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Les Québécois devraient-ils pouvoir voter par Internet en 2022?

Une femme estonienne est assise derrière son ordinateur aux élections de 2019.

Les Estoniens peuvent voter en ligne à l'aide de leur carte d'identité numérique.

Photo : Associated Press / David Keyton

Le Québec n’est pas prêt à introduire le vote par Internet ni même à le mettre à l’essai auprès de certains groupes d’électeurs. Bien qu'il soit encore peu répandu, ce mécanisme fait lentement son chemin dans les démocraties. Tour d’horizon.

Des pays comme la France et le Brésil offrent maintenant le vote en ligne aux électeurs à l’étranger, mais seule l’Estonie l’utilise à l’échelle nationale. Ce petit pays balte de 1,3 million d’habitants l’a introduit aux élections locales en 2005 et l’a élargi en 2007.

Au Canada, des municipalités en Ontario et en Nouvelle-Écosse l’ont mis à l’essai pour la première fois en 2003. D’autres projets pilotes ont vu le jour dans ces deux provinces depuis, notamment à Halifax.

Le Québec, de son côté, a testé le vote par terminal électronique aux élections municipales de 2005, mais le projet a été un échec. Ça a failli très mal finir, raconte Clément Gagnon, spécialiste en sécurité de l’information, évoquant des ratés informatiques. Tout s’est arrangé finalement, mais ça avait refroidi [le Directeur général des élections] à l’époque.

Le vote par Internet, l’enjeu, c’est la trace du vote, parce qu’il est numérique et pas physique. Il faut la manipuler pour qu’il y ait une preuve irréfutable, sans qu’on puisse l’associer avec l’identité du voteur. […] L’enjeu du vote électronique, ce n’est pas la traçabilité, mais la preuve du vote, explique M. Gagnon.

Vote électronique et par Internet, quelle différence?

Le vote par Internet s’effectue via un portail dédié en ligne, tandis que le vote électronique se fait dans un bureau de scrutin via un terminal électronique. Il est souvent combiné avec une trace papier.

Quinze années se sont écoulées avant qu’Élections Québec ne s’intéresse à nouveau à la question. Dans un dossier déposé à l’Assemblée nationale en 2020, l’organisation a campé les critères et les enjeux du vote par Internet dans un contexte québécois. Parmi ses recommandations : une démarche graduelle et la réalisation de projets pilotes lors d'élections provinciales.

Est-ce qu’on va être capables de préserver le secret du vote? De vérifier l’identité des électeurs? C’est quand même quelque chose de complexe, qu’on veut bien faire, parce qu’il s’agit de l’intégrité des élections, de la confiance des électeurs. On ne peut pas se permettre d’introduire ça à la hâte et qu’il y ait des ratés.

Une citation de Julie St-Arnaud Drolet, porte-parole du Directeur général des élections du Québec (DGEQ)

Deux ans plus tard, et malgré la nécessité d’un processus plus accessible en raison de la pandémie, le projet de vote par Internet est encore à un stade embryonnaire. Pour permettre aux personnes en isolement de voter, les élus ont préféré élargir le vote par correspondance.

À l’heure actuelle, des défis techniques subsistent concernant la mise en place d’une plateforme de vote en ligne. Nous n’en étions donc pas là pour les élections générales d’octobre, admet le cabinet de la ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Réforme électorale, Sonia LeBel.

L'identité numérique, l'ingrédient manquant

Pour s’assurer de l’intégrité du vote, ça prend une identité numérique, soutient le spécialiste en sécurité de l’information Clément Gagnon.

L’identité numérique est d’ailleurs à la base du système de vote en Estonie. Depuis 2002, les Estoniens disposent tous d’une carte d’identité cryptée. C’est avec cette carte qu’ils peuvent voter en ligne, mais aussi remplir leur déclaration de revenus ou encore obtenir une ordonnance médicale.

Une identité numérique n’existe pas encore au Québec, mais le gouvernement y travaille. Selon les informations accessibles sur le site web du gouvernement (Nouvelle fenêtre), une application mobile devrait être développée d’ici 2025 pour permettre aux Québécois de démontrer [leur] identité, une compétence ou une autorisation en toute sécurité.

Mais l’identité numérique n’est qu’une première étape pour aspirer à un vote par Internet efficace et fiable. Afin de préserver le secret du vote, Élections Québec doit pouvoir séparer l'identité de l'électeur de son résultat, explique Clément Gagnon. L’organisation doit aussi s’assurer qu’un citoyen ne puisse pas voter deux fois.

Ce sont des choses qui sont contrôlables, mais ça demande des efforts, ça demande des technologies. C’est ce qui fait que c’est compliqué. Mais tout se fait, expose le spécialiste.

Il s’agit de mettre les efforts et il faut qu’il y ait un retour sur investissement. Pas nécessairement monétaire, mais il faut que ça crée de la confiance.

Une citation de Clément Gagnon, spécialiste en sécurité de l’information

Des bénéfices limités

Pour l’heure, ce retour sur investissement ne saute pas aux yeux. Deux études réalisées en 2021, l’une sur la participation électorale (Nouvelle fenêtre) et l’autre sur la diversité des électeurs (Nouvelle fenêtre), pointent vers un effet mineur sur le comportement électoral.

On entend souvent que le vote en ligne serait un bon moyen d’augmenter la participation, particulièrement celle des jeunes. Mais on observe plutôt un déplacement du vote. Ceux qui votent déjà par correspondance vont choisir d’exercer leur vote par Internet, souligne Julie St-Arnaud Drolet, porte-parole du DGEQ.

Si le développement d’un cadre pour le vote en ligne a été négligé au Québec, c’est aussi à cause de la promesse – non tenue – de la CAQ de réformer le mode de scrutin, pense André Blais, titulaire de la Chaire de recherche de l'Université de Montréal en études électorales.

Au Québec, on a été tellement centré sur la réforme du mode de scrutin que les autres enjeux du droit électoral – comme le vote à 16 ans ou le vote des résidents qui ne sont pas citoyens – n’ont pas été discutés sérieusement, suppose-t-il.

Malgré les inconvénients du vote par Internet comme les coûts et les risques, le professeur André Blais pense que le gouvernement du Québec doit continuer de s’intéresser à la question.

La meilleure façon, c’est de l’essayer à petite échelle. On devrait, selon moi, le tester aux élections municipales, comme on l’a fait en Ontario, regarder ce que ça donne, et s’il y a des effets bénéfiques, on l’adopte, plaide-t-il.

Précisions

Une version précédente de cet article indiquait que le gouvernement du Québec n’avait pas de projets pilotes sur son radar pour le moment. Depuis la publication de cet article, Élections Québec nous a contactés pour préciser qu'il « envisag[e] maintenant la tenue de premiers projets pilotes lors des élections municipales de 2025 ».

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