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Paquette c. Quadraspec Inc., 2014 ONCS 2431 (CanLII)

Date :
2014-04-17
Numéro de dossier :
11-52867
Autre citation :
121 OR (3d) 765
Référence :
Paquette c. Quadraspec Inc., 2014 ONCS 2431 (CanLII), <https://canlii.ca/t/g6mzs>, consulté le 2024-04-26

RÉFÉRENCE : Paquette c. Quadraspec Inc., 2014 ONCS 2431

            NUMÉRO DE DOSSIER DU GREFFE : 11-52867

DATE : 2014/04/17

COUR SUPÉRIEURE DE JUSTICE

DE L’ONTARIO

ENTRE :

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ALAIN PAQUETTE

Demandeur/Requérant

– et –

QUADRASPEC INC.

Défenderesse/Intimée

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S. Margot Blight et Daniel Girlando, pour le demandeur/requérant

Sébastien Lorquet et Jocelyn Duquette, pour la défenderesse/intimée

 

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ENTENDU LE : 10 octobre 2013 à Ottawa

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

juge kane

 

MOTION

[1]               Le demandeur a présenté une motion en vertu de la Règle 21.01(1) des Règles de procédure civile, R.R.O. 1990, règ. 194, afin de soulever une question de droit.

[2]               Le demandeur demande une ordonnance de la Cour déclarant que la clause 12.4 du contrat d’emploi intervenu entre M. Paquette et Quadrespec Inc. en date du 17 décembre 1998 (le « Contrat ») relative au préavis de cessation d’emploi (« Clause 12.4 »), est nulle et sans effet puisqu’elle ne se conforme pas aux exigences minimales de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi,  L.O. 2000, chap. 41 (la « Loi »).

[3]               M. Paquette, était un employé de la défenderesse et de ses prédécesseurs depuis le 22 juillet 1983.  Le demandeur travaillait en Ontario depuis 1987 et la Loi s’appliquait à son emploi.

[4]               Le ou vers le 17 décembre 1998, les parties ratifient un nouveau contrat d’emploi.

[5]               Le 14 mars 2011, Quadraspec congédie M. Paquette sans préavis et sans cause juste et suffisant.

[6]               M. Paquette prétend qu’en vertu de la jurisprudence découlant de l’arrêt Machtinger c. HOJ Industries, 1992 CanLII 102 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 986, la Clause 12.4 du Contrat qui se rapporte au préavis de cessation d’emploi et à l’indemnité tenant lieu de préavis, est nulle et sans effet puisqu’elle ne se conforme pas aux exigences minimales de la Loi, notamment aux articles 60, 61 et 64.

[7]               Quadraspec prétend que la Clause 12.4 de cessation d’emploi contenue au Contrat d’emploi est valide et opposable au demandeur et en signant ce Contrat d’emploi, M. Paquette a renoncé à réclamer quelconque somme additionnelle pour préavis de cessation d’emploi en vertu de la common law.

LES FAITS

[8]               Quadraspec est une société dont le siège social est situé au Québec. Quadraspec se spécialise dans le placage, l’usinage, et la rectification de pièces d’équipement industriel. L’entreprise opère trois (3) usines au Québec et en Ontario, soit dans les villes de Montréal, Lively et Oakville.

[9]               M. Paquette, a été embauché par une autre société prédécesseur à Quadraspec le 22 juillet 1983.  Il a été continuellement à l’emploi de Quadrespec et de ses prédécesseurs depuis au moins le printemps 1987.

[10]           Le ou vers le 17 décembre 1998, M. Paquette ratifie le Contrat à titre de directeur général de l’entreprise Les Placages au chrome de I’Ontario inc., (« Placage inc.») à Oakville. Ce Contrat est en vigueur entre les parties aux moments pertinents de ce litige.

[11]           En 2009, Placages inc. sont fusionnés avec plusieurs autres compagnies. La compagnie issue de la fusion porte le nom de Quadraspec Inc.

LE CONTRAT

[12]           Le Contrat de 15 pages, est très détaillé, particulièrement les obligations de M. Paquette en faveur de Quadraspec au sujet de non-concurrence, confidentialité, non-sollicitation de la clientèle et les employés et les pénalités en cas de contraventions de ces obligations. Ces provisions de protection de Quadraspec occupent presque cinq pages de ce Contrat.

