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Une réconciliation majeure avec des Innus pour qu’Hydro-Québec réalise ses objectifs

Marielle Vachon marche sur un chemin enneigé avec Ian Lafrenière.

La cheffe de Pessamit, Marielle Vachon, a accueilli chaleureusement le ministre Ian Lafrenière, a-t-on pu constater.

Photo : Radio-Canada / Véronique Prince

Après des décennies de conflit entre le gouvernement et les Innus de Pessamit, le premier ministre François Legault et le PDG d’Hydro-Québec, Michael Sabia, se rendront jeudi dans cette communauté située en Haute-Côte-Nord afin d'y signer une entente qualifiée d’historique par les deux parties. Une réconciliation jugée nécessaire pour que la société d’État puisse augmenter sa production d’électricité et réaliser certains des objectifs de son plan stratégique.

C’est un morceau du casse-tête. C’est très stratégique, reconnaît le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière. Située à environ 50 km de Baie-Comeau, la communauté de Pessamit compte 13 centrales hydroélectriques et 16 barrages, sur une superficie de près de 140 000 km2. De nombreuses lignes de transport d'électricité traversent la forêt.

La population innue considère ne pas avoir été consultée, il y a 70 ans, pour la construction de ces infrastructures. Elle reproche à Hydro-Québec d’avoir inondé son territoire avec les barrages, incluant un cimetière. Les Innus de la région considèrent la société d’État comme un locataire qui devrait payer pour l’exploitation du territoire.

L’approche n’était pas simple. Le ressentiment était fort. On avait un capital très négatif. On n’était même pas capable d’y mettre un poste de transfert d’Hydro-Québec. C’était impossible! Il y avait tellement des mauvaises relations. Dès que quelqu’un arrivait sur place, ça ne passait pas! Ça amenait des conflits incroyables.

Une citation de Ian Lafrenière, ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit

Par conséquent, ni le gouvernement québécois ni Hydro-Québec n’étaient les bienvenus à Pessamit. Pourtant, environ 20 % du développement hydraulique au Québec a été réalisé sur ce territoire, où se trouvent notamment la centrale Manic-5 et le réservoir Manicouagan.

La communauté avait d’ailleurs intenté des poursuites contre la société d’État ainsi que les gouvernements du Québec et du Canada pour 500 millions de dollars, estimant que ceux-ci violaient ses droits ancestraux.

Une carte du Nitassinan de la communauté de Pessamit.

Pessamit compte 13 centrales hydroélectriques et 16 barrages sur une superficie de presque 140 000 km2.

Photo : Radio-Canada

Pour augmenter sa production d’électricité et être en mesure de développer l’immense potentiel éolien sur ce territoire, comme elle le prévoit dans son plan stratégique, Hydro-Québec devait donc s’entendre avec les Innus de Pessamit.

Qui plus est, un tel partenariat permet d’envoyer un message aux autres communautés avec lesquelles la société d’État négocie ainsi qu’à Terre-Neuve-et-Labrador; le contrat d’approvisionnement au barrage de Churchill Falls conclu avec cette province vient à échéance en 2041.

Des poursuites judiciaires d’un demi-milliard suspendues

Il y a six mois, jamais le ministre Ian Lafrenière n’aurait pensé emmener des journalistes avec lui pour une visite dans la communauté de Pessamit.

En arrivant sur place, l'accueil est chaleureux. Avec son conseil de bande, la cheffe Marielle Vachon a visiblement décidé de faire la paix avec Québec.

Le reportage de Véronique Prince

Sur place, le ministre partage le repas avec les personnes présentes. Ian Lafrenière semble déjà connaître tous ces gens par leur prénom. Il a multiplié les visites à Pessamit au cours des derniers mois, y allant même avec ses deux filles, pour démontrer sa volonté de rapprochement.

Après le dîner, une Innue lui offre un tomahawk, une hache traditionnelle autochtone. Le cadeau est symbolique : les autorités de Pessamit suspendent les poursuites judiciaires pour la durée des négociations au sujet de l’entente de principe avec Québec. Au total, 45 millions de dollars leur seront versés et serviront à la création d’un fonds de développement social.

