•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Les Autochtones taïwanais inspirés par leurs « cousins canadiens »

La lutte pour la reconnaissance des droits des Premières Nations au Canada inspire les nations autochtones à Taïwan. Des activistes, des artistes et même des élus gouvernementaux citent en exemple les démarches de la Commission de vérité et réconciliation.

Des plats traditionnels sont déposés en offrande.

Le repas offert aux dieux à la fête de la nation Siraya.

Photo : Radio-Canada / Afore Hsieh

Sur une petite place publique de Tainan, dans le sud de Taïwan, résonne le son des tambours traditionnels. Une famille toute vêtue de bleu, couronnes de fleurs colorées sur la tête et instruments à la main, danse joyeusement devant des centaines de personnes.

Les différentes tribus venues d’un peu partout dans la région s’offrent en spectacle à tour de rôle en ce soir de début novembre. C’est la cérémonie traditionnelle pour célébrer l’esprit ancestral des Siraya.

Les villageois dansent aussi pour leur renaissance culturelle obtenue après des années de lutte judiciaire. La petite nation autochtone Siraya venait tout juste d’être reconnue par le gouvernement taïwanais.

Juste à côté de là, plus loin sur la place publique, des dizaines de tables sont alignées sous un grand chapiteau. On y trouve soupe, riz, nouilles de toutes sortes, desserts divers. Le repas offert aux dieux et partagé en famille prend une tout autre signification cette fois-ci.

Ils mangent sous un chapiteau.

Le repas de la communauté à la fête de la nation Siraya.

Photo : Radio-Canada / Afore Hsieh

C’est exactement comme dans mon enfance, affirme Dai Ji-xiang qui fait partie du comité organisateur. Il faut transmettre fièrement l’héritage de la nation aux enfants malgré toutes les embûches.

Des solutions canadiennes comme modèle

Taux de chômage élevé, faible scolarité et inégalités sociales. Les problèmes des communautés autochtones de Taïwan sont semblables à ceux du Canada. L’essor et la vitalité de ces petites communautés sont cependant devenus une priorité récemment à Taïwan.

Arrivée au pouvoir en 2016, la présidente Tsai Ing-wen a présenté ses excuses aux nations autochtones qui représentent 2,5 % de la population. Une démarche de pardon pour les injustices commises, inspirée à l’époque par celle du gouvernement canadien.

Les conclusions et les appels au changement de la Commission de vérité et réconciliation du Canada guident notre gouvernement aujourd’hui, soutient le ministre des Affaires autochtones de Taïwan, Icyang Parod. Les documents canadiens ont d’ailleurs été traduits dans chacune de nos 16 langues autochtones de Taïwan.

Icyang Parod, ministre des Affaires autochtones de Taïwan.

Icyang Parod, ministre des Affaires autochtones de Taïwan

Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc

La grande priorité du gouvernement de Tsai Ing-wen a été la revitalisation de ces langues bannies pendant 56 ans de règne autocratique. Une génération entière a été forcée d’ignorer et d'oublier ses origines.

J’ai moi-même été puni lorsque j’étais étudiant pour avoir simplement osé parler dans ma langue maternelle, explique le ministre issu d’une communauté du sud de l’île.

Des cours de langues autochtones sont offerts dès la maternelle depuis quelques années à Taïwan. Avec la progression des élèves, les cours sont dispensés au secondaire pour la première fois cette année.

Quand la culture sert à sensibiliser la population

Pour sa part, le chanteur Suming s’est donné pour mission de faire connaître sa culture et sa réalité grâce à sa musique. On peut dire qu’il est le Florent Vollant de Taïwan. Son public est composé à 90 % de non-Autochtones, des gens qui connaissent souvent mal l’histoire de Taïwan puisque les cours au secondaire n'incluent la réalité autochtone que depuis 2019.

Plus de la moitié des Autochtones de Taïwan vivent maintenant en ville et n’ont plus cette culture ancestrale, explique Suming. Cette proportion est appelée à prendre de l’ampleur. C’est donc encore plus important de transmettre notre héritage comme on le peut.

Le chanteur est en habits traditionnels.

Le chanteur Suming, de la nation autochtone Siraya, à Taïwan

Photo : Gracieuseté : Mita Idea

L’activiste appelé Talum, lui, répète depuis longtemps que Taïwan devrait s’inspirer du concept de Premières Nations adopté au Canada pour faire avancer les demandes des Autochtones. Talum a d’ailleurs créé un groupe Facebook, Buan Moon Talks, qui partage les nouvelles des différentes nations de la planète.

Fruit de cette inspiration et de cette collaboration, une exposition conjointe Taïwan-Canada au Musée des beaux-arts de Tainan vient de prendre fin le 29 janvier après trois mois. Elle avait pour thème la persévérance et la résistance.

Vingt-cinq artistes canadiens et taïwanais ont pu exprimer visuellement que les blessures et les combats des nations autochtones se ressemblent. Les références à la crise d’Oka, aux écoles résidentielles, aux conséquences de la perte de la langue et de l’identité autochtones étaient nombreuses.

Ce sont nos cousins, dit l’artiste Yoma qui a sculpté une des œuvres. Le sort de ma nation est lié de près aux combats contre l’exploitation minière que peuvent mener de jeunes autochtones en Colombie-Britannique, par exemple. Je les ai vus à Vancouver il y a quelques années, et ils étaient inspirants.

Une femme couchée sur le côté, le dos sanglant, lacéré.

Oeuvre exposée au Musée des beaux-arts de Tainan

Photo : Radio-Canada / Afore Hsieh

Si les Siraya dansent en public à l’occasion de la journée de leur esprit ancestral, car leur persévérance et leur résistance ont été récompensées, le combat pour la création d’emplois pour les Autochtones dans leurs territoires ancestraux continuera d’être une priorité.

Malgré tout le travail qui reste à accomplir pour réparer les lourdes injustices, chaque pas vers l’avant est célébré comme une grande victoire à Taïwan.

Philippe Leblanc est correspondant de Radio-Canada à Taïwan

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.