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Psychoéducateurs (Ordre professionnel des) c. Gaudefroy, 2016 CanLII 15502 (QC CDPPQ)

Date :
2016-03-11
Numéro de dossier :
46-14-002
Autre citation :
AZ-51266467
Référence :
Psychoéducateurs (Ordre professionnel des) c. Gaudefroy, 2016 CanLII 15502 (QC CDPPQ), <https://canlii.ca/t/gp0pz>, consulté le 2024-05-07

 

 
CONSEIL DE DISCIPLINE

Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE TROIS-RIVIÈRES

 

N° :

46-14-002

 

DATE :

11 mars 2016

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me CHANTAL PERREAULT

Présidente

RENÉ GRENIER, psychoéducateur

Membre

DIANE MÉTAYER, psychoéducatrice

Membre

______________________________________________________________________

 

JEAN-FRANÇOIS GAUTHIER, psychoéducateur, en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec

Partie plaignante

c.

MARTIN GAUDEFROY, psychoéducateur

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

S’AUTORISANT DES DISPOSITIONS DU DEUXIÈME ALINÉA DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE A PRONONCÉ LE 13 OCTOBRE 2015 UNE ORDONNANCE DE NON‑PUBLICATION, NON-DIVULGATION ET DE NON-DIFFUSION DES NOMS DES PERSONNES PORTANT LES INITIALES A.A. ET A.P. MENTIONNÉS DANS LA PLAINTE ET DE TOUT DOCUMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER, AU MOTIF D’ASSURER LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE ET LA RÉPUTATION DE CES DEUX PERSONNES.

 

INTRODUCTION

[1]           Liberté d’expression, vie privée, devoir de ne pas dévaloriser l’image de la profession, juridiction du conseil limité au libellé de la plainte, fardeau de preuve sur l’entrave, dénigrement ou intimidation de demandeurs d’enquête, voici les principaux enjeux de ce dossier.

[2]           L’intimé a suivi une cure de désintoxication à la Maison Carignan et a eu, dans ce contexte, à rencontrer A.A. et A.P., membres du personnel cadre de la Maison. Ces personnes seraient visées par les allégations de l’intimé quant à une prétendue mauvaise gestion de la Maison Carignan.  La plainte vise le fait que l’intimé a utilisé sa page Facebook pour reprocher à ces deux personnes d’avoir fait une demande d’enquête contre lui.

[3]           Il n’est pas contesté que M. Gaudefroy était bien inscrit au Tableau de l’Ordre aux moments pertinents des reproches faits sous les chefs 1 et 2 du présent dossier.

AVANT-PROPOS SUR LE CHANGEMENT DE PRÉSIDENCE ET D’UN MEMBRE DU CONSEIL

[4]           La plainte a été déposée le 14 novembre 2014.

[5]           Une première audition est tenue le 10 juillet 2015 devant le Conseil de discipline composé de Me Pierre Linteau comme président, M. René Grenier, ps.éd. membre et Mme Lucille David, ps.éd. membre.

[6]           Mme Lucille David, ayant enseigné à l’intimé, préfère se récuser et Me Linteau annonce qu’il préfère que l’audition se tienne à trois membres.

[7]           L’audition est donc refixée au 13 octobre 2015. Entretemps, pour des raisons de santé, le président n’est plus en mesure de continuer le dossier.

[8]           Me Marie-Josée Corriveau, Présidente du Bureau des présidents de conseils de discipline nomme comme nouvelle présidente Me Chantal Perreault.

[9]           L’Ordre désigne un nouveau membre en la personne de Mme Diane Métayer, ps.éd.

 

CONTEXTE

[10]        Lors de l’audition du 13 octobre 2015, le syndic adjoint est présent et représenté par Me Sylvain Généreux. L’intimé est présent et non représenté.

[11]        Le syndic a demandé la permission d’amender le chef 2 de la plainte pour y ajouter l’article 114 du Code des professions comme disposition additionnelle de rattachement. L’intimé ne conteste pas la demande et l’amendement a donc été permis.

[12]        Les reproches formulés à la plainte amendée sont ainsi libellés :

1.   Le ou vers le 25 juillet 2014, à Trois-Rivières,  il a écrit sur sa page Facebook un message dans lequel il reprochait à A. P. d’avoir formulé une demande d’enquête auprès du syndic de l’Ordre à son sujet;

En agissant ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions des articles 4, 42, 48 et 54 du Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices ou, à défaut d’application de ces articles, il a posé un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession ou à la discipline des membres de l’Ordre aux termes de l’article 59.2 du Code des professions;

2.   Le ou vers le 18 août 2014, à Trois-Rivières, il a écrit sur sa page Facebook un message dans lequel il reprochait à A. A. d’avoir formulé une demande d’enquête auprès du syndic de l’Ordre à son sujet;

En agissant ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions des articles 4, 42, 48 et 54 du Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices et à l’article 114 du Code des professions ou, à défaut d’application de ces articles, il a posé un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession ou à la discipline des membres de l’Ordre aux termes de l’article 59.2 du Code des professions.

                                                                                [Notre emphase]

[13]        Le syndic a mis en preuve les pièces P-3 et P-4 qui sont des publications par l’intimé, M. Gaudefroy, sur sa page Facebook les 25 juillet 2014 et 18 août 2014 au soutien des reproches sous les chefs 1 et 2.

[14]        Le Conseil croit utile de reproduire le contenu de ces pièces.

[15]        La pièce P-3, qui est une capture d’écran du 25 juillet 2014 de la page Facebook de M. Gaudefroy, permet de lire ce qui suit :

Martin Gaudefroy : DEUX JOURS PASSÉS, LA SOUPE ÉTAIT CHAUDE,…(A.P.) a voulu m’inviter à me taire, à me faire fermer la geule…j’ai dit non…tu vas payer mon (P),,,il m’a écrit sur Facebook vous avez les preuves…c’est son e-mail pour me demander de me fermer la geule et m’acheter….comme il se fait acheter par le gros Hébert…et tous le C.A...pensez vous que (A.P.) c’ès mon ami…pourquoi il me demande un demande d’ami…lollllllllllllllllllllllllllll ya voulu m’acheter en plus…Il me demande de pas en parler…fuck you…j’ai mes amis ici. MERCI AUX GENS DEPUIS JANVIER JE TRAVAIL SUR LE DOSSIER ET CEUX QUI ME CONNAISSENT ONT TOUJOURS CRUS…MERCI, MERCI VOICI LES PREUVES QUE (A.P.) voulait m’acheter…comme il a fait avec plusieurs d’entre vous les amis….VICTOIRE VICTOIRE ET VICTOIRE…..OSTI QUE JE VOUS AIME LES AMIS….YESSSSSSSSSSS

