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Santé : Il faut des données sur l’identité autochtone, plaident des médecins canadiens

Une simple question sur l’identité ethnique lors du renouvellement d’une carte santé pourrait aider à combler de nombreux angles morts.

La question 18 du questionnaire de recensement de 2016.

Une simple question sur l’identité ethnique lors du renouvellement d’une carte santé pourrait aider à combler de nombreux angles morts. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Jean-François Villeneuve

Combattre les iniquités et le racisme systémique dans le réseau de la santé au Canada – dont sont particulièrement victimes les personnes autochtones – passe par une meilleure collecte de données sur l’identité ethnique dans l'ensemble du pays, fait valoir un groupe de médecins.

Les données et la manière dont on les récolte ne sont pas la question principale. Le but [de demander des renseignements sur l’identité autochtone], c’est d’améliorer la redevabilité dans le système de santé et s’assurer qu’on répond aux besoins des communautés tout en combattant le racisme systémique, souligne le Dr Andrew Pinto, l’un des six auteurs d’un article révisé par les pairs sur ce sujet paru dans le Journal de l’Association médicale canadienne.

L'Association tient d'ailleurs un sommet jeudi et vendredi, et désapprendre et éradiquer la suprématie blanche et le racisme systémique envers les Autochtones est l'un des éléments centraux.

Le Dr Pinto concède que les problèmes d’iniquité dans le réseau de santé qu’éprouvent les patients autochtones ont été bien documentés par l’entremise d’enquêtes journalistiques, universitaires ou gouvernementales, comme la commission Viens au Québec. Lui et ses collègues sont toutefois d’avis qu’il faut recueillir des informations plus précises et en continu pour véritablement lutter contre la discrimination.

Une étude ou une commission d’enquête braque un projecteur sur le problème, tandis que des données recueillies plus proactivement permettraient aux gouvernements provinciaux et territoriaux de voir que les personnes racialisées ou autochtones ont des expériences particulières à un endroit précis et pas à un autre. Les hôpitaux et les cliniques, par exemple, seraient donc plus redevables, explique-t-il en entrevue avec Espaces autochtones.

Quand on fait des recherches actuellement, on n’a pas d’identifiant "Premières Nations". Ce qui arrive, c’est qu’il faut faire tout un nettoyage des données par code postal, code municipal, fait valoir la directrice générale de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador, Marjolaine Siouï. Il y a toujours des biais qui peuvent porter à interprétation si on n’a pas des données fiables ou exactes à 100 %, dépendamment des communautés.

[La collecte d'informations sur l'identité] nous donne des données beaucoup plus précises, et là, on est capable de faire une meilleure surveillance de l’état de santé de nos gens par rapport au reste de la population québécoise et canadienne.

Une citation de Marjolaine Siouï, directrice générale de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador

Une méthode simple : le renouvellement de la carte santé

Exemple de la nouvelle carte d'assurance maladie.

L'identité autochtone d'une personne ne devrait pas être spécifiée sur la carte, selon les auteurs de l'article. (Photo d'archives)

Photo : Régie de l'assurance maladie du Québec

Pour y parvenir, les six coauteurs écrivent qu’une solution simple et efficace serait de poser la question lors du renouvellement de la carte santé (ou de la carte d’assurance maladie au Québec).

Les cartes santé sont quasi universelles, souligne le Dr Pinto, qui est également directeur du laboratoire Upstream de l’hôpital St Michael’s à Toronto et qui se spécialise dans l’étude des déterminants sociaux de la santé. Ça nous permettrait d’établir un lien entre les données de santé des patients – que les provinces et les territoires documentent déjà – et leur identité.

D’autres méthodes de collecte d’informations sur les citoyens, comme le recensement, sont beaucoup plus complexes, et faire le lien entre l’identité ethnique d’une personne et les informations sur son historique médical au terme de cet exercice est plus facile à dire qu’à faire, selon lui.

Ça ne fonctionnera certainement pas si les gouvernements se contentent de simplement changer quelques questions sur le formulaire d’adhésion ou de renouvellement et se disent : "Voilà, notre travail est fait".

Une citation de Le Dr Andrew Pinto, médecin et directeur du laboratoire Upstream de l’hôpital St Michael’s

Ses coauteurs et lui pensent également qu’il faut préconiser une question facultative pour encourager les personnes à fournir l’information, surtout dans un contexte où les personnes autochtones peuvent entretenir une méfiance envers le système de santé.

Le tout peut sembler contre-intuitif lorsque le but avoué d’ajouter une telle question est de récolter le plus d’informations possible. C’est d’ailleurs un sujet qui a fait l’objet d’une étude du laboratoire Upstream.

Ce que nous avons déterminé, c’est que quand on explique à quoi sert une question et les mesures pour protéger l’information demandée, les Canadiens sont généralement très enclins à répondre, explique le Dr Pinto. Quand une question est facultative, les gens ne se sentent pas motivés de répondre par crainte de ne pas avoir d'assurance maladie ou de services de santé.

Mme SiouÏ abonde dans le même sens : Il faut que ce soit une façon de faire qui va justement bien informer les gens [et qu'ils] vont savoir à quel endroit ils vont donner leurs informations, comment ça va être utilisé, à quoi ça va servir.

Un modèle qui existe, mais peu répandu au pays

Les six auteurs de l’article paru dans le Journal de l’Association médicale canadienne soulignent aussi que pour rétablir la confiance envers le système de santé, les communautés autochtones doivent jouer un rôle central dans le processus et dans la gestion des informations recueillies.

C’est une condition préalable, essentielle que les communautés aient accès à ces données […] pour comprendre comment leurs membres utilisent le système de santé et les enjeux qu’ils éprouvent pour ensuite travailler avec le gouvernement pour montrer les lacunes et les corriger, note Andrew Pinto en citant le cas de Toronto durant la pandémie. Parce que les communautés ont poussé pour qu’on recueille ces informations, on a pu constater de grandes disparités [entre les cas et les mortalités de COVID-19 dans différents groupes].

C’est certainement un long, long parcours pour bâtir cette relation de confiance.

Une citation de Le Dr Andrew Pinto, médecin et directeur du laboratoire Upstream de l’hôpital St Michael’s

L’approche qu’il propose avec ses coauteurs existe déjà au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse est quant à lui en train d’implanter un système semblable.

Au Manitoba, on invite maintenant les personnes hospitalisées à répondre à des questions sur leur identité, indique aussi le Dr Pinto. Les chefs de l’Ontario ont aussi une entente en vertu de laquelle les informations sur l’appartenance d’une personne à une Première Nation peuvent être liées à ses renseignements d’assurance maladie. Tout projet ou initiative doit être approuvé par les chefs de l’Ontario avant, et ils sont très impliqués dans le processus, illustre-t-il du même souffle.

Aucune initiative du genre n’existe au Québec, bien que le Secrétariat sur les relations avec les Premières Nations et les Inuit poursuit ses réflexions sur la cueillette de données ethnoculturelles. Le ministère de la Santé et des Services sociaux n’avait pas fourni de réponse précise à nos questions au moment d’écrire ces lignes.

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