Un règlement menace le droit de manifester à Québec

Un projet de règlement municipal déposé par l’administration Marchand renforcerait le contrôle policier sur les manifestations.

Selon le futur règlement, les policiers devraient connaître à l’avance le plan de toute manifestation et pourraient forcer le déplacement des manifestant·es. Plusieurs groupes citoyens y voient un frein à la liberté d’expression.

Nordicité oblige, les groupes citoyens de la ville de Québec sont habitués à manifester malgré des températures glaciales. Or, plusieurs défenseur·euses de la liberté d’expression croient que le nouveau règlement proposé par l’administration du maire Bruno Marchand provoque un refroidissement abusif.

Le nouveau projet de règlement exigerait que toute personne qui organise une « manifestation mobile » sur une distance de plus de 150 mètres avise le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) de la date, de l’heure, du lieu et de l’itinéraire. Les organisateur·trices qui ne respectent pas cette exigence feraient face à une amende maximale de 1000 $ plus les frais, et 2000 $ pour une infraction subséquente.

Le règlement donnerait aussi aux forces policières le pouvoir d’ordonner à des manifestant·es de changer d’emplacement « pour des motifs de sécurité ».

Le projet devrait être soumis au vote au conseil municipal le 19 décembre prochain.

Le Règlement sur la sécurité lors de la tenue des rassemblements sur la voie publique remplacerait le Règlement sur la paix et le bon ordre, datant de l’époque du Printemps érable, dont plusieurs éléments ont été invalidés par la Cour d’appel en 2019, justement parce qu’ils restreignaient trop le droit de manifester.

Un effet dissuasif

La Ville « veut que chaque manifestation soit autorisée et négociée en amont, donc ce sera impossible de tenir une manifestation spontanée », dit Maxim Fortin, porte-parole de la Ligue des droits et libertés (LDL) – Section Québec.

Selon lui, le règlement proposé cible injustement les personnes organisatrices. Il considère aussi que les personnes racisées et les personnes qui manifestent pour la première fois risquent d’être particulièrement dissuadées. La LDL a déjà qualifié la SPVQ d’un des « acteurs les plus bornés au Québec par rapport à la question du profilage racial ».

Selon Vania Wright-Larin, du Regroupement d’éducation populaire en action communautaire des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches (REPAC), le règlement « envoie un mauvais message : que les manifestations sont dangereuses en soi et doivent être contrôlées, alors que manifester, c’est un droit démocratique ».

« Ce sera impossible de tenir une manifestation spontanée. »

Maxim Fortin, ligue des droits et libertés

Selon lui, des règlements existants permettent déjà au SPVQ d’agir en cas de vandalisme, d’entrave à la circulation ou de violence. Comme Maxim Fortin, il s’inquiète du fardeau de responsabilité placé sur les organisateur·trices et des pouvoirs discrétionnaires donnés à la police. « C’est très flou. »

Le parti du maire, Québec Forte et Fière, détient neuf des 21 sièges au conseil municipal. L’opposition officielle, Québec D’abord (sept sièges), émet des réticences par rapport au règlement. « On veut que le nouveau règlement soit conforme à l’esprit de la décision de la cour [qui avait critiqué le règlement précédent] et on n’a pas l’impression que c’est le cas présentement », précise l’attachée de presse du parti, Lara Émond.

Les groupes de défense des droits ont au moins un allié au conseil municipal, le parti de gauche Transition Québec (un siège). « Le maire ne cherche pas à redonner la liberté d’expression et le droit de manifester auxquels les citoyens ont droit, il manigance pour maintenir en place l’esprit d’un règlement jugé contraire aux principes démocratiques », proteste la conseillère de Limoilou et cheffe du parti, Jackie Smith.

Pas de consultation

La LDL envisage déjà de faire une requête en sursis pour empêcher l’application du règlement. « Au lieu d’attendre qu’une personne soit sanctionnée, on veut aller au-devant et demander à la Cour de s’y intéresser », explique Maxim Fortin.

Entretemps, il suggère à l’administration du maire de « mettre [le règlement] sur la glace et de tenir des consultations publiques ».

« Le maire manigance pour maintenir en place l’esprit d’un règlement jugé contraire aux principes démocratiques. »

Jackie Smith, Transition Québec

En règle générale, l’administration Marchand ne fuit pas les consultations publiques. Depuis 2021, la Ville a consulté les citoyen·nes et les groupes sociaux sur sa politique de mobilité active, les services aux aînés, les polluants atmosphériques et le profilage racial. Cependant, au moment de publier, aucune consultation publique sur ce règlement n’était prévue.

Déjà au printemps dernier, la LDL a demandé de rencontrer le maire Marchand et la vice-présidente du comité exécutif, Marie-Josée Asselin, afin de discuter des « entraves au droit de manifester existantes ». Une demande qui n’a pas reçu de suite, selon Maxim Fortin.

David Pelletier, agent de communications à la SPVQ, ne s’est pas avancé sur le rôle du SPVQ dans l’élaboration du règlement ou dans d’éventuelles consultations. « Manifester, c’est un droit démocratique », a-t-il toutefois mentionné. 

Le cabinet du maire n’a pas pu répondre à nos questions au moment de publier.

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