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Rejet de la doctrine de la découverte : « Il était temps », disent des Autochtones

Les Autochtones attendaient que le Vatican rejette cette doctrine qui a permis la saisie de leurs territoires.

Le pape incliné devant un représentant autochtone à la salle Clémentine du Palais apostolique.

La délégation autochtone au Vatican fin mars 2022 souhaitait entendre le pape se prononcer sur cette doctrine.

Photo : Reuters / Vatican Media

Les Autochtones du Canada ont bien accueilli la décision du Vatican de répudier la doctrine de la découverte et rappelé qu'ils en ont fait la demande depuis longtemps.

Phil Fontaine se dit satisfait et soulagé.

Le premier survivant de pensionnats pour Autochtones à avoir raconté ce qui se passait dans ces établissements et ex-chef national de l'Assemblée des Premières Nations faisait partie de la délégation autochtone qui était allée au Vatican l’an dernier.

La répudiation de cette doctrine du 15e siècle, consacrée par les bulles papales, faisait partie des requêtes de la délégation. Cependant, ni au Vatican ni lors de sa venue cet été au Canada, le pape François ne l’avait fait.

Selon Phil Fontaine, le pape s’était néanmoins engagé à examiner la demande et à en faire quelque chose. Nous avons pris cela comme une promesse!, précise Phil Fontaine. Ils ont pris trop de temps, mais on est là aujourd’hui et la déclaration est très bonne, s'exclame-t-il.

C’est un moment important. C’est le résultat d’un travail acharné de la part d’un grand nombre de personnes et bien évidemment de la Commission de vérité et réconciliation et ses appels à l’action.

Une citation de Phil Fontaine

La Commission avait, dans son appel à l’action 49, demandé à tous les groupes confessionnels de répudier les concepts utilisés pour justifier la souveraineté européenne sur les terres et les peuples autochtones, notamment la doctrine de la découverte et le principe de terra nullius (terres vacantes).

M. Fontaine pose la main droite sur sa poitrine.

Phil Fontaine espérait que le pape François tienne parole.

Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin

Le ministre de la Justice David Lametti a écrit sur Twitter que c’est un autre pas en avant.

La répudiation formelle de la doctrine de la découverte par le Vatican est le résultat du travail acharné et du plaidoyer des dirigeants et des communautés autochtones. Une doctrine qui n’aurait jamais dû exister, a poursuivi le ministre Lametti.

Des mots importants, et après?

Dans un communiqué, le Vatican a déclaré que ces bulles papales n'ont pas reflété de manière adéquate l'égalité de dignité et de droits des peuples autochtones et n'ont jamais été considérées comme des expressions de la foi catholique.

Le document indique que ces bulles papales ont été manipulées à des fins politiques par les puissances coloniales pour justifier des actes immoraux à l'encontre des peuples autochtones, actes qui ont parfois été commis sans opposition de la part des autorités ecclésiales.

On peut toujours se disputer sur les mots, mais c’est une déclaration profonde, affirme Phil Fontaine. L’Église est vraiment très prudente avant de prendre une position publique sur des questions difficiles.

Gros plan sur une personne qui tient une pancarte de protestation sur laquelle il est écrit en anglais «Abroger la doctrine de la découverte» pendant que le pape François parle sur scène à l'école élémentaire Nakasuk, à Iqaluit, le 29 juillet 2022.

Le pape François a été interpellé au sujet de la «doctrine de la découverte» par les communautés autochtones du pays lors de sa visite au Canada l’été dernier.

Photo : afp via getty images / VINCENZO PINTO

L'avocat Métis Bruce McIvor estime de son côté que le fait de montrer du doigt d’autres personnes nuit à l’annonce. Selon lui, l’Église aurait dû aller plus loin et appeler les gouvernements des pays fondés sur la doctrine de la découverte à la désavouer et prendre des mesures de réparation.

Car, rappelle le professeur à l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal Jean-François Roussel, ces bulles ont laissé leur marque dans le droit des états coloniaux, et aujourd’hui encore, lorsque les peuples autochtones font des revendications, en particulier territoriales, ils se retrouvent avec des résistances qui viennent clairement de principes qui sont passés dans la jurisprudence des États.

Néanmoins, au niveau des paroles, c’est important, soutient le professeur.

Maintenant, il faudra voir si les actes suivent et dans quelle mesure les actions vont suivre autour d’enjeux plus profonds, comme la question de la restitution d’artefacts qui sont au Vatican, les revendications territoriales de propriétés ecclésiastiques et les compensations financières.

Une citation de Jean-François Roussel, professeur à l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal

La restitution d’objets – dont la vue de certains lors d’une visite au musée du Vatican a provoqué un malaise – fait toujours partie des dossiers épineux qui n’ont pas encore eu de réponses, même si le sujet est à l'étude. La collection du Musée ethnologique Anima Mundi, au Vatican, comprend un nombre indéterminé d'objets autochtones.

Le terme de manipulation évoqué dans la déclaration du Vatican a aussi dérangé le professeur.

Je me demandais dans quelle mesure c’était fondé. Quand on lit les bulles dans leur teneur, on voit bien qu’il y a quelque chose de vicié à la base. L’idée qu’un pape puisse : "du haut de mon autorité souveraine sur le monde entier, je décrète que certains pays vont pouvoir prendre possession de territoires entiers". Il y a quelque chose de vicié et cette expression de manipulation est très discutable, précise-t-il.

L'ethnologue et autrice Isabelle Picard a trouvé ce passage un peu particulier, car elle pense que l’Église catholique savait ce qu’elle faisait.

Toutefois, le Vatican a, à ses yeux, des paroles sincères et nécessaires. Il était temps, a-t-elle aussi mentionné, car c’est une doctrine complètement archaïque qui n’aurait jamais dû être.

La femme pose la main sur un objet, elle porte un masque et fait face à une autre personne.

La sénatrice Michèle Audette dit que cette annonce a fait « brasser des choses en elle au réveil ».

Photo : Capture d'écran, Parlement du Canada

La sénatrice innue Michèle Audette affirme que les mots sont importants.

Là, c’est dit. La grande Église l’a dit!

Une citation de Michèle Audette

Selon Michèle Audette, cela dépasse le symbole. Dans cette réconciliation, c’est de connaître la vérité et ça en fait partie.

Elle a déjà hâte de voir ce qui va en découler, notamment dans les milieux juridiques et scolaires.

L’anthropologue autochtone, ancien député libéral et chercheur au centre Pearson Robert-Falcon Ouellette a été extrêmement surpris de l’annonce qu’il considère comme un moment historique, important.

La portée de cela, c'est maintenant dans les écoles, quand on enseigne l’histoire de Cartier, de Champlain, qui plantaient une croix, un drapeau au nom d’un roi et d’un Dieu. On pourra dire qu’ils utilisaient une doctrine caduque, qui n’est plus en vigueur et qui n’est pas correcte!, explique-t-il.

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