[13]           La rémunération prévue par la clause 5 du Contrat prévoyait :

(a)        une rémunération annuelle brute (salaire), de 80 000 $ en 1998,

(b)        une commission égale à 5% des profits annuels bruts de l’usine de Placage inc.,

(c)        une commission de 5% de la croissance de l’usine de Placage inc.

(d)        une somme forfaitaire égale à 2% du profit brut de l’usine de Placage inc. pour les frais de représentation de déplacement, de voyage, etc.

(e)        une allocation forfaitaire mensuelle de 1 041 $ (12 500 $ année) pour tous les dépenses et frais de transport.

[14]           Les Clauses 12.3 et 12.4 du Contrat prévoyaient une clause de cessation d’emploi qui se compose d’une page.

[15]           La Clause 12.4 établissant les droits et obligations des parties en cas de cessation d’emploi sans cause juste et suffisante limite les obligations de l’employeur.  La Clause 12.4 se lit comme suit:

12.4   L’Employeur peut mettre fin à l’emploi de l’employé pour tout autre motif moyennant un préavis écrit de deux (2) semaines par année complète de service, jusqu’à concurrence d’un maximum de six (6) mois.

 

Si l’Employeur omet de donner le préavis écrit ou s’il donne un préavis d’une durée insuffisante, il doit verser à l’employé une indemnité compensatrice équivalente au salaire de base de l’employé (excluant toute commission), pour une période égale à celle de la durée ou de la durée résiduaire de l’avis auquel l’employé avait droit. Cette indemnité, s’il y a lieu, sera versée à partir de la cessation d’emploi de semaine en semaine, jusqu’à ce que la période soit écoulée ou jusqu’à ce que l’employé ait retrouvé un emploi à son propre compte ou pour un autre Employeur, selon le premier des deux (2) évènements.

 

En contrepartie de ce qui est prévu à la présente disposition, l’employé renonce expressément à réclamer de l’Employeur, en cas de cessation d’emploi, quelqu’autre somme que ce soit à titre de dommages, d’indemnité tenant lieu de préavis ou à quelqu’autre titre que ce soit en raison de sa cessation d’emploi, exception faite du salaire, de l’indemnité de vacances et des autres bénéfices gagnés et non payés au moment de sa cessation d’emploi.

 

[16]           Clause 5.8 du Contrat est la provision au sujet de l’assurance collective :

5.8 L’Employé aura droit de souscrire au plan d’assurance collective de l’Employer ou du Groupe Quadraspec.

 

[17]           Au moment de la cessation, monsieur Paquette était couvert par les portions assurance- vie et invalidité de longue durée de cette assurance collective. 

[18]           Le 14 mars 2011, la défenderesse procède au congédiement de M. Paquette sans motifs valables.

[19]           Suite au congédiement de M. Paquette le 14 mars 2011, Quadraspec verse au demandeur une somme équivalente à six (6) mois de salaire de base, soit la somme de 48 244,06 $, tel que prévu au Contrat d’emploi et une somme équivalente à 3 100,39 $ pour les bonifications gagnées et non payées au moment de la cessation d’emploi. 

INDEMNITÉ DE CESSATION D’EMPLOI – L’ARTICLE 64 DE LA LOI

[20]           Au cours des années 2009 et 2010, la masse salariale de tous les employés de la demanderesse en Ontario s’élevait respectivement à 1 241 456 $ et 1 231 818 $.

[21]           Au cours des années 2009 et 2010, la masse salariale de tous les employés de la demanderesse, incluant les employés offrant leur prestation de travail au Québec, s’élevait respectivement à 3 122 296 $ et 2 709 470 $.

[22]           Le produit  par 13 du total des salaires versés aux employés dont le travail se rapportait aux opérations ontariennes de la demanderesse au cours de la période de quatre semaines s’étant terminées le 12 mars 2011, soit la dernière période de paie de la demanderesse avant le congédiement du demandeur, était de 1 515 492 $.

[23]           Le produit par 13 du total des salaires versés à tous les employés de la demanderesse, incluant les employés offrant leur prestation de travail au Québec, au cours de la période de quatre semaines s’étant terminée le 12 mars 2011, soit la dernière période de paie de la demanderesse avant le licenciement du demandeur, était de 3 176 040 $.

