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« Une zone de guerre » : des Wet’suwet’en dénoncent les tactiques de la GRC

Sur la route qui mène au gazoduc Coastal GasLink, près de Houston, en Colombie-Britannique, des opposants wet'suwet'en au projet disent être victimes d’intimidation de la part de la GRC.

Gaylene Morris devant une barrière de bois.

Gaylene Morris, de la Première Nation Wet'suwet'en, devant la barricade du camp Gidimt’en, à l’ouest de la ville de Houston, en Colombie-Britannique.

Photo : Radio-Canada / Camille Vernet

« C’est ici que l’on vit », dit Gaylene Morris, du clan Likhsamasyu, de la Première Nation Wet'suwet'en, alors qu’elle apprête des sandwichs avec des saumons pêchés et fumés sur place. Avec sa fille, elle passe quatre jours par semaine sur ce terrain, surnommé le point de contrôle Gidimt’en.

À table, l’ambiance calme du groupe détonne avec ce qui se passe depuis plusieurs années derrière le portail de bois qui barricade les habitations. Cette zone est sous haute tension.

Elle est située au 44e kilomètre d’un chemin forestier, à l’ouest de la ville de Houston, qui mène au chantier de construction de Coastal GasLink de TC Énergie, un pipeline de 670 km qui traverse le centre de la Colombie-Britannique pour transporter du gaz naturel liquéfié jusqu’à Kitimat, sur la côte.

Une carte montre le tracé du gazoduc Coastal GasLink traversant le territoire ancestral wet'suwet'en.

Une carte montre le tracé du gazoduc Coastal GasLink traversant le territoire ancestral wet'suwet'en et le point de contrôle Gidimt'en.

Photo : Radio-Canada

Je l'appelle la zone de guerre. C'est une guerre invisible, car il me semble que les gens ne se rendent pas compte de ce que nous vivons ici. C'est comme si la police et la sécurité vous surveillent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, devant votre porte, affirme-t-elle.

Le Groupe d'intervention pour la sécurité de la collectivité et de l'industrie (GISCI) de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) est omniprésent dans la région, selon plusieurs membres de la communauté. Cette division est mandatée spécialement lors de manifestations ou d'entraves aux projets d'exploitation de ressources naturelles en Colombie-Britannique.

Gaylene Morris dénonce les techniques utilisées par cette division. Nous avons subi de l’intimidation sur les routes, du harcèlement, des arrêts et des contrôles pour des plaques d'immatriculation sales.

La Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC a reçu 488 plaintes du public contre le GISCI, qui est en activité depuis 2017.

Gwi Lok im Gibuu (Jesse Stoeppler), de la Nation Gitxsan et Wet'suwet'en, pointe vers la haute barrière de bois qui entoure les habitations. Cette clôture a été détruite à plusieurs reprises, trois ou quatre fois par la GRC, qui disait faire des vérifications de bien-être.

Après une attaque sur le chantier du gazoduc, le 17 février 2022, les services de sécurité et le GISCI ont renforcé leur présence. Coastal GasLink affirme que 20 personnes ont agressé des agents de sécurité et des travailleurs à une vingtaine de kilomètres de Gidimt’en. L’enquête de la GRC est encore en cours, et il n'y a eu aucune accusation.

Nous n'avions aucune information à leur fournir, explique Gaylene Morris, qui dit ne pas être impliquée dans cette affaire. Après cet événement, dit-elle, les visites au camp se sont intensifiées. À un moment, c’est allé jusqu’à huit visites en l'espace de 12 heures. Il y avait donc quatre visites par jour et quatre visites au milieu de la nuit. Cela nous a rendus très anxieux.

Une femme devant un portail de bois.

Les opposants aux pipelines ont filmé les multiples visites de la GRC au camp Gidimt’en.

