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Plein jeu. Les mouvements de jeunesse catholiques entre dynamique de reconquête et fabrication d’une culture ludique (1920 – 1970)

Get in the game. French Catholic youth at once a dynamic of recovery and the invention of game culture (1920 - 1970)
Charles-Edouard Harang

Résumés

Au cours des années 1920, le scoutisme catholique fait du jeu un élément essentiel de sa pédagogie au point que Célestin Freinet conseille en 1934 de s’inspirer des jeux scouts (distinguant toutefois objectifs et méthode). Les mouvements de jeunesse et les patronages incorporent eux aussi le jeu dans leurs activités. Le ludique doit être pédagogique. Cette appropriation donne lieu à l’élaboration de différentes pratiques, une pédagogie de l’imaginaire et du plein air. Terme polysémique, e jeu est à la fois considéré comme un moment récréatif et comme un moyen de socialisation et d’intériorisation des règles morales. En quoi les structures catholiques de jeunesse ont-elles participé, dans leur diversité, à l’élaboration d’une culture ludique ? L’attention accrue aux mutations qui affectent la jeunesse des années 1950-1960 et la réorientation vers l’action sociale des mouvements ne sont pas sans impact sur le jeu et ses conceptions. Entre les années 1920 et les années 1960, les structures catholiques de la jeunesse participent aussi à l’accommodement de leur éducation aux évolutions sociales et culturelles françaises.

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Texte intégral

  • 1 Père Marcellin Fillère, Le patronage, première école d’action catholique, rapport prononcé le 17 ju (...)
  • 2 Journal de bord manuscrit de la compagnie 1ère du Vésinet, Guides de France, année 1966-1967. Archi (...)

1En 1934, le père Marcellin Fillère (1900-1949), fondateur de la Cité des Jeunes, prononce une vibrante conférence au cours du Congrès de l’Union des Œuvres, dans laquelle il place le jeu au centre de l’Action catholique : « En somme on peut concevoir deux attitudes à l’égard du jeu : en faire un caractère essentiel de l’éducation […] ; le limiter aux temps de loisirs et réserver à l’éducation proprement dite un caractère sérieux ».1 Trente-trois ans plus tard, la jeune rédactrice du journal de bord de la 1ère compagnie des Guides de France du Vésinet, note laconiquement pour la journée du samedi 26 février [1967] : « nous avons fait des jeux ».2 Rien de plus banal pour de jeunes filles de 12-14 ans que de jouer lors d’une « grande sortie guide ». Comme Pierre Bourdieu a pu le dire, peut-être de manière un peu abrupte, la jeunesse n’est qu’un mot, en ce sens qu’elle n’existe pas de tout temps, mais résulte d’une construction sociale (1978). D’une certaine façon, les responsables des mouvements catholiques, qui fleurissent après 1918, entendent renouveler l’offre éducative, mais, aussi encadrer et former des jeunes dans une République devenue laïque (loi de 1905). Ils sont investis dans l’élaboration de pratiques pédagogiques qui font des jeunes des acteurs de leur éducation et du jeu, terme polysémique (Brougère, 1995), à la fois un moment récréatif et un moyen de socialisation (Guérin, 1981).

2Pourquoi commencer une étude au début des années 1920 ? Il ne s’agit pas de nier que, dès le XIXe siècle, quelques francs-tireurs introduisirent des activités ludiques au sein des patronages, en particulier le père Joseph-Marie Timon-David à Marseille (1846), avec cette formule : « le jeu et la prière ». Les salésiens suivent l’exemple de la méthode de Don Bosco basée sur une relation de confiance entre éducateur et éduqué ainsi que sur l’autonomie de ce dernier, utilisent le jeu et tout ce qui sollicite le corps (Galtier, 2016). Les jésuites ont aménagé le temps scolaire dans leurs établissements pour y laisser une place aux jeux. Mais au cours de l’entre-deux-guerres, la naissance d’une série de mouvements de jeunesse modifie sensiblement la place que le jeu avait jusqu’alors dans l’éducation catholique. En une décennie, entre 1920 et 1929, le paysage de la jeunesse catholique organisée est modifié, si ce n'est bouleversé par la création des Scouts de France (1920), de la Fédération Française des Etudiants Catholiques (1922), des Guides de France (1923), de la Croisade Eucharistique des Jeunes (1915, mais qui se structure au début des années 1920), des Cœurs Vaillants/Âmes Vaillantes (1936) et des mouvements d’Action catholique spécialisée : Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC, 1927), JOC Féminine (1928), Jeunesse Etudiante Chrétienne, Jeunesse Agricole Catholique (JAC, 1929), JAC Féminine (1933), Jeunesse Indépendante Chrétienne et JICF (1933-1935). La définition du mouvement de jeunesse a été très justement donnée par Aline Coutrot (1981, p. 29) :

c’est une organisation qui prend en charge les jeunes dans la totalité de leur être et de leur existence, qui se réfère à un idéal humain ou religieux, souvent les deux à la fois, qui fait appel au militantisme, et repose tout ou partie sur les jeunes eux-mêmes pour les prises de responsabilités et l’animation du mouvement. Le mouvement de jeunesse se caractérise aussi par la non-spécialisation des activités dans un seul secteur et par une pédagogie spécifique mise au service de ces fins.

  • 3 Éducation Populaire, novembre 1934, cité par Michel Barré (1995).

3Ces structures font preuve d’une réelle inventivité pédagogique basée sur l'autonomie des jeunes et leur progression personnelle par l'acquisition de compétences techniques, artistiques ou sportives (sanctionnée par des badges dans le scoutisme ou chez les Cœurs Vaillants/Ames Vaillantes). Elles délivrent un savoir-faire, mais aussi un savoir-être, compris comme un complément d’éducation à côté de celle dispensée par la famille et au sein du système scolaire. Leur but est de faire des adultes, faire des chrétiens engagés, formés, capables de répondre aux défis de la mission apostolique. Ils incarnent une charité agissante, le mélange entre apostolat et action sociale. L’intégration du jeu revitalise les œuvres et assure un rayonnement pastoral. Aumôniers et animateurs structurent un âge de la vie en inventant des activités et des pédagogies plus adaptées aux réalités sociales, mais aussi psychologiques et physiologiques des garçons et des filles. Le jeu n’est plus uniquement réservé à un temps de délassement, mais devient un véritable moyen d’affermir l’intégration des règles morales. Le scoutisme n’est pas étranger à cette évolution. Les pères Marcelin Fillère (évoqué ci-dessus), Gaston Courtois (1897-1970) ou Jean Pihan (1912-1996) (Cœurs Vaillants/Ames Vaillantes) sont sensibles aux innovations pédagogiques et emboitent le pas au scoutisme. De son côté, Célestin Freinet est convaincu de l’intérêt des jeux scouts au sein de l’éducation active qu’il préconise : « il faudrait dans les organisations ouvrières d’enfants, entraîner ceux-ci à des jeux actifs, en plein air, des jeux dans une certaine mesure créateurs, où l’imagination peut jouer un rôle prépondérant ».3

