Prisons provinciales : de moins en moins d’inspections indépendantes

Des documents révèlent que le nombre de visites du Protecteur du citoyen dans les prisons a radicalement diminué depuis quelques années.

Selon des documents qu’a obtenus Pivot, le Protecteur du citoyen n’aurait visité en moyenne qu’une seule fois depuis cinq ans chacun des 17 établissements de détention au Québec. Cela renforce les inquiétudes des organismes de défense des droits qui réclament une enquête sur le racisme systémique en milieu carcéral.

Des documents obtenus par la Ligue des droits et libertés en vertu de la Loi sur l’accès à l’information révèlent que le Protecteur du citoyen effectue bien peu de visites dans les établissements de détention du Québec.

Le Protecteur du citoyen est la seule institution publique indépendante qui est chargée d’enquêter sur les établissements de détention au Québec. Par le biais de ses visites, il s’assure du respect des droits et des conditions des personnes détenues. Il documente aussi des problèmes systémiques.

En cinq ans, entre 2017-2018 et 2021-2022, il n’a fait en moyenne qu’une seule visite dans chaque prison provinciale.

Le nombre total de visites annuelles a grandement diminué depuis quelques années, passant d’un total de 14 visites en 2015-2016 à seulement trois visites en 2017-2018. En 2021-2022, seulement deux visites ont été effectuées pour l’ensemble des 17 prisons provinciales.

Les prisons de Hull et de Québec n’ont pas été visitées une seule fois durant les cinq dernières années.

Les chiffres pour l’année en cours ne sont pas encore disponibles.

Enquête publique réclamée

À la prison de Bordeaux, où Nicous d’Andre Spring est mort aux termes d’une intervention brutale, le Protecteur du citoyen n’avait effectué que trois visites en sept ans.

Le décès du jeune homme de 21 ans a mis en lumière une série de violations, notamment l’illégalité de sa détention et le non-respect des procédures en lien avec l’utilisation de la force.

« La particularité de cette institution [les prisons], c’est que c’est extrêmement opaque. Les violations de droit qui s’y passent, elles se passent dans un contexte de déni [de la part] des autorités carcérales. »

Lynda Khelil

« C’est pour ça qu’on demande une enquête spéciale », rappelle Alain Babineau, directeur du profilage racial et de la sécurité publique de la Coalition rouge. L’organisme qui représente la famille de M. Spring a demandé au Protecteur du citoyen d’enquêter sur le racisme systémique en prison.

« La particularité de cette institution [les prisons], c’est que c’est extrêmement opaque », explique Lynda Khelil, porte-parole de la Ligue des droits et libertés, qui réclame également une enquête. « Les violations de droit qui s’y passent, elles se passent dans un contexte de déni [de la part] des autorités carcérales. »

La Ligue des droits avait demandé à deux reprises, en 2016 et en 2021, la permission de réaliser une mission d’observation indépendante de la prison Leclerc à Laval où des détenues dénoncent des conditions de détention inhumaines.

Ces demandes ont été refusées par le ministère de la Sécurité publique qui a assuré que le Protecteur du citoyen suivait la situation de près. La prison Leclerc a été visitée cinq fois depuis 2015-2016.

Les « nouveaux objectifs » du Protecteur du citoyen

« Les visites d’établissement de détention ne sont qu’un des moyens dont dispose le Protecteur du citoyen pour exercer son mandat d’ombudsman correctionnel », rappelle Carole-Anne Huot, responsable des relations avec les médias au bureau du Protecteur du citoyen.

Elle assure que la diminution du nombre de visites annuelles n’est pas liée à un manque de ressources.

Elle attribue le phénomène à une révision du « modèle de visite » visant de « nouveaux objectifs » et « une démarche plus complète. » Le but et le fonctionnement de cette nouvelle stratégie ne sont pas plus amplement détaillés. 

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