placement des réfugiés (BOPRE) et n’étaient pas astreints à la redevance forfaitaire d’introduction par l’ONI. À compter de l’été 1968, tout réfugié est soumis aux règles d’accès au marché du travail imposées à tout étranger entré clandestinement : pour être régularisé, il doit être contrôlé par l’ONI et produire une promesse d’embauche ; en échange de l’attestation de versement de la redevance par l’employeur, on lui remet une autorisation provisoire de séjour. Il reçoit alors une carte de travail valable dans un seul département, pour la catégorie d’emploi demandée et pour la durée du contrat. Dans ce contexte, le BOPRE, ce réseau de bureaux chargés de la mise au travail des réfugiés, se voit d’abord retirer sa compétence puis est supprimé à la fin de l’année 1968. Désormais, c’est l’Agence Nationale de l’Emploi qui règle les difficultés que rencontrent les réfugiés, au même titre que les autres travailleurs. Concrètement, le réfugié doit trouver un employeur qui accepte de lui fournir un contrat à durée déterminée ; il est ensuite convoqué pour la visite médicale de l’ONI et pendant toute la période de l’instruction de son dossier, il ne bénéficie plus de l’autorisation provisoire de travail. En réalité, il est contraint de travailler irrégulièrement, en attendant l’instruction de son dossier et se retrouve dans une situation similaire à celle de beaucoup d’étrangers à la veille de la suspension de l’immigration de travail.

  • 27  Règlement 1612/68 « relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la communauté (...)

23Ces mesures, qui identifient les réfugiés aux autres étrangers entrés irrégulièrement, doivent être confrontées une nouvelle fois à l’article 17 de la Convention qui stipule que « les États contractants accorderont à tout réfugié résidant habituellement sur leur territoire, le traitement le plus favorable accordé dans les mêmes circonstances, aux ressortissants d’un pays étranger ». Tant que le régime de l’ordonnance de 1945 était applicable à tous les étrangers, le principe d’un tel engagement était relativement respecté. Mais à partir du 15 octobre 196827, les étrangers communautaires bénéficient d’un régime beaucoup plus favorable : à l’exception des professions réglementées, ils peuvent exercer l’activité professionnelle de leur choix dans les mêmes conditions que les nationaux.

  • 28  Il s’agit de la convention d’établissement franco-laotienne du 5 décembre 1953 et des conventions (...)

24En cette matière, le Royaume-Uni, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède et l’Autriche accordaient aux réfugiés le traitement réservé à leurs propres nationaux et l’Allemagne Fédérale celui réservé aux ressortissants des pays membres du Marché Commun. Pour la France, outre le régime de faveur des ressortissants communautaires, le traitement réservé aux étrangers du Laos et de certains pays d’Afrique noire bénéficiaires de conventions d’établissement28 était également beaucoup plus favorable que celui des réfugiés, puisqu’ils pouvaient occuper un emploi salarié sans avoir à posséder d’autorisation de travail.

Les craintes d’une extension territoriale

25La proximité objective qui a longtemps prévalu entre le statut du réfugié et celui de tout autre étranger a sans doute dissuadé certains exilés de déposer une demande auprès de l’OFPRA. De 1956 à 1973, la diminution progressive de la part des réfugiés parmi l’ensemble de la population étrangère (Legoux, 1995 : 80-81) permet de mieux comprendre les conditions dans lesquelles le protocole de New York a été ratifié.

  • 29  Compte-rendu de la conférence interministérielle du 28 avril 1967, F7 16059.