4Les mouvements de jeunesse et les colonies de vacances ont fait l’objet de plusieurs travaux de recherche depuis les années 1980-1990. Gérard Cholvy (1982) proposait déjà que les enquêtes sur les patronages et les œuvres de jeunesse prennent en compte le matériel de jeux (quilles, échasses, ballons, etc.). Le sport a connu un réel intérêt de la part des chercheurs, ce qui permet de comprendre l’histoire de son introduction dans les structures d’éducation et de socialisation de la jeunesse, son utilisation, les discours l’accommodant à l’habitus catholique (Cholvy, Tranvouez, 1999 ; Lagrée, 2002 ; Groeninger, 2004 ; Lebecq, 2004 ; Tranvouez, 2006a ; Munoz, 2009 ; Hochepied, 2011). Ce sujet a été bien travaillé. Il n’en est rien pour le jeu, si ce n’est quelques mentions dans les travaux sur le scoutisme, mais qui sont corrélées à la structuration d’un imaginaire lui-même traduction de l’ethos scout et des objectifs que lui assignent ses responsables.

5Cet article est basé sur l’exploitation des archives des mouvements de jeunesse, de séances de catéchisme et de magazines catholiques pour la jeunesse. Nous avons eu accès à des documents officiels, des photographies, des ouvrages et des magazines, mais aussi des cahiers de catéchistes, des notes d’activités, des comptes rendus de stages de formation. Ce corpus a fait l’objet d’un premier travail sur l’éducation des garçons et des filles (Harang, 2018) et sur le scoutisme masculin et féminin (Harang, 2021). Cet article entend analyser le rapport que des catholiques entretiennent avec les jeux. En quoi le jeu, dont il s’agira de définir comment il est perçu par les différents acteurs catholiques qui interviennent dans l’éducation, est-il un moyen d’interaction entre l’enfant, le jeune et l’adulte ? L’approche historique privilégiée ici nous conduit à mettre en évidence l’évolution des pratiques au sein des mouvements de jeunesse. Cette évolution convergente tend à faire des jeux non plus de simples concessions à un âge de la vie, mais un moyen central de l’éducation. En quoi les structures catholiques de jeunesse ont-elles participé, dans leur diversité, à l’élaboration d’une culture ludique ? L’appropriation ludique dans les mouvements catholiques ne révèle-t-elle pas une intelligence du social ?

L’appropriation du ludique par les mouvements de jeunesse catholiques

Le jeu, une arme de séduction massive

  • 4 Le Chef, février 1930, n° 71.
  • 5 Michel Christian, L’Esprit chrétien dans le sport, Paris, Desclée de Brouwer, 1933 / Révérend père (...)

6La publication de l’encyclique Divini illius magistri de Pie XI (31 décembre 1929) pose un jalon essentiel (Gutierrez, 2017). Elle sert de véritable charte de l’éducation catholique. Aumônier des troupes scoutes versaillaises, l’abbé Richaud écrit un long article sur le thème « comment doit être donnée l’éducation chrétienne ? », dans la revue Le Chef, immédiatement après la publication de l’encyclique.4 Pie XI y rappelle que le but de l’éducation est de former l’homme tout entier. Il raccorde donc cette éducation à l’intégralisme catholique qui semble être une réponse à l’émergence d’une société profane autonome. L’intégralisme est avant tout un projet social et moral de concrétisation d’une théologie et d’une ecclésiologie. Ses promoteurs envisagent de quadriller l’espace comme l’existence humaine (Famerée, 2013). Le considérer comme antimoderne serait une erreur, particulièrement en matière d’éducation. Le pape se montre toutefois réservé vis-à-vis de l’Éducation nouvelle qui, selon lui, pèche par un excès de naturalisme et une volonté d’affranchir la jeunesse. À la même époque, des auteurs5 dénoncent la part trop importante dévolue aux activités profanes dans les mouvements, au détriment du temps consacré à la religion. En d’autres termes, les enfants et les jeunes viennent pour s’amuser, pour retrouver des copains ou des copines, mais pas pour un ressourcement spirituel ni même un approfondissement en vue d’un apostolat. Les directeurs de patronage s’interrogent sur la place à donner aux jeux dans les programmes d’activités (Cholvy, 1982). À Paris, certains aumôniers s’inquiètent encore en 1946 du « primat donné à la distraction sur la formation » (Fouilloux, 1985, p. 368) qui risque de démobiliser les prêtres et a tendance à rendre les jeunes consommateurs.

7Les réticences des acteurs de l’enseignement et du catéchisme permettent au contraire aux mouvements d’être les lieux de l’inventivité pédagogique. Pour contourner toutes ces réserves, certains aumôniers et certains laïcs s’appuient justement sur l’intégralisme pour justifier la promotion de méthodes actives permettant de prendre en charge tous les aspects du jeune homme ou de la jeune fille. L’inflation des textes et des discours plus ou moins normatifs s’inscrit aussi dans une structuration des initiatives, une façon de les institutionnaliser et de les canaliser. Les méthodes actives doivent ainsi permettre selon Vitalis (pseudonyme du père Pihan) de revitaliser les patronages (Lebon, 2005). Dans bien des cas aussi, la concurrence des patronages laïques ou de ceux des municipalités communistes a forcé le vicaire, le curé ou le chef scout à rendre plus attractif le programme des activités.

8Le jeu est donc aussi une arme de séduction. Ce qui se joue finalement, c’est l’organisation du temps libre et la place que doit y tenir la dimension spirituelle. Les aires de jeu sont « progressivement organisées et régulées […] comme pour mettre la main sur tous les espaces transitionnels de l’enfance » (Becchi, Julia, 1998, p. 388). Le jeu est donc un moyen d’entretenir une interaction entre l’adulte et l’adolescent ou l’enfant. Il permet à la fois de favoriser leur autonomie et de maintenir l’autorité de l’adulte. La pratique ludique inscrit dans le corps des normes de comportement qui façonnent le psychisme et évite la répétition de discours qui, sinon, pourraient être jugés rébarbatifs par les enfants et les adolescents. Elle assure une forme d’équilibre et facilite sans doute la difficile articulation entre l’autonomie de la personne et son insertion dans une communauté pour reprendre un vocabulaire tiré de la pensée du philosophe Emmanuel Mounier qui avait une certaine influence auprès des aumôniers de l’Action catholique spécialisée.

  • 6 « Colonies de vacances », Je Sers, édition de Lambézellec, juin 1939 (Tranvouez, 2006b).
  • 7 Il est possible de consulter au Musée national de l’éducation de nombreuses cartes postales sur les (...)
  • 8 L’esprit chrétien dans le sport, La revue catholique des idées et des faits, 1er septembre 1933, n° (...)
  • 9 Bulletin du patronage de Charenton (Hoibian, 1995).

