Faire entendre de nouvelles voix s'est avérée et sera inestimable pour réimaginer l'avenir de la pratique et de la pensée architecturales
 
Chère lectrice, cher lecteur,

Ces temps-ci, nous pensons à la notion d’appartenance - plus précisément, à la place de l’architecture et à qui elle appartient, à ce qui relève du domaine de l’architecture et à ce qui est laissé de côté dans les conversations qui ont trait à la discipline. Au cours de nos plus de quarante années d'activité en tant que centre de réflexion sur l'architecture, nous avons souvent joué un rôle en apportant des réponses à ces questions, en agissant à la fois comme critique et en participant au façonnement de l'environnement bâti. Dans ce processus, nous avons contribué à la définition de l’« architecture », en aidant à encadrer la discipline autour de ce que nous considérons comme ses préoccupations profondément publiques. Mais en tant qu'institution, le CCA est, de la même manière que l’est la définition-même de l’architecture, nécessairement intégré et mêlé aux mêmes processus sociaux et historiques, que nous explorons si souvent dans nos expositions, nos programmes de recherche, nos publications et nos événements publics. Nous savons depuis longtemps que nous ne pouvons pas libérer ou enrichir nos perspectives sur l’environnement bâti sans inviter d’autres voix dans la discussion.

C’est dans cet esprit que nous nous sommes demandés quels partenariats établir à l’avenir pour étendre nos dialogues sur les relations entre l’architecture et la société, l’architecture et le changement climatique, l’architecture et la dépossession des terres, et l’architecture et les formes localisées d'historiographie, et pour se demander comment la manière dont nous travaillons en tant qu’institution répond à ces questions. Comment pouvons-nous ouvrir nos portes de manière significative pour comprendre les forces qui ont longtemps façonné ce que nous appelons architecture, partager des ressources avec ceux qui ont été exclus de son histoire écrite et apprendre d'eux? Quelle est la prochaine étape?

Depuis le mois d’avril 2021, nous avons commencé à aborder ces questions de front, en collaborant avec des membres de la nation Kanien'kehá:ka pour élaborer une reconnaissance de territoires vivants qui est depuis devenue une partie importante de notre mandat institutionnel. L’année dernière, nous avons également publié le premier volet d'un projet avec l'artiste de performance multidisciplinaire Ange Loft, de Tsi Tkarón:to/Toronto, du territoire de Kahnawà:ke Kanien'kehá:ka, le premier bénéficiaire de notre bourse biennale pour les chercheurs autochtones travaillant sur la restitution des terres. Plus récemment, nous avons lancé le programme de bourse de design autochtone qui offre aux designers autochtones un soutien pour des projets qui, en conversation avec les communautés d’origine des boursiers et avec le CCA, cherchent à élargir la portée et la définition du design autochtone. Dans chacune de ces initiatives, faire entendre de nouvelles voix s’est avérée inestimable et continuera de l'être pour réimaginer ce que peut être l'avenir de la pratique et de la pensée architecturales - et pour réimaginer à qui il appartient.

À présent, avec notre exposition et notre projet de publication, ᐊᖏᕐᕋᒧᑦ / Ruovttu Guvlui / Vers chez soi, qui débute ce samedi dans nos salles principales, nous nous tournons vers les communautés d'origine du Nord circumpolaire pour réorienter notre vision, c’est-à-dire regarder le Nord, à partir du Nord. S’inspirant des perspectives d'un groupe de conservateurs inuits, sámis et issus de la colonisation - Joar Nango, Taqralik Partridge, Jocelyn Piirainen et Rafico Ruiz -, l’exposition ᐊᖏᕐᕋᒧᑦ / Ruovttu Guvlui / Vers chez soi explore la manière dont les communautés de l’Arctique créent des espaces autodéterminés, redéfinissant l’architecture en fonction des conceptions du foyer autochtone. Orienté vers les communautés d’origine du Nord circumpolaire, le projet examine et célèbre les pratiques de conception et de construction sur le territoire à travers les installations d’artistes, parmi lesquelles le travail d'asinnajaq, Carola Grahn, Geronimo Inutiq, Ingemar Israelsson, Joar Nango, Takraliq Partridge, et Laakkuluk Williamson Bathory. Il présente également des documents issus du projet Futurecasting : Architecture et design dirigés par des Autochtones dans l’Arctique, une initiative parallèle au projet qui a invité neuf participants à explorer l'avenir du design autochtone dans le Nord circumpolaire. L’exposition sera inaugurée ce samedi 11 juin par un événement d'une journée comprenant une série de conversations avec les commissaires, les artistes et les participants à l’atelier, ainsi qu’une performance DJ de l’artiste Geronimo Inutiq.

Pour célébrer l’ouverture de ᐊᖏᕐᕋᒧᑦ / Ruovttu Guvlui / Vers chez soi, nous publions également cette semaine une conversation entre Ella den Elzen, Taqralik Partridge et Rafico Ruiz sur l’importance des terres natales inuites et sur la conception de l'exposition. Des conversations avec les co-commissaires Joar Nango et Jocelyn Piirainen suivront dans les semaines à venir. En attendant, nous partageons avec vous l'invitation de Takraliq Partridge extraite de l’article : « Je veux que les Inuits ou les Sámis se reconnaissent dans cet espace, dans les choses qui sont ici », dans les salles principales. Elle souhaite que les autres, dit-elle, « se sentent les bienvenus » dans l’univers des conservateurs autochtones, « qu'ils aient l’impression d'entrer dans un espace différent de celui auquel ils s’attendent ». Qui que vous soyez, nous espérons que vous trouverez votre place ici aussi. 

Cordialement,
le CCA

P.S.: N’hésitez pas à consulter les opportunités actuellement ouvertes au CCA.

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