 

Martin Gaudefroy : voici les preuves les amis qui me connaissent…je suis arrivé à le faire craqué yessssss Il souhaite m’invité et me faire fermer la geule…FUCK HIM mes amis…merci à vous tous d’avoir cru en moi…osti que je vous aimes…ceci est mon cell et son message me demandant de me fermer et me taire…il a même porter plainte à la police contre moi, à mon ordre contre moi les polices sont venus chez moi mais ya rien car on peut s’exprimer et c’est un osti de pourri se sale…il ose m’inviter le 23 juillet à 2041 c’est son message j’ai validé aujourd’hui la validité de ce mOuessage LES AMIS SVP JAI BESOIN DE VOTRE SOUTIEN JUSTE UN PETIT MESSAGE ICI SVP……APRÈS DES MOIS DE BATAILLE POUR MOI, POUR VOUS, MAIS SURTOUT POUR TOUS LES FUTURS RÉSIDENTS C,EST NOTRE MISSION DE REDONNER….MERCI MES AMIS…JE VOUS AIMES ET VICTOIRE À NOUS TOUS :)))) JE ME SUIS BATTU SEUL ET AVEC CERTAINS D,ENRES VOUS…AUJOUD’HUI, NOUS Y SOMMES POUR LE FUTUR ET POUR MOI….MERCI MERCI MERCI ET MERCI À TOUS………………..FUCK (A.P.)

                                                                          [Nos soulignements]

[16]        La pièce P-4 est une autre capture d’écran du 18 août 2014 du journal Facebook de l’intimé sur laquelle on peut y lire :

« Martin Gaudefroy PIS TOÉ (A.A AAAA ») TON TOUT S’EN VIENT QUAND JE VAIS SAVOIR TOUIS LES MÉDICAMENT QUE TU PRENDS CETTE SEMAINE PETITE CRISSE DE NIAAUSEUSE….TU AS TEL À MON ORDRE…TU VAS ASSUMER MA CDHIENNE »

[17]        Le syndic adjoint soumet que le contenu de la publication P-3 fait référence au fait que : «  il (A.P.) a même porté plainte à la police contre moi, à mon Ordre contre moi… »

[18]        Le syndic invoque au surplus que la bannière de gauche sur sa page Facebook fait référence dans la section ABOUT à ce qui suit : « studied Psychoeducation at UQO/ Université du Québec en Outaouais » tel que l’illustre la pièce P-5. Parlant de son « Ordre » et de ses études en psychoéducation, l’intimé s’identifie donc, selon le syndic, comme un psychoéducateur dans ses publications sur Facebook.

[19]        Le syndic souligne également que les captures d’écran saisies et transmises par A.A. au syndic étaient accessibles à toute personne du public. La preuve étant qu’A.A. n’est pas une amie Facebook de l’intimé et qu’elle y a eu accès, démontrant ainsi qu’elles n’ont pas été faites sur la partie privée de sa page Facebook. Elle témoigne qu’elle a trouvé les propos de l’intimé menaçants et a d’ailleurs fait appel à la police.

[20]        M. A.P. n’a pas témoigné et la preuve démontre qu’il n’a pas formulé une demande d’enquête. Le témoignage du syndic ne faisant référence qu’à Mme A.A. comme demanderesse d’enquête.

[21]        Pour le syndic, il est clair que l’accès à ces publications par toute personne leur enlève tout caractère privé.  Le syndic soutient que les messages de l’intimé sur Facebook contreviennent à l’honneur et à la dignité de la profession de psychoéducateur.

[22]        M. Gaudefroy prétend qu’il n’a écrit sur sa page Facebook que comme un citoyen usant de sa liberté d’expression garantie par l’article 2 de  la Charte canadienne des droits et libertés[1] (ci-après Charte).

[23]        Il soutient aussi que ne s’étant identifié en aucune façon comme psychoéducateur, il soutient que ses propos restent dans sa vie privée et ne sont pas sujets aux obligations du Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices[2] (ci-après Code).

[24]        L’intimé témoigne qu’il a connu un différend avec les nouveaux gestionnaires du Centre de désintoxication où il a cherché à se faire embaucher suite à sa cure. Durant son séjour à ce centre, il se plaint que les intervenants n’ont pas les compétences pour aider les résidents, n’ayant pas de diplôme en psychoéducation ou autre diplôme pertinent. Il porte lui-même plainte contre le Centre afin de faire corriger la situation pour les futurs usagers.

[25]        Ces doléances font partie du contexte des paroles formulées par l’intimé sur sa page Facebook mais il n’est pas nécessaire de savoir si elles sont bien ou mal fondées.

 

QUESTIONS EN LITIGE

A)   Les infractions aux chefs 1 et 2, telles que libellées à la plainte sont-elles visées par les articles de rattachement 4, 42, 48 et 54 du Code ou 59.2 du Code des professions?

B)   Le reproche formulé quant au chef 2 constitue-t-il de l’entrave au travail du syndic suivant l’article 114 du Code des professions?

ANALYSE

A)   Les infractions aux chefs 1 et 2, telles que libellées à la plainte, sont-elles visées par les articles de rattachement 4, 42, 48 et 54 du Code ou 59.2 du Code des professions?

 

A.1      La vie privée d’un professionnel peut être assujettie à des obligations déontologiques.

[26]        Il est clair que les gestes reprochés à l’intimé se situent en dehors de l’exercice de la profession de psychoéducateur et n’ont pas été posés à l’occasion de l’exercice de la profession. Ils se situent donc dans la sphère de sa vie privée.

[27]        La jurisprudence reconnait qu’un professionnel peut être tenu disciplinairement responsable pour un acte posé dans le cadre de sa vie privée s’il y a un lien avec l’exercice de la profession[3] ou s’il porte atteinte à l’honneur, la dignité ou la discipline de celle-ci[4].

[28]        Par ailleurs, dans Travailleurs sociaux c. Paré[5], le Conseil rappelle que la prudence est de mise lorsqu’il s’agit de gestes de la vie privée du professionnel. Le Conseil conclut que :

« Plutôt que de s’interroger quant à la conformité des gestes à caractère privé à l’égard des normes de pratique régissant la profession, il y a lieu de se demander si le comportement adopté par le professionnel dans le cadre de sa vie privée est si répréhensible qu’il rejaillit sur ses consœurs et confrères et porte ainsi atteinte à l’honneur et à la dignité de toute la profession ».[6]

[29]        Certaines décisions peuvent nous aider à déterminer quels actes de la vie privée ne portent pas atteinte à l’honneur et la dignité de la profession.

