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« D’Indiens d’Amérique » à « Premières Nations » : l’Université Laval se met à jour

L'entrée principale de la bibliothèque de l'Université Laval.

L'entrée principale du pavillon Jean-Charles-Bonenfant, qui abrite la bibliothèque de l'Université Laval.

Photo : Radio-Canada / Jérôme Gill-Couture

Depuis quelques mois, une équipe de la bibliothèque de l'Université Laval a entrepris un vaste chantier visant la mise à jour des termes employés dans son Répertoire de vedettes-matière (RVM). Utilisé par 180 bibliothèques et centres de documentation au Canada et dans le monde, ce répertoire jouit d'une autorité qui rend la démarche actuelle fondamentale au processus de décolonisation des milieux universitaires.

Il ne s'agit que de la première phase, puisqu'il y a des milliers de termes qui devront encore être revus, précise Susanne Brillant, bibliothécaire à l'Université Laval et responsable du projet, en entrevue avec Espaces autochtones.

Pour l'instant, quelques centaines de mots ont été revus, corrigés ou carrément remplacés pour mieux représenter les réalités des premiers peuples. Un peu comme les toponymes officiels des communautés autochtones qui, pendant longtemps, ont été choisis par les gouvernements, avant d'être graduellement remplacés dans les dernières années.

Il est temps de laisser aux personnes concernées le choix de s'identifier de la manière qui les représente le mieux culturellement, dit Mme Brillant.

Elle indique que, comme les universités et les bibliothèques sont des lieux de savoir, les mots employés ont une grande influence sur les lecteurs ou ceux qui utilisent les outils à des fins de recherche.

Jusqu'à la mise à jour, quand on faisait la formation de nouveaux employés, ou s'il fallait aider un étudiant, on devait leur expliquer par exemple que pour avoir le plus de résultats sur les premiers peuples, il fallait utiliser le terme "Indiens d'Amérique", c'était gênant, relate Mme Brillant.

Malgré le retard évident, plusieurs limites ont fait en sorte de différer cette nécessaire mise à niveau.

Selon la sénatrice Michèle Audette, qui agit à titre de conseillère principale à la réconciliation et à l’éducation des premiers peuples à l’Université Laval, ce projet s'inscrit dans un processus de longue haleine, qui vise, à terme, la décolonisation du milieu universitaire.

L'idée de la mise à jour a été lancée par des employés de la bibliothèque, mais, assez rapidement, j'ai pu donner un appui à la démarche pour s'assurer d'en respecter le but, qui est d'améliorer la relation avec les premiers peuples, tout en respectant leur rythme.

Une citation de Michèle Audette, conseillère principale à la réconciliation et à l’éducation des premiers peuples à l’Université Laval

Ce travail de réconciliation et de décolonisation du Répertoire dans les réseaux de bibliothèques francophones représente énormément pour les communautés autochtones. C’est très significatif de savoir que, dorénavant, toutes les personnes qui vont effectuer des recherches sur nos différentes nations vont le faire avec les termes et les mots respectueux que les premiers peuples utilisent, a-t-elle indiqué.

Le mot d'ordre est clair : bien faire les choses, même si ça prend plus de temps. Il est fondamental d'entrer en contact avec les nations concernées, puisque ce sont elles les expertes, les gardiennes de leurs langues et de leur culture. Ce sont elles qui sont les plus à même d'indiquer quels termes employer pour leur faire référence, explique Mme Audette.

Faire du processus une priorité

Cela fait un certain temps déjà que l'Université Laval et les utilisateurs de son RVM souhaitent que des changements soient apportés aux sujets qui concernent les premiers peuples.

En temps normal, ce sont les États qui gèrent les répertoires de vedettes-matière et décident des termes appropriés pour identifier des sujets.

L'Université Laval ayant été précurseur dans le domaine, en adoptant son premier RVM en 1946, elle a conservé la gestion du répertoire francophone dans la plupart des bibliothèques et centres de recherche au Canada.

La situation présente des avantages et des inconvénients, selon Susanne Brillant. D'un côté, nous avons une certaine liberté et nous baignons dans un environnement où cogitent de nouvelles idées. Par contre, nous n'avons pas les mêmes ressources qu'a un gouvernement pour tout tenir à jour.

Ce qui explique d'ailleurs, en partie, pourquoi le retard était si important. Un tel changement implique beaucoup de temps, d'argent et ressources humaines, qui doivent être assumés par l'université.

Nous avons convenu qu'il était grand temps de se pencher réellement sur la question, peu importe l'ampleur de la tâche, indique Mme Brillant.

Même si elle gravite autour de l'Université Laval depuis un certain temps, Michèle Audette dit qu'elle ignorait que les termes employés pour effectuer des recherches dans la plupart des bibliothèques et des centres de recherche francophones étaient gérés ici.

La commissaire Michelle Audette en entrevue à Radio-Canada.

La sénatrice Michèle Audette s'investit depuis un certain temps déjà pour favoriser l'inclusion et la sécurisation des étudiants autochtones de l'Université Laval. Elle occupe actuellement le poste de conseillère principale à la réconciliation et à l’éducation des premiers peuples dans l'établissement.

Photo : Radio-Canada

Ça a été une surprise, surtout que l'on utilise ce répertoire partout au Canada et même ailleurs dans le monde, mais en même temps, le fait que l'Université Laval ait la gestion du répertoire permettra d'agir directement pour améliorer la situation, indique-t-elle.

Décoloniser le processus

En temps normal, la modification des vedettes-matière doit s'effectuer selon une méthodologie précise, en consultant des ouvrages, des dictionnaires et autres.

Là, nous avons dû nous adapter et faire autrement, puisque les experts dans les différents domaines qui touchent aux premiers peuples n'ont pas nécessairement écrit de livres ou des thèses sur le sujet. Le Conseil de la Nation Atikamekw a été le premier à devenir partenaire, ce qui a été une très bonne nouvelle, puisque nous n'avions pas beaucoup de contacts, au départ, explique Susanne Brillant.

Susanne Brillant devant la bibliothèque de l'Université Laval.

La responsable du projet, Susanne Brillant, se dit choyée de faire partie intégrante de cette importante mise à jour, et de la réaliser en partenariat avec des membres des Premières Nations.

Photo : Radio-Canada / Jérôme Gill-Couture

Selon Nicole Petiquay, coordonnatrice des services linguistiques atikamekw du Conseil de la Nation Atikamekw, l'occasion se présentait pour aider à remettre les pendules à l'heure.

Lorsque l’équipe de la bibliothèque nous a approchés, nous avons rapidement accepté de participer au projet. Nous croyons qu’il est important de refléter, par le choix des mots, la réalité de la Nation atikamekw d’aujourd’hui, a-t-elle expliqué par voie de communiqué.

La mise à jour étant toujours en cours, l'équipe souhaite, dans un monde idéal, entrer en contact avec toutes les nations concernées.

C'est un processus qui sera en constante évolution, et nous souhaitons créer des contacts qui nous permettront d'éviter de nous retrouver à nouveau dans ce genre de situation. Si les ponts sont créés, nous pourrons communiquer lorsqu'un changement s'impose, affirme Mme Brillant.

Il faut à tout prix éviter qu'un tel retard ne se reproduise. Au contraire, il faut que le RVM puisse s'adapter à l'évolution de la langue et de la société, indique-t-elle.

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