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Loi sur les corps policiers autochtones : Ottawa et l’APN se renvoient la balle

Le poste de police communautaire mixte autochtone de la Sûreté du Québec (SQ) à Val-d'Or.

Ottawa a promis une nouvelle loi sur la police des Premières Nations en 2020, après des années de demandes.

Photo : Radio-Canada / Jean-Francois Villeneuve

La Presse canadienne

Des fonctionnaires fédéraux craignaient que la loi reconnaissant les corps policiers autochtones comme un service essentiel ne soit retardée en raison des hésitations de l'Assemblée des Premières Nations (APN) au sujet du projet de loi, selon des documents internes récemment rendus publics.

Ceux-ci semblent également montrer que l'un des points d'achoppement entre l'organisme et Ottawa est de savoir s'il faut reconnaître le maintien de l'ordre comme un domaine de compétence des Premières Nations, ce que le gouvernement a fait en ce qui concerne les services de protection de l'enfance.

Les documents ont été obtenus par La Presse canadienne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Le premier ministre Justin Trudeau a promis que son gouvernement présenterait une nouvelle loi sur la police des Premières Nations en 2020, après des années de demandes de la part des dirigeants autochtones.

Le gouvernement fédéral s'est engagé à élaborer cette loi en collaboration avec l'Assemblée des Premières Nations, qui représente plus de 600 communautés à travers le Canada.

L'année dernière, les appels à une modification de la législation ont de nouveau été amplifiés après que 11 personnes eurent été tuées et 17 blessées dans la nation crie de James Smith et dans la communauté voisine de Weldon, en Saskatchewan.

Deux policiers de la GRC autour de leurs véhicules respectifs

Deux voitures de police sur les lieux de l'arrestation de Myles Sanderson, après une série d'attaques au couteau survenues sur la Nation crie James Smith et dans le village de Weldon, en Saskatchewan, le 4 septembre 2022.

Photo : CBC / Kendall Latimer

La Gendarmerie royale du Canada était le service de police compétent, le détachement le plus proche étant situé à près de 50  kilomètres. Cela a incité la communauté à demander des changements immédiats dans les services d'urgence de la région, notamment des délais d'intervention plus courts.

L'anniversaire de la tragédie arrive au début du mois de septembre, mais l'APN et Ottawa semblent être dans l'impasse quant à la forme que devrait prendre une loi sur les services de police des Premières Nations.

L'APN pointée du doigt

Les dirigeants des services policiers autochtones existants affirment que leurs bureaux sont à court d'argent en raison d'un programme de financement inéquitable et trop rigide datant des années 1990 et dont les coûts sont partagés avec les provinces.

Certains des problèmes entre les deux parties sont décrits dans les notes d'information préparées pour le plus haut fonctionnaire du ministère de la Sécurité publique avant une réunion prébudgétaire au début de l'année avec le directeur général de l'APN de l'époque.

Les documents montrent que les fonctionnaires craignaient que les choses n'avancent pas assez vite pour que le gouvernement puisse tenir sa promesse de déposer un projet de loi avant les vacances estivales du Parlement.

Il existe un risque important que [le ministre de la Sécurité publique] ne soit pas en mesure de déposer un projet de loi sur les services de police des Premières Nations d'ici juin 2023 en raison des difficultés persistantes avec l'APN, qui limitent les progrès en temps opportun, indique une note d'information.

Joanna Bernard prend la parole à un podium.

L'Assemblée des Premières Nations dispose depuis juillet d'une cheffe nationale intérimaire, Joanna Bernard, après plusieurs mois de conflits internes ayant mené à la destitution de RoseAnne Archibald.

Photo : La Presse canadienne / Darren Calabrese

Elle indique également que le ministère a rédigé et partagé avec l'organisation plusieurs éléments depuis juin 2022, mais que l'APN n'a pas encore fourni de commentaires ni partagé des rapports sur ses activités d'engagement régional, ce qui entraîne des retards continus.

En janvier 2023, l'organisation n'avait pas fourni de commentaires sur les projets de principes pour le projet de loi.

Divergences en matière de compétences

Selon Ghislain Picard, membre de l'exécutif de l'APN qui s'occupe des questions de justice, la communication avec le gouvernement fédéral est difficile parce que les deux parties sont en désaccord sur la forme que devrait prendre le projet de loi.

Un homme, les bras croisés.

En tant que chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard siège aussi au sein de l'Assemblée des Premières Nations.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Nous souhaitons vivement que le projet de loi reconnaisse les services de police des Premières Nations comme un service essentiel, a indiqué en entrevue celui qui est le chef de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador.

Mais là où l'APN et Ottawa divergent, c'est sur la question de savoir qui serait compétent : les provinces ou les Premières Nations.

Le gouvernement fédéral a consacré les droits reconnus par l'article 35 de la Constitution (qui réaffirme les droits existants ancestraux et issus de traités) lorsqu'il a adopté la loi sur la protection de l'enfance autochtone, donnant ainsi aux Premières Nations la compétence sur ces services.

M. Picard a suggéré qu'ils fassent de même pour un projet de loi sur la police. La déclaration des Nations unies [sur les droits des peuples autochtones] contient le droit à l'autodétermination, a-t-il évoqué.

Il s'agit certainement, à notre avis, du droit d'établir nos propres institutions.

Une citation de Ghislain Picard

M. Trudeau a répété à plusieurs reprises que les relations du gouvernement fédéral avec les peuples autochtones s'inscrivaient dans une nouvelle perspective, celle du respect des droits dans un esprit de réconciliation.

Mais les documents récemment publiés montrent qu'Ottawa hésite à aller jusqu'au bout en matière de compétence.

Dans une note d'information, le vice-ministre de la Sécurité publique indique qu'Ottawa estime que les lois provinciales existantes sur la police permettent d'assurer des services efficaces, car elles prévoient déjà des normes et des procédures pour les plaintes du public.

Nous nous attendons à ce que les services de police des Premières Nations continuent d'être régis par les lois provinciales sur les services de police après l'adoption de la loi fédérale.

Le ministère de la Sécurité publique du Canada n'a pas répondu à une demande de commentaire.

En attente d'une rencontre

L'avocate de l'APN, Julie McGregor, a déclaré que la reconnaissance des droits dans le projet de loi était un point de friction dans les négociations lors d'un rassemblement le mois dernier à Halifax.

Elle a mentionné à l'assemblée générale de l'organisation que le ministère de la Sécurité publique avait fourni une explication écrite de ses plans pour la loi. Celle-ci indiquait qu'il n'avait pas le mandat d'inclure la juridiction des Premières Nations ou la reconnaissance des droits.

Selon M. Picard, il s'est avéré difficile d'organiser une rencontre avec le gouvernement fédéral, notamment en raison du remaniement ministériel du mois dernier.

Dominic LeBlanc est devenu le nouveau ministre de la Sécurité publique, remplaçant Marco Mendicino, qui a été écarté du cabinet.

Avant le remaniement, l'APN avait prévu une rencontre avec M. Mendicino, a affirmé M. Picard. Maintenant, elle attend que M. LeBlanc soit pleinement informé de la question.

L'organisation a demandé à M. LeBlanc d'accorder la priorité aux services de police des Premières Nations. Elle a promis qu'elle continuerait à poursuivre un véritable processus de codéveloppement.

Les discussions doivent reconnaître que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer sur le plan financier, a fait valoir M. Picard, et pas seulement les provinces et les Premières Nations elles-mêmes.

Les services de police des Premières Nations ne doivent pas seulement être reconnus comme un service essentiel, a-t-il dit. Ils doivent être financés en tant que tels.

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