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Brick Warehouse c. Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2021 QCCA 957 (CanLII)

Date :
2021-06-09
Numéro de dossier :
200-09-009984-193; 200-09-009985-190; 200-09-009983-195
Autre citation :
AZ-51772192
Référence :
Brick Warehouse c. Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2021 QCCA 957 (CanLII), <https://canlii.ca/t/jgckf>, consulté le 2024-05-02

Brick Warehouse c. Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail

2021 QCCA 957

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

200-09-009983-195, 200-09-009984-193, 200-09-009985-190,
200-09-009986-198, 500-09-028200-194, 500-09-028215-192,
500-09-028216-190, 500-09-028217-198, 500-09-028218-196,
500-09-028219-194, 500-09-028220-192, 500-09-028221-190,
500-09-028222-198, 500-09-028223-196, 500-09-028224-194

 

(200-22-081611-170, 200-22-081610-172, 400-22-009620-176,
415-22-007469-178, 450-22-013280-178, 500-22-240656-176,
550-22-018007-177, 500-22-240658-172, 505-22-026253-171,
405-22-005016-170, 700-22-038038-179, 700-22-038037-171,
540-22-025775-171, 500-22-240657-174, 500-22-240659-170)

 

DATE :

9 juin 2021

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

JULIE DUTIL, J.C.A.

JACQUES J. LEVESQUE, J.C.A.

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

THE BRICK WAREHOUSE LP

APPELANTE – défenderesse

c.

 

COMMISSION DES NORMES, DE L’ÉQUITÉ, DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

INTIMÉE – demanderesse

 

 

ARRÊT

 

 

[1]         L'appelante a obtenu la permission de se pourvoir contre 15 jugements du 15  février 2019 prononcés par le juge Daniel Dortélus, de la Cour du Québec, Chambre civile. Les dossiers provenaient de 10 districts judiciaires distincts, mais ont été joints pour l'audition. Le juge a accueilli les 15 demandes introductives d'instance de l'intimée en réclamation de salaires et de congés annuels impayés, totalisant 32 759,04 $,  et rejeté la réclamation pour faire condamner l'appelante à payer une pénalité équivalant à 20 % de ce montant.

[2]         Pour les motifs de la juge Dutil, auxquels souscrivent les juges Levesque et Mainville, LA COUR :

[3]         REJETTE l'appel, avec les frais de justice.

 

 

 

 

 

JULIE DUTIL, J.C.A.

 

 

 

 

 

JACQUES J. LEVESQUE, J.C.A.

 

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

Me Patrick Glaude

Me Frédéric Desmarais

Norton Rose Fulbright Canada

Pour l’appelante

 

Me Manon Lafrance

Me Jessica Laforest

Pineault Avocats CNESST

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

13 mai 2021



 

 

 

MOTIFS DE LA JUGE DUTIL

 

 

[4]         Un employeur peut-il récupérer sur des commissions futures le salaire minimum versé à un employé pour une période de paie? Voilà la principale question posée par ce pourvoi.

[5]         Le juge de première instance a accueilli les 15 demandes introductives d’instances en réclamation de salaires et de congés annuels impayés déposées par l’intimée, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (« CNESST ») pour le compte de salariés dans 10 districts judiciaires différents. Il a toutefois rejeté la réclamation de la CNESST d’imposer à l’appelante, The Brick Warehouse LP (« Brick »), une pénalité équivalant à 20 % de la somme réclamée[1].

[6]         Brick a obtenu l’autorisation de se pourvoir[2].

LES FAITS

[7]         Les faits ne sont pas contestés. Il est utile d’en faire un court résumé.

[8]         Brick est un détaillant de meubles, de matelas ainsi que d’appareils ménagers et électroniques. En février 2019, elle comptait 270 conseillers aux ventes au Québec. Tous les salariés visés par les réclamations salariales faites par la CNESST sont des conseillers rémunérés uniquement à la commission sur la base du volume des ventes effectuées. Ils ne reçoivent aucun salaire de base. Brick fait des versements complémentaires afin de garantir qu’ils obtiennent, pour chaque période de paie, une rémunération équivalant au salaire minimum en vigueur pour chaque heure travaillée lorsque le montant des commissions générées est inférieur à la norme minimale édictée dans la Loi sur les normes du travail (« L.n.t. »)[3]. Jusqu’en 2015, Brick ne récupérait pas ces versements complémentaires.

