Ce site web utilise des fichiers témoins (« cookies ») à diverses fins, comme indiqué dans notre Politique de confidentialité. Vous pouvez accepter tous ces témoins ou choisir les catégories de témoins acceptables pour vous.

Chargement des marqueurs de paragraphe

Gerald Schlesiger c Tsleil-Waututh Nation, 2023 CCRI 1058 (CanLII)

Date :
2023-02-08
Numéro de dossier :
034447-C
Référence :
Gerald Schlesiger c Tsleil-Waututh Nation, 2023 CCRI 1058 (CanLII), <https://canlii.ca/t/jwzb8>, consulté le 2024-04-19

Motifs de décision

Gerald Schlesiger,

plaignant,

et

Tsleil-Waututh Nation,

intimée.

Le banc du Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) était composé de Me Paul Love, Vice-président, siégeant seul en vertu du paragraphe 14(3.1) du Code canadien du travail (le Code).

L’article 16.1 du Code prévoit que le Conseil peut trancher toute affaire ou question dont il est saisi sans tenir d’audience. Ayant pris connaissance de tous les documents au dossier, le Conseil est convaincu que la documentation dont il dispose lui suffit pour trancher la présente plainte sans tenir d’audience.

Représentants des parties au dossier

M. Gerald Schlesiger, en son propre nom;

Me Ryley Mennie, pour la Tsleil-Waututh Nation.

I. Nature de la plainte

[1] Le 22 juin 2020, le Programme du travail d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) a reçu une plainte déposée par l’avocat de M. Gerald Schlesiger (le plaignant) en vertu du paragraphe 240(1) de la partie III (Durée normale du travail, salaire, congés et jours fériés) du Code. Dans cette plainte, le plaignant soutient qu’il a été injustement congédié le 6 mai 2020 de son poste de gestionnaire des terres auprès de la Tsleil-Waututh Nation (la TWN ou l’intimée).

[2] Le 25 août 2020, M. Newton Eng, inspecteur d’EDSC (l’inspecteur), a écrit à l’intimée pour lui demander de fournir par écrit les motifs du congédiement du plaignant, conformément au paragraphe 241(1) du Code.

[3] Le 9 septembre 2020, Me Ryley Mennie, avocat de la TWN, a répondu par écrit à l’inspecteur que le plaignant avait été congédié sans motif et que, pendant toute la période pertinente, il occupait un poste de directeur au sens du paragraphe 167(3) du Code. L’avocat de la TWN précisait que, pour cette raison, les dispositions du Code relatives au congédiement injuste ne s’appliquaient pas à l’emploi du plaignant.

[4] Le 1er février 2021, le plaignant a demandé au Programme du travail d’EDSC de renvoyer sa plainte au Conseil afin qu’une décision soit rendue.

[5] Le 11 mars 2021, Mme Lindsay Foley, directrice régionale intérimaire (la greffière) du Conseil, a établi un calendrier pour l’échange d’observations et de documents et a nommé un agent des relations industrielles pour aider les parties à régler la plainte.

[6] Le 13 avril 2021, les parties ont convenu de mettre la plainte en suspens jusqu’au 30 avril 2021, afin de tenter de parvenir à un règlement par la médiation.

[7] Le 13 mai 2021, M. Trevor Craig, directeur régional (le greffier), a demandé à l’intimée de répondre à la plainte, puis au plaignant de présenter une réplique à la réponse de l’intimée.

[9] Le 8 février 2021, le Conseil a enjoint à l’intimée de transmettre un avis de question constitutionnelle aux procureurs généraux du Canada et de chacune des provinces. Aucun des procureurs généraux n’a demandé à intervenir dans la plainte.

[10] Le 11 mars 2022, le Conseil a tenu une téléconférence de gestion de l’affaire (TGA) avec les parties. Après avoir entendu les parties, le Conseil a décidé d’adopter une approche par étapes pour trancher les questions en litige dans la présente affaire. Le Conseil a relevé les questions suivantes :

1. L’employeur est-il une entreprise fédérale?

2. Quel est l’effet de l’article 35 de la Loi constitutionnelle et l’effet de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, LC 2021, c 14?

3. Le plaignant occupait-il un poste de directeur au sens du paragraphe 167(3) du Code et cela l’empêche-t-il de se prévaloir du recours contre le congédiement injuste?

4. Quelles sont les mesures de redressement à ordonner pour le congédiement injuste, si le Conseil tranche toutes les questions de compétence soulevées en faveur du plaignant?

(traduction)

[11] À la TGA, le Conseil a demandé aux parties de présenter des observations supplémentaires complètes et détaillées. Le processus de présentation des observations a été retardé, car le Conseil a dû examiner une demande de l’intimée concernant une ordonnance de production de documents, ainsi qu’une demande de réexamen de cette ordonnance. L’intimée a présenté ses observations le 2 juin 2022, et le plaignant a présenté les siennes le 10 août 2022, date à laquelle a pris fin l’étape de présentation des observations.

[12] Le Conseil fait remarquer que les observations présentées étaient volumineuses. La taille du présent dossier dépasse les 5 000 pages.

[13] La présente décision porte sur la question de savoir si le Bureau des terres de la TWN est une entreprise fédérale. Le Conseil a tranché cette question en se fondant sur les observations écrites des parties.

II. Contexte et faits

A. Faits concernant le plaignant et son emploi

[16] Le 17 août 2010, M. Dale Komanchuk, directeur des Travaux publics, a informé le plaignant que sa candidature avait été retenue pour le poste de gestionnaire des terres. Le poste était assujetti à une période d’essai de trois mois. Dans une offre d’emploi datée du 17 août 2010, il était indiqué que le plaignant travaillerait dans le bâtiment administratif de la TWN, situé au 3075, promenade Takaya, à North Vancouver (Colombie-Britannique). Selon la lettre d’offre, le superviseur immédiat du plaignant serait le directeur des Travaux publics. Le plaignant a dû signer l’accord de confidentialité de la TWN et a été informé que le manuel de politiques et de procédures concernant le personnel de la TWN (manuel de politiques concernant le personnel) définissait ses droits et ses responsabilités. L’offre précisait ceci : « Vous devrez vous conformer à ces politiques et ententes durant votre période d’emploi auprès de la Nation » (traduction). Le plaignant a signé un contrat de travail qui renvoyait également à une description de travail, à l’accord de confidentialité de la TWN, aux directives de la TWN sur les conflits d’intérêts et au manuel de politiques concernant le personnel. La description de travail du plaignant indiquait que son poste était celui de gestionnaire des terres du service des Travaux publics.

[18] Le 25 août 2015, la TWN a confirmé la permanence du plaignant au poste de gestionnaire des terres, qui comprenait les fonctions énoncées à l’annexe « A » de la lettre d’offre.

[19] Les fonctions essentielles du poste étaient ainsi définies dans la description de travail :

1) Administrer le Bureau des terres de la TWN, y compris :

a) mettre en oeuvre le code foncier de la TWN et exercer les pouvoirs conférés par la loi au gestionnaire des terres dont fait état le code foncier.

b) élaborer et mettre en oeuvre des lois, des politiques et des procédures relatives à l’administration des terres, à la gestion des ressources et à la planification dans la réserve;

c) gérer les entrepreneurs et le personnel, y compris l’embauche, la formation, la supervision et l’évaluation;

d) mettre au point et administrer des plans se rapportant à la communauté et d’autres initiatives.

2) Fournir des conseils spécialisés et stratégiques sur le code foncier et sur des questions relatives aux terres, aux ressources et à la planification.

3) Élaborer et tenir à jour des documents de manière précise et organisée.

4) Autoriser et contrôler les revenus et les dépenses en fonction des budgets approuvés.

