Vicki Wallace-Godbout
LL.B. 2003
Récipiendaire de
l'Ordre du mérite 2023
L’alUMni est fière d’avoir remis, lors de la Soirée Ovation en octobre dernier, l’Ordre du mérite 2023 à Vicki Wallace-Godbout.
Diplômée en droit de l’Université de Moncton, Vicki Wallace-Godbout est née et a grandi dans la Première Nation malécite du Madawaska. Elle est reconnue pour son parcours professionnel remarquable en affaires et son engagement dans le développement économique de sa communauté.
Admise au Barreau du Nouveau-Brunswick en 2004, elle a cofondé le cabinet d'avocats Soucy Richard Godbout Wallace au sein duquel elle a pratiqué jusqu'en 2010, principalement dans les domaines du droit des biens, corporatif, commercial et familial.
Vicky Wallace-Godbout est copropriétaire de Truck Stop+ Edmundston, Burger King Edmundston, Greco Edmundston, Capt Submarine et Frozu, des entreprises situées au mégacentre commercial Grey Rock sur la Première Nation malécite du Madawaska ainsi que de Truck Stop+ Moncton et NationLink Group. Elle est également copropriétaire de Frontière FM.
Elle a siégé à de nombreux conseils d’administration, notamment celui de la société de développement économique malécite du Madawaska mandaté pour développer et gérer le projet du mégacentre Grey Rock Power Centre. Elle a été classée parmi les 25 femmes d'affaires les plus influentes du Canada atlantique par Atlantic Business Magazine en 2022 et, en 2023, elle a reçu la Médaille du jubilé de platine de la reine Elizabeth II.
Félicitations! Qu’est-ce que cela représente pour vous de recevoir l’Ordre du mérite de l’Université de Moncton?
Pour moi, recevoir ce prix est un privilège incroyable. C’est tout un honneur de recevoir l’Ordre du mérite de l’Université de Moncton et de me retrouver sur cette liste prestigieuse aux côtés des anciennes et anciens récipiendaires, des personnes extraordinaires et inspirantes.
Quelles ont été vos motivations à poursuivre des études en droit à l’Université de Moncton?
Mes ancêtres m’ont beaucoup appris sur les injustices que les peuples autochtones ont subies. Entre autres, la loi interdisait aux Autochtones d’aller à l’université ou au collège. Encore aujourd’hui, mes parents et mes oncles me parlent de cette immense terre que mon grand-père, un bûcheron, avait achetée au début des années 1900. Cette terre représentait tout ce qu’il avait, c’était son travail, c’était son gagne-pain, c’était sa vie. Du jour au lendemain, le gouvernement a choisi de créer une «réserve» sur cette terre et plusieurs autres. Subitement, il n’était plus chez lui, il n’avait plus le droit de bûcher son bois, son gagne-pain pour subvenir aux besoins de sa famille.
Encore aujourd’hui, mes parents ne sont pas propriétaires du terrain sur lequel est située leur demeure sur la Première Nation. Les gens se demandent pourquoi plusieurs communautés autochtones vivent dans la pauvreté. C’est ce genre d’injustices qui ont fait en sorte que je me suis donnée comme objectif de contribuer au mieux-être de ma communauté.
Étudier le droit, en français, à l’Université de Moncton a été pour moi un choix délibéré. Même si j’étais parfaitement confortable dans les deux langues officielles, je tenais à ma langue maternelle. Déjà qu’en tant qu’Autochtones, on avait tout perdu, incluant notre langue.
« Mes parents croyaient à l’importance d’une bonne éducation. Ils croyaient en mes aptitudes et m’encourageaient à persévérer. Je leur en serai toujours reconnaissante, car ce fut un privilège de poursuivre des études en droit. »
Vicki Wallace-Godbout
De quelles façons vos années d’études à l’Université de Moncton ont-elles influencé le reste de votre parcours professionnel?
Nous ne naissons pas entrepreneurs ou leaders, c’est un apprentissage constant. On l’apprend par des gens sur notre parcours, nos parents, nos amis, des professeurs, des mentors, on l’apprend par des expériences… on l’apprend, c’est le mot clé. Mon passage à la Faculté de droit a certainement modelé l’entrepreneure en moi. Je dirais même qu’aujourd’hui, mes études en droit me servent tous les jours... ou presque!
Vous avez mené une carrière en droit pendant quelques années à Moncton avant de faire le saut en affaires. Que représentait pour vous ce nouveau défi? Comment s’est imposé ce choix?