CLAUSE 12.4 DU CONTRAT ET ARTICLES 60 AND 61 DE LA LOI

[24]           L’article 5 de la Loi se lit comme suit :

5. (1) Sous réserve du paragraphe (2), aucun employeur ou mandataire d’un employeur ni aucun employé ou mandataire d’un employé ne doit se soustraire contractuellement à une norme d’emploi ni y renoncer. Tout acte de ce genre est nul.

 

[25]           Lorsqu’une clause d’un contrat de travail ne rencontre pas les exigences minimales de la Loi en violation de son article 5(1), cette clause contractuelle est nulle et sans effet : Machtinger c. HOJ Industries Ltd., 1992 CanLII 102 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 986, p. 1000; MacDonald c. ADGA Systems International Ltd. (1999), CCEL (2d) 5, 1999 CanLII 3044 (ON CA); et Shore c. Ladner Downs, 1998 CanLII 5755 (BC CA), 1998 CanLll 5755, 160 D.L.R. (4th) 76 (BC CA). 

[26]           Lorsqu’une clause du contrat ne respecte pas les exigences minimales de la Loi touchant le préavis, la présomption de la common law relative au préavis raisonnable n’aura pas été détruite: Machtinger, supra à 999-1000.

[27]           La définition de “salaire” dans l’article 1(1) de la Loi oblige l’employeur a payée l’employée les commissions prévues dans le Contrat.

[28]           «Salaire» s’entend de ce qui suit :

a) la rémunération en espèces payable par un employeur à un employé aux termes d’un contrat de travail, oral ou écrit, exprès ou implicite;

b) tout paiement qu’un employeur doit verser à un employé en application de la présente loi;

 

 

g) sous réserve des paragraphes 60 (3) et 62 (2), les cotisations de l’employeur à un régime d’avantages sociaux et les versements auxquels un employé a droit en vertu d’un tel régime. («wages»)

 

[29]           La clause de cessation d’emploi limite l’indemnité compensatrice au salaire brut, à l’exception des commissions.

[30]           Les articles 60(1)(c) et 61(1)(b) de la Loi, oblige Quadraspec de maintenir les avantages sociaux dont jouit l’employé prévus par les régimes d’avantages sociaux applicables à M. Paquette, jusqu’à la fin du délai de préavis.

Exigences à respecter pendant le délai de préavis

 

60. (1) Pendant le délai de préavis prévu à l’article 57 ou 58, l’employeur fait ce qui suit :

 

c) il continue de verser les cotisations prévues par des régimes d’avantages sociaux qui sont nécessaires afin de maintenir les avantages dont jouit l’employé dans le cadre de ceux-ci jusqu’à la fin du délai de préavis.

 

Indemnité tenant lieu de préavis

 

61. (1) L’employeur peut licencier l’employé sans préavis ou avec un préavis moindre que celui qu’exige l’article 57 ou 58 si :

 

a) d’une part, il lui verse, sous forme de somme forfaitaire, une indemnité de licenciement égale à la somme à laquelle il aurait eu droit en application de l’article 60 si un préavis avait été donné conformément à cet article;

 

b) d’autre part, il continue de verser les cotisations prévues par des régimes d’avantages sociaux qui seront nécessaires afin de maintenir les avantages dont aurait joui l’employé s’il avait continué d’être employé pendant la période de préavis à laquelle il aurait par ailleurs eu droit.

 

[31]           L’article 61(1) de la Loi prévoit qu’un employeur continue de verser les cotisations prévues par des régimes d’avantages sociaux jusqu’à la fin du délai de préavis. Or, la clause de cessation d’emploi exclut le paiement de tels versements et prévoit uniquement le paiement de bénéfices gagnés et non payés au moment de la cessation d’emploi.

[32]           Une portion pertinente de la Clause 12.4 du Contrat se lit comme suit:

En contrepartie de ce qui est prévu à la présente disposition, l’employé renonce expressément à réclamer de l’Employeur, en cas de cessation d’emploi, quelqu’autre somme que ce soit à titre de dommages, d’indemnité tenant lieu de préavis ou à quelqu’autre titre que ce soit en raison de sa cessation d’emploi, exception faite du salaire, de l’indemnité de vacances et des autres bénéfices gagnés et non payés au moment de sa cessation d’emploi.  Je souligne. 