26En avril 1967, une nouvelle discussion s’engage suite à la signature de ce protocole qui prévoit la possibilité pour les États ayant déjà ratifié la Convention de Genève de mettre fin à la réserve territoriale, limitant l’application de la Convention aux victimes d’événements survenus en Europe seulement. Le ministère de l’Intérieur défend la restriction territoriale en avançant deux menaces : la première est celle d’une croissance globale du nombre de réfugiés demandant asile et la deuxième provient d’éventuelles difficultés avec l’Algérie et les pays africains d’expression française au cas où la qualité de réfugié serait reconnue à certains de leurs ressortissants. Les représentants du ministère des Affaires Sociales partagent ce point de vue surtout si la suppression de cette réserve devait amener un accroissement important de l’immigration africaine29. Mais le ministère des Affaires Étrangères parvient à imposer l’idée que le maintien de cette réserve placerait la France dans une situation délicate vis-à-vis des Nations Unies, d’autant que la Belgique, l’Autriche, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Suisse y ont déjà renoncé. Finalement, le principe d’une ratification est accepté en 1971 et l’argument décisif a sans doute été celui de l’extrême faiblesse du nombre de nouveaux réfugiés en comparaison de l’ensemble des autres immigrés (Legoux, 1995 : 102).

Une dissociation progressive

27C’est à partir du début des années soixante-dix et des premières mesures de restrictions vis-à-vis de l’immigration de travail que s’opère progressivement une dissociation entre réfugiés et main-d’œuvre étrangère. En 1972, les circulaires Marcellin et Fontanet — respectivement ministres de l’Intérieur et du Travail — durcissent considérablement les possibilités de régularisation mais ne s’appliquent ni aux réfugiés, ni aux personnes ayant demandé l’asile.

  • 30  Suite à l’opération de régularisation menée en juin 1973, le ministère du Travail adopte une circu (...)
  • 31  Le décret du 21/11/1975 introduit, à l’article R 341-4 du Code du Travail, des dispositions prévoy (...)

28De plus, à la suite des événements du Chili et de l’afflux de demandes d’asile qui en résulte en 1973, il apparaît de plus en plus clairement que le régime applicable aux réfugiés en matière d’accès au marché du travail est trop strict. Lorsque par voie de circulaire, il est mis fin aux possibilités de régularisation pour les emplois peu qualifiés30, les réfugiés politiques font partie des quelques catégories d’étrangers qui échappent à ces restrictions. Dès février 1974, le ministère du Travail donne des instructions pour que les Agences pour l’Emploi fassent preuve de souplesse à l’égard des réfugiés en provenance du Chili et facilitent leur placement. Quelques mois plus tard, la décision de suspendre l’immigration de travail, adoptée en Conseil des ministres le 3 juillet 1974, s’accompagne d’un traitement spécifique applicable aux réfugiés (Weil, 1998 : 136). Ce régime dérogatoire est confirmé lors de l’introduction dans le Code du Travail d’une disposition prévoyant d’opposer la situation de l’emploi aux étrangers faisant une première demande de carte de travail31. Ainsi, c’est au moment même où la décision est prise de suspendre l’immigration de travail que les pouvoirs publics s’engagent à réserver un traitement véritablement préférentiel aux réfugiés.

  • 32  À partir de 1975, il est fixé entre le gouvernement français et le Comité National d’Entraide Fran (...)
  • 33  Par circulaire n° 14-75 du 3 juin 1975. CAC 19960405 art. 2.

29À partir de 1975, l’apparition progressive de décisions de rejets par l’OFPRA entraîne une dissociation entre les catégories de réfugiés et de demandeurs d’asile. La concomitance entre les procédures organisées en faveur des ressortissants des pays du Sud-Est asiatique et l’émergence d’une demande d’asile en provenance du continent africain confère à cette distinction une dimension relevant de la nationalité d’origine : l’image du réfugié devient celle de ces « boat people » à qui le statut conventionnel est systématiquement reconnu tandis que la figure du demandeur d’asile devient celle d’un débouté potentiel, souvent venu d’Afrique. La question de l’accès au séjour et aux droits sociaux se déplace alors vers cette nouvelle catégorie de demandeur d’asile, à mesure que les droits des réfugiés sont mieux garantis. D’emblée, les conditions d’accueil des demandeurs d’asile varient d’une préfecture à l’autre et le flou de cette catégorie persiste d’autant plus qu’elle n’est pas mentionnée dans le texte de la Convention de Genève. À partir du milieu des années soixante-dix, une ambivalence s’introduit entre un statut bien défini du réfugié politique et un statut incertain du demandeur d’asile, caractérisé par des pratiques administratives disparates. Lorsqu’ils sont ressortissants de pays du Sud-Est asiatique, ils bénéficient de conditions d’accueil particulières32 (Weil, 1998 : 136) et peuvent recevoir, sur simple demande, une autorisation provisoire de travail pour recherche d’emploi33.