5) Présenter des demandes de financement auprès du gouvernement et d’autres sources, et gérer les ententes de financement.

6) Gérer les communications de sorte qu’elles soient efficaces et accessibles, y compris :

a) présenter des rapports réguliers à la communauté;

b) répondre rapidement et efficacement aux questions et aux plaintes en faisant preuve de sensibilité;

c) animer des réunions ou des processus de consultation au sein de la communauté, le cas échéant.

7) Exercer d’autres fonctions, selon les besoins.

(traduction)

[20] Le 6 mai 2020, la TWN a mis fin à l’emploi du plaignant, toujours par le biais d’une résolution du conseil de bande. Selon le relevé d’emploi, l’employeur était la TWN.

B. Brève histoire récente de l’élaboration d’un cadre pour le contrôle local des terres de la TWN

[21] Des activités auparavant administrées par le gouvernement fédéral sous les auspices de la Loi sur les Indiens ont récemment été transférées aux gouvernements des Premières Nations pour qu’ils les contrôlent localement. Mme Leah George-Wilson, ancienne chef de la TWN, a souligné dans son affidavit que la Loi sur les Indiens est une loi fédérale qui a été imposée aux Autochtones.

1. L’Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières Nations

[24] En 2003, la TWN est devenue signataire de l’Accord-cadre.

[25] L’Accord-cadre prévoit qu’une Première Nation signataire peut établir un code foncier et gérer ses terres conformément à ce code. Selon la procédure d’adhésion, la Première Nation devait préalablement élaborer un code foncier. Les éléments d’un code foncier sont décrits à l’article 5.2 de l’Accord-cadre. Un code foncier pouvait également contenir les conditions ou limites générales applicables au pouvoir du conseil de la Première Nation d’édicter des textes législatifs de la Première Nation. Il contenait aussi l’autorité et la procédure selon lesquelles le conseil de la Première Nation pouvait déléguer l’autorité administrative pour gérer des terres de Première Nation à une personne ou entité ayant le pouvoir de gérer les terres de Première Nation ou les terres d’une autre Première Nation ou d’autres Premières Nations.

[26] L’Accord-cadre prévoyait que le code foncier d’une Première Nation et l’accord distinct devaient être approuvés par la communauté et établissait un processus de ratification.

[27] Dès qu’un code foncier reçoit l’attestation du vérificateur et qu’il entre en vigueur, il a force de loi.

[28] L’Accord-cadre prévoyait également ce qui suit :

20.1 Les lois fédérales applicables sur les terres de première nation continuent de s’appliquer à celles-ci sauf dans la mesure où elles sont incompatibles avec la loi de ratification.

[30] L’Accord-cadre prévoyait la création d’un registre des terres de Premières Nations par le gouvernement du Canada pour consigner les documents relatifs aux terres de Première Nation ou aux intérêts sur celle-ci, ainsi que la création d’un registre distinct par le gouvernement du Canada pour chaque Première Nation ayant un code foncier en vigueur (article 51).

2. La Loi sur la gestion des terres des premières nations

[31] En 1999, le gouvernement du Canada a ratifié l’Accord-cadre en adoptant la Loi sur la gestion des terres des premières nations (la LGTPN). La TWN figure parmi les Premières Nations inscrites à l’annexe 1 de la LGTPN.

[32] En vertu du paragraphe 18(3) de la LGTPN, une Première Nation peut déléguer à une personne ou à un organisme le pouvoir de gérer ses terres. Le paragraphe 18(4) de la LGTPN prévoit qu’un « organe mis sur pied en vue de la gestion des terres de la première nation est une entité juridique dotée de la capacité d’une personne physique. »

3. Le code foncier de la TWN

[34] En 2007, la TWN a adopté le code foncier. Celui-ci a été vérifié le 15 février 2007 et est entré en vigueur à ce moment-là. Conformément à son code foncier, la TWN a créé son Bureau des terres.

[35] La partie pertinente du code foncier est ainsi libellée :

3.0 Pouvoir de gouverner

3.1 Le pouvoir des Tsleil-Waututh de gouverner leurs terres et leurs ressources découle de leur titre ancestral et de leur droit inhérent à l’autonomie gouvernementale.

3.2 Par l’entremise du présent code foncier, les Tsleil-Waututh exerceront, en partie, leur droit inhérent à l’autonomie gouvernementale et assureront la gouvernance des terres des Tsleil‑Waututh de manière accessible, stable, efficace, responsable et transparente.

4.0 Objet

4.1 L’objet du présent code foncier est d’énoncer les principes et les structures législatives et administratives qui s’appliquent aux terres des Tsleil-Waututh et par lesquels les
Tsleil-Waututh exerceront leur compétence sur ces terres.

4.2 L’Accord-cadre sera ratifié par les Tsleil-Waututh lorsque ceux-ci approuveront le présent code foncier.

6.0 Bureau des terres des Tsleil-Waututh

6.1 Le Bureau des terres des Tsleil-Waututh s’acquitte des fonctions et des responsabilités qui lui sont déléguées ou confiées conformément à la présente partie ou à la législation des Tsleil-Waututh.

6.2 Sans limiter la généralité des fonctions et des responsabilités du Bureau des terres des Tsleil‑Waututh, celui-ci s’acquittera des tâches suivantes :

a) Administrer les terres des Tsleil-Waututh conformément à la présente partie et à la législation des Tsleil-Waututh;

b) Préparer les types d’instruments à utiliser pour enregistrer ou consigner des intérêts ou des permis visant les terres des Tsleil-Waututh lorsque le Bureau des terres des Tsleil-Waututh le juge nécessaire et souhaitable;

c) Préparer les types d’instruments à utiliser pour enregistrer ou consigner des actes qui ont ou sont censés avoir une incidence sur les terres des Tsleil-Waututh lorsque le Bureau des terres des Tsleil-Waututh le juge nécessaire et souhaitable;

d) Recevoir les instruments que l’on souhaite enregistrer ou inscrire au registre des terres des Tsleil-Waututh;

e) Examiner les instruments pour en vérifier la conformité technique avec la présente partie, les lois des Tsleil-Waututh et d’autres lois ou politiques applicables;

f) Prendre des dispositions pour l’exécution des instruments et des documents connexes au nom des Tsleil-Waututh, du ministre et de Sa Majesté la Reine du chef du Canada;

g) Prendre des dispositions pour l’enregistrement ou la consignation des instruments dans le registre des Tsleil-Waututh;

h) Tenir à jour et protéger les dossiers relatifs aux terres des Tsleil-Waututh;

i) Préparer et présenter des rapports réguliers au conseil de bande;

j) S’acquitter des fonctions comme le demande ou l’exige le conseil de bande, conformément au présent code foncier, aux lois des Tsleil-Waututh et à d’autres lois applicables.

6.3 Le gestionnaire des terres supervise les activités quotidiennes du Bureau des terres des Tsleil‑Waututh et s’acquitte de ses fonctions et responsabilités conformément au présent code foncier et à la législation des Tsleil-Waututh.

6.4 Sans limiter la généralité des articles 6.2 et 6.3, le gestionnaire des terres, ou son représentant désigné par écrit, doit :

a) Exécuter les instruments et entreprendre toute mesure devant être prise par le ministre ou par Sa Majesté la Reine du chef du Canada, et en leur nom, relativement à un intérêt ou à un permis visant les terres des Tsleil-Waututh décrit à l’article 7.1;

...

25.0 Délégation

25.1 Le conseil de bande peut, par résolution, déléguer les pouvoirs que lui confère la présente partie, y compris les consentements du conseil de bande énoncés aux articles 14 et 15 du présent code foncier, au Bureau des terres des Tsleil-Waututh ou au gestionnaire des terres, autres que les pouvoirs de :

a) Légiférer;

b) Statuer sur des cas de violation de la législation des Tsleil-Waututh;

c) Trancher une question relevant de la présente partie et devant être réglée d’une manière particulière.