[30]        Par exemple, un avocat est acquitté d’avoir uriné en public.[7] On conclut suivant le résumé dans ce dossier que le droit disciplinaire ne régit pas les comportements civiques quotidiens des professionnels. Pour être l’objet de plainte disciplinaire, il faut que l’acte reproché ait soit un lien avec la vie professionnelle ou qu’il entache la crédibilité ou la dignité de la profession par sa gravité ou par sa fréquence.

[31]        Dans la décision Navert[8], le comité de discipline fait une analyse de la décision Roussel[9] sur le sujet et retient que la jurisprudence et la doctrine ont toujours affirmé que la déontologie peut viser des actes extérieurs à la pratique professionnelle, même des actes de la vie privée, si ces derniers possèdent une relation quelconque avec la profession.

[32]        Le Conseil retient que lorsque l’un des deux critères est établi, l’instance disciplinaire peut juger des gestes ou paroles même s’ils ne sont pas reliés à l’exercice de la profession ou posés à l’occasion de celle-ci.

[33]        La plainte invoque certaines obligations prévues au Code comme pouvant s’appliquer même dans la vie privée du professionnel. À titre d’exemple, les articles suivants du Code sont invoqués:

 

Article 4 Le psychoéducateur ne peut effectuer un acte ou avoir un comportement qui va à l'encontre de ce qui est généralement admis dans l'exercice de la profession ou susceptible de dévaloriser l'image de la profession.

Article 48 Le psychoéducateur ne doit pas, par quelque moyen de communication que ce soit, prononcer des paroles, publier un écrit, diffuser des photos, des images, des vidéos ou effectuer tout autre acte allant à l'encontre des dispositions du présent code ou inciter quelqu'un à agir ainsi.

                                                                                     

[Notre emphase]

[34]        Le Conseil croit effectivement que ces articles peuvent s’appliquer aussi à la vie privée des professionnels tout comme l’article 59.2 du Code des professions.

[35]        Le Tribunal des professions dans Avocats c. Landry[10]  fait par ailleurs ressortir que l’article 59.2 du Code des professions est le plus adapté pour protéger le public pour des actes privés :

[173]      Par ailleurs, et avec égards, l’intimé détourne la question lorsqu’il affirme que les gestes posés par l’appelant ont un lien étroit avec la profession parce qu’il interagit avec des auxiliaires de justice, ce qui entraînerait l'application de certaines exigences déontologiques. De l’avis du Tribunal, les termes de l’article 59.2 du Code peuvent couvrir cette situation :

59.2. Nul professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l'honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l'ordre, ni exercer une profession, un métier, une industrie, un commerce, une charge ou une fonction qui est incompatible avec l'honneur, la dignité ou l'exercice de sa profession. 

(…)

[174]   À l’évidence, les dispositions de cet article peuvent rencontrer la mission de protection du public sur laquelle s’appuie l’intimé. Ce dernier a choisi de ne pas porter de chef d’accusation en vertu de cet article, mais a préféré invoquer le CDA. Il doit assumer les conséquences de ce choix.

[36]        En conséquence, le Conseil entend donc examiner le chef 1 de la plainte sous l’article 59.2 du Code des professions qui peut définitivement s’appliquer aux comportements de la vie privée d’un psychoéducateur.

[37]        La plainte réfère aussi aux articles de rattachement 42 et 54 du Code qui se lisent ainsi :

42. Le psychoéducateur exerce sa profession dans le respect des règles de l'art et des normes de pratique généralement reconnues.

54.  Le psychoéducateur ne doit pas utiliser de procédés déloyaux à l'encontre de toute personne avec laquelle il est en relation dans l'exercice de sa profession ni porter atteinte à sa réputation ou abuser de sa confiance.

[38]        Comme l’intimé n’était définitivement pas dans l’exercice de la profession ou à l’occasion de celle-ci, ces articles sont inapplicables à la présente situation. En conséquence, le Conseil acquitte l’intimé sur les chefs 1 et 2 quant à ces deux liens de rattachement.

A.2      Le phénomène Facebook ou réseaux sociaux

[39]        Le phénomène des réseaux sociaux est devenu une source de responsabilité potentielle de plus en plus invoquée devant les tribunaux civils et en voici le premier cas, à notre connaissance, en matière disciplinaire.

[40]        Dans Landry et Provigo Québec Inc[11], la Commission des lésions professionnelles retient que, ce qui se retrouve sur un compte Facebook ne fait pas partie du domaine privé puisqu’une multitude de personnes peuvent y avoir accès.

[41]        Dans la cause Lapointe c. Gagnon[12], le Tribunal souligne que les gens utilisent les médias sociaux pour donner libre cours à leurs pensées, sans aucune conscience sociale ni de questionnement sur l’impact de leurs écrits.[13]

[42]        Les propos sur une page Facebook, parce qu’ils sont diffusés et visibles aux amis de l’utilisateur, sont de nature publique, peu importe les paramètres privés ou publics de la page de l’utilisateur.

A.3      Le fardeau de preuve du syndic

[43]        Dans le présent dossier, le Conseil doit déterminer si le langage utilisé par l’intimé dans ses publications Facebook,  doit être considéré ou non pour décider s’il a eu infraction à l’article 59.2 du Code des professions.

[44]        En effet, le libellé des chefs de la plainte ne précise pas expressément que le langage utilisé soit en cause dans l’infraction reprochée. Le geste visé semble se limiter, dans le libellé des chefs, au fait d’avoir reproché à A.P. et A.A. d’avoir fait une demande d’enquête à son sujet.

[45]        Vu la nature générale de l’infraction visée à l’article de rattachement 59.2 du Code des professions, il est du devoir du syndic de décrire quel est le comportement reproché.  Le syndic est maître du libellé des chefs qu’il porte et le Conseil ne peut s’immiscer dans ce processus.

[46]        Lorsqu’il choisit de décrire l’infraction reprochée, il doit avoir en tête que l’intimé a le droit de savoir exactement ce qui lui est reproché afin qu’il puisse choisir son plaidoyer et préparer sa défense.

[47]        Le droit à une défense pleine et entière fait en sorte que le syndic ne peut ajouter d’autres reproches à celui libellé au chef par les pièces qu’il produit.

[48]        Plusieurs décisions appuient ces principes et le Conseil fait siens les propos dans Cloutier c. Sauvageau et Roy (Avocats),[14] à l’effet que tout professionnel poursuivi a le droit de connaître très clairement et très précisément ce qu'on lui reproche avant d'enregistrer son plaidoyer et de se défendre à la poursuite, car c'est là le fondement même du droit d'un professionnel à une défense pleine et entière tel que reconnu à l'article 144 du Code des professions.