[9]         Le ou vers le 5 août 2015, Brick modifie son programme concernant le paiement des commissions dans tous ses magasins. Elle ajoute un mécanisme de soustraction des versements complémentaires qui entre en vigueur un mois plus tard. Une période d’exemption de 90 jours est toutefois accordée aux conseillers en vente, de sorte qu’il ne produit ses effets qu’à compter du 6 décembre 2015. Le texte de cette modification est ainsi rédigé :

À partir de maintenant, si un conseiller en ventes reçoit des versements complémentaires pour atteindre le salaire minimum, le montant complémentaire versé à l'employé sera récupéré lors de la ou des prochaines périodes de paie. Si vous gagnez des commissions en plus du salaire minimum lors des périodes de paie suivantes, cela servira à payer le solde des versements complémentaires (Top Up) jusqu'à ce que tout le montant soit remboursé. Les versements complémentaires (Top Up) ne seront déduits que des commissions gagnées et aucun solde dû ne sera déduit des congés payés ou de toute autre indemnité de départ.[4]

[Soulignements ajoutés]

[10]      À partir de décembre 2015, pour chaque période de paie, les conseillers en vente reçoivent en tout temps un salaire au moins égal au salaire minimum. Si le montant des commissions est inférieur au salaire minimum, des versements complémentaires seront faits par Brick. En vertu de ce nouveau programme, elle pourra toutefois les récupérer lors des périodes de paie subséquentes, lorsque les commissions gagnées seront supérieures au salaire minimum.

[11]      Ce nouveau programme n’a pas fait l’objet de négociations entre Brick et ses employés. Par ailleurs, aucun n’a signé d’autorisation permettant à Brick de déduire ces sommes.

[12]      La CNESST a reçu de nombreuses plaintes des salariés de Brick. Elle a ouvert une enquête sur tous ses établissements au Québec. Le 27 juillet 2017, elle a déposé les 15 demandes introductives d’instances ayant fait l’objet de 15 jugements en première instance. Il y a eu jonction d’instances et les dossiers ont tous été entendus dans le district de Montréal.

[13]      Le juge de première instance a rendu un jugement principal dans le dossier 500‑22-240658-172, dont les motifs s’appliquaient aux 14 autres dossiers.

LE JUGEMENT PRINCIPAL DE PREMIÈRE INSTANCE

[14]      Le juge était saisi de deux demandes : une réclamation pour salaires et congés annuels impayés totalisant une somme de 32 759,04 $ pour l’ensemble des recours et une réclamation à titre d’indemnité de 20 % sur ce montant suivant l’article 114 de la L.n.t. [5].

[15]      En vertu des principes établis par la jurisprudence, le juge indique que le paiement d’une commission est une forme de rémunération ou salaire au sens de la L.n.t. Il note qu’il n’est pas contesté que les conseillers en vente de Brick sont des salariés couverts par la L.n.t.

[16]      Le juge souligne que Brick ne peut déroger indirectement à son obligation de payer le salaire minimum aux salariés et ces derniers ne peuvent y renoncer en vertu de l’article 93 L.n.t. Brick a l’obligation de faire un versement complémentaire si les commissions sont insuffisantes pour une période de paie et ne permettent pas que le salarié reçoive le salaire minimum. Pour le juge, les versements complémentaires reçus ne constituent pas une dette du salarié envers Brick et cette dernière ne peut donc pas se rembourser subséquemment pour une dette inexistante[6].

[17]      Selon le juge, le nouveau programme de versements complémentaires contient une clause abusive et contraire à l’ordre public puisqu’elle place les salariés dans une situation de facto de renonciation à un droit, lequel est une protection d’ordre public en vertu de la L.n.t.[7].

[18]      Il ajoute que la clause viole l’article 46 de la Charte des droits et libertés de la personne[8] (« Charte ») au motif que la récupération des versements complémentaires par Brick place les salariés dans une situation où « durant la période de paie couverte par ce versement, ils sont contraints de travailler pour un salaire en dessous du salaire minimum, ce qui ne peut pas être considéré comme étant des conditions justes et raisonnables »[9].

[19]      Le juge est par ailleurs d’avis que la clause litigieuse est abusive au sens de l’article 1437 C.c.Q., car elle « désavantage les conseillers en vente d'une manière déraisonnable, [en permettant] à Brick de contourner une obligation essentielle en matière de condition de travail, garantie par la LNT et la Charte »[10].