(traduction; c’est nous qui soulignons, et le soulignement dans le document original a été supprimé)

[36] Dans l’affidavit qu’elle a fait alors qu’elle était chef de la TWN, Mme George-Wilson décrit l’adoption du code foncier et ses retombées, en partie de la façon suivante :

49. L’adoption de notre code foncier traduisait, fondamentalement, un rejet concret et conscient de la compétence fédérale sur nos décisions concernant l’utilisation et la gestion des terres, ainsi que l’acceptation de notre droit inhérent à l’autonomie gouvernementale et à l’autodétermination en tant que peuple autochtone.

50. Le code foncier des Tsleil-Waututh est notre principale législation foncière et remplace toutes les dispositions de la Loi sur les Indiens concernant les terres, ainsi que le rôle du gouvernement fédéral dans nos décisions relatives à l’utilisation et à la gestion des terres et des ressources.

51. Le code foncier crée le « Bureau des terres des Tsleil-Waututh » (le « Bureau des terres »), qui gère nos terres et nos ressources dans la réserve conformément au code foncier et à d’autres lois des Tsleil-Waututh.

(traduction)

[37] Dans son affidavit, Mme George-Wilson a également décrit ainsi la relation entre la TWN et le Bureau des terres :

52. Plus précisément, le Bureau des terres est chargé d’examiner et de réglementer les projets de développement et de construction sur nos terres; d’assurer et d’appuyer la promulgation, la mise en oeuvre et l’application des lois de la TWN; de diriger la planification générale de l’utilisation des terres; d’enregistrer les transactions foncières; de passer en revue et de délivrer de nombreux types de permis; ainsi que de fournir un soutien général concernant les questions foncières.

53. Bien qu’il relève de l’autorité ultime du chef et du conseil de bande des Tsleil-Waututh (le « conseil de bande »), le Bureau des terres fonctionne de façon autonome. Il est une création du code foncier et fonctionne conformément au code foncier, qui constitue la principale législation foncière des Tsleil-Waututh. Le Bureau des terres est un organisme distinct au sein de la gouvernance et de l’administration des Tsleil-Waututh.

...

56. Bien que le Bureau des terres et le gestionnaire des terres fassent généralement partie du service des Travaux publics des Tsleil-Waututh, le Bureau des terres et le gestionnaire des terres ont un mandat distinct et important conféré par le code foncier, et ils fonctionnent en grande partie indépendamment de la surveillance exercée par le directeur des Travaux publics ou le conseil de bande.

57. De manière générale, le conseil de bande ne participe pas à l’administration quotidienne des activités ou des différents services des Tsleil-Waututh et laisse cette tâche aux directeurs et aux gestionnaires de ces services.

58. Le Bureau des terres et le gestionnaire des terres agissent conformément aux mandats et aux pouvoirs énoncés dans le code foncier et ne sont pas assujettis à l’administration ou à l’orientation quotidienne du service des Travaux publics. La relation entre le Bureau des terres et le service des Travaux publics est plutôt axée sur une surveillance budgétaire plus large et sur la circulation des renseignements parmi les Tsleil-Waututh en tant qu’organisation.

...

63. Tous les revenus provenant des divers droits de permis et des relations de développement concernant nos terres sont conservés et gérés en fiducie par le conseil de bande pour le compte des membres des Tsleil-Waututh, sans intervention du gouvernement fédéral.

64. De même, en tant que Nation, les Tsleil-Waututh assument toute responsabilité ou autre obligation découlant de nos décisions en ce qui concerne l’utilisation et la gestion des terres.

(traduction)

[38] La TWN décrit son organisation à l’article 2.3 de son manuel de politiques concernant le personnel. La TWN n’a pas précisé que le Bureau des terres faisait partie de son administration, mais un organigramme fourni au Conseil montre qu’il fait partie du service des Travaux publics.

[39] Le code foncier prévoit un comité consultatif des terres composé d’un membre du conseil de bande et de six électeurs admissibles.

[40] Le Conseil conclut que le Bureau des terres est une entité jouissant d’une certaine indépendance institutionnelle par rapport à l’administration de la TWN. Il s’agit d’un organisme établi au titre de la LGTPN et du code foncier.

III. Position des parties

A. L’argumentation de l’intimée

[41] L’intimée soutient qu’elle a pris des décisions à grande portée pour se libérer de la compétence fédérale et affirmer son droit à l’autonomie gouvernementale.

[42] L’intimée soutient que, lorsque le Conseil applique les principes constitutionnels pertinents, il ne peut pas juger que la présomption de la compétence provinciale sur le Bureau des terres a été réfutée. L’intimée fait valoir que la plainte doit être rejetée pour absence de compétence.

[43] L’intimée soutient que le Bureau des terres est l’entité dont il faut tenir compte et non le conseil de bande. Le Bureau des terres a été créé conformément à la législation des Tsleil‑Waututh comme le prescrit le code foncier et n’existe que parce que l’intimée a rejeté la compétence du gouvernement fédéral sur les terres de l’intimée en vertu de la Loi sur les Indiens.

[44] Le Bureau des terres est une entité distincte et autonome au sein des activités de l’intimée. Il s’occupe de questions de nature locale et non de questions assimilées à la gouvernance des Premières Nations.

B. L’argumentation du plaignant

[45] Le plaignant soutient que tous les paramètres d’emploi dans l’administration et la gestion des terres sont de nature fédérale.

[46] Le plaignant soutient que le Bureau des terres est une entreprise fédérale parce que la TWN adhère au Système de gestion des terres des Premières Nations.

[47] Le raccordement aux services publics fait partie intégrante de la gestion des terres et fait intervenir des arpenteurs de la Société immobilière du Canada, et non des arpenteurs provinciaux. La Première Nation dépend également du financement du gouvernement fédéral pour la construction et l’entretien des routes, des réseaux d’aqueduc et d’égout et des logements, ainsi que du financement versé par le biais des mécanismes prévus dans la LGTPN pour le fonctionnement du Bureau des terres.

[48] Le plaignant soutient que le travail effectué dans une réserve relève de la compétence fédérale.

[49] La TWN souscrit au régime foncier du gouvernement fédéral et non au système Torrens, qui est utilisé en Colombie-Britannique. Le type de droit d’occupation le plus important est le certificat de possession, qui ne peut être détenu que par un membre de la TWN. D’autres types de droits d’occupation peuvent être délivrés. Il n’y a pas de reconnaissance des terres familiales traditionnelles. Les terres de réserve ne peuvent être achetées et vendues autrement qu’entre membres de la TWN. Les baux peuvent être délivrés, achetés et vendus indépendamment de l’appartenance à la Première Nation.

[50] Le plaignant affirme que la TWN peut adhérer au régime provincial d’enregistrement des titres fonciers, mais qu’elle ne l’a pas fait. D’autres Premières Nations, comme la Première Nation de Tsawwassen, ont adhéré au régime provincial, alors que la TWN utilise le Système d’enregistrement des terres des Premières Nations, qui relève de la législation fédérale.

L’accent est mis sur la fonctionnalité et l’indianité de l’emploi du plaignant et sur le cadre dans lequel se déroulait l’exécution de ces activités. Par fonctionnalité, on entend l’ensemble des caractéristiques d’un produit ou d’un service qui ont une incidence sur la capacité de la TWN à répondre aux besoins exprimés ou implicites en matière d’administration et de gestion des terres de réserve. C’est l’indianité des terres de réserve qui est au coeur des pratiques d’administration et de gestion des terres. La fonctionnalité n’est pas déterminée par un seul élément en particulier, mais par une série d’activités qui répondent à des besoins. La portée fonctionnelle de l’administration et de la gestion des terres à la TWN fait partie intégrante du système fédéral d’entreprises et de responsabilités.