9Les directeurs de patronages et les animateurs des mouvements cherchent à occuper le temps hors de l’école. Pour cela, le jeu est intégré aux stratégies éducatives (Dessertine, Maradan, 2002). Il a drainé vers les patronages de nombreux enfants et adolescents qui n’étaient pas particulièrement attirés par la dimension spirituelle (Cholvy, 2009). « Les jeux et les amusements ne manquent pas »,6 peut-on lire dans le bulletin du patronage de la paroisse de Lambézellec en 1939. Les cartes postales de patronages éditées au début des années 1930 montrent des cours dans lesquelles les jeunes garçons ou les jeunes filles s’adonnent à divers jeux collectifs ou individuels : balançoires, rondes.7 La Bible sert à justifier l’intégration des jeux dans l’éducation catholique. Recteur de l’Institut catholique de Paris, Mgr Baudrillart n’hésite pas à y voir un moyen d’associer la religion et la vie comme « les jeux de David devant l’Arche ».8 Zones de sable pour les sauts, balles et ballons, cerceaux, échasses, jeux de société (en particulier dames, jeu d’échecs, jeu de l’oie), autant de supports ludiques qui font entrer le profane dans l’espace de l’Église. Ils concrétisent le jeu, le matérialisent, enracinent ainsi une culture ludique et en partie commerciale, balisent un temps dédié aux jeux. Au patronage de Charenton dans les années 1930, les animateurs des 6-8 ans les font jouer à l’épervier ou à la balle au chasseur. L’après-midi est consacrée à de grands jeux (jeu du drapeau, jeux avec des échasses).9

  • 10 N° 41, La Semaine Religieuse de Quimper & de Léon, octobre 1949, BNF.
  • 11 Site Internet Les Anciens du Brunet, programme d’activité, colonie de vacances de la paroisse de Gr (...)
  • 12 L'Etoile noéliste, numéros de 1923 à 1925 ; Le Noël, numéros de 1931 à 1933.

10Alors qu’il était enfant de chœur pendant la Seconde Guerre mondiale de la paroisse Saint-Pierre de Montbrison (Forez), Georges Démariaux se souvient qu’aux Cœurs Vaillants « après une courte instruction du prêtre, nous partions faire des jeux d’extérieur » (2004). Dans les quartiers populaires de Lyon, la réactivation des patronages s’accompagne de « l’utilisation des jeux […] pour attirer la jeunesse en lui proposant des activités attrayantes » (Arnaud, 1999, pp. 118-119). C’est encore le cas dans les sessions de formation des jeunes de la JAC-F, par exemple en 1949 au Congrès Fédéral à Lesneven (diocèse de Quimper) qui réunit 250 jeunes filles.10 À la colonie du Brunet, de la paroisse de Grasse (Alpes-Maritimes), le programme d’activité prévoit après 13h30, des jeux de piste ou des jeux olympiques (années 1955,1956 et 1957).11 La récurrence des comptes rendus d’activités dans lesquelles des jeux sont évoqués témoigne de leur place croissante aussi bien dans les patronages (Riordant, 1939) et les mouvements, y compris de piété comme celui du Noël, mouvement de piété pour les jeunes filles.12 Les patronages ont eu un rôle essentiel dans l’accession des enfants et des jeunes des milieux ouvriers ou agricoles aux jeux (Crubellier, 1979). Le contexte social et culturel joue pleinement pour différencier les pratiques. Chez les jeunes ouvriers adolescents, les grands jeux qui font appel à l’imagination ne sont guère prisés. Les jocistes ont tendance à les considérer comme des activités puériles, car ils veulent avant tout remédier aux conditions sociales difficiles. Ces jeux sont délaissés au profit de jeux de cartes ou de boules. La JOC ou la JOCF ne cherchent d’ailleurs pas à faire du jeu autre chose qu’un moyen de délassement. Dans les magazines destinés aux enfants des milieux ruraux et ouvriers (Fripounet et Marisette en particulier), les jeux de bricolage sont à l’honneur. Ils sont considérés comme étant plus adaptés à des enfants qui ont vocation à intégrer des professions manuelles.

Éduquer par le jeu

  • 13 La vie au patronage, organe catholique des œuvres de jeunesse, n° 18, novembre 1930.

11Le jeu n’en est pas moins éducatif en soi. C’est la conviction de beaucoup de laïcs et de prêtres qui associent éducation morale et éducation sociale. Les jeux collectifs sont une occasion de prendre sa place dans la société (celle constituée par la communauté enfantine ou juvénile). Ils facilitent le développement cognitif et physique, permettent « l’initiative et l’invention créatrice » et « donne[nt] le sens du gratuit » (Cholvy, 1985, p. 43). Dans le numéro 18 de novembre 1930 du bulletin La vie au patronage, organe catholique des œuvres de jeunesse, cheftaine Le Grand consacre tout un article de deux pages aux jeux éducatifs qui développent le sens de l’observation (elle en propose six avec leurs règles).13 Dans la perspective éducative, les règles permettent d’intégrer la notion de norme. La part du joueur est essentielle à l’acquisition d’une autonomie et d’un sens de la communauté.

  • 14 La voix de Saint-Corentin (Quimper), n° 3, juin 1936.

12La question du jeu n’est donc pas seulement une question de techniques pédagogiques ou ludiques. Son aspect moral est essentiel aux yeux de bien des animateurs laïcs ou membres du clergé. « On les encadre, on les conduit à l’Église. On leur procure des délassements, des jeux honnêtes. On les met en garde contre les dangers de leur âge », écrit le responsable du bulletin paroissial La voix de Saint-Corentin, de Quimper, en juin 1936.14 D’une certaine façon, le jeu répond aux objectifs que les animateurs de patronages ou de mouvements assignent à une bonne éducation : assurer l’imprégnation des valeurs morales et des normes hygiéniques. Car le jeu doit assurer une fonction de contrôle des affects, des pulsions de soi, particulièrement à la puberté, thème que divers auteurs abordent dès les années 1930 dans les revues des cadres du scoutisme et du guidisme ou dans la revue Educateurs lancée à la Libération par les responsables des Cœurs Vaillants/Ames Vaillantes. Ainsi, ce qui s’estompe au cours de l’entre-deux-guerres, c’est l’association systématique entre jeu et frivolité. De plus en plus, le jeu est conçu comme devant contribuer au développement de l’enfant et de l’adolescent. L’intériorisation des normes sociales et des valeurs est jugée d’autant plus efficace qu’elle est informelle. Les enfants et les adolescent(e)s participent, observent, imitent et explorent au cours des différents jeux, autant d’actions qui constituent les vecteurs d’un apprentissage informel (Brougère, 2014).

  • 15 Père Marcellin Fillère, Le patronage, première école d’action catholique, rapport prononcé le 17 ju (...)