[20]      Le juge conclut que la clause du programme de versements complémentaires établissant le mécanisme de soustraction est nulle. Il accueille donc la réclamation pour salaires et congés annuels impayés, et ce, pour l’ensemble des dossiers. Pour cette raison, le juge ne se prononce pas sur la question de la compensation légale[11].

[21]      La mauvaise foi n’ayant pas été prouvée dans ce dossier, il rejette toutefois la demande d’indemnité équivalant à 20 % de la réclamation  (art. 114 al. 1 L.n.t.)[12].

LES QUESTIONS EN LITIGES

[22]      Brick soulève trois questions en litige :

1)   Le juge a-t-il erré en statuant que le mécanisme de soustraction contrevient à la L.n.t.?

2)   Le juge a-t-il erré en statuant que le mécanisme de soustraction contrevient à l’article 46 de la Charte?

3)   Le juge a-t-il erré en statuant que le mécanisme de soustraction contrevient à l’article 1437 C.c.Q.?

L’ANALYSE

Le juge a-t-il erré en statuant que le mécanisme de soustraction contrevient à la L.n.t.?

[23]      Brick plaide que le juge a erré en droit en déterminant que le mécanisme de soustraction instauré en 2015 contrevient à la L.n.t. En tout temps, les conseillers en vente ont reçu paiement du salaire minimum pour chaque période de paie. Les versements complémentaires ont été soustraits des commissions futures au cours d’une ou plusieurs périodes de paie subséquentes, mais uniquement lorsque celles-ci excédaient alors le salaire minimum. Selon Brick, les normes minimales prévues aux articles 40 et 43 de la L.n.t. ont été respectées.

[24]      La première erreur du juge serait d’avoir considéré qu’elle se faisait  « rembourser pour une dette ou une créance qui n’existe pas[13] ». Brick soutient que le montant versé pour atteindre le salaire minimum intègre le patrimoine des salariés et n’en sort pas puisque le mécanisme de soustraction s’effectue dans le futur et avant que le solde des commissions excédant le salaire minimum ne soit versé aux conseillers. Elle ne se rembourse pas pour les versements complémentaires effectués, mais procède plutôt à une opération de soustraction des commissions payables aux conseillers en vente lorsqu’elles excèdent, pour les périodes de paie subséquentes, le salaire minimum auquel ils ont droit.

[25]      Brick ajoute que le juge commet également une erreur en déterminant que la soustraction des versements complémentaires « donne ouverture à une pratique abusive et contraire à l’ordre public, dans la mesure où il place les salariés dans une situation de facto de renonciation à un droit, soit une protection de la LNT qui est d’ordre public »[14]

[26]      Selon Brick, le mécanisme de soustraction qu’elle utilise respecte les normes de la L.n.t. et ne peut être déclaré invalide. Il se situe au-delà du champ d’application de la L.n.t. et relève plutôt de la liberté contractuelle des parties et/ou de son droit de gérance et de direction, sous réserve de toute règle de droit impérative.

[27]      À mon avis, les arguments de Brick ne peuvent être retenus. Le juge n’a pas commis d’erreur révisable en déterminant que le mécanisme de soustraction prévu dans le document d’août 2015 est nul parce que contraire aux dispositions d’ordre public de la L.n.t.

[28]      Les salariés au Québec bénéficient d’un cadre législatif impératif qui vise à leur assurer une protection minimale. Comme le soulignait la Cour suprême sous la plume du juge LeBel dans l’arrêt SFPQ c. Québec (Procureur général) :  

[7] La L.n.t. contient des normes minimales auxquelles les parties à une relation de travail ne peuvent déroger. Elle assure une protection minimale aux salariés. Elle fut adoptée en 1979 afin d’améliorer leur protection, laquelle était insuffisante jusqu’à ce moment. Les lois du travail, dont la Loi sur le salaire minimum[15], avaient alors un caractère exclusivement économique et « ne permettaient pas l’établissement de conditions de travail justes en raison du déséquilibre fonctionnel inhérent à la relation salarié employeur (F. Morin, J.-Y. Brière et D. Roux, Le droit de l’emploi au Québec (3e éd. 2006), p.52). »[16]

[29]      Le travail est un aspect essentiel de la vie d’une personne[17] et la L.n.t  vise à remédier au déséquilibre existant entre les parties. Les salariés qui travaillent dans le commerce de détail ont d’ailleurs été reconnus par la Cour suprême comme particulièrement vulnérables puisqu’ils ont peu de chances de résister aux pressions exercées par un employeur[18]. Vu son objectif, la L.n.t. doit recevoir une interprétation large et libérale[19].

