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La Ville de Gatineau poursuivie au nom de personnes en situation d’itinérance

L'extérieur du palais de justice de Gatineau et de l'édifice Jos-Montferrand.

L'extérieur du palais de justice de Gatineau et de l'édifice Jos-Montferrand

Photo : Radio-Canada / Christian Milette

Les mandats d’emprisonnement délivré contre des personnes en situation d’itinérance en raison du non-paiement d’amendes municipales constituent une pratique « totalement illégale », un « véritable vestige de l’ère de Dickens », et justifient une compensation à leur égard. C’est du moins l’objet d’une demande d’action collective déposée à la Cour supérieure le 13 mars dernier.

Radio-Canada rapportait en décembre que pas moins de 364 mandats d’emprisonnement contre des personnes ayant pour adresse le Gîte ami, à Gatineau, étaient actuellement en vigueur. Les personnes visées par de tels mandats n’avaient pas payé les amendes pour des infractions à des règlements municipaux. Pourtant, une telle pratique est interdite depuis juin 2020, en raison d’une modification législative au Code de procédure pénale du Québec.

On parle d’un groupe qui serait probablement dans les centaines, selon Me William Colish, l’un des avocats de la demande. Cette dernière est portée conjointement par les cabinets Kugler Kandestin, à Montréal, et JFB Avocats criminalistes, à Gatineau.

La demande d’autorisation allègue que la Ville de Gatineau n’avait pas le droit de demander des peines d’emprisonnement pour non-paiement d’amendes pour des personnes en situation d’itinérance vu l’amendement du Code de procédure pénale [de 2020] et qui empêche justement le recours à l’emprisonnement pour ces personnes, souligne Me Colish.

La Ville [de Gatineau], via le percepteur, a par ailleurs contrevenu aux droits constitutionnels et quasi constitutionnels des membres de ne pas être privé de liberté, de ne pas être détenu de façon arbitraire, abusive ou illégale, de jouir du droit à la sécurité, à l’intégrité, et la sûreté de sa personne, de ne pas être sujet à des fouilles arbitraires, abusives ou illégales, et de ne pas être assujettis à des traitements ou peines cruels et inusités.

Une citation de Extrait de la demande d'action collective

La demande d’action collective ne passe pas par quatre chemins. Elle décrit notamment le processus de traitement de ces dossiers, qui sont traités en bloc, deux fois par année, sans même que ne soit dressé un procès-verbal.

Il appert que les demandes d’imposition de peine d’emprisonnement (DIPE) sont traitées de façon administrative, sans contrôle judiciaire réel, peut-on lire dans le document de 35 pages.

Sans limitation, la Ville savait ou devait savoir que les DIPE des membres du Groupe étaient infondées, injustifiées et illégales, qu’elle n’avait pas enquêté ni effectué des vérifications mêmes les plus élémentaires sur leur capacité de payer leurs Amendes, et a choisi d’ignorer les informations indiquant que les membres du Groupe étaient vulnérables et démunis.

Les avocats des demandeurs souhaitent obtenir un dédommagement pour chaque personne victime d’un tel emprisonnement à hauteur de 10 000 $ par jour passé en prison, en plus de verser à chacune quelque 50 000 $ en dommages punitifs. Les personnes visées sont celles qui ont subi un tel emprisonnement depuis le 5 juin 2020, soit depuis la modification législative visant à interdire de tels emprisonnements.

Aucune date d’audience n’a encore été fixée pour la demande d’autorisation d’exercer une action collective.

Un jugement cinglant en habeas corpus

La demande en justice allègue notamment une demande en habeas corpus, c’est-à-dire le contrôle de la légalité d’une détention, présentée au nom d’un membre de la demande d’action collective le 10 mars.

Cette personne, qui n’est pas identifiée dans la demande, voulait faire invalider par la Cour supérieure un mandat d’emprisonnement à son endroit pour cause de non-paiement d’amendes. Dans son jugement oral, le juge critique sévèrement la Cour municipale de Gatineau.

Le juge aurait eu compétence, mais il a simplement choisi de ne pas agir comme juge et n’a pas agi comme gardien de la justice. [...] Le juge devait vérifier la preuve et il n’avait aucune preuve que des mesures alternatives avaient été offertes, ni même signifiées. Il y a simplement un envoi par courrier ordinaire, apprend-on dans la demande d’action collective.

Le juge a procédé sans preuve, sans que le percepteur ne dise un mot et lorsque la poursuite a demandé des mandats d’emprisonnement pour tout le reste des dossiers sur le rôle, le juge s’est plié, souligne la demande.

Une roulotte et un campement de fortune.

Un campement de fortune est installé aux abords du refuge du Gîte ami. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Rosalie Sinclair

« Regrettable »

Pour la doyenne de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa Marie-Ève Sylvestre, il est « regrettable » qu'une telle poursuite ait été nécessaire pour faire changer les pratiques à la Ville de Gatineau. J'aurais pensé qu'on veuille respecter la loi sans qu'on soit forcé de le faire, déplore celle-ci.

Je pense que ça démontre la gravité de la situation et l'immense problématique qu'on a à Gatineau.

Une citation de Me Marie-Ève Sylvestre, doyenne de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa

Me Sylvestre rappelle que les pratiques dénoncées dans la poursuite contre la Ville étaient monnaie courante à Montréal au début des années 2000. Les percepteurs présentaient une pile au juge qui, tout simplement, entérinait la décision sans aucune vérification sur la capacité de payer.

Le dépôt d'une telle demande d'action collective confirme pour elle que les choses n'ont pas changé à la Cour municipale de Gatineau depuis les changements législatifs de juin 2020.

Les pratiques n'ont pas changé. On continue de lancer de multiples mandats d'emprisonnement pour non-paiement d'amendes, sans aucune évaluation de la capacité de payer des défendeurs. C'est complètement systématique, résume l'avocate.

Marie-Ève Sylvestre.

Marie-Ève Sylvestre, professeure et doyenne de la faculté de droit à l'Université d'Ottawa (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Réponse de la Ville

Contactée par Radio-Canada, la Ville de Gatineau a répondu qu'elle prend le temps d'évaluer l’ensemble de la situation présentée dans la requête. De ce fait, elle n’émettra aucun commentaire supplémentaire.

Elle a cependant tenu à rappeler que les dossiers sur les personnes en situation d’itinérance sont importants pour la Ville. Elle continue de s’y attarder malgré la procédure de l’action collective en cours.

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