Itinérance et décès attribuables à une intoxication aigüe liée aux substances : une analyse descriptive d'une étude nationale d'examen des dossiers des données de coroners et de médecins légistes

Résultats de l'étude nationale d'examen des dossiers de décès attribuables à une intoxication aigüe liée aux substances :

Ceci est la première d'un nombre de publications d'une étude national d'examen des dossiers des données de coroners et de médecins légistes de 2016 et 2017. L'étude recueille l'information sur les décès attribuables à une intoxication aigüe liée aux substances (parfois décrit comme un décès par « surdose » ou « empoisonnement ») avec le but de mieux comprendre caractéristiques des personnes décédées, les substances concernées et les circonstances de leur décès. Chaque publication sera focalisée sur un thème ou population spécifique.

Principales conclusions

Contexte

La crise des surdoses au Canada est une importante préoccupation en matière de santé publique, avec 29 052 décès entre janvier 2016 et décembre 2021 liés uniquement à l'intoxication apparente des opioïdesNote de bas de page 1. Les rapports provinciaux et municipaux démontrent que certaines populations ont été plus touchées que d'autres, notamment les personnes en situation d'itinéranceNote de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5. En 2016, une population estimée de 235 000 personnes vivaient en situation d'itinérance et, de celles-ci, 22 190 personnes se trouvaient dans des refuges en moyenne par nuitNote de bas de page 6Note de bas de page 7.

Les personnes en situation d'itinérance ont des taux de consommation de substances plus élevés que la population généraleNote de bas de page 8. La relation entre l'insécurité du logement et la consommation de substances est complexe. La consommation de substances est à la fois une raison de la perte du logement et une façon de faire face aux difficultés et aux dangers de la vie sans domicile fixeNote de bas de page 9Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 12. Les personnes en situation d'itinérance subissent une pression supplémentaire à dissimuler ou à hâter leur consommation de substances, à consommer seules et à consommer de plus grandes quantités pour éviter les accusations de possession de droguesNote de bas de page 13Note de bas de page 14. Ces modes de consommation de substances sont plus dangereux et peuvent mener à des taux plus élevés d'évènements d'intoxication aigüeNote de bas de page 15.

Des recherches antérieures ont montré que les traumatismes et les troubles de la santé mentale sont des facteurs de risque possibles pour la consommation nocive de substances et l'itinéranceNote de bas de page 16Note de bas de page 17Note de bas de page 18Note de bas de page 19. La peur et le stress supplémentaires liés aux ressources limitées, au manque de sécurité et à la stigmatisation associée à l'itinérance et à la consommation de substances peuvent également avoir un impact négatif sur la santé mentaleNote de bas de page 20Note de bas de page 21Note de bas de page 22Note de bas de page 23. Les obstacles aux services et le fait de ne pas rechercher des services en raison de l'exclusion sociale et de la stigmatisation peuvent aussi contribuer à la pauvre santé physique et mentale parmi cette populationNote de bas de page 22Note de bas de page 23Note de bas de page 24Note de bas de page 25Note de bas de page 26.

Les transitions entre les séjours dans les établissements de santé et les établissements correctionnels et le retour dans la communauté sont des périodes à haut risque d'itinéranceNote de bas de page 6. De plus, il existe un lien entre la libération récente de ces établissements et le risque élevé de cas d'intoxication aigüe en raison d'une tolérance réduite aux droguesNote de bas de page 27.

Le présent rapport décrit la relation entre l'itinérance et les décès par intoxication aigüe attribuable à des substances, y compris les caractéristiques des personnes décédées, les substances concernées et les circonstances de leur décès. Les résultats présentés ici utilisent les données (disponible dès juin 2022) d'une étude nationale d'examen des dossiers portant sur les données des coroners et des médecins légistes sur les décès par intoxication aigüe liés à des substances en 2016 et 2017. Ils s'appuient également sur les données et les rapports de 2016 de Statistique Canada, du Canadian Observatory on Homelessness et d'Emploi et Développement social Canada. Pour plus de détails sur les sources de données et leurs limites, consultez la section des notes techniques.

Définitions incluses dans ce rapport

Décès par intoxication aigüe (parfois décrit comme un décès par « surdose » ou « empoisonnement ») : Une personne qui, selon le certificat de décès, le rapport d'autopsie ou le rapport du coroner ou du médecin légiste, est décédée après une intoxication aigüe résultant de la consommation de substances dont une ou plusieurs étaient des drogues ou de l'alcool. Cela inclut les décès dont la cause est accidentelle (non intentionnelle), suicidaire (intentionnelle) ou indéterminée. Voir les notes techniques pour plus de détails.