 

[33]           Dans leur mémoire, Quadraspec (para. 72) admet que  « … la clause de cessation d’emploi ne prévoie pas expressément le maintien des avantages sociaux pendant la période de préavis… »  Quadraspec invoque toutefois de la jurisprudence à l'appui des principes que :

(a)               l’employeur à l’obligation légale concernant ce type d’avantages sociaux même lorsque le contrat est muet à cet égard;

(b)               les avantages sociaux représentent les avantages accumulés en date de la cessation d’emploi et sont donc exécutables par l’employé.

[34]           Dans la rédaction de la Clause 12.4 du Contrat au sujet du régime d’avantages sociaux, Quadraspec avait au moins les trois possibilités suivantes :

(a)               Demeurer muet au sujet des avantages sociaux et n’y faire aucune référence. Dans la rédaction de la Clause 12.4, Quadraspec a choisi de mentionner ces avantages.

(b)               Indiquer que Quadraspec maintiendrait les avantages auxquels l’employé aurait droit en date de la cessation d’emploi jusqu’à la fin de la période de préavis précitée. Ce libellé est conforme aux exigences prévues dans les articles 60 et 61 de la Loi. Quadraspec a choisi de ne pas employer un tel libellé. 

(c)               Créer une exception précise à la renonciation et à l’interdiction de réclamations futures par l’employé, notamment pour salaire, vacances et avantages sociaux accumulés, mais ensuite limiter cette exception à « et non payés au moment de sa cessation d’emploi ».  Quadraspec a choisi ce libellé intentionnellement.  

[35]           La défenderesse s’appuie sur une volumineuse jurisprudence qui invoque le silence quant aux avantages sociaux, à savoir : Roden c. The Toronto Humane Society, 2005 CanLII 33578 (ON CA), 2005 CarswellOnt 4479, 259 D.L.R. (4th) 89 (C.A.), MacDonald c. ADGA Systems International Ltd., supra, et King c. Weber Manufacturing Technology Inc., 2008 CanLII 53124 (ON SC), 2008 CarswellOnt 6017, 70 C.C.E.L. (3d) 30 (C.S.J.). Ces tribunaux n’ont pas eu à trancher sur la question que j’ai devant moi.   

[36]           Wright c. Young and Rubicam Group of Companies (Wunderman), 2011 ONSC 4720 et Stevens c. Sifton Properties Ltd, 2012 ONSC 5508 se penchent plus précisément sur la question à trancher en l’espèce. Dans ces affaires, les clauses dans les contrats de travail ne font pas référence aux avantages sociaux et ne les mentionnent pas.

[37]           La clause de cessation d’emploi dans l’arrêt Wright stipule au paragraphe 4 :

The employment of the Employee may be terminated by the Employee at any time on 2 weeks prior written notice … upon payment in lieu of notice, including severance pay as follows:

 

a) …

 

b) within two years of commencement of employment – four (4) weeks Base Salary;

 

c) after two and up to three years after commencement of employment – six (6) weeks’ Base Salary; …

 

This payment will be inclusive of all notice statutory, contractual and other entitlements to compensation and statutory severance and termination pay you have in respect of the termination of your employment and no other severance, separation pay or other payments shall be made.

 

[38]           Dans l’arrêt Wright, précité, le juge Low a conclu :

The fact that the defendant continued benefits for the statutory notice period under the Act does not change the meaning of the language in the agreement stipulating that the payments under the termination provisions are to be inclusive of “all … entitlements to compensation”. The agreement provides for payment of base salary only. Payment of base salary, if treated as inclusive of all entitlements to compensation, means that there will be no other compensation flowing to the employee – in short, no benefits.  

 

In my view, the clause excludes benefits and is therefore in violation of s. 5(1) and s. 61(l)(b) of the Act. Paras. 16-17. 

 

[39]           La clause de cessation dans l’arrêt Stevens stipule au paragraphe 4 :

13 (b) The Corporation may terminate your employment without cause at any time by providing you with notice or payment in lieu of notice, and/or severance pay, in accordance with the Employment Standards Act of Ontario.

 

13 (c) You agree to accept the notice or payment in lieu of notice and/or severance pay referenced in paragraph 13(b) herein, in satisfaction of all claims and demands against the Corporation which may arise out of statute or common law with respect to the termination of your employment with the Corporation.