13Le père Fillère apparaît dans le paysage des structures de jeunesse comme un franc-tireur. Forte personnalité qui ne mâche pas ses mots, ce mariste a l’expérience de l’animation des jeunes en tant qu’aumônier d’une troupe scoute et d’un patronage. C’est à la fin des années 1920 qu’il commence à formaliser une méthode pédagogique propre qui exprime ses conceptions théologiques et pastorales. Pour lui, les mouvements spécialisés par milieux de vie – l’équivalent de classe sociale pour les catholiques – empêchent la concrétisation du Corps mystique, soit de l’unité. Il met au point en 1933 la Cité des Jeunes qui rassemble des jeunes des patronages pour des camps d’été : 180 jeunes dès l’été 1933, 400 l’année suivante. L’objectif est d’en faire des membres conscients de l’Église. Pour cela, le père Fillère met au point une pédagogie du plein air et du jeu où se mélangent l’influence du scoutisme à ses lectures de Karl Groos et d’Edouard Claparède. Le jeu ne peut être confiné aux loisirs, car « jouer, c’est travailler, agir ».15 Le jeu est aussi pour l’aumônier une nécessité biologique fondamentale. Il serait donc un moyen de faire grandir, un moyen naturel, mais que le bon éducateur se doit d’organiser et d’orienter.

14Le jeu est la substance même du scoutisme (Fabre, 1994). Il traduit sur le plan pratique la construction idéologique, l’ordre scout pour reprendre une formule de Christian Guérin (1997). La loi et les principes scouts sont intériorisés par le biais du jeu. Le jeu scout ne veut pas dire qu’il faut jouer au scout pour être scout, mais que le jeu est au cœur de la pédagogie. Concrètement, la méthode scoute est basée sur la troupe et la patrouille. Chaque troupe rassemble une vingtaine de garçons de 12 à 17 ans. À la tête de la troupe, un chef de troupe (CT), le plus souvent un jeune adulte, secondé par un ou plusieurs assistants (19-20 ans). L’aumônier de troupe est souvent un vicaire de paroisse. À l’intérieur de la troupe, unité pédagogique et administrative, les garçons sont organisés en patrouilles. La méthode mélange à la fois une progression personnelle verticale (hiérarchique) et une prise de responsabilité (dimension horizontale) : le nouveau est aspirant ; après un temps de préparation, il fait sa promesse puis peut passer les épreuves (faire des nœuds, connaître des signes de pistes, secourisme, etc.) de la seconde classe et deux ans après celles de la première classe. Cette organisation est reprise dans le scoutisme féminin (les Guides de France) et seuls les noms changent. Les cadres des Scouts de France ont compris que le jeu est concrètement le moyen de construire la personne en devenir qu’est l’adolescent. C’est aussi pourquoi le jeu scout est inséparable des imaginaires qui sont mis en œuvre, comme celui du Livre de la Jungle pour les louveteaux (garçons de 8-11 ans), de la forêt bleue pour les jeannettes (filles de 8-11 ans), du Moyen Âge ou de l’aventure outre-mer pour les éclaireurs (garçons de 12-16 ans).

  • 16 Nous avons pu consulter l’intégralité des numéros de la revue Le Chef (mensuel, 1922-1959 devenu Ch (...)

15À partir de 1933, le mouvement masculin renforce le cadre en lui donnant un imaginaire plus structuré autour de la chrétienté médiévale. Cette évolution est systématisée dans le livre Plein Jeu de Pierre Delsuc, commissaire à la formation. Il apparaît comme une sorte de synthèse des nombreux articles publiés depuis le début des années 1920 dans la revue Le Chef et des stages de formation.16 Au-delà des aspects techniques qui occupent une grande partie du propos, Delsuc précise ce que doit être le jeu scout. Le scoutisme doit s’attacher les garçons et satisfaire leurs aspirations profondes. L’ouvrage n’a rien d’un manifeste théorique, les Scouts de France y sont réfractaires, mais procède d’un empirisme attentif. « Pierre Delsuc pose l’imaginaire comme premier dans le processus d’adhésion de l’enfant en mouvement, après avoir défini cet imaginaire en œuvre comme résultante de la frustration par le monde réel des désirs de ce jeune » (Guérin, 1987, p. 70). Le grand jeu est un moyen de fixation et d’expression des désirs des jeunes. À la Libération, Michel Menu, résistant, docteur en droit et en sociologie, devient Commissaire national de la branche Eclaireur (12-17 ans). Il actualise les activités en proposant aux garçons de se former en judo ou dans le domaine des communications radios, sans oublier pour autant les jeux qui doivent avoir, selon lui « un but, [et] qu’ils comportent des règles, un combat, une victoire » (Menu, 1955, p. 135).

  • 17 La Bande des Ayacks (1938) est tiré d’un synopsis de jeu de Foncine.

16Les jeunes chefs y voient un moyen d’organiser des activités de plein air, moyen bien plus séduisant que le simple campisme. Le grand jeu a donc lieu en pleine nature et sa durée s’étale sur au moins une demi-journée voire plusieurs jours. Mélange de randonnées, de prise de foulards, de prise d’un fort, le grand jeu introduit plusieurs éléments intéressants qui révèlent une maîtrise du ludique. Les règles, le cadre, les équipes et l’imaginaire s’entremêlent et sont indispensables à sa réalisation. Car le grand jeu scout doit assurer son rôle éducatif : prendre en compte toutes les dimensions de l’être humain (physique, morale, sociale, artistique et manuelle). Le jeu de piste en est sans doute l’exemple le plus typique. En équipe, les éclaireurs suivent une piste balisée de signes (branchage indiquant une direction, nœud dans un arbre, message codé), qui les mène vers un lieu particulier (chapelle, château…), le tout en compétition avec les autres équipes. Pierre Joubert, illustrateur de talent, directeur artistique de la revue Scout de France en 1933, impose rapidement un style mélangeant les traits fins et clairs, les évocations romantiques de la nature à un univers médiéval ou d’aventures lointaines (Guérin, 1993). Avec deux autres chefs, Serge Dalens (pseudonyme de Yves de Verdilhac) et Jean-Louis Foncine (pseudonyme de Pierre Lamoureux), il est à l’origine, en 1937, de la collection de romans scouts Signe de Piste chez Alsatia.17

  • 18 Nous avons pu consulter plusieurs comptes rendus de stagiaires dans les archives des Scouts et Guid (...)

