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Canada (Procureur général) c. Première Nation Pekuakamiulnuatsh, 2023 CAF 193 (CanLII)

Date :
2023-09-26
Numéro de dossier :
A-95-23
Référence :
Canada (Procureur général) c. Première Nation Pekuakamiulnuatsh, 2023 CAF 193 (CanLII), <https://canlii.ca/t/k0f5g>, consulté le 2024-05-10

Date : 20230926


Dossier : A-95-23

Référence : 2023 CAF 193

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Présent : LA JUGE GOYETTE

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

GILBERT DOMINIQUE (au nom des membres de la Première Nation Pekuakamiulnuatsh) et LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

intimés

Décidé sans comparution des parties sur la base du dossier écrit.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 26 septembre 2023.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA JUGE GOYETTE

 


Date : 20230926


Dossier : A-95-23

Référence : 2023 CAF 193

Présent : LA JUGE GOYETTE

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelant

et

GILBERT DOMINIQUE (au nom des membres de la Première Nation Pekuakamiulnuatsh) et LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

intimés

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE GOYETTE

[1] M. Gilbert Dominique est Chef de la Première Nation Pekuakamiulnuatsh (Première Nation). En 2016, M. Dominique, agissant au nom de la Première Nation, a déposé une plainte de discrimination auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (Commission) à l’encontre du ministère de la Sécurité publique du Canada (Canada). Le Tribunal canadien des droits de la personne (Tribunal) a accueilli la plainte. Le Tribunal a conclu que le Canada agissait de manière discriminatoire envers M. Dominique dans le cadre du financement du service de police de la Première Nation en raison de sa race et de son origine nationale ou ethnique au sens de l’alinéa 5(b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (LDP).

[2] La Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire du Canada : Canada (Attorney General) c. Pekuakamiulnuatsh First Nation, 2023 CF 267. En appel, le Canada demande à cette Cour de déclarer que la décision du Tribunal était déraisonnable.

[3] La Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations (Société) cherche à intervenir dans cet appel. La Société est un organisme national sans but lucratif dédié à la promotion des intérêts des enfants des Premières Nations. Elle justifie sa demande d’intervention sur la base qu’elle sera directement affectée par le résultat de cet appel, que sa position est différente de celles des parties à l’appel et que son intervention servira les intérêts de la justice.

[4] Les intimés, M. Dominique et la Commission, ne s’opposent pas à la demande d’intervention. Le Canada s’oppose. Bien qu’il reconnaisse le rôle que joue la Société dans les litiges en droit de la personne concernant le financement des services à l’enfance et à la famille des enfants des Premières Nations, le Canada estime que l’intervention proposée n’apportera pas de perspectives différentes qui assisteront notre Cour dans la détermination des questions en litige.

[5] La décision récente Chelsea (Municipalité) c. Canada (Procureur général), 2023 CAF 179 [Chelsea] comporte un énoncé à la fois concis et exhaustif des règles juridiques gouvernant les demandes d’intervention devant cette Cour. L’analyse qui suit se fonde sur cet énoncé et l’applique aux faits de la présente affaire.

[6] Tel que mentionné dans Chelsea, la jurisprudence récente de cette Cour a tendance à se concentrer sur trois facteurs, soit, (1) l’utilité de l’intervention par rapport aux questions que la Cour sera appelée à trancher, (2) l’intérêt du requérant dans l’affaire et (3) l’intérêt de la justice. En l’espèce, l’application de ces facteurs me mène à conclure que l’intervention de la Société ne devrait pas être autorisée.

I. L’utilité de l’intervention

[7] La Société cherche à faire des soumissions concernant deux arguments que le Canada fait valoir dans son mémoire des faits et du droit.

[8] Premièrement, la Société a l’intention de contester l’approche que le Canada propose dans son analyse du concept de discrimination en vertu de la LDP, approche qui incorpore la jurisprudence rendue à l’égard de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 (la Charte). La Société reconnaît que les intimés contestent cette approche, mais elle prétend qu’il s’agit d’une contestation accessoire. La Société propose donc « d’aller plus loin » (go further) par l’entremise d’une analyse approfondie de la LDP et de la Charte, de leurs différences et de l’objectif principal de la législation concernant les droits de la personne.

[9] J’ai examiné les mémoires des faits et du droit des intimés, et j’estime que leurs arguments reflètent essentiellement ceux que la Société souhaite avancer à l’encontre de l’approche prônée par le Canada. En effet, une section entière du mémoire de M. Dominique est consacrée à cette question. De plus, l’un des principaux objectifs d’une intervention est de présenter des perspectives qui « jetteront un éclairage différent sur l’affaire » (Ishaq c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 151 au para. 28), pas des perspectives qui élaboreront plus en profondeur les arguments avancés par les parties. Pour ces raisons, je ne suis pas convaincue que les soumissions de la Société concernant l’approche proposée par le Canada satisfont au critère de l’utilité.