  • 34  Par circulaire n° 8-33 du 24 août 1976. CAC 19960405 art. 2.
  • 35  Circulaire du 26 septembre 1991 du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionn (...)

30Un an plus tard, les mesures prises en faveur des ressortissants vietnamiens, cambodgiens et laotiens ayant demandé l’asile sont étendues à l’ensemble des étrangers ayant sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié34 : dès le dépôt de leur demande, ils reçoivent une autorisation provisoire de séjour et une autorisation provisoire de travail valable six mois et renouvelable tant que l’OFPRA n’a pas statué définitivement sur leur demande. Le demandeur d’asile est alors considéré comme un réfugié potentiel. Mais cette période d’exception où réfugiés et demandeurs d’asile bénéficient d’un régime de faveur, est de courte durée car très vite, la thématique des « faux réfugiés » succède à celle des « faux touristes ». À la fin des années quatre-vingt, l’annonce du raccourcissement des délais d’examen des dossiers s’accompagne peu après de la suppression de l’accès au marché du travail pour les demandeurs d’asile : désormais, ils sont soumis aux règles du droit commun applicable aux travailleurs étrangers et la situation de l’emploi leur est opposable35.

  • 36  « Jugé à l’aune de la souveraineté territoriale le droit d’asile revendiqué par le demandeur n’est (...)

31Au terme de cette analyse des liens entre conditions d’accueil des réfugiés et immigration de travail, plusieurs constats peuvent être dégagés. Le premier est qu’en période de pénurie de main-d’œuvre, les réfugiés ont longtemps été assimilés, dans les textes et dans la pratique, à l’immigration de travail. Mais on pourrait objecter que dans toute immigration, fut-elle d’exil, le migrant doit nécessairement subvenir à ces besoins. Dans le cas des réfugiés, les conditions institutionnelles de leur accueil mettent en lumière un autre processus : les contraintes réglementaires qui ont pesé sur cette main-d’œuvre à part lui ont imposé son orientation vers les professions déficitaires et cette configuration a joué le rôle de condition institutionnelle de leur déclassement social. La deuxième conclusion qui s’impose est plus juridique et concerne la gestion étatique des populations étrangères. En maintenant le principe de la souveraineté de l’État36 en ce qui concerne l’accès au séjour et au travail des réfugiés, la Convention de Genève a laissé la possibilité à l’administration française de gérer l’accueil de ces populations essentiellement par des circulaires ; certaines, dans des conditions parfois irrégulières, ont restreint la portée d’engagements internationaux et ont surtout laissé s’installer une tradition d’infradroit (Lochak, 1985 : 205 et suiv.). Enfin, la dernière remarque concerne l’étude historique des catégories administratives. En montrant comment les réfugiés ont, tout au long de la période de croissance économique, été associés à une main-d’œuvre étrangère comme les autres, on comprend mieux le processus qui a consisté dans un premier temps à dissocier les droits des réfugiés de ceux des autres étrangers puis finalement à assujettir l’attribution de ce statut protecteur à l’objectif de maîtrise des flux migratoires.

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Bibliographie

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BEAUD Olivier (1992) Asile et théorie générale de l’État, in Les réfugiés en France et en Europe. Quarante ans d’application de la Convention de Genève 1952-1992, Actes du colloque des 11-13 juin 1992, Paris, OFPRA, pp. 146-158.

COHEN Daniel G. (2000) Naissance d’une nation : les personnes déplacées de l’après-guerre, Genèses n° 38, mars, pp. 56-78.