[49]        Comme le Tribunal des professions l’a établi dans Nadon c. Avocats[15], le libellé de la plainte est de la responsabilité du syndic. « Celui-ci est lié par cette rédaction, tout comme le Comité et le Tribunal. »

[50]        Dans Notaires c. Samson[16], le Tribunal des professions a réitéré ce principe :

[28]      Le Comité ne pouvait se prononcer que sur la plainte dont il était saisi et dans les termes que le plaignant avait choisi lui-même d'utiliser.  Puisqu'il a décidé que le professionnel n'avait ni détourné ni utilisé ces valeurs à d'autres fins que celles pour lesquelles elles lui avaient été confiées, il ne pouvait examiner si ce geste pouvait résulter en une violation de l'article 59.2 du Code des professions.

[51]        Cette proposition a donc pour corollaire que le professionnel ne saurait être déclaré coupable pour autre chose que l'infraction qui lui est reprochée.[17] On ne peut donc trouver coupable un professionnel d'une règle déontologique précise qui constitue une obligation déontologique envers un client et l’appliquer au public en général. Le Conseil ne peut en conséquence trouver coupable un intimé que sur l’infraction décrite dans la plainte et non pas à partir d'une inconduite dérivée ou connexe révélée par la preuve »[18]

[52]        Le Conseil ne peut, une fois la preuve close et en cours de délibéré, rendre la plainte conforme à la preuve comme le rappelle le Tribunal des professions dans Cohen c. Optométristes[19], et Lajoie c. Chiropraticiens[20].

[53]        On peut comparer avec le libellé des chefs d’infraction dans le dossier Psychoéducateurs c. Mino[21] dont voici un exemple : chef 16 « À Montréal, le ou vers le 1er février 2013, l’intimée a tenu des propos offensants ou portant atteinte à la réputation ou dénigrants à l’endroit de S.C., un employé du Centre jeunesse de Montréal dans une entrevue à Radio centre-ville. »

[54]        De même, dans la décision Ouellet c. Médecins[22], il est reproché au médecin d’avoir eu une conduite répréhensible envers Mme X en lui tenant, lors de conversations téléphoniques, «des propos indignes, déplacés, inconvenants et désobligeants voire dénigrants et menaçants». L’intimé plaide coupable. Les propos sont tenus dans cette cause avec des tiers et non des patients, de façon strictement privée et de façon spontanée, vu le caractère bouillant du médecin en cause.

[55]        Le Conseil trouve pertinent de mentionner ces décisions pour illustrer la latitude qu’a le syndic de choisir les mots pour formuler la plainte.

[56]        Ici, le reproche est que l’intimé, dans un écrit sur Facebook, a reproché à A.P. (chef 1) et à A.A. (chef 2) d’avoir formulé une demande d’enquête à son Ordre contre lui.

[57]        Le Conseil est en accord avec le principe que les éléments de l’infraction décrits à la plainte puissent être complétés par ceux décrits aux articles de rattachement tel que le confirme le Tribunal des professions dans Avocats c. Landry[23] ; mais le libellé de l’article 59.2 ne permet pas d’ajouter d’autres éléments que ceux décrits à la plainte.

[58]        Bien que le Conseil aurait trouvé plus judicieux pour le syndic de clarifier la situation dans le libellé du chef de la plainte lui-même, le fait est que le chef indique cependant clairement qu’il vise les messages écrits sur la page Facebook les 25 juillet 2014 et 18 août 2014 que l’intimé a reconnus et obtenus dans la divulgation de la preuve, assurant ainsi son droit à une défense pleine et entière.

[59]        Cela permet donc au Conseil de tenir compte de l’ensemble du message et ainsi du langage utilisé pour décider si les messages portent atteinte à l’honneur et à la dignité de la profession.

A.4      La faute déontologique et la liberté d’expression

[60]        Les affaires Doré[24] et Mailloux[25] ont clairement établi que la liberté d’expression ne peut empêcher un conseil de discipline de sanctionner un membre d’un Ordre si son exercice constitue par ailleurs une violation de son code de déontologie. Le Conseil doit mettre en balance les valeurs de la Charte et les objectifs visés par les règles régissant la profession[26]. Il faut souligner  que les faits reprochés dans ces deux causes avaient un fort lien avec l’exercice de la profession par la rédaction d’une lettre à un juge d’une part et de parler à la radio en s’affichant comme psychiatre, d’autre part.

[61]        Il est aussi pertinent de spécifier que les avocats ont probablement l’obligation la plus exigeante en matière de civilité, de dignité, de courtoisie et de modération parmi les ordres professionnels, car étant des auxiliaires de justice, leurs gestes peuvent discréditer non seulement leur profession mais aussi tout l’appareil judiciaire et le respect de la population envers notre système de justice[27]. Des obligations spécifiques de modération, de courtoisie et de dignité sont d’ailleurs prévues à leur code de déontologie à cet effet[28].

[62]        Dans Goldwater[29], le Tribunal des professions a conclu que la liberté d’expression de l’avocate ne l’autorise pas à tenir des propos grossiers et vulgaires à l’égard d’un confrère et de son client, et encore moins dans une salle d’audience.

[63]        La Cour d’appel dans un autre dossier impliquant M. Mailloux[30], fait un résumé de la décision de la Cour suprême du Canada dans Doré[31] comme suit :

[126] (…) Si la décision administrative porte atteinte à la garantie constitutionnelle de manière disproportionnée, elle est déraisonnable, mais si elle établit un juste équilibre entre le mandat et la protection offerte par la Charte, elle est raisonnable. (…)

[127] Dans l’arrêt Doré, il s’agissait d’un avocat qui avait écrit à un juge pour le critiquer. Le fait d’envoyer cette lettre constituait l’exercice d’une activité expressive protégée par la liberté d’expression. La décision du Conseil de discipline du Barreau de réprimander l’avocat reposait sur un geste équilibré entre le droit de l’avocat à la liberté d’expression et l’objectif de la loi qui consiste à garantir que les avocats agissent avec objectivité, modération et dignité. Si le mécontentement de l’avocat à l’égard du juge était légitime, la teneur de la lettre ne l’était pas, notamment à cause du degré excessif de vitupération dans son contenu et de son ton.

(…)

[130] Cet aperçu permet de constater que l’appelant tient alors un micro radiophonique en affichant sa qualité de psychiatre et qu’il fait des commentaires diagnostiques tranchés sur des personnes qu’il n’a jamais vues. La virulence et la vulgarité de ses propos ainsi que leur caractère irrespectueux et abusif ne permettent pas de conclure, comme le voudrait l’appelant au caractère déraisonnable de la conclusion du Conseil de discipline selon laquelle sa conduite contrevenait à l’honneur et à la dignité de la profession.

