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La « trêve » de Noël en 1914, une belle histoire de paix en temps de guerre

Des soldats fument devant la caméra.

Les combattants allemands et britanniques ont cessé les hostilités à Noël 1914, profitant de l'occasion pour jouer au soccer et s'échanger des cadeaux. (Photo d'archives)

Photo : Getty Images / Hulton Archive

Quelques mois après le début de la Première Guerre mondiale (1914-1918), des soldats britanniques et allemands quittent leurs tranchées le jour de Noël pour s'échanger des cadeaux, célébrer la naissance du Christ et même jouer une partie de soccer amicale.

Pour Carl Bouchard, historien et professeur titulaire au Département d'histoire de l'Université de Montréal, cet événement, connu dans la culture populaire comme la « trêve de Noël », constitue un moment unique durant le conflit et en dit beaucoup sur la nature de cette guerre sanglante.

Selon lui, il serait plus exact de qualifier ce moment de fraternisation spontanée entre fantassins, plutôt que de trêve officielle entre les deux camps, comme il y a eu à Gaza dernièrement entre le Hamas et Israël.

Quelles différences entre « trêve » et « fraternisation »?

  • Trêve : cessation de tout acte d’hostilité pour une durée déterminée, par convention officielle faite entre deux États ou entre deux partis qui sont en guerre.
  • Fraternisation : cas où, durant un conflit civil ou armé, des membres de camps opposés cessent les hostilités officieusement à la suite d'un renversement de convictions ou d'un accord sur un but commun.

Célébrer plutôt que combattre à Noël

À partir de décembre 1914, la nature de la guerre change : les armées allemandes, britanniques et françaises se figent le long d'un front de 800 kilomètres.

Des soldats dans une tranchée.

Les combats durant la Première Guerre mondiale ont été particulièrement féroces, et la vie dans les tranchées a été difficile. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / Handout

Animés en partie de leur tradition chrétienne de Noël et de leur proximité culturelle anglo-germanique, des soldats allemands et britanniques, qui s'affrontent dans la région d'Artois et près d'Ypres, en Belgique, décident spontanément de cesser les combats pendant un petit moment.

Ils cessent les combats pour une raison qui est assez simple : ils peuvent s’entendre. Contrairement à d'autres endroits du front, les tranchées dans ces secteurs sont suffisamment proches pour entendre les chants et voir les sapins de Noël ornés de bougies des Allemands. C’est une atmosphère festive qui fait en sorte que les soldats décident de sortir de leurs tranchées et de fraterniser quelques heures, explique-t-il.

Cette fraternisation a par la suite occasionné un échange de cadeaux, sous la forme de tabac, de sucreries ou d'alcool, avant de culminer en un match de soccer devenu légendaire. Ce dernier a même fait l'objet de reconstitutions historiques en 2014 à l'occasion du centenaire de l'événement.

Un ballon de foot.

Ce monument, situé à Saint-Yvon, en Belgique, rappelle le moment où les soldats britanniques et allemands ont joué leur match de foot à Noël 1914. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / Eric Vidal

Ce match de foot entre les Allemands et les Britanniques est devenu le symbole de cette fraternisation. Il a commencé comme lorsque les gens se réunissent sur une patinoire de hockey pour commencer un match après avoir séparé les bâtons, illustre M. Bouchard.

Une exception en temps de guerre

Pour l'historien, cette fraternisation spontanée, mise en scène dans le film Joyeux Noël de Christian Carion paru en 2005, fait figure d'exception durant la guerre, car elle s'est produite sporadiquement à deux endroits seulement sur le front et visait peu de combattants.

Elle n'a d'ailleurs pas eu lieu entre soldats allemands et soldats belges ou français, notamment parce que leurs territoires étaient occupés à ce moment-là, ce qui alimentait leur méfiance, et même leur haine, envers l'ennemi allemand.

Il s'agit d'une belle histoire que l'on se raconte, mais elle n’est pas très fidèle à la réalité de l’époque.

Une citation de Carl Bouchard, historien et professeur titulaire au Département d'histoire de l'Université de Montréal

Sur tout le front à l’ouest, il y a seulement deux endroits où des fraternisations ont eu lieu à Noël 1914. C’est extrêmement réduit comme échantillon. D'ailleurs, pendant des années, on n’a pas parlé du tout de cet événement, puisqu'il sous-entendait que la guerre, c'est mal. Les États étaient effrayés de voir disparaître la capacité de combattre de leurs soldats, précise M. Bouchard.

Une sculpture de bronze devant une église.

Le match de foot disputé entre les soldats allemands et britanniques sur le champ de bataille a inspiré plusieurs œuvres après la guerre, notamment par l'artiste britannique Andrew Edwards, qui en a fait une sculpture de bronze. (Photo d'archives)

Photo : AFP / VIA GETTY IMAGES / PAUL ELLIS

Ce dernier ajoute que le rapport à la guerre aujourd'hui explique pourquoi cette histoire est instrumentalisée à travers un discours qui [la] condamne, comme dans le film Joyeux Noël, où la continuation de la guerre après la fraternisation est présentée comme un échec de l'humanité.

On ne peut plus s'imaginer combattre des mois dans des tranchées, aujourd'hui. Mais, si on se met dans la peau de la France en 1914, on ne peut tout simplement pas permettre aux soldats d'être en fraternisation. Il faut mettre les Allemands hors de notre pays, pas fraterniser avec eux! Ce rapport à la guerre à l'époque explique pourquoi on n'a pas parlé de cet événement pendant des décennies après, affirme-t-il.

L'idéalisme représenté dans cet événement et son côté belle histoire, comme le décrit M. Bouchard, expliquent pourquoi on en parle encore aujourd'hui, surtout à l'approche de Noël, alors que des conflits font rage en Palestine et en Ukraine.

Le caractère exceptionnel de cet événement est intéressant, mais est trompeur aussi. On s’accroche à cet événement unique parce que c’est une belle histoire, mais il ne constitue pas la norme pour ce conflit, et il ne faut pas se faire d’illusion sur la véritable nature de la guerre, conclut-il.

Des carillonneurs ont interprété la pièce « Douce nuit, sainte nuit » en 2014 pour souligner le centième anniversaire de la trêve de Noël de la Première Guerre mondiale.

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