[10] Le deuxième motif d’intervention se rapporte à l’argument du Canada selon lequel le Tribunal a erré en ne tenant pas compte du rôle de la province de Québec en ce qui concerne le service de police de la Première Nation. En réponse à cet argument, la Société veut faire valoir que le Tribunal pouvait tenir compte des obligations positives du Canada. Or, non seulement la question des obligations positives est-elle abordée dans le mémoire de M. Dominique (paragraphes 69 à 71), mais celui-ci allègue que la Cour fédérale a adroitement conclu que la question de savoir s’il existe une obligation positive n’est pas en jeu dans la présente instance. Puisqu’en déterminant l’utilité d’une intervention « l’accent est mis sur ce que l’intervenant peut faire d’utile pour aider la Cour à trancher les questions dont elle est déjà saisie, et non d’autres questions » (Right to Life Association of Toronto and Area c. Canada (Emploi, Développement de la main-d’œuvre et du Travail), 2022 CAF 67 [Right to Life] au para. 17), je crains qu’autoriser la Société de faire des soumissions sur les obligations positives du Canada n’assistera pas la Cour à décider les questions en litige. Par ailleurs, les mémoires des intimés traitent du rôle de la province du Québec en ce qui concerne les services policiers de la Première Nation, et le mémoire de M. Dominique, tel que mentionné, aborde la question des obligations positives. Conséquemment, les soumissions de la Société sur ce point ne remplissent pas le critère de l’utilité.

II. L’intérêt de la Société

[11] En plus d’être impliquée dans un litige portant sur la discrimination en vertu de l’article 5 de la LDP, la Société est intervenue dans plusieurs litiges afin de promouvoir les droits des enfants des Premières Nations et d’assister les tribunaux dans la détermination de savoir si ces droits ont été violés. Dans ces circonstances, je n’ai aucun doute que si l’autorisation d’intervenir lui était accordée, la Société offrirait, au meilleur de ses habiletés, des connaissances, expériences, compétences et ressources qui assisteraient la Cour.

[12] Cela dit, je ne suis pas convaincue que la Société à l’intérêt nécessaire pour obtenir l’autorisation d’intervenir dans cet appel. La Société ne sera pas directement affectée par la décision de cette Cour. La décision visera seulement à déterminer s’il était raisonnable pour le Tribunal de considérer que le Canada a agi de façon discriminatoire à l’égard de la Première Nation dans le cadre du financement du service de police de cette Première Nation. La Société a raison de soutenir que la décision de la Cour pourrait affecter la façon dont le Tribunal interprète la LDP ainsi que l’interaction entre la LDP et la Charte. Mais cela signifie tout simplement que la Société, à l’instar d’autres groupes protégés qui sont bénéficiaires de services gouvernementaux par l’entremise de financement gouvernemental, a un intérêt jurisprudentiel dans la décision de cette Cour. Or, un intérêt jurisprudentiel est insuffisant pour les fins d’une intervention: Right to Life au para. 24; Canada (Procureur général) c. Canadian Doctors for Refugee Care, 2015 CAF 34 au para. 30.

III. Intérêt de la justice

[13] Permettre à la Société l’autorisation d’intervenir ne serait pas dans l’intérêt de la justice. Premièrement, les intimés sont bien représentés de telle sorte qu’il n’y a aucune apparence d’« inégalité des moyens » ni de « déséquilibre en faveur d’un camp »: Le-Vel Brands, LLC c. Canada (Procureur général), 2023 CAF 66 au para. 19 [Le-Vel Brands]; Right to Life au para. 10. Deuxièmement, le fait que la Société n’offrira pas de soumissions utiles et différentes de celles des intimés implique que l’intervention n’apporterait pas litige « une solution qui soit juste et la plus expéditive et économique possible »: Le-Vel Brands au para. 19; Right to Life au para. 10; Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98-106, Règle 3.

[14] Pour les raisons précédentes, la requête en intervention est rejetée sans dépens.

« Nathalie Goyette »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-95-23

 

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. GILBERT DOMINIQUE (au nom des membres de la Première Nation Pekuakamiulnuatsh) ET LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

REQUÊTE ÉCRITE DECIDÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA JUGE GOYETTE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 septembre 2023

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

François Joyal

Marie-Eve Robillard

Pavol Janura

 

Pour l'appelant

 

Benoît Amyot

Audrey Poirier

 

Pour les intimés

Gilbert Dominique (au nom des membres de la Première Nation Pekuakamiulnuatsh)

 

Ikram Warsame

Julie Hudson

 

Pour les intimés

Commission canadienne des droits de la personne

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

 

Pour l'appelant

 

Cain Lamarre, s.e.n.c.r.l.

Roberval, Québec

 

Pour les intimés

Gilbert Dominique (au nom des membres de la Première Nation Pekuakamiulnuatsh)

 

Division des services juridiques

Ottawa, Ontario

 

Pour les intimés

Commission canadienne des droits de la personne