[40]           Le juge Leach a précisé : Paragraph 13  “may not refer to benefits expressly, but they do address benefits implicitly and inevitably insofar as they purport to set forth an exhaustive summary what the plaintiff was to receive in satisfaction of all claims and demands against the [employer] which may arise out of statute or common law with respect to the termination of [her] employment. The plaintiff has rights to benefit continuation arising « out of statute … with respect to termination of [her] employment”, and paragraph 13, on its face, purports to take those away upon mere payment of the required pay in lieu of notice and/or severance pay. …. paragraph 13 of the employment contract is unenforceable …” paras. 59 and 68.

[41]           Quadraspec ne peut pas à la fois rédiger un contrat de travail détaillé sur quinze (15) pages en l’espèce et ensuite obtenir gain de cause dans sa demande que le tribunal infère des termes qui sont absents ou ignore la terminologie dans le libellé existant du contrat. Dans les conditions contractuelles qu’elle a rédigées, Quadraspec a :

a)      créé un obstacle total à toute réclamation au-delà du paiement du salaire de base pour une période de vingt-six (26) semaines;

b)      créé une exception à cette interdiction pour le salaire, les vacances et les avantages sociaux accumulés;

c)      et ensuite, limité cette exception aux montants non payés au moment de la cessation d’emploi.

[42]           L’obligation des articles 60 et 61 de la Loi à « continuer de verser les cotisations prévues par des régimes d’avantages sociaux qui sont nécessaires afin de maintenir les avantages dont jouit l’employé dans le cadre de ceux-ci jusqu’à la fin du délai de préavis » contredit carrément la disposition précitée qui limite l’obligation de l’employeur aux obligations non payées en date de la cessation.

[43]           Les provisions des articles 57 à 61 de la Loi ne sont pas complexes. Il est déraisonnable que les employés congédiés doivent continuer à plaider au sujet de leur signification. Compte tenu d’une entente de travail détaillé sur quinze (15) pages, Quadraspec comprenait l’obligation en vertu des articles 60 et 61 au sujet du régime d’avantages sociaux et a tenté de limiter ses coûts pour les licenciements non motivés.

[44]           À titre subsidiaire, en cas d’ambiguïté, cet alinéa de la Clause 12.4 doit être interprété comme étant une tentative de se soustraire à ou de limiter l’obligation continue de maintenir les avantages sociaux collectifs existants pendant le délai de préavis de six (6) mois qui suit le licenciement, selon l’application de la règle d’interprétation contra preferendum. Il s’agit de la position que Quadraspec impose à ses employés, pour ensuite les laisser retenir les services d’un avocat afin de réfuter l’interprétation de l’employeur devant les tribunaux. Les tribunaux ne devraient pas assister les employeurs à une telle fin. 

[45]           Comme la clause 12.4 contrevient aux dispositions 60(1)c) et 61 (1), elle est nulle et sans effet.

CLAUSE 12.4 ET L’ARTICLE 64 DE LA LOI

[46]           La prochaine question de substance est si l’ajout des mots « en Ontario » par la Loi, ou par implication, doit être lu dans l’article 64 de la Loi.  La réponse à cette question est importante aux parties. Les salaires collectifs au moment pertinent, payés par Quadraspec à leurs employées :

(a)               au Québec et en Ontario, sont plus haut de 2 500 000 $. Dans cette circonstance, Quadraspec est responsable de payé l’indemnité de cessation d’emploi prévu par l’article 64 de la Loi

(b)               en Ontario seulement sont moins que 2 500 000 $. Avec cette interprétation, Quadraspec n’est pas obligé de payer l’indemnité de cessation d’emploi prévu par l’article 64.

[47]           Les portions pertinentes de cet article sont les suivantes:

64. (1) L’employeur qui met fin à l’emploi de l’employé lui verse une indemnité de cessation d’emploi s’il l’a employé pendant cinq ans ou plus et, selon le cas :

 

a) que la cessation d’emploi résulte de l’interruption permanente de tout ou partie de l’entreprise qu’il exploite à un établissement et que l’employé fait partie d’un groupe de 50 employés ou plus dont il est mis fin à l’emploi au cours d’une période de six mois en raison de cette interruption;

 

b) que sa masse salariale est d’au moins 2,5 millions de dollars.