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LOCHAK Danièle (1985) Étranger de quel droit ?, Paris, PUF.

NOIRIEL Gérard (1991) La tyrannie du national. Le droit d’asile en Europe 1793-1993, Paris, Calmann-Lévy.

TIBERGHIEN Frédéric (1988) [1re éd. 1984] La protection des réfugiés en France, Économica.

VIET Vincent (1998) La France immigrée, construction d’une politique, 1914-1997, Fayard, Paris, 550 p.

WEIL Patrick (1995) [1ère éd. 1991], La France et ses étrangers. L’aventure d’une politique de l’immigration de 1938 à nos jours, Paris, Gallimard, 403 p.

ZALC Claire (1998) L’analyse d’une institution : Le registre du commerce et les étrangers dans l’entre-deux-guerres, Genèses, pp. 99-118.

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Notes

1  Il en est ainsi de la Convention sur le statut des réfugiés provenant d’Allemagne, signée à Genève le 10 février 1938 par le gouvernement français mais dont le décret d’application n’est promulgué que le 14 avril 1945.

2  Ces titres, dont le nom est emprunté au docteur Fritjhof Nansen, ancien commissaire de la SDN en charge de la question des réfugiés russes, sont délivrés par les Offices russes arméniens et espagnols et assurent une relative protection juridique à leurs bénéficiaires.

3  Il s’agit de populations déportées par les Allemands pour des motifs politiques ou au titre du travail obligatoire ; il y a également des prisonniers de guerre et des personnes expulsées après des changements de frontière.

4  La délégation française de l’OIR les aide à produire leurs documents d’état civil et leur délivre des attestations destinées à appuyer leur demande de carte de séjour.

5  Outre les 600 000 Volksdeutsche vivant pour la plupart en Autriche, une part importante de ces personnes sont originaires de Pologne, des États baltes mais aussi de Yougoslavie, Hongrie, Roumanie, Tchécoslovaquie et Ukraine (Cohen, 2000 : 61 et suiv.).

6  CAC 19850705 art. 1.

7  La commission nationale de la main-d’œuvre réunie le 28 mars 1950 évalue à 2 811 familles, représentant 10 297 individus, le bilan de l’opération d’immigration spéciale. Archives diplomatiques, Unions internationales, 3ème versement, 1042.

8  Organisation Internationale des Réfugiés (OIR) active de 1946 à 1950.

9  Circulaire de l’inspection divisionnaire du travail du 14 août 1948, F7 16070.

10  Ce phénomène existait déjà dans l’entre-deux guerres ; la trajectoire de Norbert Elias, professeur à l’Université d’Heidelberg et réfugié à Paris en avril 1934, est éloquente : désespéré de ne pouvoir accéder à une profession intellectuelle, il décide d’ouvrir un atelier de jouets en bois (Zalc, 1998 : 99-118).

11  Circulaire confidentielle du 27 avril 1949, signée par le ministre de l’Intérieur, Jules Moch, F7 16070.

12  F7 16070.

13  Le régime de la compensation consiste à communiquer au plus grand nombre possible de travailleurs français disponibles, les possibilités d’embauche, au niveau départemental, régional puis national afin de vérifier, avant qu’un étranger n’occupe un emploi, qu’il ne peut être pourvu par un chômeur français.

14  Circulaire du 20 février 1950. CAC 19960405 art. 4.

15  Lettre du 9 août 1951 de la direction du Peuplement au vice-président du Conseil d’État CAC 19810201 art. 1.

16  Une circulaire du ministère de l’Intérieur 26 mai 1953 précise dans le détail les conditions d’application de la Convention F7 16060.

17  Lettre du 23 mars 1954. CAC 19810 201 art. 1.

18  Circulaire MO 70/54 du ministère du Travail du 9 décembre 1954, CAC 19810 201 art. 1.

19  Cette législation adoptée en période de crise et maintenue par la suite permettait de fixer par catégorie professionnelle et par région, le pourcentage maximum de travailleurs étrangers pouvant être employés dans les établissements commerciaux et industriels.