Le grief relatif à l’emploi s’inscrit dans le cadre de l’administration et de la gestion des terres de réserve attribuées à la TWN par le gouvernement du Canada. Une conclusion selon laquelle le Bureau des terres est un secteur de travail fédéral vient renforcer ce fait de gouvernance.

(traduction)

[52] Selon le plaignant, tant qu’aucun traité n’a été signé entre le gouvernement du Canada et la TWN, le travail effectué dans une réserve indienne est une entreprise fédérale. Bien que le code foncier soit un pas vers l’autodétermination, il ne constitue pas la réalisation de l’autodétermination.

[53] Le plaignant soutient également que, comme la TWN délègue ses pouvoirs, les personnes nommées aux postes de gestionnaire des terres par l’intermédiaire du Bureau des terres ont des droits et des privilèges protégés.

[54] Le plaignant affirme que le Bureau des terres a été créé pour constituer une structure administrative qui agit comme tribunal à l’égard de la nature des demandes reçues concernant les terres et de leur interprétation dans le contexte du code foncier. Compte tenu du rôle de tribunal que joue le Bureau des terres à titre d’organisme spécialisé établi pour mettre en oeuvre et juger les demandes dans le contexte de la législation découlant du code foncier de la TWN et du Système d’enregistrement des terres des Premières Nations, ses agents satisfont aux conditions d’indépendance institutionnelle.

[55] Le plaignant soutient que les agents du Bureau des terres jouissent d’une indépendance institutionnelle par rapport aux personnes chargées de les sélectionner.

[56] En outre, le plaignant soutient que la TWN a exercé son choix d’être liée par la compétence fédérale en « approuvant le Code canadien du travail comme instrument de règlement de ses griefs relatifs à l’emploi » (traduction). Le plaignant fait référence à la section 2.3 du manuel de politiques concernant le personnel, où il est indiqué que « [l]e Code canadien du travail (CCT) s’applique aux activités administratives de la TWN. » (traduction)

[57] Le plaignant prétend que son congédiement par le directeur intérimaire des Travaux publics confirme qu’il était un employé de la TWN.

[58] Selon le plaignant, la TWN ne suivait pas les lois provinciales en ce qui concerne la location résidentielle, l’environnement, le système d’arpentage et l’enregistrement des terres, le régime foncier et le système d’utilisation des terres. Elle ne fait pas partie du système provincial de gestion des terres.

C. La réplique de l’intimée

[59] L’intimée réitère que l’entité à analyser n’est pas la Première Nation dans son ensemble, mais le Bureau des terres.

[60] L’intimée juge que plusieurs des allégations factuelles du plaignant sont sans fondement concernant le travail effectué dans la réserve, les ressources, les négociations de traités, la mise en oeuvre des traités, l’intention derrière le code foncier et l’établissement du Bureau des terres.

[61] L’intimée soutient que l’existence d’un traité historique ou moderne n’est pas nécessaire dans l’analyse de la compétence.

[62] En outre, l’intimée soutient que la mention de l’intégration du Code au manuel de politiques concernant le personnel ne peut se substituer au critère fonctionnel, lequel permet de déterminer si l’entité est une entreprise fédérale. L’intimée affirme que la seule question que doit trancher le Conseil est de savoir si les activités normales et habituelles du Bureau des terres permettent de conclure qu’il relève de la réglementation fédérale.

[63] L’intimée réitère que, dans l’application du critère fonctionnel, l’entité à analyser est le Bureau des terres. Il s’agit « d’une entité distincte dont l’existence est attribuable au rejet concret et conscient par l’intimée, avec l’accord exprès du gouvernement fédéral, de la compétence fédérale sur ses décisions en matière d’utilisation et de gestion des terres et des ressources » (traduction).

[65] Le principal argument de l’intimée, argument que le Conseil juge inutile d’examiner, consiste en ce que, selon une interprétation moderne fondée sur la réconciliation du paragraphe 91(24), de la DNUDPA et de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, les relations du travail du Bureau des terres ne relèvent pas de la compétence fédérale.

IV. Analyse et décision

A. Principes

[66] Selon l’alinéa 167(1)a) de la partie III (Durée normale du travail, salaire, congés et jours fériés) du Code, les dispositions du Code qui ont trait au congédiement injuste s’appliquent à l’emploi dans le cadre d’une entreprise fédérale. Ces dispositions comprennent le recours contre le congédiement injuste décrit à l’article 240 ainsi que le pouvoir de redressement prévu au paragraphe 242(4).

[67] En 2019, le Conseil a été investi du nouveau mandat d’instruire et de trancher, entre autres, les plaintes de congédiement injuste déposées en vertu de l’article 240 du Code. Ces affaires étaient auparavant tranchées par des arbitres indépendants nommés par le ministre du Travail. Le Conseil fait remarquer qu’il est difficile de concilier la jurisprudence antérieure et ne tentera pas de le faire en l’espèce.

[69] Dans la présente décision, il n’est pas nécessaire de déterminer si la TWN a un droit à l’autonomie gouvernementale en ce qui concerne les relations du travail ou d’examiner ce que l’intimée prétend être l’incidence des principes énoncés au paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, et au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. La seule question à trancher dans la présente décision est de savoir si le Conseil a compétence pour instruire la plainte de congédiement injuste du plaignant.

[71] Comme la Cour suprême du Canada (CSC) l’a précisé dans Tessier Ltée c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), 2012 CSC 23; [2012] 2 R.C.S. 3, la compétence fédérale sur les relations du travail et les relations d’emploi s’applique dans deux circonstances principales :

      lorsque l’emploi s’exerce dans le cadre d’une entreprise fédérale (c’est ce qu’on appelle la « compétence directe »);

      lorsque l’emploi se rapporte à une activité qui constitue une partie vitale, essentielle ou intégrante d’une entreprise fédérale (c’est ce qu’on appelle la « compétence dérivée »).

[72] Dans un cas comme dans l’autre, il faut examiner la nature de l’entité ainsi que ses activités habituelles et quotidiennes afin de déterminer si elle relève de la compétence exclusive de la province. Cet examen repose sur ce qu’on appelle le critère fonctionnel.

[73] Dans Northern Telecom c. Travailleurs en communication, 1979 CanLII 3 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 115, la CSC a expliqué le concept de compétence dérivée et décrit le cadre analytique à utiliser pour déterminer s’il existe un lien vital, essentiel ou fondamental entre une entité accessoire et une entreprise fédérale :

Premièrement, il faut examiner l’exploitation principale de l’entreprise fédérale. On étudie ensuite l’exploitation accessoire pour laquelle les employés en question travaillent. En dernier lieu on parvient à une conclusion sur le lien entre cette exploitation et la principale entreprise fédérale, ce lien nécessaire étant indifféremment qualifié « fondamental », « essentiel » ou « vital ».

(page 132)

[76] Dans NIL/TU,O, précité, la question était de savoir si les relations du travail d’un organisme de services sociaux, ciblant des clients autochtones et fournissant des services adaptés à leur culture, étaient assujetties à la législation fédérale ou provinciale. La CSC a déterminé que la législation provinciale s’appliquait. La CSC ne s’est pas penchée sur ce domaine du droit depuis NIL/TU,O, précité. Cependant, la CAF a traité de ces questions, tout comme le Conseil, dans des affaires portant sur les soins de santé, l’éducation et les services de police autochtones.