 

Masse salariale

 

(2) Pour l’application du paragraphe (1), l’employeur est considéré comme ayant une masse salariale d’au moins 2,5 millions de dollars si, selon le cas :

 

a) le produit par 13 du total des salaires qu’ont gagnés tous ses employés au cours de la période de quatre semaines qui s’est terminée le dernier jour de la dernière période de paie complète précédant le jour où il a été mis fin à l’emploi de l’employé correspond à au moins 2,5 millions de dollars;

 

b) le total des salaires qu’ont gagnés tous ses employés au cours de son dernier ou de son avant-dernier exercice précédant le jour où il a été mis fin à l’emploi de l’employé s’élève à au moins 2,5 millions de dollars. 2000, chap. 41, par. 64 (2); 2001, chap. 9, annexe I, par. 1 (16).

 

Emplacement réputé un établissement

 

(4) Un emplacement est réputé un établissement pour l’application du paragraphe (1) si les conditions suivantes sont réunies :

 

a) il y a une interruption permanente de l’ensemble ou d’une partie des activités de l’employeur à l’emplacement;

 

b) l’emplacement fait partie d’un établissement qui comprend deux emplacements ou plus;

 

c) l’employeur met fin à l’emploi de 50 employés ou plus au cours d’une période de six mois en raison de l’interruption.

 

[48]           En vertu de la jurisprudence, Quadraspec prétend que la législature ontarienne voulait que l’article 64 soit interprété de la manière suivante :

64. (1) L’employeur qui met fin à l’emploi de l’employé lui verse une indemnité de cessation d’emploi s’il l’a employé pendant cinq ans ou plus et, selon le cas :

 

a) que la cessation d’emploi résulte de l’interruption permanente de tout ou partie de l’entreprise qu’il exploite à un établissement et que l’employé fait partie d’un groupe de 50 employés ou plus dont il est mis fin à l’emploi au cours d’une période de six mois en raison de cette interruption;

 

b) que sa masse salariale est d’au moins 2,5 millions de dollars en Ontario.

 

Masse salariale

 

(2) Pour l’application du paragraphe (1), l’employeur est considéré comme ayant une masse salariale en Ontario d’au moins 2,5 millions de dollars si, selon le cas:

 

a) le produit par 13 du total des salaires qu’ont gagnés tous ses employés en Ontario au cours de la période de quatre semaines qui s’est terminée le dernier jour de la dernière période de paie complète précédant le jour où il a été mis fin à l’emploi de l’employé correspond à au moins 2,5 millions de dollars;

 

b) le total des salaires qu’ont gagnés tous ses employés en Ontario au cours de son dernier ou de son avant-dernier exercice précédant le jour où il a été mis fin à l’emploi de l’employé s’élève à au moins 2,5 millions de dollars.

 

[49]           L’obligation des employeurs de verser une indemnité de départ en Ontario date de 1981, mais elle était limitée au licenciement collectif de cinquante (50) employés et plus dans le cas d’une interruption permanente de toutes ou partie des activités de l’employeur (Loi modifiant la Loi sur les normes d’emploi, 1981, S.O. 1981, c. 22).

[50]           En 1987, Ontario a élargi cette obligation visant l’indemnité de départ et le droit aux cessations d’emploi individuels aux cas où la masse salariale de l’employeur s’élevait à au moins 2,5  millions de dollars (Loi modifiant la Loi sur les normes d’emploi, 1981, S.O. 1981, c. 22).

[51]           En introduisant cet élargissement, le ministre du Travail  a déclaré à la législature que, selon l’alinéa 64(1)b), cette mesure excluait les employeurs moins importants de l’obligation financière de verser une indemnité de départ. La mesure choisie était le volume de la masse salariale de l’employeur.

[52]           En modifiant la mesure en  1987, le ministre du Travail Wrye, ne limite pas la mesure de la masse salariale aux salaires versés uniquement en Ontario et il a précisé :

Severance pay recognizes that, over a period of years, a worker develops employer-specific skills, substantial seniority and associated benefits. When a long-serving employee loses his or her job, those employer-specific skills become redundant and those associated benefits are lost. Severance pay is compensation for those losses. That is why, effective today, under this legislation, any individual worker with five years' employment at an enterprise which has an annual payroll of at least $2. 5 million would be eligible for severance pay in cases of termination or lengthy layoff.

