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Itinérance et emprisonnement : Québec rappelle les cours municipales à l’ordre

Un homme sur un trottoir se frotte les mains pour se réchauffer.

En décembre dernier, plus de 364 mandats d’emprisonnement étaient prêts à être exécutés à l’encontre de personnes qui avaient donné pour adresse le Gîte Ami, principal refuge de Gatineau. (Photo d'archives)

Photo : iStock

Alors que des mandats d’emprisonnement pour non-paiement d’amendes continuent de viser des personnes itinérantes à Gatineau, le ministère de la Justice du Québec a écrit, le mois dernier, à l’Association des greffiers de cours municipales du Québec (AGCMQ) pour les rappeler à l’ordre.

La présente lettre [­…] vise à informer l’ensemble des greffiers et greffières de cours municipales du Québec des récentes modifications au Code de procédure pénale, lesquelles modifient les règles applicables à l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes, peut-on lire dans la lettre datée du 15 décembre 2022, que Radio-Canada a obtenue récemment.

Le document est signé par Me Audrey Turmel, directrice des programmes d’adaptabilité et de justice réparatrice au ministère de la Justice.

Le 14 décembre dernier, Radio-Canada rapportait que plus de 364 mandats d’emprisonnement étaient actuellement prêts à être exécutés à l’encontre de personnes qui avaient donné pour adresse le Gîte Ami, principal refuge de Gatineau. Or, depuis 2020, une personne qui a une excuse raisonnable d’avoir omis de payer une amende ne peut se voir imposer une peine d’emprisonnement.

Entrée du refuge Gîte Ami.

Le refuge du Gîte Ami, à Gatineau (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

La lettre stipule clairement que la situation d’itinérance d’une personne constitue une excuse raisonnable depuis la modification législative de juin 2020.

Cette modification vise à mettre fin à l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes des personnes vulnérables, dont notamment, mais non limitativement, les personnes en situation d’itinérance.

Une citation de Me Audrey Turmel, directrice des programmes d’adaptabilité et de justice réparatrice au ministère de la Justice du Québec

Le ministère de la Justice a décliné la demande d’entrevue de Radio-Canada.

En revanche, Isabelle Boily, porte-parole du ministère, a indiqué par écrit que le projet de loi ayant été présenté et adopté durant la pandémie de COVID-19, un rappel de la modification législative et de l'intention du législateur a été fait. Le tout dans l'objectif d'assurer la compréhension et l'application uniforme de ces dispositions à travers le Québec.

Une demande d’accès à l’information a été envoyée en début d’année par Radio-Canada au ministère de la Justice du Québec pour obtenir tout échange ou directive du ministère à l'intention des procureurs municipaux et/ou des cours municipales en ce qui concerne les nouvelles dispositions du Code de procédure pénale du Québec. Seule la lettre envoyée à l’AGCMQ en est ressortie.

La lettre envoyée à l’AGCMQ est datée du 15 décembre 2022, soit le lendemain de la diffusion du reportage de Radio-Canada sur les emprisonnements pour non-paiement d’amendes à Gatineau. L’organisme a indiqué par courriel avoir acheminé ladite lettre à tous ses membres, mais n’a pas accepté de donner une entrevue sur le sujet.

Uniformiser les façons de faire

Dans une déclaration écrite, la Ville de Gatineau confirme que les greffiers de sa Cour municipale ont bel et bien reçu la correspondance envoyée par Québec en décembre dernier.

Le Service des communications de la Ville a ainsi fait savoir qu’un entretien avait eu lieu avec un représentant du Ministère sur la question de l’emprisonnement pour non-paiement d’amendes.

Des discussions seraient en cours afin d’uniformiser les façons de faire avec les différents intervenants judiciaires en accord avec le ministère de la Justice. La déclaration ne précise toutefois pas les mesures qui seront mises de l’avant pour mettre en œuvre cette uniformisation.

La connaissance d’office demeure la règle, selon une experte

Me Marie-Ève Sylvestre, doyenne de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, est catégorique : les acteurs du système judiciaire devraient connaître d’office les nouvelles règles du Code de procédure pénale.

De ne pas porter attention aux changements législatifs, c'est un peu étonnant. C'est la responsabilité, il me semble, des acteurs judiciaires, lance Me Sylvestre en entrevue.

Marie-Ève Sylvestre.

Me Marie-Ève Sylvestre, doyenne de la Faculté de droit, section de droit civil, à l’Université d’Ottawa (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / David Bates

Selon la loi, c’est au juge d’être convaincu que le défendeur est dans l’incapacité de payer une amende pour une infraction à un règlement municipal. En corollaire, le défendeur doit lui-même prouver cette incapacité.

Il me semble que lorsqu’on demande d’émettre un mandat d'emprisonnement avec le Gîte Ami comme adresse; lorsque, par ailleurs, on voit que toutes les autres mesures du Code [de procédure pénale] ont été épuisées sans succès, y compris la saisie, [et les] travaux compensatoires [...], lorsqu’on regarde toutes les mesures et qu’on cumule ça avec [l’adresse du Gîte Ami sur le constat], il y a là à mon avis suffisamment de raisons pour que le juge ne soit pas convaincu que le défendeur n’a pas fourni d’excuse raisonnable au sens de la loi, ajoute Me Sylvestre.

Sans qualifier d’illégaux les mandats d’emprisonnement visant des personnes en situation d’itinérance, Me Sylvestre y voit probablement une erreur de droit dans l’interprétation de la loi.

Si j’étais un avocat de la défense, je contesterais ce mandat d'emprisonnement.

Une citation de Me Marie-Ève Sylvestre, doyenne de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa

J’exigerais, par exemple, de faire entendre le défendeur pour qu’il puisse démontrer qu’il n’a pas les moyens de payer, soutient-elle.

L’avocate espère que la lettre de Québec porte ses fruits.

Ce que cette lettre indique, c'est que lorsqu’il y a eu la modification législative, il était clair que l’objectif était de mettre fin à l'emprisonnement pour non-paiement d'amendes pour les personnes en situation de pauvreté et d’itinérance. [...] C'est ce qui transparaît des travaux parlementaires. [...] C’est un rappel que c'est dans ce sens-là que devraient se gouverner les cours municipales, conclut Me Sylvestre.

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