Itinérance : L'itinérance décrit la situation d'une personne qui n'a pas de logement stable, sécuritaire ou approprié, ou qui n'a pas les moyens immédiats ou la capacité d'en acquérir. Il s'agit de personnes vivant sans abri dans la rue, s'arrêtant dans des refuges d'urgence, et hébergées temporairement par « vivre d'un sofa a l'autre » ou chez des amis ou de la famille. Ceci comprend également les personnes qui courent un risque immédiat d'itinérance en raison d'une perte d'emploi ou d'une éviction par un propriétaire, par exemple. Voir la définition canadienne de l'itinérance pour une typologie détailléeNote de bas de page 28.

Non identifiées comme étant en situation d'itinérance : Comprend les personnes décédées d'une intoxication aigüe qui ne disposaient d'aucune information suggérant qu'elles vivaient ou avaient vécu en situation d'itinérance. Les personnes de cette catégorie peuvent avoir été logées de manière stable, sécuritaire et appropriée, ou leur dossier ne contenait pas suffisamment d'informations pour déterminer leur historique de logement.

Toute preuve d'un problème de santé mentale : Les dossiers ont été examinés pour toute indication de dépression, de trouble bipolaire, d'idées suicidaires, de schizophrénie, de trouble anxieux, de trouble de stress post-traumatique, de trouble de l'alimentation, de trouble de la personnalité, de traitement de santé mentale en milieu hospitalier, de trouble de déficit de l'attention/hyperactivité ou de trouble obsessionnel-compulsif. Tant les déclarations de témoins sur les diagnostics et les diagnostics officiels des professionnels de la santé ont été inclus comme preuve d'un problème de santé mentale.

Événements potentiellement traumatisants : Un traumatisme est « un événement, une série d'événements ou un ensemble de circonstances qui est vécu par un individu comme physiquement ou émotionnellement nuisible ou menaçant pour sa vie et qui a des effets négatifs durables sur le fonctionnement et le bien-être mental, physique, social, émotionnel ou spirituel de l'individu »Note de bas de page 29. Pour évaluer l'exposition à des événements potentiellement traumatisants, les abstracteurs ont enregistré toute preuve dans le dossier que la personne décédée avait vécu un événement traumatique dans sa vie. Voir les notes techniques pour des exemples. Il a également été noté si l'un des événements potentiellement traumatisants s'est produit dans les deux semaines avant le décès de la personne.

Proportion minimale : Le nombre minimum de personnes d'un groupe qui entrent dans une catégorie donnée, généralement décrit sous forme de pourcentage (par exemple, le pourcentage minimum de personnes en situation d'itinérance parmi toutes les personnes décédées d'une intoxication aigüe). Cela signifie qu'au moins autant de personnes présentent une caractéristique, et il se peut qu'il y en ait davantage que nous ne connaissons pas, étant donné la nature des données d'intérêt et la manière dont elles sont recueillies.

Résultats

Les personnes en situation d'itinérance sont surreprésentées parmi les personnes décédées d'une intoxication aigüe.

D'après les données accessibles pour 8 798 Canadiens décédés d'une intoxication aigüe en 2016 ou 2017, au moins :

À titre de comparaison, sur la base de la population canadienne totale estimée à 35 151 728 en 2016Note de bas de page 6Note de bas de page 7Note de bas de page 30, une estimation de :

Par rapport aux estimations pour la population générale, les personnes en situation d'itinérance sont surreprésentées parmi les personnes décédées d'intoxication aigüe.

Caractéristiques des personnes en situation d'itinérance au moment d'un décès attribuable à une intoxication aigüe

Parmi les personnes décédées d'une intoxication aigüe, celles qui étaient en situation d'itinérance avaient tendance à être plus jeunes, âgées de 20 à 49 ans, et étaient plus souvent des hommes par rapport aux personnes qui ne vivaient pas en itinérance (tableau 1). Lorsqu'on les compare à la population générale des CanadiensNote de bas de page 30 ou à la population générale des Canadiens en situation d'itinérance en 2016Note de bas de page 9, les personnes décédées d'une intoxication aigüe et en situation d'itinérance avaient plus souvent entre 30 et 59 ans et étaient plus souvent des hommes (tableau 1).