Photo : Radio-Canada / Camille Vernet

Le GISCI a répondu par courriel qu'il avait effectué une série de patrouilles le long de la route de service forestier de la rivière Morice dans le cadre de l'exécution d'une injonction du tribunal, et qu'il poursuit sa présence. Cette injonction interdit à quiconque de bloquer l'accès à la route pour la durée de la construction du gazoduc Coastal GasLink, qui est terminée à 84 %. La barrière actuelle qui protège les habitations de la Première Nation Wet'suwet'en n'entrave pas la route qui mène au chantier.

Des patrouilles auraient augmenté dans la région en réponse à l’attaque du 17 février, mais aucune n'a été considérée comme une vérification de bien-être, affirme la GRC, qui soutient que les actions du GISCI étaient légales et nécessaires pour préserver la sécurité publique.

Jesse Stoeppler accoudé sur sa voiture.

Gwi Lok im Gibuu (Jesse Stoeppler), de la Nation Gitxsan et Wet'suwet'en, se rend régulièrement sur le tracé du gazoduc, il dit avoir déjà été encerclé dans son véhicule par une dizaine d'agents.

Photo : Radio-Canada / Camille Vernet

Blocages de routes, manifestations et arrestations, le conflit perdure dans la région depuis 2019.

Je pense que le GISCI a un impact négatif sur les personnes qui vivent ici ou qui sont venues apporter leur soutien. Personne ne s'attendait à ce que des armes, des tronçonneuses ou des chiens d'attaque soient pointés sur leurs visages, dit Gwi Lok im Gibuu.

Le GISCI fait l’objet d’une enquête par la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC (CCETP) depuis le 9 mars. J'espère que cela changera les choses, mais je n'y crois pas à 100 %, a affirmé le chef héréditaire wet'suwet'en Na’moks (John Ridsdale).

Il a témoigné le 9 mars devant José Francisco Calí-Tzay, le Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, lors de sa visite à Vancouver.

Dans sa déclaration de fin de mission, le 10 mars, le rapporteur de l’ONU mentionne le projet Coastal GasLink en Colombie-Britannique.

Je suis préoccupé par la militarisation continue des terres autochtones et la criminalisation des défenseurs des droits humains autochtones qui résistent aux pipelines.

Une citation de José Francisco Calí-Tzay, Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones
John Ridsdale devant une cabane en bois.

Le chef héréditaire wet'suwet'en Na’moks (John Ridsdale) est sur le lieu où l’une des cabanes construites par les opposants à Coastal GasLink a été incendiée.

Photo : Radio-Canada / Camille Vernet

Sur cette route qui mène au gazoduc Coastal GasLink, Na’moks dit être toujours accompagné d’un avocat ou d’un journaliste. Nous avons grandi sur le territoire et nous pouvions aller où nous voulions, quand nous voulions et pour n’importe quelle raison que nous voulions.

Depuis les débuts de la construction du gazoduc, les accès restreints et la constante présence des forces de l’ordre ne sont pas acceptables, selon le chef héréditaire.

Nous perdons notre sentiment de liberté.

Une citation de Na'moks, chef héréditaire wet'suwet'en

Il dit être impressionné par Gaylene Morris, qui de jour comme de nuit, se déplace sur la route pour accéder au camp Gidimt’en. Celle-ci explique que, pour sa sécurité, elle doit prévenir quelqu’un avant chaque trajet et qu'elle a équipé son véhicule d’une caméra.

Gaylene Morris sert des sandwichs dans la cuisine au camp Gidimt’en.

Gaylene Morris sert des sandwichs dans la cuisine au camp Gidimt’en.

Photo : Radio-Canada / Camille Vernet

Gaylene Morris est déterminée à continuer à vivre sur le territoire de ses ancêtres. C'est notre maison et nous ne faisons rien de mal, dit-elle.

Mon espoir pour l'avenir est que mes enfants et mes petits-enfants puissent vivre une vie libre sans qu'on les empêche d'accéder à leur territoire. La sécurité et la liberté de mes enfants, voilà ce que j'espère pour l'avenir.

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