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Bernier c. R., 2023 QCCA 526 (CanLII)

Date :
2023-04-21
Numéro de dossier :
500-10-007973-231; 500-10-007937-228
Référence :
Bernier c. R., 2023 QCCA 526 (CanLII), <https://canlii.ca/t/jwtl8>, consulté le 2024-04-28

Bernier c. R.

2023 QCCA 526

COUR D'APPEL

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

MONTRÉAL

 

No :

500-10-007937-228, 500-10-007973-231

      (450-01-119609-209) (450-01-119609-209) (450-01-119611-205)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

 

DATE : Le 21 avril 2023

 

L’HONORABLE CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A.

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

Alex Bernier

 

PRÉSENT ET NON REPRÉSENTÉ
Par visioconférence

 

 

PARTIE INTIMÉE

AVOCATE

 

SA MAJESTÉ LE ROI

 

Me FRÉDÉRIQUE LE COLLETTER

(Directeur des poursuites criminelles et pénales)

 

 

DESCRIPTION :

500-10-007937-228

Requête en prolongation du délai d'appel pour en appeler des verdicts de culpabilité (Article 678 (2) du Code criminel).

 

 

500-10-007973-231

Requête en prolongation du délai d’appel pour en appeler des sentences infligées (Article 678 (2) du Code criminel).

Requête en autorisation d’appel de la sentence rendue le 4 août 2021 par l’honorable Maurice Galarneau de la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, district de Saint-François (Article 675 (1)b) du Code criminel).

 

Greffière-audiencière : Ariane Simard-Trudel

Salle : RC-18

 

AUDITION

 

 

Continuation de l'audience du 20 avril 2023. Les parties ont été dispensées d’être présentes à la Cour.

PAR LA JUGE : Jugement – Voir page 3.

Fin de l’audience.

 

 

 

 

Ariane Simard-Trudel, Greffière-audiencière

 


 

JUGEMENT

[1]         Je suis saisie de deux requêtes en prolongation du délai d’appel, l’une se rapportant aux verdicts de culpabilité et l’autre ayant trait aux peines infligées selon l’article 678(2) C.cr., ainsi que d’une requête pour permission d’appeler de la peine.

***

[2]         Le 10 juin 2021, le requérant est déclaré coupable des accusations suivantes :

         Dossier 450-01-119609-209 :  Chef no 1 : d’avoir omis, sans excuse raisonnable d’arrêter son véhicule à moteur alors qu’il était poursuivi par un agent de la paix (art. 320.17 C.cr.); Chef no 3 : d’avoir conduit un véhicule en ayant un taux d’alcoolémie supérieure à la limite légale (art. 320.14 (1) b) et 230.19 f); Chef no 4 : recel d’un camion d’une valeur dépassant 5.000$ (art. 354 (1) et 355 a) C.cr.);

         Dossier 450-01-119611-205 : Chef no 1 : d’avoir conduit un véhicule à moteur pendant une interdiction (art. 320.18 et 320.10 C.cr.);

         Dossier 450-01-119612-203 : Chef no 1 : d’avoir brisé une condition suite à une ordonnance de la Cour (art. 733.1 C.cr.);

[3]         Le juge prononce un arrêt des procédures dans le dossier 450-01-119609-209 sur le Chef no 2 : d’avoir conduit un véhicule à moteur alors que sa capacité de conduire était affaiblie par l’effet de l’alcool (art. 320.14 C.cr.) et un acquittement eu égard au Chef n5 : d’avoir résisté à son arrestation (art. 129 a) d) C.cr.);

[4]         Le 4 août 2021, le requérant est condamné à purger les peines suivantes :

         Dossier 450-01-119609-209 : Chef no 1 : 14 mois; Chefs no 3 : 14 mois concurremment, mais consécutifs au Chef no 1.

         Dossier 450-01-119611-205 : Chef no 1 : 14 mois consécutifs;

         Dossier 450-01-119612-203 : Chef no 1 : 2 mois concurrents;

[5]         Le tout pour un total de 42 mois, duquel il fut retranché 13 mois et 9 jours, laissant une période d’incarcération restante de 28 mois et 21 jours, consécutifs à toute autre peine. De plus, une interdiction de conduire pour une période de 10 ans fut également prononcée.

[6]         Environ 18 mois après chacun des jugements portant sur la culpabilité et la peine, le requérant dépose ses requêtes en prorogation du délai d’appel. Le ministère public s’y oppose.

[7]         Afin d’espérer obtenir une telle prorogation, le requérant doit établir qu’il avait l’intention de faire appel dans le délai prescrit, qu’il entend soulever un motif d’appel soutenable et qu’il a fait preuve de diligence raisonnable dans l’exercice de son droit d’appel : R. c. Lamontagne, 1994 CanLII 6295 (QCCA).