Tableau 1 : Proportions des caractéristiques démographiques des personnes décédées d'intoxication aigüe en 2016 ou 2017 et des données de la population générale des Canadiens en 2016, selon la situation de logement
  Caractéristique Personnes décédées d'intoxication aigüe et qui étaient en situation d'itinérance au moment du décèsTableau 1 note de bas de page aTableau 1 note de bas de page b
(proportion minimale)
(N = 686)
Personnes décédées d'intoxication aigüe et qui n'étaient pas identifiées comme étant en situation d'itinéranceTableau 1 note de bas de page aTableau 1 note de bas de page b
(N = 8 020)
Canadiens qui étaient en situation itinéranceTableau 1 note de bas de page c
(proportion estimée)
(N = 4 266)
Tous les CanadiensTableau 1 note de bas de page d
(N = 35 151 728)
N'importe quel sexe ≤19 ans 1,5 % 2,2 % 24,4 % 22,4 %
20 à 29 ans 20,4 % 16,3 % 18,2 % 12,9 %
30 à 39 ans 31,0 % 23,8 % 20,5 % 13,1 %
40 à 49 ans 24,3 % 21,4 % 12,6 % 13,1 %
50 à 59 ans 20,1 % 23,4 % 6,9 % 15,1 %
60+ ans 2,6 % 12,8 % 17,5 % 23,4 %
Sexe - Homme Tous les âges 77,8 % 70,3 % 62,3 % 49,1 %
≤19 ans Masqué 1,2 % 12,6 % 11,5 %
20 à 29 ans 15,2 % 12,4 % 13,3 % 6,5 %
30 à 39 ans 23,5 % 18,5 % 16,2 % 6,4 %
40 à 49 ans 19,8 % 15,1 % 8,9 % 6,4 %
50 à 59 ans 16,3 % 15,5 % 3,2 % 7,4 %
60+ ans Masqué 7,5 % 8,1 % 10,8 %
Sexe - Femme Tous les âges 22,2 % 29,7 % 37,7 % 50,9 %
≤19 ans Masqué 1,0 % 11,8 % 10,9 %
20 à 29 ans 5,2 % 3,9 % 4,9 % 6,4 %
30 à 39 ans 7,6 % 5,3 % 4,3 % 6,7 %
40 à 49 ans 4,5 % 6,3 % 3,7 % 6,7 %
50 à 59 ans 3,8 % 7,9 % 3,7 % 7,7 %
60+ ans Masqué 5,3 % 9,4 % 12,6 %

Sources de données :

Parmi les personnes décédées d'intoxication aigüe, une plus grande proportion de personnes en situation d'itinérance avait des antécédents de consommation de substances que les personnes non identifiées comme étant en situation d'itinérance, mais les proportions de personnes ayant des antécédents de troubles liés à la consommation de substances ou d'alcool étaient similaires dans les deux situations de logement (tableau 2). Une proportion plus faible de personnes en situation d'itinérance avait des preuves de troubles de la santé mentale (28,4 %) par rapport aux personnes non identifiées comme étant en situation d'itinérance (43,4 %).

La moitié (50,3 %) des personnes en situation d'itinérance au moment de leur décès avaient des antécédents d'au moins un événement potentiellement traumatisant, ce qui est environ 10 % plus élevé que les personnes qui n'étaient pas identifiées comme étant en situation d'itinérance (tableau 2). Environ une personne sur vingt décédée d'une intoxication aigüe a vécu un événement potentiellement traumatisant dans les deux semaines précédant leur décès, pour les deux situations de logement.

Une personne sur dix décédée d'une intoxication aigüe et en situation d'itinérance avait été libérée d'un établissement correctionnel ou de soins de santé jusqu'à un mois avant leur décès (tableau 2). La proportion de personnes libérées d'un établissement correctionnel était plus élevée chez les personnes en situation d'itinérance que pour les personnes qui n'étaient pas identifiées comme étant en situation d'itinérance, mais les proportions de personnes libérées d'un hôpital étaient similaires.

Tableau 2 : Proportions de personnes décédées d'une intoxication aigüe en 2016 ou 2017 présentant des caractéristiques associées à la perte de logement, selon la situation de logement
  Caractéristique En situation d'itinérance au moment de décès
(proportion minimale)
(N = 686)
Pas identifié comme étant en situation d'itinérance
(N = 8 020)
Consommation de substances Antécédent de consommation de substances 94,1 % 80,7 %
Antécédent de troubles liés à la consommation de substancesTableau 2 note de bas de page a 19,4 % 18,2 %
Antécédent de troubles liés à la consommation d'alcool 8,2 % 9,3 %
Santé mentale Preuves de troubles de la santé mentale 28,4 % 43,4 %
Événements potentiellement traumatisants Antécédent d'au moins un événement potentiellement traumatisant 50,3 % 39,1 %
Un ou plus d'événements potentiellement traumatisants dans les deux semaines précédant le décès 5,7 % 5,0 %
Libération récente d'un établissement Libéré d'un établissement correctionnelTableau 2 note de bas de page b jusqu'à un mois avant le décès 6,8 % 1,6 %
Libéré d'un hôpital jusqu'à un mois avant le décès 3,2 % 2,2 %
Total avec une libération récente de n'importe quel établissementTableau 2 note de bas de page b jusqu'à un mois avant le décès 10,4 % 4,3 %