 

En élargissant la définition du mot employeur à un groupe de corporations affiliées ayant une feuille de paie annuelle de 2,5 millions de dollars, cette loi assurera le versement d'indemnités de cessation d'emploi à un plus grand nombre de personnels. Cette caractéristique du projet de loi et les améliorations apportées à la Loi sur les Normes d'Emploi prouvent que notre gouvernement reconnaît la dignité et la valeur des hommes et des femmes travaillant dans notre province

The legislation would ensure protection for workers who are employed at a company that is part of a larger enterprise. For instance, if a worker was employed at a company with a payroll of only $2 million, the worker would be eligible for severance pay if the payroll of that company and related companies, combined, was at least $2.5 million.

...

Any employer who fears that the measures in this bill would cause financial hardship may apply for permission to meet severance pay obligations by instalment over a three-year period. Each case will be reviewed on its merits.  (Ontario, Legislative Assembly, Official Report of Debates (Hansard) No. L027 (25 June 1987) Hon. Bill Wrye)

 

[53]           La défenderesse fait valoir que dans le calcul du total des salaires combinés des employés, seuls les salaires versés aux employés en Ontario devraient être pris en compte. Certes, la restriction supplémentaire au seuil monétaire ou à la mesure prévue à l’alinéa 64(1)b), à savoir la restriction de la mesure aux salaires versés en Ontario, aurait pu facilement être incluse au libellé de l’article, si telle était l’intention.

[54]           Le critère additionnel de restriction « Ontario »  n’est pas seulement absent de l’alinéa 64(1)b), il est également absent du libellé des alinéas 64(2)a) et b), lesquels le contredisent carrément.

[55]           Le paragraphe 64(2) contient la définition de ce que l’on considère comme étant une masse salariale de 2,5 millions de dollars, à savoir : « du total des salaires qu’on gagnés tous ses employés », et en Anglais : “the total wages earned by all of the employer’s employees”. Le libellé des alinéas 64(2) a) et b) contredit carrément l’interprétation selon laquelle seuls les salaires versés aux employés ontariens sont pris en compte lors du calcul du volume de salaire suffisant pour entraîner l’obligation de verser l’indemnité de départ.  

[56]           L’analyse d’autres textes législatifs imposant des obligations aux employeurs en fonction de leur masse salariale démontre que, lorsque l’intention du législateur est d’inclure uniquement la masse salariale ontarienne de l’employeur aux fins du calcul, il l’exprime de façon claire et explicite. L’article 1(4) de la Loi sur l’équité salariale spécifie clairement que la mention dans cette loi du nombre d’employés de l’employeur « est réputée une mention du nombre moyen d’employés de l’employeur en Ontario ». Loi sur l’équité salariale, LRO 1990, c p 7.

[57]           De plus, l’article 13(8) de la Loi sur l’équité salariale définie « masse salariale » comme suit : « S’entend de la totalité des salaires et traitements payables aux employés de l’employeur en Ontario».

[58]           Le texte des articles 64(1)(b) et 64(2) de la Loi est clair. II n’y a aucune raison d’interpréter ces dispositions de façon a en restreindre le champ d’application en y ajoutant les mots « en Ontario ». Si telle avait été l’intention du législateur, il faut présumer qu’il l’aurait exprimé de façon claire et explicite comme il l’a fait dans le cadre de la Loi sur l’équité salariale.

[59]           Dans l’arrêt Tullett et Tokyo Forex (Canada) Ltd. c. Singer (1998), 46 C.C.E.L. (2d) 160, [1998] O.J. No. 2248, Cour divisionnaire, l’employée a travaillé quatre ans pour une compagnie américaine, Tullett US. Il a été transféré en Ontario ou il a travaillé deux ans pour la compagnie Tullett Canada, qui est une compagnie associée à la compagnie parentale Tullett US. La Cour divisionnaire a exprimé la question en dispute comme suit : “If the total service were treated as being employment with Tullett Canada, then Singer would have been entitled to severance pay pursuant to s. 58(2)(b).”

[60]           La Cour divisionnaire a déterminé que :  “Section 2(2) is directed to Ontario based employment : (a) specifically referred to the employment being for work to be performed in Ontario; and (b) only contemplates a situation where the work may be both in and out of Ontario provided the work out of Ontario is a continuation of the work in Ontario. … It would seem that the Adjudicator leapt over this hurdle without appreciating that it was a foundation element of the case. This omission is in our view fatal and presents patent unreasonableness in her conclusion.”

