•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Ottawa et Québec accusés de « racisme environnemental » à Kanesatake

Des militants jouent au ping-pong symboliquement avec des masques de ministres. Au premier plan, un échantillon d'eau plutôt grise.

Des militants et des politiciens d'opposition invitent les autorités à éviter de se renvoyer la balle dans le dossier de la pollution à Kanesatake. En premier plan, un échantillon des rejets d'un site de recyclage qui pollue les cours d'eau aux alentours.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Les gouvernements fédéral et provincial savent depuis deux ans que le centre de recyclage mohawk de Kanesatake nuit grandement à l’environnement et à la santé des citoyens, mais ils tardent à prendre des mesures musclées, déplore un collectif de citoyens et d’élus d’opposition. Ils ont entamé une démarche de sensibilisation intitulée Sortons les vidanges afin de faire pression sur les autorités.

Au cœur du problème, la situation politique et surtout environnementale à Kanesatake, sur le site de l’entreprise G&R Recyclage, dont le permis d’exploitation a été révoqué en 2020.

Si leurs controversés propriétaires, Gary et Robert Gabriel, assurent prendre les mesures nécessaires pour éviter la fuite d’eaux contaminées vers le ruisseau voisin, plusieurs en doutent puisque le problème dure depuis plus de cinq ans.

En 2016, un fonctionnaire fédéral s'inquiétait de l'absence de captation et de traitement des eaux de ruissellement Plus récemment, une enquête de La Presse, images de drone à l'appui, démontrait que la problématique n'avait pas été réellement réglée.

Le biologiste Daniel Green a eu accès, en vertu de la Loi sur l’accès à l'information, aux différents rapports d'analyse gouvernementaux.

Dioxines, BPC, amiante, hydrocarbures aromatiques polycycliques, c’est un livre de toxicologie presque complet qui s’échappe du site et se retrouve dans les ruisseaux qui circulent sur le site avant d’être rejetés dans le lac des Deux Montagnes et la rivière des Prairies, mentionne M. Green.

Le biologiste évoque un site excessivement contaminé qui pollue possiblement indirectement les terres agricoles d’Oka et de Saint-Placide. Québec et Ottawa ont de la matière pour intenter des poursuites au pénal et même au criminel, souligne-t-il, mais n’ont rien fait depuis que ces rapports ont été produits, c'est-à-dire depuis deux ans.

Ottawa clame de son côté s’occuper activement du dossier, et que plusieurs visites d'inspecteur ont eu lieu sur le site ces derniers mois.

Plusieurs photos de déchets dans la nature et de cours d'eau pollués.

Voici des photos extraites du rapport d'inspection menée par le ministère de l'Environnement et de la lutte contre les Changements climatiques sur le terrain du dépotoir de Kanesatake.

Photo : Ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques

Ping-pong politique dénoncé

Deux politiciens fédéraux, Alexandre Boulerice (député NPD) et Jonathan Pedneault (chef adjoint du Parti vert), étaient présents lors du lancement de la campagne Sortons les vidanges. Le parti provincial Québec solidaire est aussi de la partie.

Les deux politiciens fédéraux ont évoqué une forme de racisme environnemental de la part des deux ordres de gouvernement, dont ils ont dénoncé l’apathie. Symboliquement, ils ont aussi joué au ping-pong devant le bureau de député du ministre des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, pour dénoncer le manque de leadership dans ce dossier.

Le gouvernement parle de réconciliation avec les peuples autochtones et laisse pourrir une telle situation à 30 km de Montréal.

Une citation de Alexandre Boulerice, élu néo-démocrate de Rosemont-La Petite-Patrie

M. Boulerice a aussi évoqué la situation de peur dans laquelle vivent les résidents de la communauté mohawk.

Ceux qui ont pris la parole en leur nom étaient d'ailleurs des représentants allochtones masqués en guise de solidarité pour souligner les difficultés qu'éprouvent les Mohawks de dénoncer la situation, que certains qualifient même de far west.

Crise après crise, après crise

Lors d'un appel à l'aide relaté récemment par Espaces autochtones, ces Mohawks avaient décrit une communauté gangrénée par le crime organisé venu de l’extérieur, des tirs d’armes automatiques en plein jour et le vol de terre par des promoteurs immobiliers et des Mohawks assimilés. Ils affirment que plus aucune loi n’est respectée à Kanesatake.

Plusieurs résidents de la communauté, mais aussi des citoyens de la ville voisine d’Oka, déplorent en outre que la Sûreté du Québec n'intervienne pas assez souvent sur le territoire mohawk. Depuis la crise d’Oka en 1990 et la mise au feu de la maison de l’ancien chef James Gabriel de même que du commissariat des Peacekeepers en 2004, le secteur serait devenu une zone de non-droit, selon eux, même si la SQ le dément

On laisse notre communauté se détruire de l’intérieur et le gouvernement a un intérêt à ce que ça se passe comme ça.

Une citation de Serge Otsi Simon, ancien grand chef de Kanesatake jusqu'en 2021

Celui qui siège au conseil de Kanesatake est à couteaux tirés avec l’actuel grand chef Victor Bonspille, qui a tenté de l’évincer récemment.

Il n’a pas été possible de s’entretenir avec le grand chef Bonspille malgré nos demandes. La semaine dernière, M. Bonspille avait confirmé au quotidien Le Devoir que son conseil de bande était divisé. Pour dénouer l’impasse, il avait confié vouloir changer le code électoral et déclencher des élections cette année, soit deux ans avant terme.

Pour que les choses bougent, certains citoyens et élus fédéraux d’opposition demandent qu’Ottawa invite le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones à venir enquêter de façon indépendante sur place.

Au moment de publier cet article, il n’était pas possible de recueillir les commentaires des gouvernements fédéral et provincial à cette proposition. Par courriel, le bureau de la ministre de Service aux Autochtones Canada, Patty Hajdu, a indiqué que la ministre était profondément préoccupée de la situation.

Des rencontres entre les différentes parties ont déjà eu lieu et une rencontre trilatérale avec le grand chef Bonspille et le ministre québécois responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, est au menu de la ministre Hajdu.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Infolettre Espaces autochtones

Chaque semaine, suivez l’essentiel de l’actualité autochtone au Canada.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Espaces autochtones.

Espaces autochtones

Un travail journalistique sérieux, constant et curieux est le meilleur moyen de dévoiler et expliquer des réalités que beaucoup ne soupçonnent peut-être pas. Et donc de comprendre. C'est ce que nous nous proposons de faire. Découvrir, informer, comprendre, expliquer.

— Soleïman Mellali, rédacteur en chef