Au cours de la visite, Radio-Canada a pu capter une conversation entre le ministre et des membres du conseil de bande. J’espère que vous êtes contents, c’est majeur! leur dit Ian Lafrenière.

On est contents, mais il y a des choses qui nous dérangent, lui répond une femme. Le ministre lui assure que l’entente signée par le conseil de bande lui sera transmise. C’est moi qui ne veux pas la partager tout de suite, ajoute-t-il. On comprend de cette conversation que la question est sensible. La communauté a besoin d’être rassurée à propos des gains qu’elle obtiendra.

La rancune ne disparaîtra jamais complètement, pense aussi la cheffe Marielle Vachon. C’est sûr que j’essaye d’avancer pour la communauté, mais le passé, je ne l’oublierai jamais, dit-elle.

Un boisé en hiver.

La communauté de Pessamit est située sur la Haute-Côte-Nord.

Photo : Radio-Canada / Véronique Prince

Une entente pour mettre fin à la crise du logement

Cette entente permettra aux jeunes de Pessamit d’avoir un meilleur avenir, selon la cheffe Vachon. L’argent va notamment servir à construire des habitations. Cette communauté d’environ 2500 personnes compte à peine plus de 800 logements privés, selon Statistique Canada.

On a une crise du logement. Il faudrait qu’on reloge 300 familles. Il y a encore de la surpopulation ici, avec des familles qui vivent 14 ou 16 dans les maisons, nous explique Mme Vachon.

Quand on dit Hydro-Québec, il y a des mots qui sortent! On paye l’électricité ici, mais je vous rappelle que les barrages sont sur notre territoire! La communauté a beaucoup de ressentiment. On en parle souvent. On se souvient de tous les ravages qui ont été faits, dit-elle en faisant référence au territoire inondé il y a 70 ans.

La cheffe nous conduit ensuite à la rivière Papinachois, où on peut constater le potentiel touristique. Des bâtiments désuets pourraient servir d’auberge et de restaurant, mais la communauté manque d’argent pour les rénover.

Pour le tourisme, le logement ou le développement de la communauté, le conseil de bande pense aussi qu’il faut se réconcilier avec Hydro-Québec et avec le gouvernement.

Un bâtiment en bois placardé l'hiver.

Il existe un potentiel touristique à la rivière Papinachois, où des bâtiments désuets pourraient servir d'auberge ou de restaurant.

Photo : Radio-Canada / Véronique Prince

« C’est un stress qui est très élevé! »

Sur le chemin du retour, le ministre Ian Lafrenière se confie. Tant que ce n’est pas signé, ce n’est pas signé! Pour être honnête, c’est un stress qui est très élevé. C’est de la pression, parce qu’il y a un risque que l’entente tombe. Une négociation comme celle-là, si ça ne fonctionne pas, il y a beaucoup de damage control à faire, parce que les attentes sont tellement montées hautes, admet-il.

Au moment de quitter la communauté, le conseil de bande lui a pourtant envoyé de nombreux signaux positifs. C’est historique! C’est la première fois que le gouvernement s’assoit avec nous et qu’il est aussi présent à Pessamit. Je pense que c’est une belle réalisation. Chapeau pour tout le monde, parce que c’est vraiment une première! a lancé Marielle Vachon au ministre.

Une seule entente a été signée dans le passé avec cette communauté et concernait le barrage de la rivière Toulnoustouc. Chaque année, une compensation est versée. Toutefois, plusieurs autres ententes ont échoué au fil des années.

Cependant, le ministre Lafrenière tente tout de même de contenir sa joie. Des ententes parfaites, ça n’existe pas. Il y a toujours des chances [qui] avortent, mais j’ai aimé leur ouverture, raconte-t-il. M. Lafrenière se dit convaincu que les effets positifs pour la communauté seront majeurs.

Le ministre considère que d’autres ententes avec la communauté de Pessamit sont maintenant possibles grâce à ce premier pas significatif. Selon lui, le fait que le premier ministre Legault se rende sur place envoie un signal fort selon lequel son gouvernement veut signer ces futures ententes de nation à nation. Pour parler d'avenir, il faut reconnaître le passé, nous explique-t-il. Tant le gouvernement qu’Hydro-Québec sont prêts à le faire.

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