17Non seulement le scoutisme fait du jeu un moyen d’assurer l’intériorisation de son ordre social, mais il est également conçu comme moyen d’accroître son capital social et culturel. Nous ne sommes pas éloignés des idées de Roger Caillois (1958, p. 52 et suivantes) qui voit dans le jeu un moyen de transformer l’instinct en dispositif social. Ils sont aussi proches de la théorie de l’anticipation fonctionnelle d’Henri Wallon (1963, p. 74) pour qui le jeu ferait sortir l’adulte de l’enfant. Encore faut-il faire la part des choses entre les responsables bien informés et les cadres de terrain rarement au fait des théories sur le jeu. Certes, le scoutisme a mis en place dès sa création des stages de formation au cours desquels les chefs et les cheftaines apprennent à animer un jeu aussi bien que la psychologie de différentes tranches d’âge, des techniques de campisme ou encore la pédagogie spécifique du mouvement et sa spiritualité.18 Mais il faut prendre en compte la maturité de ces chefs et de ces cheftaines, leur propre compréhension de la méthode, leur capacité à l’accommoder aussi aux jeunes qui leurs sont confiés. En couplant le jeu à une méthode pédagogique et à la production d’un imaginaire médiatisé par des revues ou des livres, les Scouts de France ont fait émerger une culture ludique dès les années 1930, participant à la culture de masse qui s’ébauche alors. Les cadres du scoutisme ont participé à la définition d’un âge de la vie particulier dans lequel le jeu est au cœur de la sociabilité.

Quand le jeu est le signe des mutations du catholicisme

L’appropriation du jeu, les jeunes filles et les laïcs

18Dès l’entre-deux-guerres, le jeu participe d’un accommodement des catholiques aux mutations sociales à plusieurs niveaux. Le jeu a pour finalité de former des adultes catholiques sûrs de leur foi, capable de la faire rayonner dans leur vie familiale et professionnelle. Il s’agit aussi de rendre les jeunes autonomes et pour certains qui présentent des dispositions, d’en faire de futurs leaders. Dans ce projet éducatif que l’on retrouve dans les mouvements de l’Action catholique comme dans le scoutisme ou la Cité des Jeunes, dans certaines colonies de vacances, le rôle des adultes est primordial (conception du jeu, arbitrage) et il y a parfois peu de temps pour les véritables activités autonomes (Houssaye, 2010). Les adultes restent en position d’encadrement dans les patronages et les colonies de vacances, essentiellement auprès de la tranche d’âge 8-12 ans. Ainsi, le jeu participe en un sens à l’élargissement du champ d’intervention des laïcs bien que le jeune vicaire soit encore une figure importante côtoyée par les enfants (Tranvouez, 2011). Dans les mouvements de jeunesse, les responsables, jeunes (18-25 ans en moyenne) et laïcs sont à la tête d’une troupe scoute, d’une compagnie guide ou d’une équipe JAC-JOC ou JEC (masculine ou féminine).

19L’accommodement des structures de socialisation et d’éducation catholiques aux pratiques ludiques accompagne également une forme d’hybridation qui s’exprime par l’ouverture à des théories psychologiques ou pédagogiques non catholiques. Claparède, Piaget, Wallon, Freinet sont lus aussi bien par le père Fillère que par des cadres du scoutisme, du guidisme ou des Cœurs Vaillants/Ames Vaillantes. Le dominicain François Chatelain (1896-1978) joue un grand rôle dans ce processus. Il est un véritable passeur. Il propose un travail de discernement qu’il va promouvoir grâce à sa position institutionnelle au sein de l’Institut Supérieur Catholique de Paris. La psychologie est acclimatée à l’éthos catholique. Elle est digérée et circule grâce à un jeu de relations humaines et institutionnelles, des réseaux où se croisent instituts de formation universitaire à vocation théologique ou pastorale, revues spécialisées et mouvements de jeunesse. Des cadres du scoutisme et du guidisme sont sensibles aux cours du père Chatelain. Le père Michel de Paillerets, lui aussi dominicain, aumônier général adjoint des Scouts de France en 1945 et qui avait tenu cette fonction au sein du scoutisme clandestin de la zone nord dès 1940, reprend certaines approches du père Chatelain dans son manuel Les garçons et le scoutisme, psychologie des garçons, publié en 1945 par les Editions Presses d’Ile de France ; l’ouvrage sera réédité à la fin des années 1950. De son côté, le père Jean Pihan a favorisé la création en 1946 du Service Central de Recherche et d’Action pour l’Enfance proche du mouvement des Cœurs Vaillants/Ames Vaillantes. Le SCRAE publie la revue Educateurs de 1946 à 1959. L’intérêt pour les différents stades de développement psychologique de l’enfant, la prise en compte de la notion d’adolescence, la question de la gestion des frustrations ou encore de l’apprivoisement de l’énergie juvénile irriguent bien des ouvrages ou des discours.

  • 19 Françoise Jasson écrit dans les revues du mouvement, La Guide de France ou Feux de France. Archives (...)
  • 20 Marie-Louise Petit responsable nationale des guides dans la revue Cheftaines, janvier 1947.

20Le jeu apparaît donc comme un trait essentiel de la psychologie de l’enfant et non pas seulement comme un moyen de l’occuper. Les Guides de France ont très tôt associé les méthodes actives à la méthode scoute, dans l’optique de féminiser, selon elles, leur pédagogie. La jeune Françoise Jasson, qui a 26 ans en 1945, cheftaine à Paris, jardinière d’enfants, suit les cours de pédagogie et de psychologie du père François Chatelain. Diplômée de psychologie, elle est l’une des principales introductrices de la pédagogie active au sein du mouvement, que ce soit à travers ses articles ou ses responsabilités au sein de l’équipe nationale Guide.19 Le nouveau programme des guides (12-17 ans) et le livret Fais tes preuves (1946) concrétisent aussi cette réorientation qui doit « favoriser l’éveil et le développement de personnalités vigoureuses en donnant des occasions d’initiations et d’invention ».20 Le titre du manuel Fais tes preuves symbolise bien cette intégration des méthodes actives. C’est à la guide de montrer qu’elle est capable, qu’elle acquiert un savoir-faire. Jeanne Boucher, responsable nationale des jeannettes (8-11 ans) à la Libération multiplie les articles pour sensibiliser les cheftaines aux réalités psychologiques de la tranche d’âge.

21Enfin, les filles sont aussi invitées à jouer et les jeux vont ainsi décentrer l’ordre sexué jusqu’alors admis au sein des mouvements ; les filles et les garçons sont naturellement différents et complémentaires selon le texte de la Genèse. Les jeux ne sont plus ou pas uniquement réduits à la simple reproduction des gestes maternels tels les jeux de poupée. La revue L’Etoile noëliste publie des comptes rendus d’équipes de filles de 8-14 ans et, dans un numéro de 1925, il est par exemple mentionné le jeu de l’épervier. Il s’agit bien de temps récréatif, car l’essentiel du programme des réunions est encore consacré à l’éducation aux deux vertus féminines, la piété et la charité. De son côté, Marie Diémer, responsable de la formation chez les Guides de France, écrit le Livre de la forêt bleue publié en 1933 qui expose la méthode pédagogique de la branche cadette, les jeannettes. Cette forêt bleue est : « d’abord terrain de jeux, d’observation, de découvertes et d’activités dans la nature » explique l’historienne Marie-Thérèse Cheroutre (2002, p. 81).

