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ChroniqueReconnaître un territoire non cédé, mais encore?

Un extrait de la carte.

Le Conseil scolaire innu du Labrador a repensé une carte du Nitassinan, le territoire des Innus, avec des lieux importants et historiques expliqués à l'aide d'informations transmises par des aînés et des membres de cette communauté autochtone.

Photo : CBC / Rebecca Martel

Depuis le match d’ouverture du Canadien de Montréal, nous entendons l’annonceur faire une reconnaissance territoriale avant chaque match à domicile. Cette nouvelle, à l’avant-plan de l’actualité, semble découler de bonnes intentions et réanime le débat autour des reconnaissances territoriales.

Kijâtai-Alexandra Veillette-Cheezo étudie en journalisme à l’UQAM. Elle est membre de la nation anichinabée et sa famille vient de la communauté du Lac-Simon, en Abitibi. Elle s'investit dans le milieu culturel montréalais et au sein de la communauté 2SLGBTQI+, en plus d'avoir réalisé des courts métrages avec le Wapikoni mobile.

Lorsque j’ai vu l’annonce du club de hockey, je dois avouer que c’était la première fois que je m’attardais sur un sujet entourant le monde du sport. Il est commun toutefois d’entendre de plus en plus d'organisations parler de reconnaissances territoriales. C’est le cas lors d’événements publics, avant les rencontres professionnelles, avant un discours politique… Une coutume qui ne date pas d’hier.

Il faut se rappeler qu’à l’origine cette reconnaissance était une coutume autochtone. Elle servait à respecter et à remercier une nation qui en recevait une autre. Je peux en témoigner à partir de mes déplacements dans différentes communautés : la coutume persiste toujours entre les communautés.

Cette marque de reconnaissance est toutefois devenue aujourd’hui un outil pour réparer les liens entre Autochtones et non-Autochtones. Il s’agit d’un acte de bonne foi favorisant la réconciliation, si on veut.

Il faut voir cependant qui prodigue cette reconnaissance, quelles sont les intentions qui se cachent derrière le geste et de quelle manière s’exprime une telle reconnaissance.

Dans le cas de la déclaration faite avant les matchs à domicile du Canadien, les réactions sont mitigées. Certains applaudissent à cette initiative, d’autres remettent en doute les intentions ou demandent même de préciser un peu plus le texte lu par l’annonceur.

Les Autochtones, leurs traditions, leurs cultures, leurs langues sont liés au territoire et aux eaux qui l’habitent. Il n’y a pas cette notion de propriété imposée par le système colonial. Ce sont plutôt les principes de cohabitation et de partage qui s'appliquent. Il est donc naturel de devoir reconnaître le territoire sur lequel on est et la nation qui l’occupe pour développer une relation de confiance.

Les intentions sont bonnes. Il faut juste bien les exécuter

Les reconnaissances territoriales sont donc utilisées aujourd’hui en premier pour travailler à réparer nos relations. En fait, c’est comme ça qu’elles ont commencé. Par contre, on reproche actuellement l’absence d’actions concrètes derrière ces beaux mots. Aussi, avant de reconnaître le territoire, il faut connaître l’histoire de celui-ci. Il faut également comprendre pourquoi une reconnaissance est nécessaire.

Je remarque une confusion au sein de la population, moi la première, à propos de l’histoire du territoire sur lequel la métropole de Montréal se trouve. C’est pour cette raison que je crois qu’il faudrait faire nos recherches de façon exhaustive et allier les savoirs autochtones avec ceux des historiens non autochtones. Et ce, dans le but de reconnaître fidèlement les différentes nations autochtones qui ont habité et qui habitent toujours ce territoire.

Il existe de nombreuses ressources en ligne. Le réseau interuniversitaire québécois en équité, diversité et inclusion (RQEDI) par exemple, nous offre un outil fort intéressant (Nouvelle fenêtre). Fait en collaboration avec des personnes autochtones et non autochtones du milieu universitaire et avec des conseillers extérieurs, le feuillet sur la reconnaissance territoriale en contexte universitaire québécois propose étape par étape une façon de développer une reconnaissance territoriale.

On peut aussi y trouver des mises en contexte, des liens vers d’autres ressources et des pistes de réflexion. Je dirais donc que c’est un bon endroit par lequel commencer. Pour bien nous situer également et discerner sur quel territoire nous sommes, il y a un site web (Nouvelle fenêtre) que nous pouvons consulter.

Mon expérience personnelle

Je me rappelle la fois où on m’a demandé de faire une reconnaissance territoriale. Je ne me sentais pas légitimée de le faire et j’ai hésité à accepter. Je commençais alors à me réapproprier ma culture.

Mais en tant que membre de la nation anichinabée, je voulais remercier la nation qui occupait le territoire sur lequel je vivais et je me suis rendu compte que cela faisait partie de mon propre processus de décolonisation. J’ai donc contacté une aînée de la nation Kanien’kehà:ka. Cette personne était très heureuse de m'offrir ses conseils.

J’ai toutefois fait mes propres recherches pour ne pas l'encombrer de la responsabilité de m’éduquer. Dans la reconnaissance territoriale proposée par l’Université Concordia (Nouvelle fenêtre), on déclare que le territoire est non cédé et autochtone.

On ajoute ensuite que la nation Kanien’kehà:ka en est la gardienne des terres et des eaux. Je me suis donc basée sur celle-ci et j’ai parlé du cœur lorsque je me suis prononcée en public et fait la reconnaissance territoriale.

Elle n’était pas parfaite, car j’avais tant à apprendre, mais l’important, c’était ma volonté d’honorer les ancêtres qui ont parcouru ces terres et la nation qui en est la gardienne.

J’en ai toujours à apprendre aujourd’hui. Comme nous tous. Cela fait partie de notre processus de décolonisation et d’autochtonisation. Et ça ne se fait pas du jour au lendemain.

Mais les premiers pas s’effectuent peu à peu. Comme on a pu le voir avec le Canadien de Montréal. Cela montre que nous évoluons dans nos pensées. Il faut juste ne pas s’attendre à ce que les reconnaissances soient suffisantes à la réparation de nos liens.

Les reconnaissances devraient être suivies par des actions concrètes et bien formulées, avec des intentions sincères.

Elles annoncent une suite et non un point final.

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