                                                                                                  [Notre emphase]

[64]        Le professionnel doit donc se rappeler que sa liberté d’expression est encadrée par ses obligations déontologiques lorsqu’il parle dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa profession[32]. La jurisprudence abonde de cas mais peu traitent de propos tenus dans le cadre de la vie privée de professionnels. 

[65]        Dans Tremblay c. Barriault[33], on reprochait la diffusion par l’intimée de communiqués de presse contenant des données non vérifiées et inexactes. Le Conseil conclut cependant que rien dans les communiqués ne dénigre la profession ou un membre de la profession. « Rien dans les communiqués ne laisse (sic) croire qu’une infirmière ou un infirmier parle mais plutôt des représentants syndicaux  qui veulent alerter le public afin qu’il interroge les autorités ». Selon le Conseil dans cette cause, «  le public sait faire la différence entre les actions et propos d’un syndicat et ceux d’une infirmière dans l’exercice de sa profession[34] » et acquitte l’intimée.

[66]        Dans Tribunal-Avocats[35], le professionnel plaidait que les paroles prononcées à l’égard de membres de tribunaux relevaient de son droit de parole comme citoyen et pas dans le cadre de l’exercice de la profession d’avocat. Le Tribunal des professions a conclu « que les actes de la vie privée sont susceptibles de sanction disciplinaire s’ils portent atteinte à la dignité de la profession. ».

[67]        Dans le dossier Ward[36], le Tribunal des professions renverse la décision du comité de discipline qui reconnait coupable un opticien d’avoir manqué à l’honneur et la dignité de la profession avec sa publicité, utilisant des personnages féminins vêtus dans la tradition du Carnaval de Rio comme constituant de l'exploitation de la sexualité.

[68]        Le Tribunal des professions conclut que le mauvais goût n'est pas une faute disciplinaire et comme rien n'indique en quoi cette publicité est irrespectueuse envers les consommateurs, la preuve ne permet pas de conclure que la publicité distribuée ait été contraire à l'honneur et à la dignité de la profession.[37]

[69]        Cependant, dès qu’un lien avec la profession est établi, alors le devoir de ne pas avoir une conduite contraire à l’honneur et la dignité de la profession s’impose.

A.5      Critères et tests pour les gestes de la vie privée

[70]        La jurisprudence a élaboré les tests, critères ou questions que doit se poser le Conseil de discipline quant aux actes posés en dehors de l’exercice de la profession. Il faut une atteinte d’une réelle gravité[38], le seuil étant élevé[39]. Le Conseil doit déterminer si le comportement adopté par le professionnel dans le cadre de sa vie privée est si répréhensible qu’il rejaillit sur ses consœurs et confrères[40] pour conclure qu’il y a atteinte à l’honneur et à la dignité de toute la profession.

[71]        Le Conseil doit faire preuve de prudence car le rattachement à l’honneur et à la dignité de la profession est alors plus éloigné. Le syndic a le fardeau de prouver cette atteinte à la dignité et à l’honneur de la profession.

[72]        Est-ce que les membres du public raisonnablement informés en viendraient à la conclusion que les conduites reprochées à l’intimé atteignent la dignité de l’ensemble de la profession? Le reproche est-il à ce point grave ou répété qu’il rejaillit sur tous les membres de la profession?

[73]        Le Conseil croit que l’utilisation du titre professionnel lors de gestes posés en dehors de l’exercice de la profession peut être suffisant pour soumettre ces actions au contrôle disciplinaire, tel que mentionné dans Nowodworski[41].

[74]        La mention par l’intimé sur son site qu’il a fait des études en psychoéducation est suffisante pour que le public sache qu’il est psychoéducateur. Le Conseil croit que la preuve est prépondérante que les lecteurs peuvent facilement faire le lien avec la profession puisqu’il parle de « mon Ordre ».

[75]        La preuve a aussi révélé qu’il a produit son diplôme de psychoéducateur lorsqu’il a postulé pour travailler à la Maison Carignan. Mme A.A. et M. A. P. sont donc au courant qu’il est un psychoéducateur.

[76]        Mme A.A et M. A.P. font partie du public que le Code des professions vise à protéger.

[77]        Le concept de la dignité de la profession est en lien direct avec la confiance du public dans la profession, la protection du public, l’honneur des membres de l’Ordre et la rectitude morale des professionnels[42].

Quant au chef 1

[78]        Le Conseil croit que le public puisse perdre confiance dans les psychoéducateurs ou la profession du fait que l’intimé juxtapose ses propos vulgaires, grossiers et offensants en mentionnant que M. A.P. a téléphoné à son « Ordre ». Ce faisant, il établit lui-même le lien avec la profession et est alors soumis à une règle qui peut limiter sa liberté d’expression : l’interdiction de poser un acte contraire à l’honneur et la dignité de la profession de psychoéducateur.

[79]        Le respect des personnes est une valeur fondamentale de la profession de psychoéducateur. Les propos utilisés par l’intimé envers des intervenants de la Maison Carignan, témoignent d’un manque de considération et de respect envers ces derniers. De telles paroles représentent davantage qu’un écart de langage car elles traduisent une lacune sur le plan des valeurs; valeurs qui sont par ailleurs à la base du travail d’un psychoéducateur.

[80]        L’infraction reprochée rencontre les critères établis en jurisprudence pour conclure qu’elle est si répréhensible qu’elle rejaillit sur ses consœurs et confrères[43], et  permet de conclure qu’il y a atteinte à l’honneur et à la dignité de la profession.

[81]        Faire partie d’un Ordre est un privilège, ce que l’intimé semble avoir oublié.

[82]        De plus,  il est  probant qu’il y ait eu « reproche » car les propos injurieux « c’est un osti de pourri se sale » font directement suite au fait énoncé auparavant à savoir, «  il a tél à mon Ordre ».

[83]        Que M. A.P. ait ou non vraiment communiqué avec l’Ordre n’a pas d’importance car la publication Facebook était publique, la preuve en étant que Mme A.A. en a eu connaissance et en a avisé le syndic.

[84]        Dénigrer publiquement une personne parce qu’elle aurait téléphoné à son Ordre, est de nature à discréditer et mettre en danger le processus de protection du public prévu au Code des professions, en faisant craindre aux demandeurs d’enquête qu’ils pourraient être rabaissés ou insultés publiquement.