Source de données :

Données dès juin 2022 d'une étude nationale d'examen des dossiers sur les décès par intoxication aigüe liés à des substances en 2016 et 2017, Agence de la Santé Publique du Canada

Substances et combinaisons de substances ayant eu une incidence dans les décès dus à une intoxication aigüe

Parmi les personnes décédées d'une intoxication aigüe, une plus grande proportion de celles ayant vécu en situation d'itinérance avait un opioïde (81,5 %) ou un stimulant (66,9 %) identifié comme cause de décès comparé aux personnes qui n'étaient pas identifiées comme étant en situation d'itinérance (66,1 % et 42,7 %, respectivement) (figure 1). Les proportions de personnes pour lesquelles l'alcool, les antidépresseurs, les antipsychotiques ou les benzodiazépines ont été identifiés comme cause de décès étaient similaires pour les personnes des deux situations de logement. Une proportion plus faible de personnes en situation d'itinérance avait une « autre » substance identifiée comme cause de décès (5,4 %) par rapport aux personnes non identifiées comme étant en situation d'itinérance (11,9 %).

Figure 1. Proportion de personnes décédées d'intoxication aigüe en 2016 ou 2017 par situation de logement et types de substances identifiées comme cause du décèsFigure 1 footnote a
Figure 1. Proportion de personnes décédées d'intoxication aigüe en 2016 ou 2017 par situation de logement et types de substances identifiées comme cause du décès
Texte descriptif de la figure 1 : Proportion de personnes décédées d'intoxication aigüe en 2016 ou 2017 par situation de logement et types de substances identifiées comme cause du décès
Situation de logement Alcool Antidépresseur Antipsychotique Benzodiazépine Opioïde Stimulant Autre
En situation d'itinérance au moment de décès 21,1 % 3,9 % Masqué 6,3 % 81,5 % 66,9 % 5,4 %
Pas identifié comme étant en situation d'itinérance 19,0 % 7,9 % Masqué 8,9 % 66,1 % 42,7 % 11,9 %

Source de données :

Données dès juin 2022 d'une étude nationale d'examen des dossiers sur les décès par intoxication aigüe liés à des substances en 2016 et 2017, Agence de la Santé Publique du Canada

Dans les deux situations de logement, les combinaisons les plus fréquentes de types de substances à l'origine du décès étaient les opioïdes, les stimulants et l'alcool. La proportion de décès liés à la fois aux opioïdes et aux stimulants était plus élevée chez les personnes en situation d'itinérance (58,2 %) que chez les personnes non identifiées comme étant en situation d'itinérance (31,1 %). Les personnes qui n'étaient pas identifiées comme étant en situation d'itinérance avaient une proportion plus élevée de décès liés uniquement aux opioïdes (21,4 %) par rapport aux personnes en situation d'itinérance (13,3 %).

Circonstances du décès

La plupart des décès par intoxication aigüe chez les personnes en situation d'itinérance étaient accidentels (95,3 %) et le suicide était rare (2,8 %) par rapport aux personnes non identifiées comme étant en situation d'itinérance (18,4 %) (figure 2).

Figure 2. Proportion de personnes décédées d'une intoxication aigüe en 2016 ou 2017 par situation de logement et par mode de décès (à l'exclusion des décès en Colombie-Britannique, où les données sur le suicide n'étaient pas accessibles)
Figure 2. Proportion de personnes décédées d'une intoxication aigüe en 2016 ou 2017 par situation de logement et par mode de décès (à l'exclusion des décès en Colombie-Britannique, où les données sur le suicide n'étaient pas accessibles)
Texte descriptif de la figure 2 : Proportion de personnes décédées d'une intoxication aigüe en 2016 ou 2017 par situation de logement et par mode de décès (à l'exclusion des décès en Colombie-Britannique, où les données sur le suicide n'étaient pas accessibles)
Mode de décès En situation d'itinérance au moment de décès
(proportion minimale)
(N = 427)
Pas identifié comme étant en situation d'itinérance
(N = 5 791)
Accidente 95,3 % 77,4 %
Suicide 2,8 % 18,4 %
Indéterminé 1,9 % 4,1 %