[30]      L’article 40 de la L.n.t. établit qu’un salarié a droit de recevoir un salaire au moins équivalent au salaire minimum :

40. Le gouvernement fixe par règlement le salaire minimum payable à un salarié.

 

Un salarié a droit de recevoir un salaire au moins équivalent à ce salaire minimum.

40. The minimum wage payable to an employee shall be determined by regulation of the Government.

 

An employee is entitled to be paid a wage that is at least equivalent to the minimum wage.

 

[31]      Le salaire horaire minimum est établi à l’article 3 du Règlement[20].

[32]      Certaines exceptions au paiement du salaire minimum sont énoncées à l’article 2 du Règlement. Entre autres, il est prévu que le salarié entièrement rémunéré à commission, dont l’activité est commerciale, exercée en dehors de l’établissement et dont les heures sont incontrôlables, n’est pas visé par les dispositions de la L.n.t. sur le salaire minimum. Les parties reconnaissent que ce n’est pas le cas en l’espèce, car l’activité commerciale a lieu dans l’établissement et les heures de travail sont contrôlées par Brick.

[33]      Quant au moment où doit être versé le salaire, c’est l’article 43 de la L.n.t. qui établit des intervalles réguliers ne dépassant pas 16 jours.

43. Le salaire doit être payé à intervalles réguliers ne pouvant dépasser 16 jours, ou un mois dans le cas des cadres ou des travailleurs visés dans les sous-paragraphes i, ii et iii du paragraphe 10° de l’article 1. […]

Malgré le premier alinéa, l’employeur peut payer un salarié dans le mois qui suit son entrée en fonction.

[34]      Cette disposition est importante et permet de s’assurer que le salarié reçoit bien le salaire minimum pour une période fixée. L’employeur ne peut déterminer lui-même qu’il a rempli son obligation de verser le salaire minimum sur la base d’un calcul mensuel, annuel ou autre. Le législateur a prévu que la période de paie ne pouvait pas dépasser 16 jours et que le salaire minimum doit être versé pour chacune d’elle.

[35]      La semaine normale de travail est quant à elle établie à 40 heures, tel qu’édicté par l’article 52 de la L.n.t. :

52. Aux fins du calcul des heures supplémentaires, la semaine normale de travail est de 40 heures, sauf dans les cas où elle est fixée par règlement du gouvernement.

[36]      Au-delà de ce nombre d’heures de travail hebdomadaire, une autre norme d’ordre public trouve application : chaque heure travaillée en surplus de la semaine normale de travail entraînera une majoration de 50 % du salaire horaire habituel[21].

[37]      Le taux horaire d’un salarié lors d’une semaine normale de travail, et pour une période de paie pouvant aller jusqu’à 16  jours, ne peut donc jamais être inférieur au salaire minimum et un employeur doit s’assurer de le lui verser pour chacune d’elle.

[38]      La position de Brick selon laquelle elle est dans son droit de déduire des périodes de paie suivantes les montants complémentaires versés lors d’une période de paie antérieure ne peut être retenue. Le mécanisme de soustraction contrevient à la loi. Peu importe la méthode utilisée, Brick ne peut récupérer le salaire minimum payé à un salarié pour une période de paie donnée. En effet, ce faisant, elle crée une dette équivalant au montant versé à son employé, lequel a pour but de lui assurer un salaire minimum. Or, Brick a l’obligation de faire ces versements complémentaires et elle ne peut, sans contrevenir à une norme d’ordre public, faire indirectement ce que la loi ne permet pas de faire directement, soit payer moins que le salaire minimum pour une période de paie, en récupérant plus tard les sommes versées[22].

