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Autochtones en milieu urbain : l’angle mort de la dernière campagne électorale

Autochtones en milieu urbain : l’angle mort de la dernière campagne électorale

Texte et photos : Marie-Laure Josselin

Publié le 30 septembre 2022

Leur nombre a augmenté de plus de 12 % en cinq ans, ils représentent près de la moitié de la population autochtone, et pourtant, les Autochtones en milieu urbain sont parmi les plus oubliés de la campagne électorale au Québec.

Depuis toute jeune, Michèle Sergerie se cale dans son canapé pour suivre les débats électoraux. Avant, elle le faisait avec sa mère, puis passait un coup de fil à ses frères pour discuter… Avec toujours cette question : Est-ce que les politiciens ont parlé des Autochtones?

Dès qu’elle a eu 18 ans, cette Anishinabe qui a grandi en ville a commencé à voter. Je me suis toujours sentie interpellée par la politique, car on est un produit hyperpolitisé en soi. Nous sommes à la merci de certains projets de lois fédérales, mais aussi provinciales, donc on se fait frapper de tout bord, tout côté, dit-elle.

Les temps ont changé, précise-t-elle. Mais...

Elle prend une pause et énumère la Commission de vérité et réconciliation du Canada, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation du 30 septembre, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA), les mouvements comme Idle No More… Mais il y a toujours un mais.

Question politique, campagne électorale : elle garde la même impression.

« On n’est jamais vraiment inclus, on n’a jamais vraiment l’impression que c’est pour nous, mais plus pour un groupe de la société dans lequel nous ne faisons pas partie. »

— Une citation de   Michèle Sergerie
Michèle Sergerie préfère rester dans l’ombre en politique mais dit s'investir pour la communauté.
Michèle Sergerie préfère rester dans l’ombre en politique mais dit s'investir pour la communauté. Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin

Cette année aussi, la femme de 32 ans de Val-d’Or s’est installée dans son salon pour suivre les débats. Il faut dire qu’il y a un nombre record de candidats autochtones dans cette campagne électorale provinciale et que jamais la question autochtone n’a été autant dans l'œil public.

Pourtant, Michèle Sergerie est déçue. Les questions autochtones ont été effleurées, voire pas du tout évoquées. Encore moins celles qui touchent les Autochtones vivant en milieu urbain, y compris lors du débat organisé par l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL).

Cependant, cette frange de la population est en croissance rapide et elle doit faire face à des défis qui lui sont propres.

Au Québec, une cinquantaine de villes comptent une population autochtone relativement nombreuse. Montréal, par exemple, est la ville au Canada qui a connu la plus forte augmentation de la population autochtone en cinq ans : +32,4 %, selon les derniers chiffres de Statistique Canada.

On est dans l’angle mort, lance Michèle Sergerie.

L’autochtonie urbaine, une compétence provinciale

Pourtant, avance la directrice générale du Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or, Édith Cloutier, aux élections provinciales, s’il y a un enjeu sur la question des Autochtones, c’est l’enjeu urbain.

Près de la moitié vit en ville, rappelle-t-elle, et surtout il n’y a pas d’ambiguïté sur la responsabilité gouvernementale, juridictionnelle.

« Dans les communautés, c’est fédéral, il n’y a pas de doute, c’est clair comme l’eau de roche. En ville, c’est aussi clair comme l’eau de roche que la responsabilité, l’obligation populationnelle en matière de santé, services sociaux, habitation, éducation, revient à la province. »

— Une citation de   Édith Cloutier, directrice générale du Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or

À Val-d’Or, plus de 5 % de la population est autochtone. Elle y est beaucoup plus jeune que la population non autochtone, les jeunes sont moins susceptibles de fréquenter l’école, le taux de chômage est deux fois plus élevé, près de 3 Autochtones sur 10 vivaient sous le seuil de faible revenu en 2006, selon Statistique Canada, et 1 sur 6 habitait dans un logement nécessitant des réparations majeures.