J’aimais pratiquer le droit. En début de carrière je pratiquais le droit de la famille, pour ensuite pratiquer le droit immobilier, le droit des contrats et des affaires. Mon conjoint et moi étions propriétaires de logements résidentiels et les affaires nous intéressaient beaucoup. Ma communauté m’a alors approchée avec le projet de développement du parc commercial Grey Rock. Elle avait besoin d’un premier locataire et l’idée d’avoir une station-service et des installations Cardlock à cet endroit offrant un emplacement exceptionnel a pesé positivement dans notre décision de revenir au Madawaska. Mon bagage d’expériences et d’études en droit et celui de mon conjoint ont été primordiaux dans ce processus qui fut long et complexe. Il faut comprendre que le processus de désignation des terres autochtones pour des fins commerciales n’avait jamais été fait dans notre coin de pays. Je suis tellement fière de ce que nous avons accompli.
Votre communauté autochtone malécite du Madawaska figure parmi les Premières Nations les plus prospères au pays. Quel impact a eu le projet Grey Rock dans le développement socioéconomique de votre communauté?
L’établissement du Edmundston Truck Stop+ au Grey Rock Power Centre a été la bougie d’allumage pour ce qui est devenu un moteur économique pour la région du Nord-Ouest et pour ma communauté, la Première Nation malécite du Madawaska. Le fait que la communauté puisse gérer ses propres finances, sans dépendre du gouvernement, est une source de fierté. Fournir de bons emplois à plusieurs membres; voir les gens sortir de la pauvreté; pouvoir aider nos aînés, constitue le fruit de tous ces efforts. Comme premier locataire à Grey Rock, nous avons misé sur un service d’excellence à notre clientèle et l’achalandage croissant a certainement aidé à attirer de nouveaux locataires.
Lors de votre discours d’acceptation de l’Ordre du mérite, vous avez partagé certaines difficultés auxquelles vous avez été confrontées en grandissant. Est-ce que vous avez l’impression que l'on connait mieux les réalités autochtones en 2023?
Il y a toujours lieu à des améliorations, cependant, je dois admettre que depuis la sortie du rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada nous avons vu une ouverture et une volonté de rapprochement de certains gouvernements. L’éducation sur les injustices est la clé du changement. En 2019, ma famille et moi avons été invitées par l’ancienne vice-rectrice, Madeleine Dubé, au lever du drapeau de la Première Nation malécite au Campus d’Edmundston. On a reconnu que les terres malécites n’avaient pas été cédées. Ce fut un moment historique d’une grande importance, un geste concret afin de tisser des liens durables avec les peuples autochtones.
Vous êtes une personne influente, comment voyez-vous votre rôle pour sensibiliser et faire évoluer les mentalités à l’égard des Premières Nations?
Je crois que mon rôle est très important. Chaque fois que j’ai l’occasion, je me permets de prendre la parole afin de sensibiliser les gens au sujet des injustices que les Premières Nations ont subies. Pour moi, le vrai pouvoir d’une personne influente réside en sa capacité d’inspirer les autres. Mon souhait est que nos communautés croient en leurs projets et aient la détermination d’aller de l’avant contribuant ainsi à la lutte contre la pauvreté.
En rétrospective, qu’est-ce que vous rend le plus fière lorsque vous regardez le chemin parcouru?
Le parc commercial Grey Rock était le rêve de plusieurs de mes dirigeants communautaires et ceux-ci m’ont appuyée à 100 % depuis le début. Je me suis engagée dans le projet Grey Rock et ce fut un processus de cinq ans pour démarrer la construction. C’était bien plus qu’une simple transaction commerciale ou un autre développement commercial impressionnant. C'était véritablement une incarnation de l'espoir, et son existence donne véritablement une voix aux aspirations de notre peuple, une voix qui a été trop longtemps réduite au silence par la pauvreté et le désespoir. Grâce aux revenus de Grey Rock, notre communauté peut fournir des logements à nos membres, des avantages sociaux à nos aînés, une éducation à nos jeunes et de nombreux emplois à nos membres de la communauté.
Lorsque je me permets de rêver à ce qui pourrait être, je vois le parc commercial Grey Rock pleinement développé, je vois une communauté prospère, une région florissante avec des entreprises, des emplois et des opportunités entrepreneuriales. Je vois des gens coexister dans le respect mutuel, vivre et travailler côte à côte. Je vois une belle diversité de cultures. Je suis très fière d’avoir fait partie de la création de deux parcs commerciaux sur des terres autochtones gérées par deux nations Wabanaki. Il m’a fallu beaucoup de détermination afin de convertir une vision en réalité.
Nous innovons constamment dans nos activités économiques, et c’est le meilleur moyen de satisfaire la clientèle et de maintenir un excellent service. L’équipe que nous avons en place m’a aidée à grandir et devenir une meilleure entrepreneure. Sans cette équipe, nos projets commerciaux ne seraient pas où ils en sont.
L’Ordre du mérite
L’Ordre du mérite est une distinction honorifique remise chaque année afin de reconnaître la contribution exceptionnelle d’une personne diplômée, qui, par ses activités professionnelles et ses actions sociales, fait honneur à l’Université de Moncton et à sa profession.
La période de mise en candidature pour les Prix d’excellence 2024 de L’alUMni sera lancée à la fin février 2024.