20  En témoigne la composition du « Comité national d’accueil des réfugiés hongrois » créé en janvier 1957 auprès du ministère des Affaires Étrangères : Croix Rouge, Cimade, CGTFO, CFTC, CNPF, SSAE, ministère des Affaires Étrangères, ministère de l’Intérieur, ministère des Affaires Sociales.

21  Circulaire du directeur général de la Sûreté Nationale, J. Verdier, du 31 mai 1958, F7 16069.

22  Circulaire du 22 avril 1959 du ministère de l’Intérieur à MM. les Préfets, F7 16100.

23  Note des Renseignements Généraux du 2 mars 1959, F7 16071.

24  Circulaire du ministère de l’Intérieur du 22 avril 1959, F7 16100.

25  Pour ceux qui sont inaptes au travail, une solution était cherchée en liaison avec le SSAE.

26  Il s’agit du décret du 29 avril 1968 et de la circulaire du 20 août 1968 relative à l’application de l’article L 161 du Code de la Sécurité Sociale. CAC 960405 art. 2.

27  Règlement 1612/68 « relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la communauté » et organisé en droit interne par décret n° 70-29 du 5 janvier 1970, applicable aux ressortissants des pays membres de la Communauté Économique Européenne.

28  Il s’agit de la convention d’établissement franco-laotienne du 5 décembre 1953 et des conventions conclues avec certains États africains : Congo le 15 août 1960, Gabon le 17 août 1960, République Centrafricaine le 13 août 1960, Tchad le 11 août 1960 et Togo le 10 juillet 1963. Il faudrait y ajouter l’accord franco-congolais sur les droits fondamentaux des nationaux signé ultérieurement, le 1er janvier 1974.

29  Compte-rendu de la conférence interministérielle du 28 avril 1967, F7 16059.

30  Suite à l’opération de régularisation menée en juin 1973, le ministère du Travail adopte une circulaire le 26 septembre de la même année pour mettre fin à toute possibilité de régularisation, exceptée pour les cadres, les anciens combattants, les conjoints de Français, les Israélites nord-africains, les Portugais et les réfugiés politiques.

31  Le décret du 21/11/1975 introduit, à l’article R 341-4 du Code du Travail, des dispositions prévoyant que la situation de l’emploi et les conditions de logement ne sont pas opposables aux réfugiés.

32  À partir de 1975, il est fixé entre le gouvernement français et le Comité National d’Entraide Franco-Vietnamien, Franco-Cambodgien et Franco-Laotien, un contingent de réfugiés de 1 000 personnes par mois et ce contingent mensuel est reconduit en 1977.

33  Par circulaire n° 14-75 du 3 juin 1975. CAC 19960405 art. 2.

34  Par circulaire n° 8-33 du 24 août 1976. CAC 19960405 art. 2.

35  Circulaire du 26 septembre 1991 du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle.

36  « Jugé à l’aune de la souveraineté territoriale le droit d’asile revendiqué par le demandeur n’est pas d’une nature différente du droit d’immigrer revendiqué par l’immigré économique » (Beaud, 1994 : 152).

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Pour citer cet article

Référence papier

Alexis Spire, « Les réfugiés, une main-d’œuvre à part ? Conditions de séjour et d’emploi, France, 1945-1975 »Revue européenne des migrations internationales, vol. 20 - n°2 | 2004, 13-38.

Référence électronique

Alexis Spire, « Les réfugiés, une main-d’œuvre à part ? Conditions de séjour et d’emploi, France, 1945-1975 »Revue européenne des migrations internationales [En ligne], vol. 20 - n°2 | 2004, mis en ligne le 25 septembre 2008, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/remi/963 ; DOI : https://doi.org/10.4000/remi.963

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Auteur

Alexis Spire

Enseignant Chercheur à l’Université de Nantes, Centre d’Études Nantais de Sociologie (CENS). BP 81227, F44312 Nantes, France. E-mail : alexis.spire@humana.univ-nantes.fr

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Droits d’auteur

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