Source de données :

Données dès juin 2022 d'une étude nationale d'examen des dossiers sur les décès par intoxication aigüe liés à des substances en 2016 et 2017, Agence de la Santé Publique du Canada

L'événement de l'intoxication aigüe ayant mené au décès s'est produit dans un lieu public extérieur ou un abri dans une plus grande proportion chez les personnes en situation d'itinérance que chez les personnes non identifiées comme telles (tableau 3). La plupart (78,2 %) des cas d'intoxication aigüe ayant occasionné le décès sont survenus dans une résidence privée chez des personnes qui n'étaient pas identifiées comme étant en situation d'itinérance. Pour les personnes décédées d'une intoxication aigüe et en situation d'itinérance, la plupart des événements d'intoxication aigüe ont eu lieu dans une résidence privée (40,5 %) ou dans un lieu public extérieur (22,6 %). Le cadre spécifique d'un cas d'intoxication aigüe sur quatre était l'extérieur (comme les lieux publics extérieurs, les cours avant ou arrière des résidences privées, les trottoirs à côté des bâtiments) pour les personnes en situation d'itinérance, contre seulement 4,5 % des personnes qui n'étaient pas identifiées comme étant en situation d'itinérance. Le lieu du décès était le même que celui de l'épisode d'intoxication aigüe pour une plus grande proportion de personnes non identifiées comme étant en situation d'itinérance (54,2 %) que pour les personnes en situation d'itinérance (44,6 %), mais une proportion similaire des deux populations (environ une personne sur cinq) est décédée dans un hôpital.

Tableau 3. Proportion de personnes décédées d'une intoxication aigüe en 2016 ou 2017 par situation de logement et lieux et cadres de l'événement d'intoxication aigüe et du décès
  Lieu En situation d'itinérance au moment de décès
(proportion minimale)
(N = 686)
Pas identifié comme étant en situation d'itinérance
(N = 8 020)
Lieu de l'événement de l'intoxication aigüe Lieu public extérieur 22,6 % 3,1 %
Résidence privéeTableau 4 note de bas de page a 40,5 % 78,2 %
Refuge 8,2 % 0,2 %
Hôtel ou motel 5,5 % 4,2 %
Bâtiment public 4,8 % 1,3 %
Autre 9,8 % 2,7 %
Cadre spécifique de l'événement de l'intoxication aigüe Cadre extérieur 25,1 % 4,5 %
Véhicule 1,8 % 1,8 %
Sur ou près d'un lit 20,3 % 29,9 %
Lieu de décès Lieu de décès le même que celui de l'épisode d'intoxication aigüe 44,6 % 54,2 %
Lieu de décès est un hôpital 21,7 % 18,2 %

Source de données :

Données dès juin 2022 d'une étude nationale d'examen des dossiers sur les décès par intoxication aigüe liés à des substances en 2016 et 2017, Agence de la Santé Publique du Canada

Discussion

Les personnes sans domicile ou en situation de précarité de logement sont surreprésentées parmi les personnes décédées d'une intoxication aigüe en 2016 et 2017, la plupart de ces décès étant accidentels. Les données présentées ici suggèrent plusieurs possibilités de connexion et d'amélioration des soutiens aux personnes à risque ou en situation d'itinérance qui risquent de mourir d'une intoxication aigüe.

Une personne sur dix décédée d'une intoxication aigüe et en situation d'itinérance avait été libérée d'un établissement correctionnel ou de soins de santé au cours du mois précédant leur décès. Les séjours dans ces établissements peuvent être liés ou non à la consommation de substances. Le risque de décès par intoxication aigüe peut être plus élevé après une sortie récente d'une institution pour de nombreuses raisons. Par exemple, la tolérance d'une personne peut être plus faible après une période sans consommation de substances, le séjour peut interrompre l'accès aux traitements et aux soutiens (par exemple, les traitements par agonistes opioïdes), et selon la durée du séjour, les types de substances accessibles et leur toxicités peuvent avoir changéNote de bas de page 31Note de bas de page 32Note de bas de page 33. Les contacts avec ces institutions peut permettre la planification de la transition et de mettre en relation les personnes en situation d'itinérance avec des services de réduction des risques, de santé et de logement fondés sur des données probantes qui réduisent les décès dus à l'intoxication aigüe.

