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Kanatuut, des nouvelles enracinées en territoire ancestral innu

« Dès qu'on partage des récits, on entre dans un imaginaire où tout existe, tout est permis », affirme Natasha Kanapé Fontaine.

Vue de trois quarts face, Natasha Kanapé Fontaine sourit.

À la fois autrice, comédienne et militante, Natasha Kanapé Fontaine se décrit d'abord comme poétesse.

Photo : Julie Artacho

Des personnages en quête de réponses, des événements surnaturels jamais anodins et, en toile de fond, un paysage inspiré du territoire innu… En dix récits presque tous ancrés dans la région de la Côte-Nord, Natasha Kanapé Fontaine, une artiste innue de Pessamit, renoue avec le genre de la nouvelle dans Kanatuut, publié aux Éditions Stanké.

Toujours au bord de la rupture, longeant les failles des tragédies intimes et collectives des Autochtones (pensionnats, viols, alcoolisme), l’autrice inscrit ses histoires dans le triangle du mystère, de la recherche d’identité et de la solitude.

Sous sa plume, les paysages deviennent vivants quand le visage du ciel se reflète sur l’asphalte après la pluie ou quand la terre se met à trembler après une offrande animale. Sous différentes formes, rassurantes ou effrayantes, les ancêtres réapparaissent aux vivants pour qui sait les voir.

Ce n'est pas la première fois que Natasha Kanapé Fontaine se frotte au genre de la nouvelle. Elle a participé aux ouvrages collectifs Les Disparus d'Ély, Amun ou encore Wapke, mais elle se lance désormais seule dans l'aventure avec Kanatuut, comme un nouveau défi dans sa carrière artistique protéiforme.

Je me suis dit : "J'avais envie de faire ça, je vais essayer, je vais voir ce que ça donne." Façon exploratrice à tâtons, mais sûre d'elle, en somme.

La couverture du nouveau recueil de nouvelles de Natasha Kanapé Fontaine.

La couverture du recueil de nouvelles «Kanatuut», de Natasha Kanapé Fontaine, paru aux Éditions Stanké (2023, 120 pages).

Photo : Les Éditions Stanké

Cette fois-ci, l'autrice s'est inspirée de légendes et de contes traditionnels qu'elle a (re)découverts lors d'un autre projet scénique et auxquels elle a donné un élan contemporain en leur attribuant des personnages d’aujourd’hui.

La littérature, ce champ des possibles

Adepte du réalisme magique – son travail littéraire est souvent qualifié d’onirique –, elle reconnaît avoir un faible pour la science-fiction. Vers l'adolescence, j'avais vraiment tendance à m'évader dans des histoires fantastiques, raconte Natasha Kanapé Fontaine, qui a passé sa petite enfance avec ses grands-parents à Pessamit, sur la Côte-Nord, avant de déménager avec ses parents à Baie-Comeau.

Les personnages de Kanatuut ont d'ailleurs été pensés comme des métaphores du lien entre le visible et l'invisible, explique-t-elle, à mesure qu'ils renouent avec leur culture, leur identité et leur communauté au fil des nouvelles. Un lien qu'on peut être en train d'oublier vu le monde matérialiste, plus individualiste, se désole-t-elle.

Dès qu'on entre dans cette relation avec le territoire en profondeur, on se rend compte qu'il n'y a plus aucune limite entre le visible et l'invisible. Tout ce qui peut être surréaliste est, en fait, réel.

Une citation de Natasha Kanapé Fontaine, artiste innue

Les légendes, bien plus que des histoires

Parmi les dix nouvelles, on trouve aussi une certaine Élizabeth Vollant qui pourrait être son double dans le récit intitulé Shikuan, le secret des dieux, où une jeune femme originaire du Nitassinan (territoire traditionnel occupé par les Innus) voyage en Nouvelle-Zélande.

Elle y fait une rencontre insolite : celle d’un arbre, le Tāne Mahuta, un kauri géant et millénaire. Ils l'ont surnommé ainsi, une référence directe à leur dieu, explique l’auteure, dont le mari est maori et qui s’est rendue en famille dans la forêt de Waipoua. Être devant cet arbre, ça a été toute une expérience!

Comment ce souvenir s’est-il transposé en fiction?

Dans la nouvelle, l’autrice écrit ceci : Je ferme les yeux. Cet arbre géant, ce dieu, se penche vers moi. Il me prend dans ses bras. C’est ce que je fais comme vœu, maintenant! Il me berce en lenteur entre ses longues branches, ses feuilles si nombreuses, son tronc rugueux. Je tombe dans le sommeil. Je pourrais dormir douze heures, dix-huit heures, vingt-quatre heures. [...] Je me suis endormie dans les bras de Tāne. J’espère qu’il comprend que c’est ma prière. J’oublie un instant le poids de l’hiver.

Une illustration de la nature régénératrice? Plutôt une démonstration du fait que les contes et légendes des peuples autochtones se font écho et, dans leur universalité, peuvent trouver une résonance à longue portée quand, parfois, on a l'impression de manquer de repères dans le monde occidental.

Selon elle, les communautés autochtones auraient tout intérêt à refaire la route vers [leur] culture ancestrale, [leur] philosophie traditionnelle, et à reprendre [leurs] récits fondateurs, les réapprendre, les raconter à nouveau, les fouiller également pour trouver des réponses.

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