[77] Dans Francis, précité, renversé sur un autre point dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Francis et autres, 1982 CanLII 195 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 72, la CAF a examiné la nature de l’entreprise d’un conseil de bande :

… La « compétence fédérale exclusive » en matière de relations de travail vise principalement les relations de travail relatives aux entreprises, services et affaires qui, compte tenu du critère fonctionnel de la nature de leur exploitation et de leur activité normale, peuvent être qualifiés d’entreprises, de services ou d’affaires de compétence fédérale. Il est donc nécessaire, aux fins de l’application du critère fonctionnel, de déterminer la nature du travail exécuté. Les fonctions de cette unité se rapportent à l’administration de la bande; elles sont de nature gouvernementale et relèvent de la Loi sur les Indiens. L’administration de la bande se rapporte au statut et aux droits et privilèges des Indiens de la bande. Les relations de travail en l’espèce font « partie intégrante de la compétence fédérale principale sur les Indiens ou les terres réservées aux Indiens », établissant ainsi la compétence législative fédérale en vertu des dispositions du paragraphe 91(24) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867

(page 226)

[78] On pourrait vouloir avancer que Francis, précité, puisse jouer un rôle déterminant dans la question de savoir si la gestion des terres est l’une des activités exercées par une Première Nation; cela dit, la structure de gouvernance de la TWN est bien différente de celle qui était en cause dans Francis, précité. De plus, l’arrêt Francis, précité, a été rendu bien avant les développements modernes liés à la LGTPN, qui ont donné lieu au retrait des questions relatives à la gestion des terres de la Loi sur les Indiens pour une Première Nation comme la TWN. Dans Francis, précité, la question à trancher était de savoir si un conseil de bande pouvait être un employeur, et non si les activités de gestion des terres de la bande relevaient de la compétence fédérale ou de la compétence provinciale.

[80] Dans une série d’affaires récentes (McKay, 2021 CCRI 959; Windsor, 2021 CCRI 958; et Conseil de bande Gitwangak, 2021 CCRI 984 (Gitwangak)), le Conseil a dû se pencher sur la prestation de services d’éducation et de santé à des personnes vivant dans une réserve autochtone. Le Conseil a appliqué l’approche décrite dans NIL/TU,O, précité, et a tenu compte de la nature des activités sans mettre l’accent sur les éléments du service qui sont de nature « autochtone », comme la population servie, la sensibilité culturelle des services ou la source de financement.

[81] Le Conseil s’est concentré sur la nature de l’activité, cherchant à déterminer si elle faisait partie de la rare exception qu’est l’activité de gouvernance. Dans Francis et Picard, précités, la CAF a déterminé que la présomption de compétence provinciale pouvait être réfutée en raison de la nature de l’activité de gouvernance.

[82] Lorsqu’il est allégué que l’entreprise est une bande indienne ou une Première Nation, selon la jurisprudence des cours fédérales, il est important de se demander si les activités normales et habituelles peuvent être assimilées à la gouvernance de la bande (voir Picard, précité).

[83] Le Conseil a récemment examiné l’incidence de Picard, précité, dans Windsor, précitée, dans le contexte de la prestation de services de soins de santé directement par la Première Nation :

[61] Dans l’arrêt qu’elle a récemment rendu dans Picard 2020, précité, la CAF a formulé des observations explicites sur l’approche consistant à appliquer le critère fonctionnel aux activités d’un conseil de bande. Dans cette affaire, la CAF a conclu que c’était l’autorité fédérale qui régissait les relations du travail (et plus particulièrement la réglementation et la surveillance du régime de retraite) de policiers autochtones au service de divers conseils de bande. La CSC a rejeté la demande d’autorisation d’appel visant cet arrêt, dans Procureur général du Québec c. Sylvain Picard et al., 2020 CanLII 92508 (CSC).

[62] Dans son analyse, la CAF a examiné deux arrêts postérieurs à NIL/TU,O, précité, qu’elle avait rendus relativement aux relations du travail dans un contexte autochtone, à savoir Commission des services policiers de Nishnawbe-Aski c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2015 CAF 211 (Nishnawbe-Aski), et Northern Inter-Tribal Health Authority Inc., précité. La CAF a fait observer que ces deux affaires constituent des précédents de poids à l’appui de l’idée voulant qu’une entreprise ne soit pas considérée comme relevant de la compétence fédérale du seul fait qu’elle assure des services qui visent à répondre aux besoins d’une population autochtone locale.

[63] La CAF a exposé ainsi la question à trancher :

[40] La question qui se pose ici est celle de savoir si le fait que les policiers dont le régime de pension est en cause ici sont employés par les conseils de bande est déterminant et suffit à distinguer la présente affaire des arrêts NIL/TU,O et Nishnawbe‑Aski. À tous autres égards, en effet, le cadre légal à l’intérieur duquel opèrent les services policiers qui contribuent au Régime n’est guère différent, pour l’essentiel, de celui qui prévaut en Ontario et qui faisait l’objet de l’arrêt Nishnawbe‑Aski.

(Picard 2020, précité)

[64] La CAF a répondu à la question ci-dessus par l’affirmative. Dans ses motifs, elle a conclu que l’entité qui devait être prise en considération aux fins de l’application du critère fonctionnel était le conseil de bande, et non les services de police.

[65] En ce qui concerne l’application du critère fonctionnel aux activités du conseil de bande, la CAF a déclaré ce qui suit :

[60] À mon avis, le fait que les corps policiers relevant des conseils de bande exercent des pouvoirs délégués par la province et soient soumis à certaines normes générales édictées par cette dernière, notamment en matière de formation, n’est pas déterminant pour les fins de savoir de quel palier de gouvernement relèvent leurs relations de travail. Les employés du gouvernement fédéral sont pareillement soumis à toutes sortes d’exigences provinciales en matière d’accréditation professionnelle. Il ne viendrait à l’idée de personne de considérer que les relations de travail des ingénieurs ou des médecins à l’emploi du gouvernement fédéral ne sont pas régies par le Parlement du seul fait que l’exercice de leur profession est régi par des ordres professionnels provinciaux. Conformément au critère fonctionnel, ce sont les activités normales et habituelles de l’entreprise pour laquelle une personne travaille qui importe. Cela est d’autant plus vrai au niveau gouvernemental, dont les activités ne peuvent être scindées et compartimentées comme celles d’une corporation (privée ou publique). Conclure le contraire entraînerait d’innombrables difficultés d’application, comme l’a reconnu la Cour suprême dans l’arrêt P.G. (Can.) c. St-Hubert Base Teachers’ Assoc., 1983 CanLII 131 (CSC), [1983] 1 R.C.S. 498 à la page 508. Ce qui est vrai pour le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux l’est tout autant pour les conseils de bande, qui exercent pareillement un pouvoir de puissance publique (bien que par voie de délégation législative).

(Picard 2020, précité)

[66] La CAF a établi que l’affaire dont elle était saisie devait être distinguée des affaires NIL/TU,O, Nishnawbe-Aski et Northern Inter-Tribal Health Authority Inc., précités – dans lesquelles les tribunaux avaient conclu que la compétence provinciale s’appliquait – car l’employeur, dans ces trois affaires, n’était pas le conseil de bande, mais une entité indépendante de celui-ci. La CAF a également fait référence à la distinction établie sur ce fondement dans Première nation de Berens River, précité, et dans d’autres affaires qui mettaient en cause des activités accomplies par des conseils de bande (voir Matimekush-Lac John, précité; Whitebear Band Council v. Carpenters Provincial Council of Saskatchewan and Saskatchewan Labour Relations Board, 1982 CanLII 2582 (SK CA); et Nation Munsee-Delaware, précité).