Les personnes décédées d'une intoxication aigüe et en situation d'itinérance avaient plus souvent des antécédents connus de consommation de substances, tandis qu'elles présentaient des antécédents similaires de troubles de la consommation de substances et des antécédents plus faibles de troubles de la santé mentale par rapport aux personnes non identifiées comme étant en situation d'itinérance. Cette absence d'antécédents enregistrés pourrait être due à un manque d'accès aux services de soins de santé ou à une moindre accessibilité des informations au cours des enquêtes sur les décès des personnes en situation d'itinérance. Une personne sur deux décédée en situation d'itinérance avait vécu au moins un événement potentiellement traumatisant au cours de sa vie, une proportion plus élevée que celle des personnes non identifiées comme en situation d'itinérance. Ces résultats soulignent la nécessité de mettre en place des services sociaux et de santé accessibles, inclusifs et tenant compte des traumatismes pour les personnes en situation d'itinérance. Les personnes en situation d'itinérance présentent des circonstances médicales et sociales complexes qui exigent que les services de santé mentale, de santé physique et les services sociaux soient bien reliés.

Une plus grande proportion de personnes décédées d'une intoxication aigüe et en situation d'itinérance avaient un opioïde ou un stimulant identifié comme cause du décès, et ces substances étaient trouvées en combinaison dans plus de la moitié des décès. Le profil des substances concernées diffère de celui des personnes pas identifiées comme étant en situation d'itinérance. Consulter les personnes à risque ou en situation d'itinérance au sujet des substances qu'elles consomment et de leurs habitudes de consommation peut permettre de mettre en place des services de promotion de la santé et de réduction des risques plus appropriés, y compris des options d'approvisionnement plus sûres.

Le lieu de l'événement d'intoxication aigüe pour la plupart des personnes décédées et non identifiées comme étant en situation d'itinérance était une résidence privée, mais les résidences privées et les lieux publics extérieurs étaient des lieux courants pour les événements d'intoxication aigüe des personnes en situation d'itinérance. En outre, un quart des cas d'intoxication aigüe chez les personnes en situation d'itinérance se sont produits dans un cadre à l'extérieur, quel que soit le lieu. La consommation de substances en plein air peut augmenter les chances qu'un témoin remarque une urgence médicale, mais elle peut aussi favoriser des pratiques de consommation plus risquées pour éviter une rencontre avec les autorités policières. Les programmes de réduction des risques, les services de logement et les autorités policières peuvent promouvoir des environnements plus sûrs pour la consommation de substances, où l'assistance médicale et la naloxone sont plus facilement accessibles.

Les études d'analyse des dossiers des coroners et des médecins légistes, bien qu'elles exigent beaucoup de ressources et de temps, peuvent fournir une profondeur et une ampleur importantes d'informations sur le contexte et les facteurs de risque liés aux décès évitables. Les relations entre l'itinérance et la consommation de substances sont complexes et l'amélioration de notre compréhension de la façon dont elles sont liées aux décès par intoxication aigüe peut éclairer les stratégies et les interventions visant à réduire les décès par intoxication au Canada.

Remerciements

Nous tenons à remercier nos collaborateurs des bureaux des coroners en chef et des médecins légistes en chef de tout le Canada, qui nous ont donné accès à leurs dossiers d'enquête sur les décès, et l'équipe de cochercheurs (Brandi Abele, Philippe Berthiaume, Matthew Bowes, Songul Bozat-Emre, Jessica Halverson, Dirk Huyer, Beth Jackson, Graham Jones, Fiona Kouyoumdjian, Jennifer Leason, Regan Murray, Jenny Rotondo, Emily Schleihauf, and Amanda VanSteelandt) pour leur contribution à l'élaboration de l'étude nationale d'examen des dossiers des données sur les décès dus à une intoxication par des drogues et de l'alcool. Nous tenons également à remercier Fiona Kouyoumdjian pour ses contributions majeures à ce rapport et aux plusieurs réviseurs pour leurs commentaires sur les versions précédentes de ce rapport.

Avertissement

Ce rapport repose sur des données et des informations compilées et fournies par les bureaux des coroners en chef et des médecins légistes en chef de tout le Canada, Statistique Canada, Canadian Observatory on Homelessness et Emploi et Développement social Canada. Toutefois, les analyses, les conclusions, les opinions et les affirmations présentées ici sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles des fournisseurs de données.

Citation proposée

Comité consultatif spécial sur l'épidémie de surdoses d'opioïdes. L'itinérance et les décès attribuables à une intoxication aigüe liée à une substance : une analyse descriptive d'une étude nationale par examen des dossiers des coroners et des médecins légistes. Ottawa : Agence de la santé publique du Canada, juin 2022.

