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Tamara Lich et Barber en Cour: le procès du « convoi » et de la réponse des autorités?

Tamara Lich et Chris Barber discutent.

Les organisateurs du convoi des camionneurs, Tamara Lich (à gauche) et Chris Barber, discutent en attendant que la Commission sur l'état d'urgence commence ses travaux, le 1er novembre 2022, à Ottawa. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

La Presse canadienne

Deux organisateurs du « convoi de la liberté » devraient commencer mardi à répondre aux accusations criminelles pour leur participation à la manifestation massive qui a paralysé le centre-ville d'Ottawa l'année dernière , mais les enjeux vont bien au-delà de leurs gestes cet hiver-là.

Tamara Lich et Chris Barber ont été parmi les principaux organisateurs du mouvement de protestation à Ottawa au début de 2022, et ils devraient être les premiers à subir leur procès, mardi. Mais Lawrence Greenspon, l'avocat de Mme Lich, craint que le procès ne devienne celui du convoi de la liberté.

Le criminologue Michael Kempa, de l'Université d'Ottawa, admet que l'attention portée au procès pourrait signifier que les institutions canadiennes seront également jugées sur la manière dont l'affaire est traitée par le tribunal et la jurisprudence qu'elle pourrait créer.

Les organisateurs du convoi voulaient s'opposer aux restrictions sanitaires liées à la COVID-19 et plus généralement au gouvernement de Justin Trudeau. Des milliers de personnes se sont installées au centre-ville d'Ottawa pendant trois semaines, et des élus locaux ont parlé d'occupation' et de siège. Ailleurs au pays, d'autres manifestants ont bloqué des postes frontaliers.

Le gouvernement libéral a décrété l'état d'urgence en matière d'ordre public national, invoquant pour la première fois dans l'histoire la Loi sur les mesures d'urgence. Le juge Paul Rouleau, qui a présidé une commission d'enquête publique sur cette décision, a qualifié le convoi de moment singulier de l'histoire.

Selon le professeur Kempa, ce mouvement aura révélé un fossé profond au Canada entre le nombre important de gens qui soutiennent et sympathisent avec les manifestants, et ceux qui s'y opposent fermement. À une époque où la confiance dans les institutions diminue, ajoute-t-il.

Une récente enquête de Statistique Canada a révélé qu'au dernier trimestre de 2022, seulement 45,8 % des Canadiens déclaraient un niveau élevé de confiance dans le système judiciaire et les tribunaux.

La majorité des gens ne croient plus que le processus politique ordinaire et les institutions ordinaires de l'État peuvent améliorer ou résoudre les problèmes, a déclaré M. Kempa. Les gens doivent voir que les tribunaux traitent tout le monde équitablement, des deux côtés de cette fracture politique.

Jurisprudence pour d'autres accusés

Tamara Lich, originaire de l'Alberta, et Chris Barber, propriétaire d'une entreprise de camionnage en Saskatchewan, ont tous deux été arrêtés le dernier jour de la manifestation à Ottawa, avant que la police ne lance une opération de plusieurs jours pour déloger les manifestants.

Ils font face à des accusations de méfait, d'intimidation, d'entrave au travail des policiers et de conseil à d'autres personnes de commettre des méfaits. Tous deux affirment que la protestation était un mouvement organique sans leader clair.

Je pense qu'il y a un peu de poésie, d'une certaine manière, dans le fait que nous devions faire nos valises et retourner à Ottawa, déclarait Mme Lich plus tôt ce mois-ci lors d'un événement à Vernon, en Colombie-Britannique, où elle faisait la promotion du livre qu'elle a écrit sur son expérience.

Même si de nombreuses personnes connaissent Mme Lich parce qu'elle était une porte-parole et dirigeante du convoi, certains organisateurs moins connus font également l'objet d'accusations, a-t-elle déclaré.

Le procès de Chris et moi est le premier, et c'est pourquoi il est si important, car ce qui en résultera va créer un précédent pour tout le monde, a déclaré Mme Lich. C'est pourquoi j'ai bien l'intention de me battre et nous en ressortirons plus forts.

Keith Wilson, l'avocat qui l'a représentée pendant la manifestation, a déclaré que le système judiciaire avait déjà échoué à son premier test. Comme de nombreuses personnes arrêtées à Ottawa, Chris Barber a été libéré sous caution peu de temps après son arrestation, alors que Mme Lich a été détenue pendant 49 jours au total.

Elle a été détenue pendant près d'un mois après que la juge Julie Bourgeois, de la Cour de l'Ontario, a estimé qu'elle poserait un risque pour la santé et le bien-être physique, mental et financier des résidants d'Ottawa si elle tentait de ressusciter le mouvement. Cette décision a été annulée après une révision de la libération sous caution.

Mais quatre mois plus tard, en juin, elle a été de nouveau arrêtée en vertu d'un mandat pancanadien, après que la Couronne a appris qu'elle avait assisté à un gala à Toronto où elle avait été photographiée avec un autre organisateur du convoi, ce qui contrevenait à ses conditions de remise en liberté.

Me Wilson, qui ne représente plus Mme Lich dans la procédure, mais lui offre toujours des conseils juridiques, estime que le mandat d'arrêt et le temps passé en prison avant son procès avaient tous deux déconsidéré l'administration de la justice.

Infraction mineure?

Alors que certains aimeraient voir Mme Lich et d'autres accusés faire face à des conséquences criminelles, le professeur Kempa estime que ce procès devra strictement se concentrer sur les accusations très spécifiques portées devant le tribunal.

Joao Velloso, professeur de droit à l'Université d'Ottawa, a ainsi rappelé que le méfait constitue une infraction mineure qui, dans de nombreux cas, n'entraîne pas une peine d'emprisonnement.

Le juge Rouleau a par ailleurs conclu que les échecs de la police à Ottawa ont contribué à une situation qui est devenue incontrôlable. Ces critiques du travail policier pourraient revenir devant les tribunaux.

Le tribunal pourrait chercher à punir sévèrement Mme Lich et M. Barber s'ils sont reconnus coupables de méfait.

Mais en même temps, la gravité des méfaits commis lors de la manifestation est due au manque de maintien de l'ordre, souligne le juriste Velloso.

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