Marie-Paule Jouan-Le Réstif entre chez les jeannettes à Rennes en 1937. Elle a tout juste dix ans. Tous les jeudis, elle sort au Thabor, un magnifique jardin à proximité. […] C’était merveilleux, ces prairies avec des petites fleurs. On vivait vraiment la forêt bleue […] Pour Ginette Rogez-Fauchille, jeannette à Lille dès 1928, les jardins environnants étaient aussi le théâtre de leurs jeux de piste (témoignages publiés dans Leroy, Pizzo, 1998, p. 86).

  • 21 « La ménagerie » : chaque équipe de 6 se choisit un cri d’animal puis toutes les guides ont les yeu (...)
  • 22 Encore en 1963, le journal Bernadette organise un concours pour ses lectrices. Elles doivent réalis (...)
  • 23 Fripounet et Marisette, n° du 24 janvier 1960.

22Les guides jouent, campent, dansent et se forment aux techniques élémentaires : nœuds, secourisme, morse (Cheroutre, 1985). Au cours des années 1920 et 1930, les grands jeux à thèmes ont la faveur des guides de 12 à 16 ans ainsi que « la ménagerie » ou « le roi dans son domaine ».21 Certes séparés, les jeunes garçons et les jeunes filles participent peu ou prou à des activités équivalentes, atténuant les assignations de genre sans les annihiler. Tant qu’il est associé à une perspective éducative, le jeu, et les jouets sont tout à fait acceptés, voire même valorisés. Les pages de la revue du Noël comme de Fripounet et Marisette fourmillent de conseils pour fabriquer des vêtements aux poupées.22 Dans Fripounet et Marisette, des pages sont aussi consacrées aux jouets de la menuiserie.23

Image 1 : Une poupée qui fait polémique : Ptit frère de Clodrey, 1966.

Image 1 : Une poupée qui fait polémique : Ptit frère de Clodrey, 1966.

Publicité tirée de L’Echo de notre temps, journal de l’ACGF, numéro de novembre 1966.

  • 24 Lettre de l’abbé Maillard de Buchy à monseigneur Martin, 5 novembre 1966 / Lettre de Pierre Boyer à (...)
  • 25 Panorama chrétien, n° décembre 1966.

23En novembre 1966, une publicité (voir image 1) pour une poupée déclenche une petite polémique pourtant lourde de sens. La poupée incriminée est un bébé garçon appelé « P'tit frère » et elle est fabriquée par la société Clodrey. La conceptrice de la poupée, Catherine Refabert (1994) dit en avoir eu l'idée lorsque son fils lui posa la question : « pourquoi ne fabriques-tu que des poupées filles ? ». La jeune femme en activité au sein de l'entreprise depuis 1960 n'a pas à cœur de bouleverser les identités sexuées. La poupée reste un jouet pour les filles, ce que montre bien la publicité (c'est une petite fille d'environ 8 ans qui joue avec le poupon). Pourtant l'affaire éclate lorsque le journal de l'ACGF (Action Catholique Générale Féminine), L’Echo de notre temps, consacre une page publicitaire à plusieurs jouets parmi lesquels cette poupée. Elle y côtoie entre autres le « spirographe » de Djéco ou le jeu d'observation « Qui avec quoi » de chez Nathan. « P'tit frère, un vrai petit garçon de 53 cm », proclame le slogan publicitaire. Jouet d’un goût douteux pour certains,24 la poupée a entraîné de nombreuses réactions troublées : « que penser cependant si nos petits s'amusent avec les frères et sœurs comme avec leur poupée ? ». Le magazine Panorama chrétien, lancé en 1957 par le père Gaston Courtois fondateur des Cœurs Vaillants, et qui s'adresse aux adultes, reprend le dossier en décembre 1966 : « Que faut-il penser de la première poupée garçon ? Cette poupée dès son apparition a entraîné de violentes réactions de pudeur offensée ! ».25 Le magazine publie alors trois témoignages favorables à la poupée pour désamorcer la polémique et s'opposer implicitement à ceux qui dénoncent le jouet. L'Action catholique fait bloc contre les parents offusqués qui n'hésitent pas à interpeller évêques et associations familiales. Au cœur de cette inquiétude se niche donc la peur de voir se mélanger les garçons et les filles, et avec cela une forme de promiscuité sexuelle, de dévergondage – la poupée a un petit sexe apparent – de délitement des bonnes mœurs. Si l'affaire retombe très vite, elle révèle donc les crispations face aux évolutions. On peut y voir l’inquiétude face à une culture qui échappe aux catholiques et incarnée par des jouets dont les promoteurs semblent s’émanciper de la morale de l’Église.

24Il y a aussi une forme de rejet de la consommation de masse et de l’américanisation qui en serait le corolaire. Dès les années 1930, l’Église s’était élevée contre l’arrivée des journaux américains pour jeunes, essentiellement Le journal de Mickey (Ory, 1984). La loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, qu’elle a largement soutenue, a permis de réguler leur contenu (Crepin, 2001 ; Crepin, Cretois, 2003 ; Lesage, 2019). C’est la même logique qui est ici à l’œuvre avec les jouets. Mais cette inquiétude n’est pas partagée par tous. Dans le numéro du 7 mars 1963 du magazine J2, issu de la fusion des magazines Âmes Vaillantes et Cœurs Vaillants, les filles peuvent découvrir les deux cents costumes de la nouvelle poupée qui vient de l’Amérique (Barbie). Les garçons sont encouragés à construire une maquette de destroyer. Les jouets ou les activités restent bien sexués et cette division reprend ce que la rédaction catholique considère comme relevant des aspirations naturelles de chacun des sexes. Les jouets sont ici acceptés dès lors qu’ils préservent le différentialisme sexué catholique. L’accommodement qui s’observe donc à plusieurs niveaux, est l’expression de cette synthèse modérée entre une forme de conformisme moral et l’ouverture aux innovations formelles qu’incarnent les divers mouvements de jeunesse catholiques.

25Il serait abusif de parler de sécularisation pour autant. La promotion du laïc et l’utilisation du jeu s’inscrivent bien dans le projet intégraliste déjà évoqué. Le jeu ne s’oppose pas complètement au sacré ici. Il lui est complémentaire. Le père Fillère est le seul à avoir poussé assez loin en associant le jeu à la liturgie, ce que les autres aumôniers se sont refusés, y compris dans le scoutisme. Mais le jeu est bien intégré dans une formation apostolique. Pour Michel de Certeau (cité par Di Filippo, Schmoll, 2013, p. 67), la croyance est « non l’objet du croire, mais l’investissement des sujets dans une proposition, l’acte de l’énoncer en la tenant pour vraie, autrement dit une modalité de l’affirmation et non pas son contenu ». En acceptant cette définition, nous pouvons considérer que les jeux produisent du réel et du sacré. La participation des jeunes aux activités ludiques renforce l’adhésion aux dogmes et/ou à l’institution (celle du mouvement et celle de l’Église). Encore faut-il que cette participation soit régulière. Encore faut-il aussi qu’il y ait une part d’adhésion volontaire des enfants et des jeunes. Encore faut-il enfin qu’il y ait une certaine convergence entre l’éducation intrafamiliale et celle des mouvements. Tous ces paramètres nuancent ou accentuent, selon les cas, le poids du jeu. Il reste que les éducateurs catholiques font du jeu un moyen d’acquérir et de faire vivre un ethos par une hexis, pour reprendre les concepts de Pierre Bourdieu (1980).