[67] Dans Picard 2020, précité, la CAF a déclaré que l’activité principale d’un corps policier, qui consistait, selon la description donnée, à maintenir la paix et à faire respecter la loi, était manifestement une fonction incombant à une administration locale. À cet égard, la CAF a fait référence aux activités liées à la bande qui étaient en cause dans St. Regis Indian Band c. Canada (Conseil des relations du travail); 1980 CanLII 4210 (CAF), [1980] A.C.F. No. 151 (QL) (Francis 1980), infirmé sur un autre point dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Francis et autres, 1982 CanLII 195 (CSC), [1982] 2 R.C.S. 72 (Francis 1982) – lesquelles consistaient à s’occuper :

17 … d’administration en matière d’éducation, de l’administration de terres et de patrimoines d’Indiens, de l’administration du bien-être, de l’administration en matière d’habitation, d’administration scolaire, de travaux publics, de l’administration d’un foyer pour personnes âgées, de l’entretien des routes, de l’entretien d’écoles, de l’entretien du système d’approvisionnement en eau et du système sanitaire, de l’enlèvement des ordures ménagères, etc…

(voir Francis 1980, précité)

[68] Dans Francis 1980, précité, la CAF a conclu que ces activités étaient exercées en application de la Loi sur les Indiens, qu’elles étaient liées au statut d’Indien, et que l’administration du conseil de bande était une entreprise fédérale. Dans Picard 2020, précité, la CAF a cité plus précisément les motifs énoncés par le juge Le Dain dans Francis 1980, précité (dissident relativement à une autre question), et elle a fait observer que, si les activités en cause dans cette affaire pouvaient être considérées comme « une responsabilité globale de la nature d’un gouvernement local », la même chose pouvait être dite des services de police.

[69] Il est important de souligner que la question de la compétence fédérale sur les relations du travail du conseil de bande n’était pas en cause dans l’affaire Francis 1982, précité, dont avait été saisie la CSC. La CSC n’a infirmé Francis 1980, précité, qu’en ce qui a trait à la question étroite de savoir si une bande indienne ou un conseil de bande pouvait être considéré comme un employeur aux fins de l’accréditation sous le régime du Code. Dans sa décision, la CSC a conclu que c’est bien le cas.

[70] Dans Picard 2020, précité, la CAF a toutefois fait une mise en garde selon laquelle ce ne sont pas toutes les activités d’un conseil de bande qui relèvent de la compétence fédérale. Pour que ce soit le cas, il faut que l’activité en cause puisse être véritablement assimilée ou associée à la gouvernance d’une Première nation. Les conseils de bande gèrent de nombreuses entreprises, dont certaines peuvent être de ressort fédéral, alors que d’autres peuvent relever de la compétence provinciale (voir Nation crie de Fox Lake c. Anderson, 2013 CF 1276). Par exemple, dans la décision du Conseil Waycobah First Nation, 2015 CCRI 792, la Première Nation en cause se livrait à une activité commerciale (pêche commerciale hauturière), dont les revenus étaient utilisés pour compenser les dépenses d’autres départements des Premières Nations. Le Conseil avait conclu que les activités de pêche de la Première Nation relevaient de la compétence provinciale, puisqu’il s’agissait d’activités commerciales qui n’aidaient pas la Première Nation à s’acquitter de ses fonctions de gouvernance.

(c’est nous qui soulignons)

[84] Récemment, le Conseil a également examiné l’incidence de Picard, précité, dans Gitwangak, précitée, dans le contexte des soins de santé et d’une plainte de négociation de mauvaise foi fondée sur l’alinéa 50a) du Code. Le Conseil s’est penché sur une structure unique d’organismes administratifs qui fournissent des services de soins de santé et sont le fruit de la collaboration de deux Premières Nations. Il ne s’agissait pas d’entités constituées en société. Le Conseil fait remarquer que les organismes étaient censés exercer leurs activités indépendamment de la direction et du contrôle quotidiens des bandes respectives et recevoir des instructions des représentants des clans ou des maisons.

[85] Conformément à l’analyse effectuée dans NIL/TU,O et Picard, précités, le Conseil a conclu que ces autorités sanitaires séparées étaient suffisamment distinctes des conseils de bande pour ne pas faire partie de la structure de gouvernance des bandes.

[86] Dans Gitwangak, précitée, le Conseil a fait quelques observations sur la nature de la gouvernance et des relations du travail :

[81] En substance, les cours fédérales ont conclu que les relations du travail dans des contextes de services qui sont, d’une part, assurés directement par les conseils de bande et, d’autre part, liés à la gouvernance ou à l’administration générale d’une Première Nation – par exemple des services de police, d’éducation ou de santé, relevaient de la compétence fédérale. En tant que gouvernements, les conseils de bande prennent des décisions sur la façon dont ils organisent leurs affaires pour répondre aux besoins de leurs communautés. Dans certains cas, ils peuvent choisir de fournir des soins de santé directement à leurs communautés respectives, alors que dans d’autres cas, ils peuvent choisir de faire appel à une entité distincte pour fournir ces services. Par conséquent, la question de la compétence constitutionnelle des entreprises chargées de fournir des services de santé aux clients autochtones dépendra des faits constitutionnels de chaque cas et, en particulier, du degré de séparation entre l’entité et le conseil de bande.

(c’est nous qui soulignons)

[70] La portée de l’activité de gouvernance des Premières Nations est élastique. Selon l’approche analytique adoptée, elle peut être étendue pour englober toute activité menée par une autorité dérivée de la Loi sur les Indiens. Le fait de chercher une entité juridique distincte pour créer une limite à l’activité de gouvernance est une idée artificielle. L’instruction de la Cour suprême du Canada est de ne pas tomber dans une analyse qui place le contenu essentiel de l’« indianité » avant la nature, les activités habituelles et le fonctionnement de l’entité dont la relation d’emploi est contestée.

(traduction)

[88] Cependant, le Conseil est lié par les jugements de la CAF – notamment Picard, précité, dans lequel la demande d’autorisation d’appel auprès de la CSC a été rejetée – et n’est pas lié par les décisions des autres arbitres.

B. Application du critère énoncé dans NIL/TU,O

[89] Le Conseil commence par présumer que les relations du travail sont de compétence provinciale; la compétence fédérale en matière de relations du travail est exceptionnelle. Une partie qui cherche à établir la compétence fédérale doit réfuter cette présomption.

[90] La première question à trancher est la suivante : quelle est l’entité qui exerce les activités normales, habituelles et quotidiennes en cause dans la présente affaire?

1. Quelle est l’entité qui fournit les services?

[91] Les parties semblent convenir que l’entité à examiner est le Bureau des terres et non la TWN. Les parties semblent également toutes deux convenir que le Bureau des terres jouit d’une certaine indépendance institutionnelle par rapport à la TWN.

[92] En l’espèce, conformément à l’Accord-cadre, à la LGTPN et au code foncier, la TWN contrôle la gestion des terres. Le Conseil n’a pas à déterminer s’il s’agit d’une délégation, d’une reprise de souveraineté, d’une affirmation de souveraineté ou d’un rejet de la colonisation.

[93] En effet, la TWN peut maintenant gérer ses propres terres, une fonction qui auparavant relevait de la Loi sur les Indiens. Cependant, même si une fonction a déjà officiellement relevé de la Loi sur les Indiens, cela ne signifie pas nécessairement que les relations du travail relatives à l’activité en cause demeurent sous réglementation fédérale.

[94] Le Conseil est d’avis que l’Accord-cadre, la LGTPN et le code foncier fournissent à la TWN les outils nécessaires pour gérer directement les terres, sans que le gouvernement fédéral exerce de contrôle sur cette activité. En général, ces activités de gestion des terres sont de nature gouvernementale, et non commerciale.