Notes techniques

Méthodologie

L'étude nationale sur les décès liés aux drogues et à l'alcool est une étude de l'examen de dossiers limitée dans le temps, fondée sur des données des coroners et des médecins légistes de 2016 et 2017, afin de mieux comprendre les personnes qui décèdent d'une intoxication aigüe, les substances en cause et les circonstances de ces décès. Ce rapport a analysé les données (accessibles dès juin 2022) de huit provinces canadiennes et des trois territoires. L'ensemble final de données comprendra toutes les provinces et tous les territoires.

Les cas comprennent toutes les personnes décédées au Canada entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2017 d'une intoxication/toxicité aigüe résultant des effets directs de l'administration de substances exogènes, dont une ou plusieurs étaient des drogues ou de l'alcool. Les décès attribuables à la consommation chronique d'une substance, à l'aide médicale à mourir, aux soins palliatifs ou de confort, aux homicides, à l'exposition professionnelle, à un traumatisme où un intoxicant a contribué aux circonstances de la blessure (p. ex. un accident de voiture), les autres effets indésirables des drogues (p. ex. choc anaphylactique), ou une intoxication aigüe liée aux produits de combustion (p. ex. monoxyde de carbone) ont été excluent de l'étude. Les variables recueillies par les abstracteurs de données comprennent : i) les facteurs de risque sociodémographiques; ii) les antécédents médicamenteux et médicaux; iii) les facteurs antécédents; iv) les résultats toxicologiques.

Les abstracteurs de données ont été formés pour recueillir et saisir les informations dans une base de données Microsoft Access selon un protocole commun. Le protocole fournissait des indications sur les types d'informations à rechercher et sur la manière de les coder ou de les décrire dans la base de données. Les événements potentiellement traumatisants peuvent inclure, par exemple : un problème de santé d'un membre de la famille ou d'un parent, un problème avec son partenaire intime (p. ex. divorce, discorde), un autre problème relationnel (p. ex. dispute familiale), un problème d'emploi, un problème scolaire, un problème financier, le suicide récent d'un ami/membre de la famille, un autre décès d'un ami/membre de la famille, un problème de droit pénal (p. ex. arrestation, prison, tribunal), autre problème juridique (p. ex. litige concernant la garde des enfants, droit civil), auteur de violence interpersonnelle, victime de violence interpersonnelle, victime de violence sur enfant, expérience de placement en famille d'accueil, expérience de pensionnat, expérience de violence sexuelle, ou expérience de violence physique ou d'agression. Un abstracteur peut également avoir saisi un « autre » événement en expliquant en quoi il répond à la définition d'un événement potentiellement traumatisant.

Les protocoles d'enquête sur les décès et les informations accessibles dans les dossiers varient selon les juridictions. De nombreuses variables recueillies par cette étude n'étaient pas accessibles dans le matériel source pour toutes les juridictions. Par conséquent, l'analyse descriptive se limite aux proportions minimales de personnes décédées d'intoxication aigüe et présentant une caractéristique donnée (en d'autres mots, au moins ce nombre de personnes dans le groupe appartenait à une catégorie donnée, et il peut y en avoir davantage que nous ne connaissons pas).

Les personnes décédées d'une intoxication aigüe dans l'ensemble des données nationales ont été classées dans la catégorie « en situation d'itinérance au moment du décès » ou « en situation d'itinérance dans les six mois du décès » sur la base de variables dans la base de données liées à leurs conditions de vie, à tout déménagement récent dans les six mois du décès et à des commentaires ouverts sur le cas. L'équipe de l'étude a utilisé la définition canadienne de l'itinérance pour classer les casNote de bas de page 28. Une variable particulière dans la base de données désigne les cas où il existe des preuves que la personne a connu l'itinérance ou l'instabilité du logement en conséquence directe de la consommation de substances au cours de sa vie. Les personnes décédées d'une intoxication aigüe qui n'entrait pas dans l'une de ces catégories d'itinérance ont été classées comme « non/pas identifiées comme étant itinérant », ce qui inclut à la fois les personnes qui avaient un logement stable, sûr et approprié et les personnes pour lesquelles on ne disposait pas de suffisamment d'informations pour déterminer leur statut relatif au logement.

