La COP de trop ? Alors que la 28e Conférence des parties sur le climat s’ouvre ce jeudi 30 novembre à Dubaï, aux Émirats arabes unis, beaucoup s’interrogent sur le sens et l’avenir de ces grand-messes, d’autant plus qu’elle se tient cette année dans un État pétrolier et qu'elle est dirigée par le patron d'une compagnie pétrolière. Pour d’autres, elle sera au contraire le lieu idéal pour poser clairement la question de la sortie des énergies fossiles.

La COP28 a ouvert ses portes à Dubaï ce jeudi 30 novembre sur fond de polémiques, au pluriel. Depuis la nomination de son président Sultan al-Jaber, également PDG de la compagnie pétrolière nationale Adnoc, l’ombre des lobbies fossiles plane – plus encore que d’habitude – sur ce sommet pour le climat. Selon la BBC, l’homme à la double casquette utiliserait cet événement pour conclure de nouveaux marchés dans les énergies fossiles, alors qu’il déclarait quelques semaines plus tôt : "je tiendrai tout le monde, et toutes les industries, responsables et redevables de maintenir l’objectif +1.5°C à portée de main".
Pour les détracteurs de la COP28, c’est une preuve supplémentaire pour s’interroger sur le sens et la raison d’exister de ce rendez-vous international, tel qu’il est aujourd’hui. Et si cela n’était pas suffisant, la courbe toujours en hausse des émissions de gaz à effet de serre confirme que les maigres avancées obtenues depuis la première COP à Berlin en 1995 ne sont pas suffisantes. Alors à quoi servent ces COP ? "À pas grand-chose", a tout simplement répondu Jean-Marc Jancovici, en février dernier.

"La COP28 n’est pas la solution, elle est le problème"


Dix mois plus tard, le constat est identique pour Scientifiques en rébellion. "Nous voyons qu’après 28 COP nous sommes arrivés au bout de l’expérience et que c’est un échec", déclare de manière lapidaire Jérôme Santolini, biochimiste et animateur du collectif, joint par Novethic. C’est pour cette raison qu’il est hors de question pour le collectif de se rendre à Dubaï. À la place, une COP alternative est proposée à Bordeaux, du 30 novembre au 3 décembre. Co-organisé avec Extinction rébellion et Alternatiba, ce rendez-vous sera notamment l’occasion de dresser le bilan des COP de ces 30 dernières années ou d’assister au procès fictif de Total.
Pour le scientifique, "la COP28 n’est pas la solution, elle est le problème". "Elle empêche aujourd’hui toute autre forme d’action de se mettre en place, monopolisant les champs politiques et médiatiques", explique-t-il. Sans appeler au boycott de l’événement, Jérôme Santolini regrette que les "efforts intenses" fournis par la communauté scientifique et les 50 ans de rapports et de publications pour alerter sur la crise climatique n’aient pas réussi à convaincre les pouvoirs publics d’agir. Le collectif espère désormais que ce sursaut viendra de la société civile, car "la question du climat nous impacte au quotidien"

Ne pas oublier les victoires remportées


Le bilan est bien plus nuancé pour Fanny Petitbon, responsable plaidoyer chez Care France. "Les résultats des COP sont souvent décevants mais c’est le seul espace dans lequel quasiment tous les États de la planète sont présents pour décider ensemble comment lutter contre le changement climatique. Si ces rendez-vous n’existaient pas, la situation serait en réalité pire." "Nous avons aussi eu de belles victoires", note-t-elle, prenant pour exemple la création du fonds "pertes et dommages", lors de la précédente COP27 de Charm el-Cheikh (Égypte). La mise en oeuvre de ce fonds a d’ailleurs été approuvé dès l’ouverture de la COP à Dubaï.
Pour la professeure de droit à l’Université d’Ottawa, Lynda Hubert Ta, "il est important de comprendre que chaque COP n’est qu’une étape dans le long processus vers la résolution de la crise climatique". "Parfois une seule Cop peut faire grandement avancer les efforts, parfois les résultats sont plus modestes", reconnaît auprès de Novethic cette chercheuse.
S’il est pour l’heure encore difficile d’imaginer de grandes avancées ces deux prochaines semaines, l’espoir que cette COP à la forte odeur de pétrole provoque un électrochoc sur la question des énergies fossiles, règne. "Elle a le mérite d’avoir brisé ce tabou, on ne peut plus se voiler la face, la question de la sortie des énergies fossiles doit désormais être posée", martèle Fanny Petitbon. Et quelle meilleure issue pour Sultan al-Jaber et les Émirats arabes unis, 7e producteur de pétrole, qu’un engagement sur la question des fossiles ? Dès son discours d’ouverture à la COP28, l’Émirati a ainsi appelé à mentionner "le rôle des combustibles fossiles" dans l’accord final. 
Blandine Garot

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