Deux tombes seront ouvertes dans la communauté innue de Pessamit
Les deux enfants seraient morts dans les années 1970 à la suite de complications liées à la coqueluche.
Photo : Radio-Canada / Benoît Jobin
Deux bambins d’un mois et de quatre mois de la communauté innue de Pessamit seront exhumés à la demande des familles, en quête de réponse.
Il s’agit d’une première depuis l’adoption, en 2021, d’une loi facilitant les démarches des familles autochtones qui ont perdu un enfant à la suite d’une évacuation médicale ou d’une hospitalisation loin de leur communauté.
Les deux enfants seraient morts dans les années 1970 à la suite de complications liées à la coqueluche. D’après le jugement de la Cour supérieure, les familles n’ont pas eu l’occasion, à aucun moment entre le décès et l’enterrement, d'ouvrir le cercueil de leur enfant.
Les deux familles jugent que l’exhumation des corps est nécessaire. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Mike McArthur
Le jugement fait également référence à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA), qui met en lumière des cas de décès et de disparitions d’enfants autochtones dans des circonstances inconnues de leur famille après qu’ils eurent été admis dans un établissement de santé et de services sociaux entre les années 1950 et 1980.
Cette enquête révèle que les nombreux témoignages ont permis de conclure que le lien de confiance envers les autorités a été rompu
.
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Laissées dans le doute et la méfiance, alors que les dossiers médicaux, les rapports d’autopsie et les rapports du coroner sont inexistants ou incomplets, les deux familles jugent que l’exhumation des corps est nécessaire.
La Cour supérieure conclut dans les deux décisions rendues dans les derniers jours que la demande des familles est fondée, somme toute, sur une recherche de vérité, de justice et de guérison
.
L’exhumation sera effectuée par le Coroner en chef, avec la collaboration du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale et par l’entreprise Les jardins commémoratifs Saint-Germain.
Des tests ADN seront effectués afin de déterminer si les corps inhumés sont véritablement ceux de deux bambins.
Les deux familles soutenues
Le jugement de la Cour supérieure confirme que le Conseil des Innus de Pessamit a appuyé les deux familles dans leur démarche.
La cheffe du Conseil des Innus de Pessamit, Marielle Vachon (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Delphine Jung
Le Conseil des Innus de Pessamit soutient les familles dans la recherche de renseignements sur les circonstances qui entourent la disparition et le décès d’enfants à la suite de leur admission dans un établissement et appuie les démarches entreprises par [les familles] pour une demande d’autorisation
, soutient dans une lettre la cheffe de Pessamit, Marielle Vachon.
Une ordonnance de non-publication interdit d’identifier les familles en question.
Pour sa part, le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, indique ressentir des sentiments partagés quant à cette annonce.
Je vous prie de recevoir tout notre respect, notre soutien et nos pensées les plus sincères dans ces démarches de première importance pour vos proches.
Je suis heureux puisqu'on tente de retrouver la trace de 150 enfants. On appuie 80 familles dans leurs démarches, donc on pourrait dire qu'on est heureux parce qu'il y a une confiance qui s'établit. D’un autre côté, je suis en train de confirmer qu'il y a 150 enfants dont on a perdu la trace et que 80 familles ne savent pas ce qui est arrivé à leurs proches. C'est horrible
, conclut-il.
Québec s’engage d'ailleurs à payer les frais qui permettront aux familles d’obtenir des réponses.
Toutes les dépenses sont prises en charge par le gouvernement à ce jour. Un membre d’une des familles a fait la demande pour que les frais de traduction du jugement en innu-aimun soient couverts, et le procureur général s’est engagé à payer ces frais
, explique l’avocate qui représente les deux familles, Me Virginie Dufresne-Lemire.
C’est une situation d’horreur qui n’aurait jamais dû exister, mais au moins il y a une réelle volonté de recherche de la vérité et d’accompagnement des familles.
Elle ajoute que les deux familles sont très reconnaissantes du soutien reçu des différentes organisations depuis le déclenchement du processus.
Elle mentionne aussi qu’il est fort probable
que la situation vécue par ces membres de la communauté innue de Pessamit soit la première d’une longue série. Il y a plusieurs raisons de faire des exhumations, ça peut être pour rapatrier un corps vers un lieu plus près de la famille ou encore pour faire l’identification ADN. Il y a toutes sortes de raisons possibles
, explique l’avocate.
De son côté, la directrice générale du Centre d’amitié autochtone de Sept-Îles, Guylaine Vachon, indique qu’en raison de la présence d’un pensionnat autochtone par le passé sur le territoire de Uashat mak Mani-utenam, cette dernière ne serait pas étonnée de recevoir des demandes d’exhumation au sein de sa communauté.