Le jugement d’instance

[8]         Le juge de première instance résume l’ensemble des faits de l’affaire, notamment les éléments de preuve de la poursuite et ceux de l’accusé, incluant les témoignages de certaines personnes, dont un ami maintenant décédé, le père et la grand-mère de ce dernier. Il souligne à juste titre qu’étant donné qu’« il s’agit d’une question de d’appréciation de la preuve et de crédibilité » il doit suivre les étapes énoncées par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. W(D).

[9]         Ayant énoncé ces principes, il explique pourquoi il ne croit pas l’accusé et la version donnée par la défense, notamment parce que les témoins sont peu fiables et surtout que leurs versions des faits comportent de nombreuses contradictions entre elles et la preuve présentée. « Compte tenu de l’ensemble des contradictions entre les témoignages et la preuve présentée par les policiers, le Tribunal considère que la preuve concernant le cellulaire ainsi que la version présentée par les témoins sont illogiques, irrationnelles et ne tiennent pas la route ».

[10]      La version de l’accusé selon laquelle son ami conduisait le véhicule au moment des faits ayant été écartée, le juge conclut qu’il était en possession d’un véhicule avec une plaque factice, un numéro de série masqué et des certificats d’immatriculation qui ne sont pas à son nom. Le tribunal se dit convaincu qu’il a fui les policiers parce qu’il lui était interdit de conduire, qu’il était en bris de condition et en possession d’un véhicule volé alors qu’il avait les facultés affaiblies par l’alcool. Le tribunal conclut que le ministère public a satisfait à son fardeau de démonstration et que l’accusé était le conducteur du véhicule en l’espèce.

Requêtes en prolongation du délai d’appel : culpabilité et peine

[11]      Dans l’avis d’appel d’une déclaration de culpabilité joint à sa requête, le requérant énonce plusieurs motifs d’appel ainsi libellés :

6.1      Le Juge de première instance a erré en droit en faisant défaut d’évaluer l’ensemble de la preuve globalement; R. v. Keepness, 2010 SKCA 76 (CanLII), [2010] S.J. No 326, par. 18 (C.A.); r. C. Morin, 1988 CanLII 8 (CSC), [1988] A.C.S. No 80, [1988] 2 R.C.S. 345;

6.2      Le juge de première instance a erré en droit en déclarant coupable le REQUÉRANT-accusé relativement à la conduite d’un véhicule moteur et d’avoir fuît des agents de la Paix le 18 octobre 2020, puisque l’INTIMÉ-poursuivant ne s’était point déchargé de son fardeau en droit; R. c. Shepherd, 2009 CSC 35 (CanLII), [2009] A.C.S. No 35, [2009] 2 R.C.S. 527;

6.3      Le juge de première instance a erré en droit en regard du caractère déraisonnable des verdicts ayants conclus à la culpabilité du REQUÉRANT-accusé alors qu’il ne pouvait s’appuyer sur la preuve;

6.4      Le juge de première instance a erré en droit en rejettent l’admission Antem Mortem du témoin Moïse Martel corroboré par plusieurs témoins sans antécédents judiciaires, alors qu’il avait admis avoir conduit le véhicule automobile le soir du 18 octobre 2020;

6.5      Le juge de première instance a erré en droit en ne considérant pas des éléments de preuves significatifs et favorables au REQUÉRANT-accusé qui démontraient sa non culpabilité, en préférant avoir une vision tunnel en regard des antécédents Judiciaires du REQUÉRANT-accusé pour miner sa crédibilité;

6.6      Le juge de première instance a erré en droit en concluant en l’absence d’une preuve hors de tout doute raisonnable à la culpabilité du REQUÉRANT-accusé, d’avoir omis, sans excuse raisonnable, d’arrêter son véhicule moteur dès que les circonstances le permettaient, alors qu’il remettait en question la version policière « d’avoir résisté à son arrestation » et/ce malgré que l’INTIMÉ-poursuivant ne s’était pas déchargée de son fardeau en ce sens.

[Transcription textuelle, gras dans l’original]

[12]      Le ministère public base principalement sa contestation sur l’absence de sérieux des moyens d’appel présentés et le manque de diligence dans l’exercice de son droit d’appel étant donné le délai de plusieurs mois écoulé entre le prononcé du verdict et le dépôt de la présente requête.

[13]      À l’audience, le requérant invoque maintenant l’existence d’une nouvelle preuve qu’il désire présenter, soit une vidéo des évènements ou d’une partie de ceux-ci, captée par la Ville de Sherbrooke.  