[61]           L’article 2(2) de la Loi est maintenant l’article 3(3).

Personnes visées par la Loi

3. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (5), les normes d’emploi énoncées dans la présente loi s’appliquent à l’employé et à son employeur si, selon le cas :

a) le travail de l’employé doit être exécuté en Ontario;

b) le travail de l’employé doit être exécuté en Ontario et à l’extérieur de la province et que le travail exécuté à l’extérieur de la province est une prolongation du travail exécuté en Ontario.

 

[62]           La question dans le cas présent est complètement différente.

[63]           L’arrêt de Tullett est la fondation de l’arrêt de la Commission des relations de Northland. Dans l’arrêt Sheet Metal Workers’ International Assn, Local 597 c. Northland Superior Supply Co Ltd., la Commission des relations de travail de l’Ontario établit que seule la masse salariale relative aux opérations ontariennes d’un employeur doit être incluse aux fins de Particule 64(l)(b) de la Loi, car la province de l ’Ontario n’aurait pas l’autorité législative pour légiférer en matière de masse salariale dans d’autres provinces. Sheet Metal Workers’ International Assn., Local 397 c. Northland Superior Supply Co. Ltd, 2004 CanLII 9137 (ON LRB) par. 15.

[64]           La Commission dans cet arrêt dit: “The Ontario legislature has no authority to legislate concerning the payrolls of other provinces. It has legislative authority with respect to business operating in Ontario. It is the payroll of an employer’s operation in Ontario which is relevant for the purposes of the Act payroll of an employer’s operation in Ontario which is relevant for the purposes of the Act. … The Board’s jurisdiction is with respect to Ontario only.”

[65]           Le tribunal convient que la compétence de la Commission est limitée à l’Ontario. Cela ne traite pas, cependant, de la question visée à l’article 64.

[66]           L’article 64 ne prévoit aucunement que la législature ontarienne régisse les « masses salariales des autres provinces ». La législature possède la compétence à légiférer en matière des affaires des employeurs qui mènent des activités en Ontario et y engagent des personnes. Les exigences imposées aux employeurs par et dans les autres juridictions ne font pas l’objet ni la visée de l’article 64.

[67]           La législature ontarienne détient le pouvoir législatif pour adopter la mesure qui sera utilisée dans l’application d’une loi en Ontario, plus précisément, quels employeurs ontariens ont l’obligation de verser une indemnité de départ. L’application est prévue à l’article 64 selon la taille de l’employeur et de ses effectifs ou de sa masse salariale. La mesure et l’applicabilité de l’obligation sont établies selon le « total des salaires gagnés par tous les employés de l’employeur ». Le libellé de la Loi est clair. La mesure correspond aux salaires versés par l’employeur et à l’intérieur et à l’extérieur de l’Ontario. Il n’y aucune justification légale ou compétence pour interpréter ces articles de sorte à insérer des restrictions qui ne se trouvent pas dans la Loi.  

[68]           Dans son interprétation et sa conclusion dans l’arrêt Altman c. Steve’s Music Store Inc. 2011 ONSC 1480, [2011] O.J. No. 1136, paragraphes 32 à 36, en ce qui a trait à l’article 64 de la Loi, le tribunal se fonde explicitement sur les arrêts Tullett, précité, et Northland, précité, et ne fait aucune analyse de la question. En toute déférence, je ne souscris pas à cette conclusion, compte tenu de l’analyse mentionnée précédemment.

CONCLUSION

[69]           Pour les raisons ci-dessus mentionnées :

(a)               La Clause 12.4 du Contrat est nulle et sans effet;

(b)               Quadraspec demeure tenue de verser une indemnité de départ à monsieur Paquette.

DÉPENS

[70]           Le demandeur aura 20 jours pour soumettre ses représentations au sujet des dépens. La défenderesse doit répondre avec ses représentations dans les 20 jours suivants les conclusions du demandeur.

 

 

 


Juge Kane

 

Publiés le : 17 avril 2014


 

RÉFÉRENCE : Paquette c. Quadraspec Inc., 2014 ONCS 2431

 

COUR SUPÉRIEURE DE JUSTICE

DE L’ONTARIO

ENTRE :

ALAIN PAQUETTE

Demandeur/Requérant

– et –

QUADRASPEC INC.

Défenderesse/Intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Juge Kane

 

Publiés le : 17 avril 2014