[85]        Le Conseil déclare donc l’intimé coupable sur le chef 1 quant aux articles 4 et 48 du Code de déontologie des psychoéducateurs et éducatrices du Québec et quant à l’article 59.2 du Code des professions. Le Conseil applique la règle interdisant les condamnations multiples et prononce donc une suspension conditionnelle des procédures sous les articles 4 et  48 du Code.

Quant au chef 2

[86]        La situation quant au chef 2 est semblable mais avec une gravité additionnelle car non seulement il y a des insultes qui dépassent les limites de l’acceptable, mais il y a en plus un caractère menaçant dans le message qui dit : « Tu vas assumer ma cdhienne ». Dans ce cas, l’intimé est allé beaucoup trop loin.

[87]        Au moment de sa publication du 18 août 2014, il a déjà rencontré le syndic le 21 juillet 2014 qui l’a informé de son devoir de ne pas communiquer avec le plaignant et de ne pas entraver son enquête.

[88]        Lorsqu’il écrit son message le 18 août 2014, il sait que Mme A.A. a téléphoné à l’Ordre. À partir de ce moment, ce qu’il fait ou écrit en regard de Mme A.A. est nécessairement sujet à sa déontologie. En effet, il est primordial que les personnes du public se sentent toujours respectées et protégées de participer au mécanisme de protection du public prévu au Code des professions qu’est l’enquête du syndic. 

[89]        Cela est certainement une des situations entrevues par le concept de dignité et de la finalité de la protection du public. Voici ce qu’en disait le Tribunal des professions dans l’affaire Bouchard et al.[44] :

Pour nous en convaincre, elle renvoie à la définition du mot dignité contenue dans le dictionnaire le Petit Robert :

Dignité : …ll 1. Respect que mérite qqn. …

Grandeur, noblesse, …2. Respect de

soi, amour-propre, fierté, honneur, …

CONTR. Bassesse, indignité; veulerie …

Αvec respect, cet article qui est fondé sur la dignité professionnelle n’implique aucun élément obligatoire d’ordre moral. Il repose sur ce qu’une corporation professionnelle définit, quant à elle, comme l’essentiel d’une bonne conduite susceptible de garantir, aux yeux du public, la confiance et, en corollaire, l’honneur du groupe.

Cette conception du corporatisme professionnel et de la réglementation qui l’encadre n’est pas nouvelle. Elle n’en est pas moins le fondement du régime législatif actuel. Qu’il suffise à ce sujet de référer aux articles 23, 25 et 87 du Code des professions pour réaliser que les notions de protection du public et de dignité de la profession vivent en symbiose dans le droit professionnel.

[90]        Il est inacceptable qu’un membre de l’Ordre se permette un langage aussi vil et violent envers une demanderesse d’enquête, alors qu’il sait ou devrait savoir que ces insultes et menaces publiques peuvent intimider. C’est l’équivalent d’une lettre aux lecteurs dans un journal en ne se préoccupant pas si la personne visée en aura connaissance, mais surtout en donnant une image à tous les lecteurs potentiels qu’il peut être périlleux de porter plainte à un Ordre professionnel. Un tel geste est certes contre la dignité de la profession.

[91]        Cette conduite est d’autant plus inquiétante qu’une des qualités principales d’un psychoéducateur est de savoir faire preuve de retenue et d’inspirer un sentiment de sécurité, ayant à interagir et à apporter du support à une clientèle des plus vulnérables.

[92]        Il a été mis en preuve que, de fait, Mme A.A. a trouvé ces propos menaçants et a fait appel à la police.

[93]        Un lien avec la profession a été établi de façon prépondérante par le fait que Mme A.A. s’est prévalue d’un droit prévu au Code des professions à la connaissance de l’intimé. Le fait que le psychoéducateur adopte alors un langage grossier, vulgaire, offensant et menaçant dans une publication Facebook pour faire reproche à cette personne d’avoir téléphoné à son Ordre, porte atteinte à la dignité de toute la profession.

[94]        Dans un tel cas, le Conseil croit que la protection du public prévue au Code des professions est d’ordre public et que la liberté d’expression de l’intimé peut et doit être limitée par celui-ci.

[95]        L’intimé est par conséquent déclaré coupable sur le chef 2 quant aux articles 4 et 48 du Code et 59.2 du Code des professions, le tout sujet à la règle interdisant les condamnations multiples.

B)   Le reproche formulé quant au chef 2 constitue-t-il de l’entrave au travail du syndic suivant l’article 114 du Code des professions?

[96]        Le chef 2 a été amendé en début d’audition à la demande du syndic pour y ajouter l’article 114 du Code des professions qui s’applique au syndic par le truchement de l’article 122 alinéa 2 du Code des professions. L’article 114 se lit comme suit :

114. Il est interdit d'entraver de quelque façon que ce soit un membre du comité, la personne responsable de l'inspection professionnelle nommée conformément à l'article 90, un inspecteur ou un expert, dans l'exercice des fonctions qui lui sont conférées par le présent code, de le tromper par des réticences ou par de fausses déclarations, de refuser de lui fournir un renseignement ou document relatif à une inspection tenue en vertu du présent code ou de refuser de lui laisser prendre copie d'un tel document.

De plus, il est interdit au professionnel d'inciter une personne détenant des renseignements le concernant à ne pas collaborer avec une personne mentionnée au premier alinéa ou, malgré une demande à cet effet, de ne pas autoriser cette personne à divulguer des renseignements le concernant.

                                                                                                  [Notre emphase]

[97]        La définition du mot « entraver » a été analysée dans la cause Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Renaud[45] qui reprend celles retenues dans Acupuncteurs c. Jondeau[46] où le Tribunal des professions reprend les définitions du dictionnaire pour définir ainsi le mot entraver:

« [131] Selon le second sens que lui donnent le Petit Robert ainsi que le Multi Dictionnaire de la langue française, entraver signifie freiner, gêner l’action de, pour l’un, le Petit Robert suggère embarrasser, enrayer, gêner, obstruer, contrarier en guise de mot ayant un grand rapport de sens avec entraver. »

[98]        Voici quelques exemples d’entrave :

         Falsifier ou reconstituer un dossier transmis au syndic sans en faire mention[47].

         Ne pas donner accès à sa comptabilité[48]

         Refuser de rencontrer le syndic[49] qui équivaut à un refus de collaborer avec le syndic

         Fournir de fausses informations au syndic[50]

         Refuser de répondre au syndic[51]

         Ne pas respecter un engagement de transmettre des renseignements et documents[52]

         Refuser de remettre des dossiers[53]

[99]        La jurisprudence a refusé de condamner pour entrave en diverses occasions[54] .