Action sociale et loisirs (1950-1970)

  • 26 Le père Yves Jamont, après avoir passé quelques temps à Troyes, fonde une seconde Copainville à May (...)

26La Seconde Guerre mondiale pose les jalons d’une autre évolution significative. Les questions sociales dans le contexte de la pénurie occupent de plus en plus les jeunes. À la Libération, les cadres des mouvements de l’Action catholique considèrent que la jeunesse doit s'engager dans la société, c'est-à-dire dans les espaces où se rencontrent les jeunes : l'école, le lycée, l'entreprise, l'exploitation agricole, mais aussi la rue. Pour éduquer, il faut que les activités soient centrées sur les enquêtes de milieu et les actions sociales (cours du soir, syndicalisme étudiant, soutien au développement de loisirs, action de lutte contre la faim dans le monde…). Jouer le jeu, c’est jouer le rôle du militant et promouvoir le loisir (Corbin, 2009). Lorsque les gouvernements lancent les grandes opérations des années 1950 et 1960 tels les centres socioculturels dès 1954 ou l’opération « Mille clubs de jeunes » en 1966, les mouvements sont le plus souvent conviés à participer à leur animation. C’est par exemple le cas avec l’expérience des cités de jeunes nommées Copainville. La première est édifiée à Troyes à l’initiative du père Yves Honnet, ancien Scout de France, animateur de patronage et directeur de colonie de vacances. Copainville est édifiée sur le site d’une ancienne usine par de jeunes ouvriers et des raiders Scouts de France en 1959.26 La cité autogérée de 15 pavillons peut alors accueillir 240 jeunes travailleurs. Une aire de jeux et un pavillon sont dédiés aux loisirs. Cette entreprise illustre bien cet engagement social militant et la conviction anthropologique que les loisirs forment l’une des facettes de la condition humaine.

  • 27 Cité dans Pierrard, Launay, Trempé (1989).
  • 28 Archives au Centre d’histoire du travail, Nantes.
  • 29 Lettre du chanoine Dutil et de Chantal Marcieux aux évêques de France, 8 octobre 1953. Archives du (...)

27Plus sensibles aux revendications ouvrières et particulièrement à la question de l’organisation du temps de travail et du temps libre, les jocistes s’intéressent aux loisirs dès les années 1930. À Saint-Etienne, la JOC révèle « un réel souci d’une éducation aux loisirs : les veillées de Noël avec le réveillon après la messe de minuit, des balades à pied ou à vélo les dimanches d’été » (Nizey, 1985, p. 241). À partir de 1947 les loisirs sont l’objet d’enquêtes régulières de la JOC ; par exemple en 1947 : « Des loisirs assurant l’émancipation ouvrière », en 1962 : « L’organisation des loisirs ».27 De leur côté, la JAC et la JACF font des loisirs un moyen d'émanciper les jeunes ruraux des pesanteurs sociales. Les deux mouvements publient ainsi en 1959, Les jeunes ruraux et le sport et, en 1961, une grande enquête 18 000 jeunes vous parlent de leurs loisirs. Pleins feux sur nos loisirs (81 pages).28 La JECF pour les filles scolarisées dans les séries Moderne et Technique de l'enseignement secondaire, adopte le thème « Loisirs, source de vie » pour son plan de travail de l'année 1953-1954, car il faut, selon le chanoine Dutil, aumônier de la branche, et la dirigeante nationale, Chantal Marcieux, « redonner aux adolescentes et jeunes filles [...] la conception chrétienne des loisirs ».29

  • 30 Compte rendu du congrès de l'Union des œuvres catholiques de France, Angers, 1958, p. 32. Archives (...)
  • 31 Jacques Marny, de son vrai nom Jacques Potin (1927-2005) est ordonné en 1953. Assomptionniste, il d (...)

28Le terme de loisir englobe aussi bien la séance au ciné-club, que la partie de babyfoot ou le jeu de chat perché. L’entrée dans une société de consommation et de culture plus massives vite repérée par les catholiques, décentre également le jeu de deux manières. D’une part, la production de jouets s’intensifie et échappe aux associations. D’autre part, la culture des jeunes s’autonomise, en particulier avec la musique pop et tout l’imaginaire qui lui est associé. Les imaginaires qui étayaient les jeux dans le catholicisme sont donc remis en cause ou concurrencés. « Il se produit une relève des héros » constate en 1958 l’abbé Georges Rousseau, aumônier national du Mouvement familial rural, et il poursuit : « On vénère aujourd'hui les dieux du stade, les surhommes, les vedettes (stars, vamps, etc.), […] dont le mythe se substitue à celui du héros ».30 Le journaliste Jacques Marny31 y consacre un chapitre de son livre Les adolescents d’aujourd’hui qu’il intitule : « La vedette a-t-elle tué le héros ? ». Le héros est censé, selon lui, structurer l’enfant. Mais la vedette se situe dans le simple ordre de l’action quand le héros relève de l’ordre de l’être (Marny, 1965, p. 77).

Conclusion

29Au cours de l'été 1940, l’historien Marc Bloch, cherche à mesurer les causes de la défaite. Il pointe ainsi du doigt les carences de l'école, surtout des méthodes pédagogiques :

alors que les écoles anglaises s'efforcent d'encourager le hobby, la marotte de l'esprit (herbiers, collections de pierres, photographie, que sais-je encore ?), les nôtres détournent pudiquement les regards de toutes ces fantaisies ou les abandonnent au scoutisme, dont le succès dénonce, plus clairement peut-être que tout autre symptôme, les carences de l'éducation nationale (Bloch, 1940, p. 187).

30N’est-ce pas dans les mouvements de jeunesse périscolaires que les carences ont été comblées ? Le jeu a été un moyen essentiel de l’éducation catholique intégraliste, particulièrement dans le scoutisme. Il faut bien entendu envisager ici le jeu dans une acception large qui avait cours au sein des différents mouvements : les pratiques ludiques recouvraient tout autant les jeux de société, les jeux de piste ou de prise de foulards, les jeux de cartes. En cela, les mouvements ont joué un rôle triple en accommodant les catholiques à une culture ludique profane, en la catholicisant et en la façonnant, mais aussi en balisant un temps spécifique, celui de l’enfance et de l’adolescence. La culture ludique catholique se consolide autour d’un patrimoine éducatif et d’outils réappropriés. Cette hybridation est clairement issue d’une mutation qui a vu les acteurs catholiques des structures d’encadrement des jeunes faire du jeu, non plus un élément récréatif, mais un élément central de leurs pédagogies.

