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Cannabis : Ottawa prive les Autochtones d’une manne économique, selon des sénateurs

Les sénateurs Michèle Audette, Brian Francis et David Arnot en conférence de presse.

Les sénateurs Michèle Audette, Brian Francis et David Arnot présentent leur rapport sur la mise en œuvre de la Loi sur le cannabis et ses effets sur les peuples autochtones.

Photo : Sénat du Canada

Cinq ans après la légalisation du cannabis au Canada, les communautés autochtones ont été injustement écartées de cette occasion d’affaires, conclut un comité sénatorial chargé d’étudier les effets de la Loi sur le cannabis sur les peuples autochtones.

Je suis très déçu de constater que nous sommes ici, en ce Mois national de l'histoire autochtone, pour mettre en lumière un nouvel exemple de la façon dont le Canada laisse tomber les populations autochtones, a affirmé d'entrée de jeu le sénateur Brian Francis, de la Première Nation d'Abegweit (Île-du-Prince-Édouard).

Le président du comité présentait, jeudi, un rapport d’une quarantaine de pages, fruit d’une étude menée auprès de dirigeants autochtones, professionnels de la santé, conseillers juridiques, chercheurs, fonctionnaires et représentants des forces de l'ordre sur la place des Premières Nations dans la légalisation de cette substance.

La réconciliation ne serait-elle qu’un écran de fumée? C’est ce qu’a laissé entendre M. Francis lors d’une conférence de presse, à Ottawa, en compagnie des sénateurs David Arnot et Michèle Audette.

Leurs conclusions font écho à des reproches maintes fois formulés sur les promesses non tenues du fédéral : Encore une fois, les Autochtones ont été exclus de la prospérité économique du pays, s'est indigné le sénateur Brian Francis.

Cannabis : les effets de la légalisation

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La feuille d'érable du drapeau canadien est remplacée par un plant de cannabis, avec en arrière-plan, l'édifice principal du gouvernement fédéral.

Conséquence : Certains en ont profité, le marché est désormais saturé et les Premières Nations vont devoir travailler deux fois plus fort pour rattraper leur retard, a déduit amèrement le président du comité.

Manque à gagner

Le rapport rendu public détaille par divers exemples la mise à l’écart des communautés. Il rappelle que les administrations provinciales et territoriales ont conservé le monopole des magasins de vente au détail du cannabis en excluant les Premières Nations de ce marché. Au Québec et dans les Territoires du Nord-Ouest, par exemple, aucune entente n’a été négociée avec les Premières Nations.

Le partage des recettes de la taxe d’accise proposé par les témoins [interrogés dans le rapport] représenterait un élément fondamental de cette réconciliation, peut-on lire. La taxe d’accise fédérale est aussi prélevée sur la vente d’alcool, de tabac et de carburant.

Parmi les autres reproches formulés, certains intervenants ont affirmé que le gouvernement fédéral n’avait pas consulté adéquatement les collectivités des Premières Nations avant de dépénaliser le cannabis. Les rencontres ont porté sur la santé, le bien-être des consommateurs et l’innocuité des produits, mais pas sur les débouchés économiques, a rapporté Darcy Gray, chef de la Première Nation Listuguj Mi’gmaq.

En outre, plusieurs témoins ont laissé entendre que le cannabis pourrait être une solution de rechange à la consommation d’autres substances, comme l’alcool. La question du cannabis au sein des communautés autochtones demeure complexe et à double tranchant, nuance la sénatrice Michèle Audette.

Faudrait-il créer une régie du cannabis des Premières Nations? Rien n'est moins sûr, soutient-elle.

J’ai de grandes préoccupations, j’ai peur de ça.

Une citation de Michèle Audette, sénatrice innue

La lunette économique ne doit pas créer des ornières pour ignorer les problématiques relevant de la sécurité et de la santé, selon elle.

Le cannabis peut créer une dépendance et augmenter le risque de développer des problèmes de santé mentale (psychose, schizophrénie, hallucinations, idées paranoïdes, dépression, anxiété), détaille la SQDC.

Si on va vers une régie, comment va-t-on s’assurer entre nous qu’on a des gens sur lesquels on ne mettra pas une surcharge de travail?

Comme le mentionne le rapport, il faudrait aussi augmenter le financement et la formation des services de police des Premières Nations. Car les policiers sont à bout de souffle. Le crime organisé et les drogues dures prospèrent comme jamais depuis ces trois décennies, constate la sénatrice.

Disparités

Selon elle, la loi a été votée de façon expéditive en ce qui a trait aux Premières Nations. Dans les quelques communautés sondées au cours du processus législatif, il fallait vite se prononcer : Embarquez-vous, ou pas?, relate-t-elle, mais certains milieux traversent des crises en santé sans précédent où les drogues de synthèse créent de plus en plus d'accoutumance et sont de plus en plus destructrices.

Cette disparité sanitaire et économique entre les communautés, Mme Audette l’illustre en évoquant la sienne, Uashat mak Mani-utenam, secouée par des problèmes de toxicomanie et de crime organisé.

Là, il n’y a pas les capacités d’infrastructures face aux problèmes de santé publique, constate la sénatrice. Au moment de la dépénalisation du cannabis, Uashat mak Mani-utenam n’était pas au même point de départ que d’autres communautés.

Dans l'optique d'améliorer la législation autour du cannabis, les auteurs soulignent l’importance d’effectuer des recherches pour bien comprendre les effets de la légalisation sur la santé des peuples autochtones, notamment des jeunes et des femmes. Un point sur lequel insiste la sénatrice : La recherche va être importante pour influencer les politiques publiques et protéger ceux qu’on aime.

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