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Principe de Jordan : des leaders autochtones divisés sur un recours devant le tribunal

La Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations a lancé de nouvelles démarches juridiques contre le gouvernement du Canada au début de l’année. Elle allègue qu’Ottawa n’administre pas correctement l’aide qui doit être versée en vertu du principe de Jordan aux enfants des Premières Nations souffrant de problèmes de santé pressants.

Un jeune garçon joue au hockey dans la rue enneigée.

Le principe de Jordan est une règle juridique qui garantit l’accès des enfants des Premières Nations à des soins de santé ainsi qu'à des soutiens sociaux et éducatifs lorsqu’ils en ont besoin. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Radio-Canada

Le plus récent litige opposant la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations et le gouvernement fédéral est loin de faire l’unanimité chez les organisations autochtones impliquées dans le dossier. Il enfreint en effet une clause du règlement de 20 milliards de dollars conclu avec Ottawa pour dédommager les enfants et les familles lésées par le système de protection de la jeunesse.

Pour la directrice générale de l'organisme, Cindy Blackstock, c’est notre dernier recours de faire appel ainsi au Tribunal canadien des droits de la personne. Nous avons essayé tout le reste. La négociation ne fonctionne que si l’autre partie est motivée à agir, a-t-elle dénoncé en entrevue avec CBC Indigenous.

L’enjeu de ces négociations est un règlement d’ampleur historique au Canada. Plusieurs partenaires autochtones, dont la Société et Mme Blackstock, ont déposé une plainte au Tribunal canadien des droits de la personne en 2007 pour dénoncer le sous-financement chronique de la protection de l’enfance dans les communautés et les délais de traitement des demandes faites en vertu du principe de Jordan.

Cindy Blackstock, directrice générale de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations.

Cindy Blackstock, directrice générale de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations

Photo : Radio-Canada / Olivia Stefanovich

Selon ce principe, un enfant autochtone doit recevoir de l’aide médicale dès qu’il en a besoin, peu importe les conflits de compétences qu’il peut y avoir entre les ordres de gouvernement.

La protection de l'enfance chez les Autochtones

Consulter le dossier complet

Une maman tenant son bébé dans ses bras.Ils sont assis de dos.

Le tribunal a retenu la plainte, mais ce n’est qu’en 2023 – après une série d’autres procédures – qu’un accord de règlement de 19,8 milliards de dollars a été conclu. C’est le plus important règlement du genre jamais conclu au Canada.

Dissensions

Des failles commencent à apparaître entre les diverses organisations autochtones qui faisaient jusqu’ici front commun, car l’entente de principe contient une clause proscrivant toute démarche juridique similaire à celle entreprise par Mme Blackstock.

La cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations (APN), Cindy Woodhouse Nepinak, a affirmé qu’elle ne soutient qu’en partie l’initiative de la Société et qu’elle s’opposerait à tout autre recours du genre.

Cindy Woodhouse parle, debout au pupitre.

Cindy Woodhouse, cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Il y a un sentiment parmi certains partenaires que l’heure n’est plus aux litiges. En tout respect pour Mme Blackstock, nous sommes engagés à rester à la table des négociations, a précisé Bobby Narcisse, grand chef adjoint de la Nation Nishnawbe Aski, une organisation représentant 49 communautés du Nord de l’Ontario qui s'est jointe au recours initial contre Ottawa.

Oui, les demandes [pour le principe de Jordan] devraient être traitées dans des délais raisonnables, mais il ne faut pas que la motion [de Cindy Blackstock] fasse dérailler les négociations, a-t-il fait valoir

La Société ne devrait pas boycotter le processus de négociation sur lequel nous nous sommes tous entendus, selon lui. M. Narcisse croit que le règlement est une occasion unique de changer le système, mais il s’inquiète d’autres facteurs d’ordre politique. L’approbation de n’importe quelle entente de cette taille prend du temps et une élection fédérale est prévue en 2025.

Nous pourrions changer de gouvernement dans un an environ, alors cette entente pourrait ne plus être sur la table, redoute-t-il.

La cheffe de l’APN affirme de son côté qu’il y a des raisons de s’inquiéter du nombre de demandes en vertu du principe de Jordan qui s’accumulent, mais elle sent que les démarches juridiques de la Société ouvrent la porte à des modifications de l’échéancier par le gouvernement fédéral ou la cour.

L’Assemblée des Premières Nations va donc s’opposer à certaines mesures que demande la Société, a affirmé la cheffe Woodhouse Nepinak.

Le Canada enfreint aussi l’entente, selon Cindy Blackstock

Une mère embrasse son jeune enfant malade.

En 2007, la Chambre des communes a adopté le principe de Jordan, du nom de Jordan River Anderson, qui garantit que les enfants des Premières Nations reçoivent les services essentiels comme les soins de santé. (Photo d'archives)

Photo : TIFF

Sur le plan éthique, la Société ne pouvait pas participer à des discussions ayant pour but de mettre fin à la discrimination raciale tout en protégeant le Canada de toute reddition de comptes alors qu’il continue de discriminer certains enfants en temps réel, a martelé Cindy Blackstock.

Selon elle, le Canada ne respecte pas le principe de Jordan et enfreint donc lui aussi l’entente de principe. Mme Blackstock ne pense pas qu’elle boycotte les discussions; elle croit plutôt qu’elle met de la pression pour obtenir de meilleures négociations.

Nous sommes capables de régler ce dossier avant les prochaines élections, j’en suis convaincue, a-t-elle noté. Mais ce qu’on ne peut pas faire, c’est négocier les droits fondamentaux des enfants des Premières Nations à la baisse, en deça de ce à quoi ils ont droit.

Des modifications proposées par le fédéral

Face à la motion de la Société, des avocats de Services aux Autochtones Canada (SAC) ont contre-attaqué en déposant leurs propres motions qui ont pour but de prolonger – voire d’éliminer dans certains cas – les délais à respecter en vertu du principe de Jordan.

Pour le traitement de demandes individuelles urgentes, le ministère voudrait que les délais passent de 12 à 48 heures. Les requêtes de routine, quant à elles, devraient être traitées sans délai déraisonnable, alors qu’à l’heure actuelle, elles doivent être résolues dans les 48 heures.

Dans un affidavit, la sous-ministre des Relations Couronne-Autochtones et ancienne haute fonctionnaire de SAC Valerie Gideon estime qu’un nombre significatif de demandes sont identifiées à tort comme urgentes.

Selon elle, une tendance montre que les demandes d’aide touchent désormais des besoins socioéconomiques comme l’épicerie, les hypothèques et les loyers, les nouvelles maisons, les rénovations et même les véhicules personnels.

Contre-interrogée la semaine dernière devant le tribunal, Mme Gideon a fourni une liste de demandes soi-disant mal classifiées pour des choses telles que des photos d’agence de mannequinat, une motoneige, une tondeuse, des bâtonnets fluorescents, des télévisions et une tyrolienne.

Les avocats du gouvernement font valoir que la prolongation des délais va être bénéfique pour les enfants des Premières Nations, car elle assurera que les demandes urgentes et non urgentes pourront être distinguées raisonnablement, ce qui permettra d’honorer une demande dans des délais raisonnables.

Dans un courriel, SAC a précisé que le ministère examine la possibilité d’avoir recours aux technologies de pointe et à l’automatisation pour accélérer l’approbation des demandes en vertu du principe de Jordan.

Le Tribunal canadien des droits de la personne entendra la motion de Mme Blackstock en juin.

Avec les informations de Brett Forester, de CBC Indigenous

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