Cinq candidats aux élections provinciales de 2022 dans la circonscription d'Abitibi-Est participent à un débat à Val-d'Or.
Parmi les cinq candidats de la circonscription d’Abitibi-Est, deux sont Autochtones. Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin

Un soir de débat à Val-d’Or

Soir de débat entre les cinq candidats de la circonscription d’Abitibi Est à Val-d’Or. Les enjeux sont nombreux, y compris ceux concernant les Autochtones.

Pendant deux heures, les candidats ont parlé de leurs plateformes, débattu et, finalement, un peu évoqué quelques sujets concernant les Autochtones : les menaces qui pèsent sur le caribou, l’itinérance et les relations avec les communautés autochtones.

C'est bien peu, mais déjà beaucoup pour Édith Cloutier, présente au débat, car pour elle, il se passe quelque chose.

« Avant, on était le peuple invisible! Ça ne veut pas dire qu’on n’est pas là où on souhaite aller, mais il y a des enjeux qui nous mènent à ça! »

— Une citation de   Édith Cloutier, directrice générale du Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or

Il y a un shift qui est en train de se faire. Pour avoir cheminé sur trois décennies dans ma vie, j’en ai vu des députés passer, au fédéral, au provincial, des maires, à tous les niveaux, relate Édith Cloutier. Hier au débat, il y avait un segment qui parlait de la diversité et de l’inclusion, et en grande partie, il a porté sur les enjeux et la relation avec les Premières Nations dans le territoire, souligne-t-elle.

Est-ce suffisant pour attirer les électeurs?

Comme le résume Danyka Gravel, 16 ans, donc trop jeune pour voter, mais qui a son opinion sur la question : Les seules fois où on n’est pas invisibles, c’est quand le monde voit les Autochtones en état de consommation sur la rue. C’est comme : "Oh, les Autochtones existent, mais ils sont tous saouls", se désole l’adolescente.

Danyka, comme plusieurs, s’est souvent fait dire qu’elle était trop blanche pour être autochtone et trop autochtone pour être blanche. Intimidation, blagues racistes… Encore l’an dernier, elle a dû éduquer ses camarades de classe, précise-t-elle.

Une femme sourit dans un miroir.
Danyka Gravel est active et œuvre déjà pour les Autochtones de Val-d’Or. Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin

La jeune Anishinabe, qui porte fièrement des boucles d’oreille montrant ses origines, aimerait donc entendre parler d’éducation, tout comme Wenda Crépeau-Etapp, agente de développement culturel pour l’organisme culturel sans but lucratif Minwashin.

À l’école, on ne m’a pas valorisée. On n’a pas valorisé non plus les connaissances des aînés, leur savoir-faire et leur savoir-être, indique-t-elle.

Wenda Crépeau-Etapp a commencé à voter dans les dernières années, car on a une voix, et cette voix, soit on se gêne pour la prendre, soit on ne se gêne pas!.

« Moi, je veux qu’on s’affirme dans tous les espaces. »

— Une citation de   Wenda Crépeau-Etapp, agente de développement culturel

Celle qui habite à Senneterre se forge un point de vue en regardant si les valeurs des partis sont en corrélation avec les siennes, si les candidats visitent les communautés, si les projets de loi vont avoir un impact positif sur la langue, le mode de vie, le territoire, etc.

Elle est d’ailleurs étonnée qu’on la questionne sur les enjeux et la place des Autochtones en milieu urbain. On ne nous demande pas assez sur la place publique.

Sont-ils l’angle mort?

En Abitibi, on utilise moins l’angle mort dans une voiture, donc des fois, on n’en prend pas conscience, de l’angle mort, mais quand on est à Montréal, je te dis que l’angle mort est aussi essentiel que l’air! Une métaphore pour montrer que les Autochtones en ville sont aussi importants et qu’il faut prendre en compte leur point de vue.

