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Des milliers de faux documents mexicains interceptés au Canada

Depuis la levée de l’exigence de visa pour les ressortissants mexicains, le nombre de faux documents détectés dans les aéroports canadiens a explosé, a appris Radio-Canada.

Des passagers avancent vers l’accueil aux Douanes canadiennes à l’aéroport international Trudeau à Montréal pour les formalités d'entrée au pays.

Les agents frontaliers canadiens ont intercepté près de 15 000 autorisations de voyage frauduleuses provenant de ressortissants mexicains depuis la fin de l'année 2016. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

De plus en plus de documents frauduleux et suspects provenant notamment de réseaux criminels mexicains tentant d’arriver au Canada sont actuellement détectés par les agents frontaliers et leurs services de renseignements.

À ce jour, 14 957 Autorisations de voyage électroniques (AVE) frauduleuses liées à des ressortissants mexicains ont été interceptées avant la frontière, indique une porte-parole de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

Ce document est nécessaire pour les étrangers dispensés de l’obligation de visa qui se rendent au Canada par voie aérienne. C’est le cas notamment des Mexicains, depuis la fin de l’année 2016.

Comme l’a récemment révélé Enquête, des organisations criminelles utilisent à leur avantage cette mesure mise en place par le gouvernement de Justin Trudeau. Cette décision a également permis l’émergence de réseaux de trafiquants de faux passeports à Mexico, pour aller plus facilement au Canada.

On est face à quelque chose de nouveau qui ne se faisait pas avant, explique Karine Côté-Boucher, professeure à l’École de criminologie de l’Université de Montréal, qui avoue être « inquiète » de l'ampleur de ces données.

Ce document frauduleux va permettre [aux détenteurs] de faire d'autres activités criminelles.

Une citation de Karine Côté-Boucher, professeure à l’École de criminologie de l’Université de Montréal

Avant, le Canada était une cible pour des questions de trafic de drogues. Maintenant, on est capable de dire qu’il y a un déplacement des activités criminelles. Il y a de nouveaux types de crimes, avec ces réseaux de documents frauduleux, reprend-elle.

Des groupes criminels impliqués

L’AVE est normalement une formalité administrative au coût de 7 $, à payer en ligne. Il s’agit essentiellement d’une autodéclaration qui permet à Immigration Canada et aux agents douaniers de vérifier si la personne souhaitant venir au pays comme touriste ne fait pas l’objet de poursuites criminelles.

Selon nos informations, en analysant les éléments remplis par les demandeurs, les agents frontaliers ont découvert dans les dernières années des milliers de demandes d’AVE spécifiquement liées à des réseaux criminels et à un réseau de voleurs sud-américains, de plus en plus présents au Québec, qui ciblent des résidences luxueuses.

Ces groupes criminels seraient impliqués dans la hausse massive des passages clandestins entre le Canada et les États-Unis, mais aussi dans une industrie de travail au noir au Canada. Une AVE frauduleuse servirait également à des personnes détenant un passeport mexicain, faisant affaire avec ces réseaux, à arriver au pays pour demander l’asile.

Ces mêmes groupes s’occupent parfois eux-mêmes de remplir ces AVE, souligne Karine Côté-Boucher, en estimant que cela peut aider les agents canadiens à les identifier.

Souvent, on va avoir un groupe qui va produire des documents qui se ressemblent, détaille-t-elle. Ça permet aux renseignements criminels de les repérer et de transmettre l’information sur le terrain, dans les aéroports.

L’ASFC a de son côté refusé de donner des détails sur ce sujet, prétextant que les informations relatives aux frontières [...] sont considérées comme protégées.

Immigration Canada alerté

Mais les chiffres évoqués officiellement par l’ASFC ne représentent pas le portrait complet de la situation, puisqu’ils n’incluent pas les multiples AVE, autorisées initialement avant d’être identifiées comme suspectes, qui n’ont pas encore été annulées par les autorités canadiennes.

Selon nos informations, les alertes émises par des agents de renseignement peuvent prendre parfois des mois avant d’être examinées, permettant ainsi à d’éventuels criminels d’entrer au pays. La faute, a-t-on appris, à un inventaire important de dossiers à traiter du côté d’Immigration Canada (IRCC).

Questionné sur ce sujet, le ministère fédéral de l’Immigration assure travailler en étroite collaboration avec les services frontaliers « pour maintenir l'intégrité du programme d’AVE ainsi que la sûreté et la sécurité des Canadiens ».

Les demandes de vérification de l’ASFC sont prises au sérieux et sont examinées en temps opportun par IRCC.

Une citation de Rémi Larivière, porte-parole d’Immigration Canada

Aucun détail spécifique sur le délai d’analyse de ces avertissements ne nous a cependant été fourni. Les demandes contenant des informations défavorables sont examinées attentivement par IRCC et en consultation avec les parties prenantes concernées, a simplement répondu Immigration Canada.

Des membres de cartels au Canada

La levée de cette exigence de visa pour les ressortissants mexicains a aussi favorisé l’arrivée de membres et représentants de plusieurs cartels mexicains, dont le cartel de Sinaloa et celui de Jalisco Nouvelle Génération.

C’est ce que révèlent plusieurs rapports obtenus par Radio-Canada par le biais de la Loi sur l’accès à l’information, malgré de nombreuses pages caviardées.

Pour arriver au Canada, ces criminels utilisent régulièrement des faux documents. Ils sont impliqués dans le trafic de drogues et d’armes, l’importation de stupéfiants, de cocaïne, de fentanyl ou encore le blanchiment d’argent.

Ces craintes avaient d’ailleurs été soulevées par le service de renseignement de l’ASFC.

Dans les trois prochaines années, les cartels de drogue mexicains devraient prendre de l’ampleur au Canada, précisait en 2016 l’agence fédérale, dans un rapport confidentiel.

Dans ce même document, il est mentionné que la levée de la procédure de visa pour les Mexicains réduira également l’opportunité d’identifier et de stopper des individus liés à des cartels qui veulent voyager au Canada.

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