31L’engagement accru dans l’action sociale et la nouvelle conception de l’apostolat des jeunes les amène à s’investir dans le développement des loisirs à partir de la Libération. Le terme de loisir dilue la conception du jeu dans un vaste ensemble d’activités et signe aussi sa mise en concurrence comme moyen d’éducation. L’action sociale lui est préférée. Doit-on y voir une marginalisation du religieux, voire une sécularisation ? Il semble plus juste de conclure à une tentative d’hybridation afin de se maintenir face à la concurrence de l’école, des mouvements laïcs et de l’enracinement d’une société de consommation. Le rapport entre le religieux et le jeu n’est donc pas vécu comme une épreuve ou une confrontation. L’un sert l’autre.

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Notes

1 Père Marcellin Fillère, Le patronage, première école d’action catholique, rapport prononcé le 17 juillet 1934, congrès de l’Union des Œuvres, Rennes.

2 Journal de bord manuscrit de la compagnie 1ère du Vésinet, Guides de France, année 1966-1967. Archives du groupe Scouts et Guides de France Charles de Foucauld du Vésinet.

3 Éducation Populaire, novembre 1934, cité par Michel Barré (1995).

4 Le Chef, février 1930, n° 71.

5 Michel Christian, L’Esprit chrétien dans le sport, Paris, Desclée de Brouwer, 1933 / Révérend père Giacomo Perico, Le sport : valeurs et aberrations, La Documentation catholique, 1285, 31 août 1958.

6 « Colonies de vacances », Je Sers, édition de Lambézellec, juin 1939 (Tranvouez, 2006b).

7 Il est possible de consulter au Musée national de l’éducation de nombreuses cartes postales sur lesquelles figurent des jeux comme par exemple celles du patronage Saint-Joseph ou du patronage de l’œuvre de la Croix Saint-Simon, Paris.

8 L’esprit chrétien dans le sport, La revue catholique des idées et des faits, 1er septembre 1933, n° 23, p. 2.

9 Bulletin du patronage de Charenton (Hoibian, 1995).

10 N° 41, La Semaine Religieuse de Quimper & de Léon, octobre 1949, BNF.

11 Site Internet Les Anciens du Brunet, programme d’activité, colonie de vacances de la paroisse de Grasse (1946-1966).

12 L'Etoile noéliste, numéros de 1923 à 1925 ; Le Noël, numéros de 1931 à 1933.

13 La vie au patronage, organe catholique des œuvres de jeunesse, n° 18, novembre 1930.

14 La voix de Saint-Corentin (Quimper), n° 3, juin 1936.

15 Père Marcellin Fillère, Le patronage, première école d’action catholique, rapport prononcé le 17 juillet 1934, congrès de l’Union des Œuvres, Rennes. Archives de l’Église de France.

16 Nous avons pu consulter l’intégralité des numéros de la revue Le Chef (mensuel, 1922-1959 devenu Chef, 1959-1961 puis Chefs, 1961-1968).

17 La Bande des Ayacks (1938) est tiré d’un synopsis de jeu de Foncine.

18 Nous avons pu consulter plusieurs comptes rendus de stagiaires dans les archives des Scouts et Guides de France.

19 Françoise Jasson écrit dans les revues du mouvement, La Guide de France ou Feux de France. Archives des Scouts et Guides de France.

20 Marie-Louise Petit responsable nationale des guides dans la revue Cheftaines, janvier 1947.

21 « La ménagerie » : chaque équipe de 6 se choisit un cri d’animal puis toutes les guides ont les yeux bandés et sont mélangées. Au coup de sifflet les guides poussent leur cri. La première équipe qui réussit à se retrouver a gagné. « Le roi en son domaine » : toutes les guides ont les bras croisés et se tiennent côte à côte à l’intérieur d’un cercle. Au coup de sifflet elles se poussent par les épaules. La dernière dans le cercle est proclamée roi dans son domaine (l’article qui rappelle les règles du jeu n’utilise pas le nom reine, mais bien le nom masculin…). La Guide de France, n° 222, décembre 1948.

22 Encore en 1963, le journal Bernadette organise un concours pour ses lectrices. Elles doivent réaliser une maquette de chambre de poupée. n° 91, 6 janvier 1963.

23 Fripounet et Marisette, n° du 24 janvier 1960.

24 Lettre de l’abbé Maillard de Buchy à monseigneur Martin, 5 novembre 1966 / Lettre de Pierre Boyer à monseigneur Martin du 30 octobre 1966 / Lettre de monsieur Baret de Lime à monseigneur Martin, 25 octobre 1966. Archives du diocèse de Rouen. Ces cas locaux illustrent une mobilisation nationale (même type d’argumentation dans les lettres) ce que confirme l’article dans le journal à diffusion nationale Panorama chrétien, en réponse à cette mobilisation : « Il faut jouer avec eux » par Elisabeth Gerin, n° décembre 1966.

25 Panorama chrétien, n° décembre 1966.

26 Le père Yves Jamont, après avoir passé quelques temps à Troyes, fonde une seconde Copainville à Mayenne où il est curé.

27 Cité dans Pierrard, Launay, Trempé (1989).

28 Archives au Centre d’histoire du travail, Nantes.

29 Lettre du chanoine Dutil et de Chantal Marcieux aux évêques de France, 8 octobre 1953. Archives du diocèse de Rouen.

30 Compte rendu du congrès de l'Union des œuvres catholiques de France, Angers, 1958, p. 32. Archives du diocèse de Rouen.

31 Jacques Marny, de son vrai nom Jacques Potin (1927-2005) est ordonné en 1953. Assomptionniste, il devient journaliste pour la Bonne Presse et intègre l’équipe d’Yves Beccaria en charge des titres de la jeunesse. Il participe au lancement de Hello et Record. Yves Beccaria (1929-2017), jéciste devenu gérant des Editions de l’Epi (1953-1955), entre à la Bonne Presse en 1955 et lance avec son épouse Marie-Josèphe le magazine Pomme d’Api (1966).

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Table des illustrations

Titre Image 1 : Une poupée qui fait polémique : Ptit frère de Clodrey, 1966.
Légende Publicité tirée de L’Echo de notre temps, journal de l’ACGF, numéro de novembre 1966.
URL http://journals.openedition.org/sdj/docannexe/image/3354/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 9,3M
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Pour citer cet article

Référence électronique

Charles-Edouard Harang, « Plein jeu. Les mouvements de jeunesse catholiques entre dynamique de reconquête et fabrication d’une culture ludique (1920 – 1970) »Sciences du jeu [En ligne], 15 | 2021, mis en ligne le 27 juin 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/sdj/3354 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdj.3354

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Auteur

Charles-Edouard Harang

Lycée Jeanne d’Arc et Université de Rouen

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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