Une femme est assise devant un panneau.
Nancy Wiscutie-Crépeau, dont la mère vient de la communauté de Lac-Simon, trouve difficile de garder un intérêt quand elle ressent qu’il n’y a pas vraiment de dialogue. Le point de discorde : le racisme systémique que le gouvernement actuel refuse de reconnaître. Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin

Le manque d’intérêt à leur égard est ce qui a désintéressé Nancy Wiscutie-Crépeau des campagnes électorales. Cette professeure adjointe à l’Institut national de la recherche scientifique, rattachée à l’unité mixte de recherche en études autochtones INRS-UQAT, n’a pas beaucoup suivi la campagne actuelle.

Je trouve qu’on ne parle pas nécessairement beaucoup des enjeux des Autochtones en milieu urbain. Et souvent, quand on en parle, c’est toujours l’histoire d’un problème à régler. [...] On veut souvent trouver des solutions rapides, mais on ne peut pas trouver des solutions rapides pour des problématiques qui sont situées dans le passé colonial, et c’est un angle mort : comment ces relations de pouvoir ont un impact sur nos vies, notre qualité de vie.

Le parc Albert-Dumais, à Val-d'Or.
Le phénomène de l’itinérance à Val-d’Or ne date pas d’hier, mais la situation s’est détériorée au cours des dernières années. Selon la ville, l’itinérance à Val-d’Or atteint une forte proportion de membres des Premiers Peuples. Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin

George – un prénom d’emprunt – traverse la troisième avenue de Val-d’Or alors qu’une petite pluie tombe. Il se dirige vers le parc Albert Dumais, où se trouvent souvent des itinérants, mais ce matin, le parc est vide.

George dit venir de Waswanipi et être à Val-d’Or depuis 22 ans. Ses cheveux sont attachés en hauteur et il a gardé ses lunettes de soleil malgré le mauvais temps. Si l’itinérance semble avoir retenu l’attention des politiciens, lui hausse les épaules. Aller voter? Pourquoi faire? J’suis presque mort, on est presque morts, lance-t-il, avant de demander une cigarette et de tracer son chemin.

Une affiche témoignant d'une Déclaration d'amitié entre les peuples de Val-d'Or, datant de 2014.
Une augmentation importante de la population autochtone a été constatée à la suite d'un jugement reconnaissant le statut d’Indien à une génération qui n’y avait autrefois pas accès et qui, pour beaucoup, vivait déjà en ville. Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin

Val-d’Or a toujours été un mélange de deux mondes : ceux qui résident et ceux qui transitent, car la ville est un carrefour, un lieu de passage pour les Anishinabeg, les Cris et les Inuit.

La population autochtone est mobile et les études sont la première raison évoquée pour se déplacer en ville, suivie du travail et du logement. Cette hypermobilité a un impact sur la nécessité, la qualité et la quantité de services offerts dans les villes.

Un manque de représentation

Maxime Wawanoloath, chargé de projet depuis cinq ans et demi au Centre d’amitié autochtone de Val-d’Or, estime que les Autochtones en milieu urbain ne sont pas invisibles. On les voit, mais il y a une absence de représentation. Ils sont mal représentés, mal entendus, lance-t-il.

Des fois, Maxime Wawanoloath dépose son bulletin de vote dans l’urne. D’autres fois, non. Quand on sait déjà qu’un candidat va gagner, je ne vote pas, précise-t-il. Pas par manque d’intérêt. Il est féru de politique et de ses enjeux, et aime en discuter, lui qui a une maîtrise en sciences politiques.

Un homme avec une casquette du Canadien de Montréal.
L’Abénakis Maxime Wawanoloath. Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin

Souvent dans les discours, les promesses, il a entendu parler de territoire, mais ça va se régler dans 40-50 ans, ça prend du temps à la Cour suprême. Alors lui aimerait entendre parler davantage de services sociaux, d’éducation, du concret au jour le jour.