Autres sources de données

Dénombrement ponctuel coordonné de l'itinérance dans les collectivités canadiennes de 2016, Emploi et Développement social Canada :Note de bas de page 9 Entre le 1er janvier et le 30 avril 2016, 32 collectivités du Canada ont participé à un recensement coordonné des personnes en situation d'itinérance dans les refuges et dans les rues de leurs communautés. Certains dénombrements ont également inclus des personnes qui se trouvaient dans des établissements de santé ou des établissements correctionnels et qui n'avaient aucun endroit où aller lorsqu'elles étaient libérées. Le dénombrement comprend des questions d'enquête permettant de mieux comprendre la population des personnes en situation d'itinérance.

Profil du recensement du Canada de 2016, Statistique Canada :Note de bas de page 30 Le programme de recensement fournit un aperçu statistique de la population du Canada tous les cinq ans. Les individus sont recensés dans leur lieu de résidence habituel, qui peut être un logement privé ou collectif. Bien que les logements collectifs incluent les refuges, le recensement a des limites dans sa capacité à saisir les personnes en situation d'itinéranceNote de bas de page 7.

Limitations

Les estimations nationales de l'itinérance reposent sur des dénombrements ponctuels de personnes en situation d'itinérance dans les refuges ou dans les rues des communautés. Le décompte peut également inclure les personnes en situation de transition dans des établissements tels que les hôpitaux, les centres de désintoxication, les centres de détention ou les prisons, qui peuvent ne pas avoir d'endroit où aller lorsqu'elles sont libérées. Le dénombrement n'est qu'un instantané d'une journée et n'inclut pas toutes les personnes sans domicile dans une communauté sur une période donnée. Les gens entrent et sortent souvent de l'itinérance, et les personnes considérées comme des « itinérants cachés » – ceux qui sont temporairement hébergés par des amis ou de la famille parce qu'ils n'ont pas de maison à eux – sont moins susceptibles d'être relevés pendant le recensementNote de bas de page 34Note de bas de page 35. Les personnes qui vivent dans l'insécurité sur le plan du logement ou qui courent un risque immédiat d'itinérance sont également moins susceptibles d'être recensées lors du recensement. Les données des estimations nationales et de l'étude d'examen des dossiers sont des dénombrements ponctuels (pour les estimations nationales, il s'agit du jour du dénombrement; pour l'étude d'examen du dossier, il s'agit du jour du décès).

L'objectif des enquêtes sur les décès est d'établir la cause et le mode du décès et, dans certains cas, de formuler des recommandations pour prévenir de futurs décès de même nature. Par conséquent, les coroners et les médecins légistes ne recherchent pas, par conception, certaines des variables d'intérêt pour cette étude. Les protocoles d'enquête sur les décès et les méthodes de collecte de données varient d'un bout à l'autre du pays et l'accessibilité de certaines variables dépendra de la province ou du territoire du décès. En outre, les enquêtes sur les décès de personnes en situation d'itinérance contiennent généralement moins d'informations parce qu'il peut être difficile d'identifier des témoins, des amis, des membres de la famille ou des fournisseurs de services qui peuvent parler de leur histoire. L'itinérance « cachée » est difficile à cerner, car il n'est pas toujours évident de savoir si une personne vivait avec un ami ou un membre de la famille en raison de l'insécurité du logement. L'itinérance, les antécédents de toxicomanie, les antécédents de troubles de santé mentale et les antécédents d'expériences potentiellement traumatisantes sont tous probablement sous-déclarés dans la base de données de l'étude d'examen des dossiers. La base de données représente les proportions minimales des personnes qui présentaient ces caractéristiques (en d'autres termes, au moins, ce nombre de personnes dans le groupe appartenait à une catégorie donnée, et il peut y en avoir davantage que nous ne connaissons pas).

L'étude de l'examen des dossiers visait à saisir tous les décès au Canada répondant à la définition de cas en 2016 et 2017, mais certaines limites ont été imposées aux informations accessibles. Les données de la Saskatchewan et du Manitoba ne sont pas incluses dans ce rapport, mais le seront dans la base de données finale. Les données accessibles en Colombie-Britannique ne comprenaient que les décès liés aux « drogues illicites » (définies comme des drogues de rue et des médicaments non prescrits à la personne décédée) et les cas de décès accidentels ou de cause indéterminée; par conséquent, le nombre de décès dus à une intoxication aigüe en Colombie-Britannique est sous-estimé dans cette étude. En raison des précautions prises en présence de la COVID en cas de pandémie qui ont limité l'accès aux dossiers physiques pendant l'abstraction des données, de nombreux cas en Ontario et au Québec à partir de 2017 n'ont été que partiellement extraits des dossiers électroniques et peuvent contenir un peu moins d'informations que les cas antérieurs qui ont été entièrement extraits sur place.

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