[95] La TWN a toutefois décidé que, d’un point de vue institutionnel, le Bureau des terres et ses activités quotidiennes et habituelles devaient être indépendants de l’administration quotidienne de la Première Nation.

[97] La création d’une organisation ou d’une société laisse supposer une intention de séparer des activités de gouvernance de base de la bande indienne les relations du travail liées à une activité. Il y a des exemples de cela dans la jurisprudence du Conseil, car les bandes indiennes peuvent exercer une myriade d’activités, dont certaines sont de nature gouvernementale et d’autres, commerciale.

[98] Dans des affaires comme Waycobah First Nation, 2015 CCRI 792, le Conseil a conclu que les activités commerciales exercées par les bandes indiennes ne relevaient pas de la compétence fédérale. Les activités commerciales ne font pas partie de la fonction de gouvernance. Par conséquent, pour ces activités, la présomption de compétence provinciale en matière de relations du travail ne peut généralement être réfutée. L’arrêt Nation crie de Fox Lake c. Anderson2013 CF 1276, contient d’autres exemples d’activités commerciales et d’entités distinctes qui exercent ces activités.

[101] Le Conseil fait remarquer que, en vertu de la LGTPN et du code foncier, la TWN peut déléguer des pouvoirs à un bureau ou à un organisme et que, lorsqu’elle le fait, cette entité est reconnue comme une personne ou une autorité indépendante.

[102] Le Conseil fait remarquer que le Bureau des terres est situé dans le même immeuble que les bureaux administratifs de la Première Nation. Le gestionnaire des terres est nommé par une résolution du conseil de bande et, en l’espèce, a été démis de ses fonctions par une résolution du conseil de bande, a reçu un relevé d’emploi de la TWN et était assujetti aux politiques concernant le personnel de la TWN.

[103] Tout compte fait, cependant, le Conseil conclut que le travail était effectué au Bureau des terres, conformément au code foncier, et que la nature du travail exigeait une indépendance par rapport à l’administration quotidienne de la TWN. Le Conseil fait remarquer que certains aspects des activités d’un employeur peuvent être assujettis à la réglementation provinciale et d’autres, à la réglementation fédérale.

[104] En conclusion, le Conseil juge que l’entité qui fournit les services est le Bureau des terres. C’est de cette entité que le Conseil doit faire l’analyse pour déterminer si ce dernier a compétence dans la présente affaire.

2. Les activités normales, quotidiennes et habituelles

[106] La première question à examiner n’est pas de savoir si l’entité relève de l’un des chefs de compétence de la Loi constitutionnelle de 1867, mais si l’examen des activités normales, quotidiennes et habituelles de l’entité permet de la qualifier d’entreprise fédérale.

[107] De plus, le plaignant soutient que l’emploi dans une réserve indienne est régi par la compétence fédérale sous le régime du Code. Le Conseil rejette cet argument. Dans Four B Manufacturing c. Travailleurs unis du vêtement, 1979 CanLII 11 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 1031 (Four B), la CSC a rejeté l’idée selon laquelle la compétence fédérale s’appliquait aux activités industrielles ordinaires d’une entreprise détenue et exploitée par des autochtones dans une réserve.

[108] De façon générale, Four B, précité, établit que le gouvernement fédéral n’exerce pas de contrôle législatif sur tous les aspects de la propriété et des droits civils des Autochtones.

[109] Le Conseil fait remarquer que le Bureau des terres est financé par le gouvernement fédéral, conformément à la LGTPN. Cependant, selon NIL/TU,O, précité, le financement fédéral ne change pas la nature provinciale des activités normales et habituelles d’une entité.

[110] Comme il en ressort clairement de NIL/TU,O, précité, des services ne relèvent pas de la réglementation fédérale simplement parce qu’ils sont destinés à des personnes autochtones, qu’ils sont financés par le gouvernement fédéral ou qu’ils sont adaptés à la culture. Dans Azad, 2022 CCRI LD 4668, le Conseil a jugé qu’il n’y avait pas d’entreprise fédérale dans l’administration d’un régime provincial d’enregistrement des titres fonciers, bien que certains intérêts à l’égard de terres autochtones puissent y être enregistrés.

[111] De l’avis du Conseil, l’enregistrement d’intérêts fonciers ou l’administration des terres ne comporte pas d’aspect particulièrement fédéral.

[112] Les activités normales et habituelles du Bureau des terres sont décrites dans le code foncier. Elles comprennent l’enregistrement des intérêts fonciers et des permis :

6.1 Le Bureau des terres des Tsleil-Waututh s’acquitte des fonctions et responsabilités qui lui sont déléguées ou confiées conformément à la présente partie ou à la législation des Tsleil-Waututh.

6.2 Sans limiter la généralité des fonctions et des responsabilités du Bureau des terres des Tsleil‑Waututh, celui-ci s’acquittera des tâches suivantes :

a) Administrer les terres des Tsleil-Waututh conformément à la présente partie et à la législation des Tsleil-Waututh;

b) Préparer les types d’instruments à utiliser pour enregistrer ou consigner des intérêts ou des permis visant les terres des Tsleil-Waututh lorsque le Bureau des terres des Tsleil-Waututh le juge nécessaire et souhaitable;

c) Préparer les types d’instruments à utiliser pour enregistrer ou consigner des actes qui ont ou sont censés avoir une incidence sur les terres des Tsleil-Waututh, lorsque le Bureau des terres des Tsleil-Waututh le juge nécessaire et souhaitable;

d) Recevoir les instruments que l’on souhaite enregistrer ou inscrire au registre des terres des Tsleil-Waututh;

e) Examiner les instruments pour en vérifier la conformité technique avec la présente partie, les lois des Tsleil-Waututh et d’autres lois ou politiques applicables;

f) Prendre des dispositions pour l’exécution des instruments et des documents connexes au nom des Tsleil-Waututh, du ministre et de Sa Majesté la Reine du chef du Canada;

g) Prendre des dispositions pour l’enregistrement ou la consignation des instruments dans le registre des Tsleil-Waututh;

h) Tenir à jour et protéger les dossiers relatifs aux terres des Tsleil-Waututh;

i) Préparer et présenter des rapports réguliers au conseil de bande;

j) S’acquitter des fonctions qui lui sont confiées par le conseil de bande, conformément au présent code foncier, aux lois des Tsleil-Waututh et à d’autres lois applicables.

(traduction)

[113] En fait, cela n’est pas différent des activités d’un bureau provincial chargé de l’enregistrement des titres fonciers en Colombie-Britannique, qui applique le système Torrens. Les intérêts qui peuvent être enregistrés sont différents – par exemple, il est possible d’enregistrer un domaine en fief simple dans le régime d’enregistrement de la Colombie-Britannique, mais il n’est pas possible de le faire dans le système du Bureau des terres. Conformément à la LGTPN, le registre fédéral est tenu pour l’enregistrement des intérêts relatifs aux terres de réserve. La présente affaire ne porte pas sur la nature des intérêts fonciers enregistrables.

[114] Si l’on fait abstraction du fait que les intérêts fonciers, tels que les certificats de possession, découlaient à l’origine de la Loi sur les Indiens et qu’ils découlent maintenant de la LGTPN et du code foncier, il y a, en substance, peu de différence conceptuelle entre un régime d’enregistrement des titres fonciers pour les terres de la TWN et un régime d’enregistrement des titres fonciers pour les terres hors réserve dans la province de la Colombie-Britannique.