Effectivement, reconnaît Édith Cloutier, pour obtenir des actions concrètes comme l’investissement pour ouvrir des cliniques de santé autochtones dans la province, celui pour du logement étudiant, ça a pris Joyce Echaquan qui meurt en direct, ça a pris la dénonciation des femmes autochtones à Val-d’Or sur les abus policiers, ça a pris les enfants autochtones dans le pensionnat et, oupelaye, le spotlight a été mis!.

Retour à la maison. Il est près de 18 h et Rolande Thompson déballe ses courses dans son quatre et demie, où elle vit avec sa fille de 11 ans.

Rolande Thompson, membre de la Première Nation Timiskaming, a grandi en ville. Il y a quelques années, elle a dû quitter son logement de Val-d’Or à cause de la violence conjugale qu’elle subissait. Elle a fait une demande pour un logement à prix abordable dans l’immeuble Kijaté qui offre des logements sociaux à des personnes autochtones.

Un immeuble résidentiel de Val-d'Or.
Depuis 2018, l’immeuble Kijaté offre 24 logements sociaux à des personnes autochtones à Val-d’Or. Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin

Depuis, c’est une grosse différence dans ma vie, je suis beaucoup plus confortable, lance la réceptionniste du Centre d’amitié. Elle ne se fait pas d’illusions, sans Kijaté, elle n’est pas sûre qu’elle aurait pu trouver un logement à prix abordable, voire un logement tout court. Car à Val-d’Or, la crise du logement est grande et, pour les Autochtones, elle est encore plus difficile.

Mon avantage, explique Rolande Thompson, c’est que je ne ressemble pas à une Autochtone. Mais mon désavantage, c’est l’accent. On entend qu’elle est Autochtone, soutient-elle, en donnant des exemples de discrimination déjà vécus.

Une femme appose une peinture sur un mur.
Rolande Thompson ne sait toujours pas si elle ira voter. Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin

Elle prend son téléphone et appelle sa fille de 31 ans qui doit déposer le petit-fils un peu plus tard. Fanny Thompson-Couture dit n’avoir jamais eu de tels problèmes de logement. Sa mère dit discrètement : C’est parce qu’elle n’a pas d’accent.

Le 3 octobre, Fanny n’ira pas voter. Parce que ça ne change rien de voter, dit-elle. Ce ne sont pas les politiciens qui décident, mais l’élite au-dessus de tout ça. Même s’ils parlaient des enjeux qui nous concernent, reste que ce ne sont pas eux qui décident!

Sa mère, Rolande, ne sait toujours pas si elle ira glisser son bulletin dans l’urne. Elle se décidera la veille. Elle verra qui se présente, s’il y a des Autochtones. Car la politique ce n’est pas son fort.

« J'haïs ça, la politique. Ça s’obstine tout le temps, et moi, m'obstiner, je ne suis pas capable! »

— Une citation de   Rolande Thompson

La première fois que Rolande Thompson a voté, elle s’en souvient bien. Son intérêt avait été soudainement propulsé par la candidature d’un Autochtone : Alexis Wawanoloath.

Le frère de Maxime s’est présenté et a gagné la circonscription d’Abitibi-Est sous la bannière du Parti québécois en 2007.

Juste le fait qu’il soit Autochtone, il n’a pas eu besoin de venir me parler. Pour moi, un Autochtone peut faire la différence en se plaçant à une place où il peut se faire entendre, lance Rolande Thompson.

De l’importance de voter

Sur la porte du bureau de Marco Cloutier, un dessin d’un arbre mature dont les racines rejoignent celles d’un tronc d’arbre coupé d’où une repousse sort, bien verte. Et cette inscription : Il n’est jamais trop tard pour devenir ce qu’on aurait pu être.

