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Les Mères mohawks s’interrogent sur la présence de sépultures sur un terrain de la SAQ

Les kanien’kehá:ka kahnistensera (Mères mohawks) s’inquiètent de l’éventuelle présence de sépultures d’enfants autochtones et non autochtones sur un site montréalais de la Société des alcools du Québec (SAQ) qui se trouve dans un ancien cimetière « informel ».

L'hôpital Saint-Jean-de-Dieu, à Montréal.

L'hôpital Saint-Jean-de-Dieu est l'un des établissements où des orphelins et des enfants autochtones se trouvaient.

Photo : Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Après leur action contre des travaux menés sur le site de l’ancien hôpital Royal Victoria à Montréal, les Mères mohawks s’inquiètent désormais, aux côtés des représentants des Orphelins de Duplessis, de travaux d’agrandissement qui doivent être menés sur le site des entrepôts de la Société des alcools du Québec (SAQ), dans l'est de Montréal.

Les deux parties craignent que des sépultures d’enfants autochtones et non autochtones se trouvent à cet endroit.

En effet, un ancien cimetière informel, comptabilisant possiblement plus de 2000 corps, se situerait sur le site visé par les travaux de la SAQ, explique Philippe Blouin, un anthropologue qui agit comme interprète pour les Mères mohawks.

Les Mères mohawks, associées aux représentants des Orphelins de Duplessis, demandent à ce que des précautions soient prises pour protéger des sépultures éventuelles, précise M. Blouin, en entrevue avec Espaces autochtones.

Nous souhaitons des experts sur les lieux, ainsi qu’une surveillance autochtone. Ce n’est pas demander la lune.

Une citation de Philippe Blouin, anthropologue

Cette demande a été faite à la SAQ, au procureur général du Québec et au ministère de la Culture et des Communications du Québec, par courrier recommandé, le 8 janvier.

Les Mères mohawks en compagnie de deux hommes.

Les Mères mohawks, Karennatha, Karakwine, Kahentinetha et Kwetiio, entourées de l'anthropologue Philippe Blouin et de l'archéologue Karonhianoron. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Julie Roy

Un accusé de réception a été envoyé aux parties en date du 2 février. Il indiquait que certains travaux préparatoires sont en cours, mais aucun travail d’excavation n’est effectué dans le cadre de l’expansion prévue.

Contacté pour obtenir plus de détails sur ces travaux, la SAQ précise que c'est en fait le courrier des Mères mohawks qui l'a poussée à prendre la décision de ne pas entreprendre les travaux d’excavation relatifs à l’agrandissement projeté, le temps d’établir un plan d’action.

Meilleure relation avec la SAQ

Clémence Beaulieu-Gendron, la relationniste, précise que l'intention de l'entreprise est de bien faire les choses.

Si les Mères mohawks ont mené un combat similaire face à la Société d’infrastructures du Québec et à l’Université McGill, maîtres d’œuvre des travaux à l’ancien hôpital Royal Victoria, elles estiment que leur relation avec la SAQ part sur de meilleures bases.

Ça se passe mieux, car nous ne sommes pas devant les tribunaux et nous avons espoir que la SAQ fera cela dans les règles de l’art, indique M. Blouin.

En janvier 2021, la SAQ annonçait par communiqué vouloir agrandir son centre de distribution à Montréal en investissant 48,5 millions $. Cet entrepôt se situe dans l’est de l’île, rue des Futailles, à l’ouest du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine.

Les inquiétudes des Mères mohawks et des représentants des Orphelins de Duplessis se basent sur des archives multiples.

Le « cimetière de la soue à cochons »

D’après des documents qu’ils ont fournis à la SAQ, les corps enterrés dans ce cimetière étaient ceux, non réclamés, de patients décédés à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu, situé à deux pas dudit cimetière..

Portrait de Kahentinetha.

Kahentinetha est impliquée au sein des Mères mohawks avec d'autres femmes. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Les Mères mohawks évoquent notamment un témoignage de la sœur Marie Paule Levaque, entendue devant la cour en 1980.

Elle y indiquait que les malades qui décédaient à Saint-Jean-de-Dieu et dont les corps n’étaient pas réclamés par les familles étaient enterrés dans ce cimetière entre 1873 et 1958.

Si la sœur évoquait alors près de 2000 personnes, le Registre des sépultures de l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu estimait ce nombre à 2168.

Le cimetière de la soue à cochons, comme il était surnommé, a été fermé en 1958, peut-on lire dans un article du Journal de Montréal, fourni en annexe de la demande des Mères mohawks et des représentants des Orphelins de Duplessis.

À l’époque, le journaliste se questionnait sur la probabilité que plusieurs victimes de mauvais traitements aient été enterrées sans enquête.

Des exhumations ont ensuite eu lieu. En 1999, des corps ont aussi été découverts sur le site par accident. Nous avons des traces de cet événement dans les archives du Journal de Montréal, indique M. Blouin.

Photo en noir et blanc montrant plusieurs rangées de lits vides recouverts de draps blancs, et un crucifix sur le mur.

Un dortoir de l'hôpital Saint-Jean-de-Dieu, en 1911 (Photo d'archives)

Photo : Wm. Notman & Son/Musée McCord

À l’époque, la SAQ soutenait qu’il s’agissait d’un seul os trop gros pour être humain et qu’il appartenait plutôt à un animal.

De nombreux enfants autochtones ont séjourné dans les hôpitaux québécois sans être par la suite renvoyés dans leurs familles.

D’après un document d’archives, au moins quatre enfants autochtones étaient hospitalisés à Saint-Jean-de-Dieu en 1963.

On en comptait 30 à l’hôpital protestant de Verdun, à Montréal, 23 à l’hôpital Cecil Butters, à Austin, et 2 à l’Hôtel-Dieu du Sacré-Cœur de Jésus, à Québec.

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