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Justice : 2,1 M$ d’Ottawa pour des projets menés par des Autochtones

L'annonce ne va pas résoudre le problème de la surreprésentation des Autochtones dans le système de justice canadien, selon la sénatrice Kim Pate et l'enquêteur correctionnel du Canada, Ivan Zinger.

Arif Virani en mêlée de presse.

Le ministre de la Justice du Canada, Arif Virani, a fait cette annonce à Toronto.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Arif Virani, le ministre de la Justice du Canada, a fait l’annonce d’un soutien de plus de 2 millions de dollars pour différents projets concernant les Autochtones, mardi, à Toronto. Ces initiatives, toutes torontoises, ont pour but de s’attaquer à la surreprésentation des Autochtones dans le système de justice canadien.

Depuis de nombreuses années, les Autochtones représentent une part importante des détenus, alors qu’ils ne forment qu’une faible partie de la population du pays. La situation est particulièrement dramatique pour les femmes qui constituent près de la moitié des détenues féminines.

Le ministre Virani a insisté sur le fait que ces statistiques sont troublantes, choquantes, et qu’elles représentent un défi pour le pays.

L'annonce d'aujourd'hui s'appuie sur des engagements de financement antérieurs pouvant atteindre 49 millions de dollars dans notre énoncé économique de l'automne 2020, a-t-il encore précisé.

Les trois projets qui vont recevoir ce financement ont été présentés lors d’une conférence de presse.

Un officier de Service correctionnel Canada dont on ne voit que l'écusson sur la manche.

Les juges doivent désormais prendre en compte les traumatismes intergénérationnels qui touchent les Autochtones lorsqu'ils prononcent leurs sentences. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach

Le premier appuie un programme de déjudiciarisation pénale des Autochtones à Toronto, à travers le Community Council.

On y trouve aussi une initiative qui offre une médiation pour régler les différends familiaux autochtones ou encore qui soutient les accusés dans leur guérison.

Comme l'a mentionné Chantell Barker, directrice générale de l’organisme Aboriginal Legal Service (ALS), qui était sur place lors de l’annonce, derrière chaque méfait se trouve une personne en souffrance qu’il faut aider à guérir plutôt que punir.

Une personne tient des barreaux avec ses deux mains et on ne voit pas son visage.

La situation des Autochtones en prison inquiète depuis la fin du 19e siècle.

Photo : getty images/istockphoto

Le deuxième projet soutenu est celui du programme Gladue. Les rapports Gladue sont rédigés pour permettre aux juges de saisir le passé et les traumatismes liés au colonialisme dont souffrent les Autochtones qui ont des démêlés avec la justice. Ils permettent aussi de faire part de recommandations au tribunal pour déterminer une peine appropriée.

Le financement offert par le gouvernement fédéral va ainsi permettre à l'ALS de rédiger de tels rapports.

Enfin, le dernier projet soutenu par le Canada va permettre à l'ALS de préparer une évaluation des besoins pour le projet du palais de justice et du centre de mises en liberté sous caution de Toronto.

L’idée est que les Autochtones puissent prendre part au processus concernant la manière dont les tribunaux intègrent les principes de l’arrêt Gladue.

Régulièrement, l’enquêteur correctionnel Ivan Zinger met en avant le fait que beaucoup de juges ne sont pas encore au fait de l’importance de suivre les recommandations des rapports Gladue et prononcent des sentences sans tenir compte des spécificités et des défis qui touchent les Autochtones judiciarisés.

Selon le ministre Virani, ces financements vont améliorer le système de justice canadien et le rendre plus accessible et plus équitable, a-t-il dit lors de la conférence de presse. Il a surtout rappelé que ces programmes ne viennent pas du gouvernement, mais bien des Autochtones eux-mêmes.

Il estime aussi que cette annonce répond aux recommandations de la Commission de vérité et réconciliation.

C’est très excitant pour nous, car nous allons pouvoir continuer notre travail. Il est important de maintenir nos jeunes hors du système de justice, car une fois qu’ils y sont, ils y restent longtemps, a aussi soutenu Chantell Barker de l’ALS.

Des avis mitigés

Kim Pate, sénatrice qui s’implique beaucoup pour réduire le nombre des Autochtones dans les prisons du pays, a réagi à cette annonce.

En entrevue avec Espaces autochtones, elle a souligné que les programmes soutenus financièrement sont de bons programmes, mais qu’ils ne participent pas à la baisse du nombre d’Autochtones judiciarisés.

La sénatrice Kim Pate.

La sénatrice Kim Pate a régulièrement plaidé pour la cause des femmes autochtones en prison. (Photo d'archives)

Photo : CBC/Ashley Burke

Je pense que c'est bien intentionné. Et, comme indiqué, l'argent sera certainement consacré aux services et améliorera certains très bons services existants. Mais l’annonce indique qu’il s’agit de réduire le nombre d’Autochtones en prison. [Ce financement] ne perturbera pas cette trajectoire de manière significative, a-t-elle assuré.

Ce sont de bons services, mais ils le sont après coup. Et cela n’empêchera pas les gens d’être pénalisés et emprisonnés.

Une citation de Kim Pate, sénatrice

Ce qu’il faut pour baisser le nombre d’Autochtones en prison, c’est s’attaquer au problème avant qu’ils n’entrent dans le système judiciaire, a-t-elle dit.

Il faut déployer des ressources dans les communautés, a expliqué Kim Pate. Il faut aussi éliminer les peines minimales obligatoires. Ces peines empêchent les juges de prononcer une peine plus clémente que la peine plancher fixée par la loi.

Cela signifie donc que même si vous avez un très bon rapport avant la sentence, le juge n'a aucun pouvoir discrétionnaire, a précisé la sénatrice.

Elle a expliqué que des projets de loi pour offrir justement un pouvoir discrétionnaire aux juges ont été portés, mais n'ont pas reçu le soutien du gouvernement.

Ivan Zinger a lui aussi souligné une belle initiative, mais qui reste locale. C'est très positif, mais ce n'est pas ça qui va changer la tendance, a-t-il ajouté.

L'enquêteur a indiqué être impatient de voir la couleur de la stratégie en matière de justice autochtone dont la réflexion pour son élaboration a été lancée en 2021.

M. Zinger a peu d'espoir que cette stratégie soit dévoilée avant les prochaines élections fédérales, mais insiste pour qu'elle soit dévoilée cet automne.

L’Enquêteur correctionnel du Canada, Ivan Zinger, est dans son bureau et parle au téléphone

L’enquêteur correctionnel du Canada, Ivan Zinger, publie chaque année des rapports accablants concernant la situation des Autochtones dans le système judiciaire. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Benoit Roussel

Ivan Zinger et Kim Pate militent aussi pour que plus de pavillons de ressourcement – des formes de prisons fédérales alternatives dédiées aux Autochtones – soient gérés par les communautés elles-mêmes.

Cet enjeu est inclus dans nos efforts. Nous devons aussi travailler avec les provinces, a répondu le ministre de la Justice quand il a été interrogé à ce sujet. Il est resté flou quant à la possibilité de donner la direction de plus de pavillons de ressourcement aux Autochtones.

La réponse à cette même question que nous avons posée au ministre a été très timide, a indiqué de son côté M. Zinger.

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