Conseiller en enrichissement de compétence, il travaille aussi au Centre d’amitié de Val-d’Or depuis cinq ans. Cet Anishinabe de 53 ans fait une analyse claire de l’absence d’intérêt des Autochtones pour les élections.

Ça vient de loin, on a eu le droit de voter en 1969 et on a été longtemps mis de côté. Les chefs de partis ne parlent même pas des Autochtones, car ce n’est pas un enjeu. Ils savent qu’ils ne vont pas voter. Or, que veulent les partis? Des votes. Et même s’ils parlent des Autochtones, ça va irriter d’autres électeurs, qui ne voteront pas pour eux.

Il raconte avoir posé une fois la question à Alexis Wawanoloath : Est-ce qu’on parle des Autochtones urbains à l’Assemblée?

« Il m’a répondu "non, ça n’existe pas" carrément. Tout le monde parle des communautés. Il n’y a personne encore dans le monde politique qui va reconnaître qu’un Autochtone est urbain parce qu’on n’a aucun droit. Oui, on travaille à la pièce pour certaines choses, mais c’est tout. »

— Une citation de   Marco Cloutier, conseiller en rétablissement de compétence
Un homme se tient devant le Centre d'amitié autochtone de Val-d'Or.
Marco Cloutier invite les Autochtones à aller voter pour pouvoir se faire entendre. Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin

Pourtant Marco Cloutier se fait un devoir d’aller voter. Comment on va pouvoir négocier quelque chose éventuellement? C’est de se faire entendre au niveau politique, c’est d’avoir des représentants régionaux. Il ne faut pas oublier que la politique, c’est un porteur de message.

Et je me dis, dans une place démocratique, si tu ne vas pas voter, tu ne peux pas chialer.

Encore faut-il savoir qu’il y a une élection quand on a l’impression de ne pas en faire partie, comme cette femme de ménage qui ne savait même pas qu’une élection était en cours, malgré les pancartes dans Val-d’Or, habituée peut-être à penser que ce n’est pas pour elle.

S’impliquer

Une pancarte, justement, il y en a une bien visible sur le terrain de Michèle Sergerie.

L’an dernier, ça a commencé à la chicoter. Elle voulait militer davantage pour le changement, défendre les droits des Autochtones, puis elle a reçu une invitation pour rejoindre la commission nationale autochtone de Québec solidaire.

Une femme est assise à une table d'une salle à dîner.
Michèle Sergerie préfère rester dans l’ombre en politique, mais dit s'investir pour la communauté.  Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin

Après avoir magasiné les différents partis et fait une analyse rapide, celle qui est directrice principale, développement des affaires, services bancaires aux Autochtones de la banque CIBC pour la province du Québec a décidé de se lancer.

Je suis passée de ne pas être politisée à être extrêmement politisée en un an, lance-t-elle, tout en faisant un jeu avec son fils Jameson.

« On est juste arrivés dans le temps où tout le monde a réalisé qu’on doit faire face à la musique, et on est prêts, la société est prête pour le changement. »

— Une citation de   Michèle Sergerie

D’ailleurs, elle n’aurait jamais imaginé que deux personnes autochtones, Benjamin Gingras pour Québec solidaire et Jacline Rouleau pour le Parti québécois, se présenteraient dans sa circonscription. Ça non!, affirme-t-elle.

Des affiches électorales accrochées en bordure d'une rue à Val-d'Or.
Benjamin Gingras et Jacline Rouleau sont les deux candidats autochtones qui se présentent pour le comté d’Abitibi-Est. Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin

Pas question néanmoins pour Michèle Sergerie d’être sous les feux de la rampe, elle a plutôt rejoint l’équipe politique de son cousin, Benjamin Gingras.

Elle espère bien que davantage de candidatures autochtones, notamment de personnes connaissant les enjeux urbains, vont pousser les Autochtones à venir voter.