[100]     Une décision retient en particulier notre attention, soit l’affaire Lauzière[55]. Dans ce cas, le professionnel refuse de donner au syndic accès à son bureau, vu son incapacité d’être présent, devant accompagner sa mère à l’hôpital.

[101]     Le Conseil ne remet aucunement en question l’importance de collaborer à l’enquête du syndic puisque ne pas collaborer met en péril le système disciplinaire au complet[56], vu le rôle charnière que joue le syndic dans ce système conçu pour la protection du public[57].

[102]     Le Comité dans Lauzière[58] réfère d’ailleurs à la décision Marin c. Lemay[59] dans laquelle le Tribunal des professions explique très bien l’importance de répondre au syndic comme suit :

[36]   Cette obligation de répondre, imposée aux professionnels, est essentielle au fonctionnement du système disciplinaire.

[37]   En effet, en l’absence de réponse, le syndic ne peut prendre une décision éclairée sur l’opportunité de déposer une plainte, il ne peut informer convenablement le dénonciateur du progrès de l’enquête et l’enquête demeure incomplète.

[38]   En conséquence, si le professionnel ne répond pas, le syndic ne peut remplir ses propres obligations énoncées au Code des professions.  (arts. 122, 123, 123.1, L.R.Q., c. C-26Une telle situation paralyse le processus et transmet au public l’impression que ni le professionnel, ni le syndic ne sont en mesure de le protéger.

                                                                                      [Notre emphase]

[103]     Le comité rappelle aussi dans Lauzière que le syndic doit agir de bonne foi et qu’il doit avoir une attitude ouverte et objective afin d’assurer l’équilibre entre la protection du public et les intérêts du professionnel.[60] Vu l’aspect véridique des raisons données par l’intimé qui demande au syndic de quitter alors qu’il ne peut être présent, le comité ne croit pas que la preuve révèle une entrave de façon claire et non ambiguë[61] et acquitte l’intimé.

[104]     Ici, l’intimé n’a pas refusé de répondre ou de collaborer avec le syndic.  La preuve ne révèle pas que ses publications sur Facebook aient gêné de quelque façon que ce soit l’enquête du syndic.

[105]     Il est vrai qu’un refus de répondre, de rencontrer, de collaborer ou d’obtempérer avec les demandes d’un syndic n’exigent pas la preuve que, de fait, ils ont eu un effet  entravant[62] puisqu’ils sont prévus au texte de l’article 114 du Code des professions.

[106]     Mais tels ne sont pas les gestes reprochés au chef 2. Ce comportement n’étant pas spécifiquement envisagé à l’article 114, le syndic doit alléguer et faire la preuve qu’il a été entravé dans son enquête[63].

[107]     Il n’y a aucune preuve que les propos de l’intimé aient nui de quelque façon que ce soit au syndic adjoint dans son enquête ou sa capacité de déposer la plainte ou d’obtenir la collaboration de témoins.

[108]     En conséquence, le Conseil acquitte l’intimé de l’infraction d’entrave sous l’article 114 du Code des professions sur le chef 2, le syndic n’ayant pas apporté une preuve probante de l’entrave alléguée.

DÉCISION

 

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :

[109]     DÉCLARE l’intimé coupable sur le chef 1 quant à l’article 59.2 du Code des professions et en vertu de la règle interdisant les condamnations multiples PRONONCE une suspension conditionnelle quant aux articles 4 et 48 du Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec.

[110]     ACQUITTE l’intimé sur le chef 1 quant aux articles 42 et 54 du Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec.

[111]     DÉCLARE l’intimé coupable sur le chef 2 quant à l’article 59.2 du Code des professions et en vertu de la règle interdisant les condamnations multiples, PRONONCE une suspension conditionnelle des procédures en vertu des articles 4 et 48 du Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec.

[113]     ACQUITTE l’intimé sur le chef 2 quant à l’article 114 du Code des professions.

 

 

__________________________________

Me CHANTAL PERREAULT, présidente

 

__________________________________

RENÉ GRENIER, membre

 

__________________________________DIANE MÉTAYER, membre

 

 

 

Me Sylvain Généreux, procureur du syndic adjoint

Partie plaignante

 

M. Martin Gaudefroy

Partie intimée

 

Date d’audience :

13 octobre 2015


 

 
CONSEIL DE DISCIPLINE

Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

46-14-002

 

DATE :

6 janvier 2017

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me CHANTAL PERREAULT

Président

M. RENÉ GRENIER, psychoéducateur

Membre

Mme DIANE MÉTAYER, psychoéducatrice

Membre

______________________________________________________________________

 

JEAN-FRANÇOIS GAUTHIER, psychoéducateur, en sa qualité de syndic adjoint de l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec

Partie plaignante

c.

MARTIN GAUDEFROY

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

INTRODUCTION

[1]           Manquements à l’honneur et à la dignité de la profession pour des propos partagés sur Facebook, recommandations conjointes.

CONTEXTE

[2]           Le Conseil a trouvé l’intimé coupable des infractions reprochées sur les deux chefs de la plainte par sa décision du 11 mars 2016 en vertu de l’article 59.2 du Code des professions à la suite d’une audition sur culpabilité tenue le 13 octobre 2015.

[3]           Les deux chefs en cause se lisent comme suit :

1.   Le ou vers le 25 juillet 2014, il a écrit sur sa page Facebook un message dans lequel il reprochait à A. P. d’avoir formulé une demande d’enquête auprès du syndic de l’Ordre à son sujet;

En agissant ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions des articles 4, 42, 48 et 54 du Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices ou, à défaut d’application de ces articles, il a posé un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession ou à la discipline des membres de l’Ordre aux termes de l’article 59.2 du Code des professions;

2.   Le ou vers le 18 août 2014, à Trois-Rivières, il a écrit sur sa page Facebook un message dans lequel il reprochait à A. A. d’avoir formulé une demande d’enquête auprès du syndic de l’Ordre à son sujet;

En agissant ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions des articles 4, 42, 48 et 54 du Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices ou, à défaut d’application de ces articles, il a posé un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession ou à la discipline des membres de l’Ordre aux termes de l’article 59.2 du Code des professions.

[Notre emphase]

[4]           Le syndic a mis en preuve les pièces P-3 et P-4 qui sont des publications par l’intimé, M. Gaudefroy, sur sa page Facebook les 25 juillet 2014 et 18 août 2014 au soutien des reproches sous les chefs 1 et 2.

[5]           Le Conseil croit utile de reproduire le contenu de ces pièces.