[115] De l’avis du Conseil, la « gestion des terres » (traduction), la planification de l’utilisation des terres, l’enregistrement des intérêts fonciers ainsi que la perception et le versement des loyers sont des activités de nature locale. Elles touchent les membres de la communauté et les personnes qui sont parties, ou qui souhaitent le devenir, à des transactions foncières dans la communauté de la TWN. Le Conseil fait remarquer que l’Accord-cadre, la LGTPN et le code foncier sont tous des instruments ou des outils qui confèrent à la TWN le pouvoir de traiter les droits de ses membres et des personnes qui sont parties à des transactions foncières avec la TWN. L’intention de la LGTPN était de permettre aux Autochtones de contrôler leurs terres sans que le gouvernement fédéral ait à intervenir et sans qu’il soit nécessaire de recourir à la Loi sur les Indiens pour prendre des décisions concernant l’utilisation des terres.

[117] Cependant, compte tenu du courant jurisprudentiel établi par Francis et Picard, précités, le Conseil doit également se demander, dans le contexte du critère fonctionnel, si l’activité est assimilée à la gouvernance de la bande indienne ou de la Première Nation. En appliquant ce critère, le Conseil ne tient pas compte de la nature autochtone de l’activité, mais de son essence gouvernementale. S’il est possible de qualifier l’activité comme étant assimilée à la gouvernance, la présomption de compétence provinciale en matière de relations du travail aura été réfutée.

[118] Les activités menées par une Première Nation ne peuvent toutes être qualifiées d’activités de gouvernance. Il existe toute une gamme d’activités commerciales qui ne pourraient être assimilées à la gouvernance. Dans Waycobah First Nation, précitée, le Conseil s’est penché sur la pêche, qui est un exemple d’activité commerciale. Dans cette affaire, l’activité en question était exercée par la Première Nation, mais elle était assujettie à la réglementation et à la compétence provinciales.

[120] Contrairement aux autres employeurs du secteur privé régis par le Code, les gouvernements ont la possibilité de définir ce qui est et ce qui n’est pas essentiel à leur gouvernance. Cela n’a rien à voir avec l’« indianité » et a tout à voir avec la nature de la gouvernance. Cela peut se faire par le biais d’actes législatifs. Par exemple, dans le secteur public fédéral, le gouvernement du Canada a adopté la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP), dans laquelle les droits individuels et collectifs en matière d’emploi varient selon que le poste fait partie ou non de l’administration publique centrale. Les employés des sociétés d’État peuvent avoir des droits différents. Par exemple, une société d’État fédérale peut voir ses relations du travail assujetties au Code, plutôt qu’au régime établi au titre de la LEFP, pour les employés qui font partie de l’administration publique centrale.

[121] Dans Azad, précitée, le Conseil s’est penché sur la compétence à l’égard d’une entreprise qui fournissait des services à une société constituée par une loi, laquelle administrait un régime provincial d’enregistrement des titres fonciers. Par le passé, le régime provincial d’enregistrement des titres fonciers faisait partie de l’activité fondamentale du gouvernement provincial.

[122] Comme l’arbitre Dorsey l’a fait remarquer dans Sts’ailes Indian Band, précité, la notion d’activités des Premières Nations est élastique. Cependant, compte tenu de l’approche adoptée dans Picard, précité, le Conseil est tenu d’analyser cette élasticité dans le contexte des demandes présentées par les parties en vertu du Code.

[123] Le Conseil fait remarquer que le principal facteur qui distingue Windsor et McKay, précitées, de la présente affaire est que, en l’espèce et comme c’était également le cas dans Gitwangak, précitée, les activités sont menées par une structure administrative autonome (en l’occurrence, le Bureau des terres). Les fonctions gouvernementales ne découlent pas de la Loi sur les Indiens, mais du code foncier. Aucune théorie constitutionnelle ne soutient la compétence fédérale complète sur l’ensemble des activités exercées dans la réserve.

[124] Il n’est pas nécessaire d’aller au-delà du critère fonctionnel en l’espèce. La présomption de compétence provinciale sur l’emploi et les relations du travail au Bureau des terres n’a pas été réfutée.

[125] Le Conseil tient à revenir sur deux arguments avancés par le plaignant en ce qui concerne les traités et l’adoption du Code dans le manuel de politiques concernant le personnel de l’intimée.

3. L’absence de traité s’applique-t-elle d’une quelconque manière à la question de la compétence?

[127] Le Conseil est d’avis que l’absence de traité n’a aucune incidence sur l’évaluation de la question de savoir si une entité est une entreprise fédérale.

[128] Le Conseil fait remarquer que, dans de nombreuses régions du Canada, particulièrement en Colombie-Britannique, les relations entre le gouvernement fédéral et les Premières Nations ne font pas l’objet de traités.

[129] Dans McKay, précitée, une affaire de congédiement injuste dans laquelle l’employeur a soulevé une question constitutionnelle concernant une école exploitée directement par une Première Nation, le Conseil a eu l’occasion de se pencher sur la question du traité. Le Conseil s’est appuyé sur Canada (Procureur général) c. Northern Inter-Tribal Health Authority Inc., 2020 CAF 63, pour affirmer que les traités ne remplacent pas ou ne modifient pas le partage des pouvoirs législatifs exclusifs entre le Parlement et les assemblées législatives provinciales.

4. L’adoption du Code dans les politiques de l’intimée concernant le personnel

[131] Le manuel de politiques concernant le personnel adopte le Code comme instrument applicable aux relations d’emploi. De plus, la lettre d’embauche du plaignant fait référence à l’application du manuel de politiques concernant le personnel. Le plaignant soutient que les employés seraient très surpris d’apprendre que le Code ne s’applique plus à leurs relations d’emploi.

[132] En l’espèce, le Conseil n’analyse pas les activités de la TWN, mais bien celles du Bureau des terres.

[133] Le fait que la TWN puisse choisir d’utiliser les normes du Code dans ses relations d’emploi, et que le Bureau des terres ait choisi d’appliquer le Code de la même manière, ne peut toutefois conférer au Conseil la compétence constitutionnelle de déterminer si le plaignant a été injustement congédié.

[134] La question à trancher en l’espèce est de savoir si le Conseil a la compétence voulue pour appliquer les dispositions du Code relatives au congédiement injuste à cette relation d’emploi. L’adoption du Code par la TWN dans son manuel de politiques concernant le personnel est un indicateur que, tout au moins, lors de la création du manuel, la TWN percevait ou croyait que la législation fédérale s’appliquait à ses relations du travail ou y consentait.

[136] Un principe fondamental veut que les parties ne puissent conférer au Conseil la compétence de trancher des questions relatives aux relations d’emploi ou aux relations du travail.

[137] De plus, le fait qu’un employeur ait pu, dans le passé, considérer qu’il relevait de la compétence fédérale mais qu’il ait changé d’avis peut avoir suscité des attentes malheureuses chez les employés. Or, le principe de préclusion se rapportant à une pratique ou à une conduite antérieure ne s’applique pas lorsqu’il s’agit de déterminer si les relations d’emploi ou les relations du travail relèvent de la compétence fédérale.

[138] Bien que le plaignant ne puisse demander que son affaire soit jugée en vertu du Code, il n’est pas sans recours pour une allégation de congédiement injustifié.

V. Conclusion

[140] Par conséquent, il n’est pas nécessaire de traiter les autres questions que le Conseil décrivait dans la lettre qu’il a envoyée aux parties à la suite de la TGA du 11 mars 2022, qui concernent l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, l’application de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la question de savoir si le plaignant est exclu du recours contre le congédiement injuste parce qu’il occupait un poste de directeur, ou le bien-fondé de la plainte.

[141] La présente plainte de congédiement injuste est rejetée puisque le Conseil n’a pas compétence pour l’instruire. En conséquence, le dossier du Conseil est clos.

Traduction

 

____________________

Paul Love
Vice-président