[39]      Par ailleurs, l’argument de Brick selon lequel le versement complémentaire reçu par le conseiller aux ventes ne quitte jamais son patrimoine ne lui est d’aucune utilité pour justifier la légalité de son mécanisme de soustraction. Tel que mentionné, le résultat de cette opération est que le paiement d’un montant servant à atteindre le salaire minimum devient une dette envers Brick. En outre, lors d’une période subséquente de paie, un montant dûment gagné par son employé n’est pas versé et n’entre jamais dans son patrimoine. Or, le salaire minimum étant une norme minimale d’ordre public à laquelle un salarié ne peut renoncer[23], Brick ne peut agir de la sorte. Je partage donc l’avis du juge de première instance lorsqu’il s’exprime ainsi :

[59]      En recevant ce montant, le salarié ne contracte pas une dette envers Brick, car il ne fait que bénéficier d’une protection que la LNT lui accorde.

[60]      Dans l’ouvrage Les normes du travail, l’auteure Nathalie-Anne Béliveau, traite de la nature d’ordre public de la LNT en ces termes:

            […]

            Le salarié ne peut donc négocier avec son employeur un contrat de travail qui comporterait des conditions de travail inférieures aux normes édictées par la Loi. Une telle entente serait nulle de nullité absolue et ne pouvant se soustraire à l'application de dispositions d'ordre public, le salarié pourra réclamer le bénéfice de la Loi. Elles ont préséance sur les dispositions de tout contrat de travail y dérogeant, celles-ci étant nulles de plein droit. Ainsi, à titre d'exemple, le salarié ne sera pas admis, nonobstant les termes du contrat de travail par lequel il est lié, à renoncer à l'indemnité de congé annuel, à l'indemnité afférente aux jours fériés ou encore à l'indemnité tenant lieu d'avis de cessation d'emploi à laquelle il a droit. Le salarié ne peut, bien entendu, être contraint de faire valoir ses droits, à cet égard, mais s'il le fait, sa renonciation ne pourra lui être opposée, (p. 399).

[61]      Le Tribunal partage l’opinion de cette auteure, car en effet Brick ne peut pas déroger par contrat ou autrement à la LNT. Ainsi lorsqu’elle récupère sur des commissions futures, le montant payé aux salariés, conseillers en vente, afin de combler l’écart et atteindre le salaire minimum durant une période de paie donnée, Brick se fait rembourser pour une dette ou une créance qui n’existe pas.

[40]      Le mécanisme de soustraction de Brick est donc nul car il enfreint une norme minimale de travail d’ordre public.

[41]      Il n’est pas nécessaire que je me prononce sur les arguments des parties portant sur la compensation puisqu’aucune dette n’est née à la suite des versements complémentaires faits par Brick, la méthode de soustraction étant illégale. Il en est de même pour les deux autres questions en litige portant sur l’article 46 de la Charte et l’article 1437  C.c.Q. qui n’avaient d’ailleurs pas été plaidées en première instance. C’est le juge qui a traité de celles-ci de son propre chef et elles ne sont pas utiles pour trancher le pourvoi.

[42]      Pour ces motifs, je propose de rejeter les appels avec les frais de justice.

 

 

 

JULIE DUTIL, J.C.A.

 



[1]    Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail c. Brick Warehouse, 2019 QCCQ 806 [jugement principal].

[2]    Brick Warehouse c. Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2019 QCCA 763 (Vauclair, j.c.a)

[3]    Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1.

[4]    Pièce D-1, Changement au programme de versements complémentaires (Top-Up) pour le Québec, 5  août 2015.

[5]    Jugement principal, paragr. 27.

[6]    Jugement principal, paragr. 56 à 59.

[7]    Jugement principal, paragr. 63.

[9]    Jugement principal, paragr. 64.

[10]    Jugement principal, paragr. 65.

[11]    Jugement principal, paragr. 69-70.

[12]    Jugement principal, paragr. 71-73.

[13]    Jugement principal, paragr. 61.

[14]    Jugement principal, paragr. 63.

[16]    SFPQ c. Québec (Procureur général), 2010 CSC 28 (CanLII), [2010] 2 R.C.S. 61, paragr. 7.

[17]    Wallace c. United Grain Growers Ltd., [1997] 3 R.C.S. 701, 1997 CanLII 332, paragr. 93, également cité dans : Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313, 1987 CanLII 88, p. 368.

[18]    R. c. Edwards Books and Art Ltd., [1986] 2 R.C.S. 713, 1986 CanLII 12, paragr. 128 et 132.

[19]    Québec (Commission des normes du travail c. Asphalte Desjardins inc., 2014 CSC 51 (CanLII), [2014] 2 R.C.S. 514, paragr. 36.

[20]    Règlement sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1, r. 3.

 

[21]    Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1, art. 55.

[23]    Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1, art. 93.