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AnalysePourquoi l’inflation est-elle plus élevée au Québec?

Plan rapproché d'Eric Girard lors d'une conférence de presse.

Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, présentera son budget le 21 mars prochain.

Photo : La Presse canadienne / Nathan Denette

Au cours des huit derniers mois, le niveau d’inflation au Québec a été plus élevé qu’en Ontario à cinq reprises. L’inflation est en baisse depuis l’été dernier en Ontario, alors que le Québec a connu un rebond l’automne dernier. Les chèques envoyés par le gouvernement Legault à la population viennent-ils alimenter l’inflation au Québec plus qu’ailleurs au pays?

Il faut dire que l’écart entre les deux provinces grandit depuis trois mois. Le taux d’inflation se situait en janvier à 6,2 % au Québec, contre 5,6 % en Ontario. De plus, d’octobre à novembre, alors que l’inflation faiblissait lentement, le taux a bondi de 6,4 % à 6,8 % au Québec, alors qu’il a reculé en Ontario de 6,5 % à 6,4 %.

Le ministre des Finances, Eric Girard, a annoncé le 9 novembre des versements non imposables allant de 400 $ à 600 $ pour 6,5 millions de Québécois, versements qui ont été effectués à partir de la fin novembre.

Y a-t-il un lien, alors, entre ces chèques et la hausse de l’inflation au Québec? J’ai demandé à plusieurs économistes de nous aider à y voir plus clair.

Première explication possible de cet écart d’inflation entre les deux provinces : le marché immobilier est plus sensible à la hausse des taux d’intérêt en Ontario qu’au Québec. La pression inflationniste s’amenuise plus rapidement en Ontario dans ce secteur, et la construction est plus lente dans la région de Toronto que dans le Grand Montréal.

L’économiste en chef de la Banque Nationale, Stéfane Marion, nous fait remarquer d’ailleurs que le taux d’inflation du Grand Toronto était de 5,7 % en janvier, alors que celui du Grand Montréal était plus élevé, à 6,6 %. Le différentiel s’explique par l’inflation de la composante habitation, m’écrit Stéfane Marion.

Autre explication : il est bien possible, selon Stéfane Marion, que la baisse du Grand Toronto reflète aussi la chute historique de 17 % de la composante frais de garderie au niveau de l’indice national des prix à la consommation sur un an, qui ne devrait pas se refléter au Québec [car le programme existait déjà].

Inspiré par le système québécois, le gouvernement fédéral a lancé un vaste programme de garderies partout au Canada pour réduire les frais de garde de 50 % en moyenne, avec l’objectif de les ramener à 10 $ par jour en 2026. Cette mesure contribue déjà à ralentir l’inflation.

Statistique Canada rapportait le 21 février que parmi les éléments qui ont contribué à ralentir l’inflation générale en janvier au pays, les prix de la catégorie services de garde d’enfants et d’entretien ménager ont baissé de 7,9 %.

Des chèques inflationnistes?

L’économiste en chef de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, Sébastien Lavoie, abonde dans le même sens : le programme fédéral de garderies et le ralentissement immobilier font baisser l’inflation plus rapidement en Ontario qu’au Québec.

Sébastien Lavoie n’exclut pas, pour sa part, un impact des montants versés par Québec au cours de la dernière année sur le niveau d’inflation. Il rappelle que le gouvernement Legault a injecté 9 milliards de dollars en nouvelles dépenses et en soutiens financiers au cours de l’exercice 2022-2023.

Certaines de ces mesures vont au-delà du soutien aux plus vulnérables, me dit-il dans un courriel. Ainsi, la croissance du revenu disponible et la propension à consommer sont plus soutenues que dans d’autres provinces.

Le graphique suivant, qui a été préparé par l’équipe de Sébastien Lavoie, montre que le Québec a injecté beaucoup plus d’argent que les autres provinces pour des mesures de protection contre l’inflation.

En entrevue à Zone économie le 21 février, Sébastien Lavoie affirmait que les chèques envoyés à la population québécoise sont certainement plus inflationnistes, alors que les baisses de taxes sur l’essence en Alberta et en Ontario viennent réduire la pression inflationniste. Cependant, une fois ces taxes rétablies, l’inflation va remonter dans ces provinces.

Le taux d’inflation est de 5 % en Alberta. Il était à 6 % à la fin 2022.

De son côté, Stéfane Marion n’est pas convaincu du lien entre les chèques du gouvernement Legault et l’inflation. Je ne peux conclure que le différentiel Québec-Ontario sur l’indice des prix à la consommation soit principalement lié aux chèques de la CAQ, m’écrit-il.

Même son de cloche chez Desjardins. Je crois qu’il est un peu tôt pour s’avancer sur l’impact des politiques au Québec, m’écrit l’économiste Hélène Bégin, qui est d’avis que d’autres facteurs sont assurément à l’œuvre.

Elle cible particulièrement la pénurie de main-d’œuvre. Au niveau des services, plus intensif en main-d’œuvre, la composante salaires est un facteur clé qui a sûrement pesé dans la balance. Tout au cours de 2022, les hausses de salaires ont été plus rapides au Québec en raison du taux de postes vacants plus élevé [que dans l’ensemble du] Canada et en Ontario et du taux de chômage plus bas.

Un budget inflationniste?

Les économistes ne s’entendent pas sur l’effet inflationniste des chèques envoyés par le gouvernement Legault en 2022. On pourra poursuivre l’analyse en surveillant de près l’effet du budget qui sera présenté le 21 mars.

La CAQ a promis une baisse d’impôt d’un point de pourcentage à partir de 2023, ce qui va coûter près de 2 milliards de dollars, selon l’estimation de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Pour une personne qui gagne 30 000 $ par année, la baisse d'impôt serait de 109 $, selon les projections faites dans la plateforme électorale de la CAQ en 2022. Pour une personne qui a une rémunération de 50 000 $, la baisse d'impôt serait de 329 $ cette année. Et pour une personne qui touche 100 000 $, la baisse d’impôt serait de 810 $.

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