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Importation de tabac : la Cour donne raison à 2 Mohawks, invoquant des droits ancestraux

Une balance représentant la justice.

Même s'ils sont centenaires et parfois oraux, les traités entre la Couronne et les Mohawks sont encore valides, selon la juge. (Photo d'archives)

Photo : iStock

La Cour supérieure du Québec a ordonné l’arrêt des procédures contre deux hommes de Kahnawà:ke reconnus coupables en 2019 de diverses accusations en lien avec l’importation de tabac depuis les États-Unis sans avoir payé les taxes nécessaires. Or, la loi qui encadre le versement de ces taxes « constitue une violation injustifiée des droits issus de traités et des droits ancestraux », a tranché le tribunal.

Avec l'aide de témoins experts, les deux accusés, Derek White et Hunter Montour, ont invoqué dix traités conclus entre 1664 et 1760 entre les Mohawks et la Couronne britannique pour tenter de faire cesser les procédures contre eux, peut-on lire dans un résumé de la volumineuse décision de près de 400 pages.

Ils ont également présenté à la Cour une entente historique entre la Couronne et la nation mohawk appelée Covenant Chain (ou Chaîne de l’alliance). Cette dernière encadre les relations – politiques, militaires, commerciales, etc. – entre les Britanniques et la Confédération haudenosaunee, un regroupement de six nations iroquoises, dont font partie les Mohawks.

Elle prévoit entre autres des mécanismes de règlement de différends entre les parties, y compris en matière d’échanges commerciaux.

Les procureurs faisaient valoir que la Covenant Chain n’est pas un réel traité, mais plutôt un cadre symbolique ou une métaphore qui régissait les rapports entre la Couronne et les nations iroquoises aux 17e et 18e siècles.

Bien que la Covenant Chain remonte à 1677, la Cour a décidé qu’elle n’est pas éteinte pour autant et qu’il s’agit bel et bien d’un traité au sens de l’article 5 de la Constitution.

La réglementation du commerce du tabac était un sujet de discorde bien connu entre la Couronne et les Mohawks de Kahnawà:ke. Pourtant, il n’y a eu aucune tentative de la part de la Couronne d’en discuter avant l’adoption de la Loi sur l’accise [la loi sur les droits d’accises qu’auraient enfreinte les accusés, NDLR] même si d’autres parties, notamment l’industrie du tabac, ont été consultées, écrit la juge Sophie Bourque dans sa décision.

Un nouveau contexte juridique

Citant l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et certaines grandes commissions d’enquête, la Cour a également souligné le contexte changeant en matière de reconnaissance des droits des peuples autochtones pour rendre sa décision.

Dans cette perspective, la juge a statué qu’il était nécessaire d’établir des critères différents de ceux prévus dans l’arrêt Van Der Peet pour évaluer ce qu’est un droit ancestral.

Qu’est-ce que l’affaire Van Der Peet?

En 1996, la Cour suprême du Canada entend la cause d’une femme stó:lō de la Colombie‑Britannique, Dorothy Van der Peet. Elle avait un permis de pêche au saumon spécial qui lui permettait de pêcher exclusivement à des fins alimentaires ou rituelles. Or, elle a été accusée d’avoir vendu illégalement ses poissons.

L’affaire s’est rendue jusqu’au plus haut tribunal du pays et les juges ont établi certains critères pour encadrer les droits ancestraux autochtones.

Ces critères stipulent notamment que la tradition, la pratique ou la coutume autochtone en cause doit être une partie intégrante de la culture distinctive du groupe autochtone réclamant le droit en question et doit remonter à une date antérieure aux premiers contacts avec les Européens. Ceci est critiqué comme représentant une limitation de la portée des droits des Autochtones, peut-on lire dans L’Encyclopédie canadienne.

Le nouveau test proposé par la juge Bourque pour le cas de MM. White et Montour requiert de la personne invoquant la protection d’un droit ancestral de faire la démonstration des trois éléments suivants : (1) la personne doit identifier le droit collectif qu’elle invoque, (2) ce droit collectif doit être protégé par le système juridique traditionnel de sa nation, (3) l’activité en cause doit être un exercice de ce droit, indique le résumé de la décision.

Le droit collectif dans le cas présent est celui de la nation mohawk de poursuivre librement son développement économique, un droit qui s’applique par ailleurs à tous les peuples autochtones, selon le compte rendu. Le commerce du tabac étant protégé par le système juridique traditionnel des nations haudenosaunee, les activités en cause de Messieurs White et Montour sont un exercice de ce droit [au développement économique], conclut la juge.

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