[14]      Au soutien de sa requête pour permission d’appeler de la peine, le requérant soumet que le juge a erré dans l’harmonisation des peines infligées notamment en n’ayant « pas tenu compte du fait qu’[il] était autochtone suivant l’article 718.2 C.cr. », en lui imposant une peine globale non indiquée en regard de la fourchette des sentences et des facteurs de réinsertions sociales et en ne lui permettant pas de faire entendre ses témoins lors des représentations sur sentence.

[15]      La transcription des représentations sur la peine et de son prononcé, déposée dans le dossier par le requérant est incomplète et ne laisse pas entrevoir que celui-ci ait soulevé devant le juge la réelle prise en considération de son statut d’autochtone, ni la demande de confection d’un rapport de type Gladue[1].

[16]      Au moment du prononcé de la peine, après les représentations, le requérant aurait émis les commentaires suivants : « C’est quoi concernant les autochtones? (…) Okay. Parce que moi, on est Abenakis ». À l’audience devant la soussignée toutefois, il maintient avoir demandé à « être jugé en tant qu’autochtone » au juge d’instance, ainsi qu’avoir demandé la confection d’un rapport de type Gladue à son avocat, mais sans résultat.

[17]      Le même constat doit être tiré en ce qui concerne le fait que l’un de ses témoins n’aurait pu être entendu lors de ses représentations sur la peine, malgré une demande de sa part. À cet égard, la transcription déposée est muette et il est impossible de savoir si cette demande avait été effectivement faite au juge avant qu’il ne prononce sa décision.

[18]      L’appelant se représentait seul lors des représentations sur la peine.

[19]      En janvier 2023, le présent dossier a été reporté en date du 20 avril 2023 devant la soussignée pour permettre au requérant de retenir les services d’un avocat afin de l’assister dans le cadre des présentes demandes, mais sans succès.

[20]      En l’espèce, et considérant l’ensemble du dossier et les représentations de l’appelant, j’estime que l’intérêt de la justice commande d’accueillir les requêtes, et ce, malgré l’importance du délai écoulé. Le requérant invoque avoir toujours eu l’intention de faire appel, mais qu’il a été dans l’impossibilité d’agir plus tôt, étant incarcéré. Pour des motifs d’ordres économiques, il a eu de la difficulté à obtenir les notes sténographiques et à trouver un avocat acceptant de le représenter.

[21]      Quant aux motifs d’appel, et bien que je ne me prononce pas sur leur bien-fondé, j’estime qu’ils ne sont pas voués à l’échec, même s’ils semblent peu convaincants à première vue.

[22]      Le requérant a soulevé son statut d’autochtone devant le juge d’instance, même si ce n’est que succinctement. Le juge ne s’y est pas attardé et n’y a pas référé, alors que la situation de l’appelant en tant qu’autochtone aurait pu faire l’objet d’éléments pertinents[2]. La Cour suprême enseigne que le juge prononçant la peine, « dans tous les cas [devra] prendre connaissance d’office des facteurs systémiques ou historiques et de la conception de la peine pertinents dans le cas des délinquants autochtones.[3] »

[23]      Je suis ainsi d’avis que l’appel soulève des enjeux qui pourraient nécessiter un examen par cette Cour et qu’il y a ainsi lieu d’accorder la requête en prolongation du délai d’appel du jugement portant sur la culpabilité et sur la peine et de déférer à la formation qui entendra l’appel, la requête pour permission d’appeler de la peine. Il est clair toutefois que l’appelant devra entreprendre les démarches appropriées pour, le cas échéant, obtenir la confection d’un rapport Gladue, ainsi que présenter une preuve nouvelle s’il le juge à propos.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[24]      ACCUEILLE la requête en prolongation du délai d’appel des verdicts de culpabilité;

[25]      AUTORISE le dépôt de l’avis d’appel daté du 1er décembre 2022;

[26]      ACCUEILLE la requête en prolongation du délai d’appel du jugement portant sur la peine et PROROGE les délais pour porter en appel le jugement portant sur la peine prononcé le 4 août 2021 par le juge Maurice Galarneau;

[27]      DÉFÈRE la requête pour permission d’appeler de la peine à la formation qui entendra l’appel sur la culpabilité;

[28]      ORDONNE que les deux appels procèdent en vertu des délais prévus aux Règles de la Cour d’appel du Québec en matière criminelle (R.C.a.Q.m.cr.).

 

 

 

 

CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A.

 

 

 

 



[1]    R. c. Gladue, 1999 CanLII 679 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 688.

[2]    Id., paragr. 83, 84 et 93 (7).

[3]    Id., paragr. 83; Aullaluk c. R. 2022 QCCA 1081, paragr. 34.