C’est là que tu as le droit de donner ton opinion, de voter pour le prochain gouvernement en place. Et c’est ça qui est triste, le pourcentage très faible de la population autochtone en milieu urbain ou dans les communautés qui votent, se désole-t-elle.

Pas à tout prix

Mais ce n’est pas parce qu’un candidat est Autochtone qu’il aura forcément le vote de Marco Cloutier. Quand tu vas voter, ce n’est pas juste parce que c’est un devoir, tu veux que ce que tu penses soit porté. Donc moi, que ce soit n’importe qui, mais qu’il porte mes valeurs.

Il faut que ce soit aligné avec mes convictions, mes valeurs, ce que je revendique comme Autochtone et non être un token indien [un Indien de service] dans un parti. C’est dangereux, indique aussi Édith Cloutier.

Je ne voterai pas pour un Autochtone à tout prix, affirme-t-elle.

Michèle Sergerie ne se fait pas d’illusions. La présence de candidats autochtones permet d’attirer l’attention sur certains enjeux et va peut-être permettre de pousser le vote, mais pas de manière foudroyante.

On n’est pas encore rendu là, lâche-t-elle. Ça va finir par…, répète-t-elle sans finir sa phrase. On va peut-être avoir notre propre parti, mais il faut que le temps se fasse. Jamais rien n’a changé du jour au lendemain.

Les candidats

Comment faire pour intéresser les électeurs autochtones? La question est posée à Jacline Rouleau. Elle prend une pause et répond : Intéresser les Autochtones, ou nous, nous intéresser à eux?, consciente que les partis politiques ont encore du chemin à faire.

C’est une problématique, car on ne les approche pas souvent, on ne les implique pas assez, et c’est ce que je veux faire.

Le candidat de la Coalition avenir Québec, le ministre Pierre Dufour, qui se représente, énonce les actions faites par son gouvernement. Quant au manque d’intérêt, il dit qu’il est global. Donc pas seulement les Autochtones. Mais qu’on dise qu’on ne vient pas les chercher, j’essaie de comprendre. Il évoque alors le projet d’électrification du village de Kitcisakik annoncé en mai par le gouvernement du Québec.

Si ça ne les touche pas, ça. Faut que tu t’intéresses par toi-même, ce n’est pas simplement aux partis politiques. Les gens doivent comprendre qu’ils ont un acte de prendre une décision, d’aller voter pour avoir plus de services dans leurs communautés respectives.

Maxym Perron-Tellier, qui se présente pour le Parti conservateur, rappelle aussi que la plupart des gens ne s’intéressent pas à la politique, que ce n’est pas typique des Autochtones. Et il y a aussi le côté en psychologie qui est compréhensible, si tu n’as pas de place pour te loger, les enjeux de gouvernement, ça te touche moins que tes enjeux primaires.

C’est un électorat qu’il faut définitivement rejoindre, et pas juste l’électorat, lance Jean-Maurice Matte, candidat pour le Parti libéral. Les Autochtones en milieu urbain, c’est une richesse culturelle, une richesse de société. Ils choisissent de vivre en ville. Quand ils vont sentir qu’il y a des gens qui s’en préoccupent, qui sont prêts à installer un véritable dialogue, prêts à travailler sur leurs enjeux comme l’employabilité, ils vont comprendre qu’ils peuvent voter pour quelqu’un qui a leur sort à cœur.

De plus en plus, les Autochtones réalisent qu’il faut avoir une place au niveau de la table et qu’il faut investir la sphère politique québécoise en se présentant comme candidat ou candidate, mais aussi en participant comme électeur, électrice, explique Benjamin Gingras, le candidat de Québec solidaire. Il reconnaît le devoir des partis de les intéresser. Et pour cela, il faut un candidat qui est capable de leur parler, qui comprend ces enjeux en santé, en itinérance, etc. C’est essentiel d’amener la question autochtone de façon transversale à l’Assemblée nationale.

Un document réalisé par Radio-Canada Espaces autochtones

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