[6]           La pièce P-3, qui est une capture d’écran du 25 juillet 2014 de la page Facebook de M. Gaudefroy, permet de lire ce qui suit :

Martin Gaudefroy : DEUX JOURS PASSÉS, LA SOUPE ÉTAIT CHAUDE,…(A.P.) a voulu m’inviter à me taire, à me faire fermer la geule…j’ai dit non…tu vas payer mon (P),,,il m’a écrit sur Facebook vous avez les preuves…c’est son e-mail pour me demander de me fermer la geule et m’acheter….comme il se fait acheter par le gros Hébert…et tous le C.A...pensez vous que (A.P.) c’ès mon ami…pourquoi il me demande un demande d’ami…lollllllllllllllllllllllllllll ya voulu m’acheter en plus…Il me demande de pas en parler…fuck you…j’ai mes amis ici. MERCI AUX GENS DEPUIS JANVIER JE TRAVAIL SUR LE DOSSIER ET CEUX QUI ME CONNAISSENT ONT TOUJOURS CRUS…MERCI, MERCI VOICI LES PREUVES QUE (A.P.) voulait m’acheter…comme il a fait avec plusieurs d’entre vous les amis….VICTOIRE VICTOIRE ET VICTOIRE…..OSTI QUE JE VOUS AIME LES AMIS….YESSSSSSSSSSS

Martin Gaudefroy : voici les preuves les amis qui me connaissent…je suis arrivé à le faire craqué yessssss Il souhaite m’invité et me faire fermer la geule…FUCK HIM mes amis…merci à vous tous d’avoir cru en moi…osti que je vous aimes…ceci est mon cell et son message me demandant de me fermer et me taire…il a même porter plainte à la police contre moi, à mon ordre contre moi les polices sont venus chez moi mais ya rien car on peut s’exprimer et c’est un osti de pourri se sale…il ose m’inviter le 23 juillet à 2041 c’est son message j’ai validé aujourd’hui la validité de ce mOuessage LES AMIS SVP JAI BESOIN DE VOTRE SOUTIEN JUSTE UN PETIT MESSAGE ICI SVP……APRÈS DES MOIS DE BATAILLE POUR MOI, POUR VOUS, MAIS SURTOUT POUR TOUS LES FUTURS RÉSIDENTS C,EST NOTRE MISSION DE REDONNER….MERCI MES AMIS…JE VOUS AIMES ET VICTOIRE À NOUS TOUS :)))) JE ME SUIS BATTU SEUL ET AVEC CERTAINS D,ENRES VOUS…AUJOUD’HUI, NOUS Y SOMMES POUR LE FUTUR ET POUR MOI….MERCI MERCI MERCI ET MERCI À TOUS………………..FUCK (A.P.)

[Nos soulignements]

[7]           La pièce P-4 est une autre capture d’écran du 18 août 2014 du journal Facebook de l’intimé où on peut lire :

Martin Gaudefroy PIS TOÉ (A.A AAAA ») TON TOUT S’EN VIENT QUAND JE VAIS SAVOIR TOUIS LES MÉDICAMENT QUE TU PRENDS CETTE SEMAINE PETITE CRISSE DE NIAAUSEUSE….TU AS TEL À MON ORDRE…TU VAS ASSUMER MA CHIENNE

[8]           L’audition sur sanction a lieu le 16 décembre 2016 et les parties font leurs preuves sur sanction, constituées de preuves documentaires de la part du syndic et d’une explication valant comme preuve de la part de l’avocat de l’intimé.

LES RECOMMANDATIONS CONJOINTES

[9]           Les parties informent le Conseil qu’elles présentent une recommandation conjointe quant aux deux chefs à savoir : une amende de 3 000 $ sur le chef 1 et de 4 000 $ sur le chef 2 plus les déboursés contre l’intimé et un délai de 12 mois pour s’acquitter des frais et des amendes par versements consécutifs égaux, le solde devenant exigible en cas de défaut d’un versement mensuel.

[10]        Le plaignant soutient que dans ce dossier, des amendes sont plus appropriées pour atteindre les objectifs d’une sanction disciplinaire, particulièrement la dissuasion de l’intimé et pour l’exemplarité, étant donné que l’intimé n’est plus inscrit au tableau de l’Ordre depuis le 16 avril 2015 et qu’on ignore s’il redeviendra membre un jour.

QUESTION EN LITIGE

[11]        Dans le présent dossier, le Conseil doit aborder la question en litige suivante :

A) Les sanctions recommandées conjointement par les parties sont-elles déraisonnables, contraires à l’intérêt public, inadéquates ou de nature à déconsidérer la justice dans les circonstances propres à ce dossier?

ANALYSE

[12]        En général, lorsque des sanctions sont suggérées conjointement par les parties, le Conseil n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence des suggestions conjointes et doit y donner suite, sauf s’il les considère déraisonnables, contraires à l’intérêt public, inadéquates ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice, dans la mesure où elles s’inscrivent dans le spectre des sanctions imposées en semblable matière[64].

[13]        Le Tribunal des professions dans la décision Chan[65] rappelle en effet que :

La suggestion commune issue d'une négociation rigoureuse, dispose d'une « force persuasive certaine » de nature à assurer qu'elle sera respectée en échange du plaidoyer de culpabilité, à moins qu'elle soit déraisonnable, contraire à l'intérêt public, inadéquate ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

[14]        Dans l’affaire Ungureanu[66], ce même Tribunal expose l’importance de respecter cet outil de négociation :

[21]  Les ententes entre les parties constituent en effet un rouage utile et parfois nécessaire à une saine administration de la justice. Lors de toute négociation, chaque partie fait des concessions dans le but d'en arriver à un règlement qui convienne aux deux. Elles se justifient par la réalisation d'un objectif final. Lorsque deux parties formulent une suggestion commune, elles doivent avoir une expectative raisonnable que cette dernière sera respectée. Pour cette raison, une suggestion commune formulée par deux avocats d'expérience devrait être respectée à moins qu'elle ne soit déraisonnable, inadéquate ou contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice.

[15]        La Cour suprême du Canada a récemment réitéré ce principe dans l’arrêt Anthony‑Cook[67] et a exposé clairement le critère d’intérêt public permettant d’écarter une recommandation conjointe ainsi que l’importance d’accorder un haut degré de certitude à celle-ci :

[32]  Selon le critère de l’intérêt public, un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. Mais que signifie ce seuil? Deux arrêts de la Cour d’appel de Terre‑Neuve‑et‑Labrador sont utiles à cet égard.

[33] Dans Druken, au par. 29, la cour a jugé qu’une recommandation conjointe déconsidérera l’administration de la justice ou sera contraire à l’intérêt public si, malgré les considérations d’intérêt public qui appuient l’imposition de la peine recommandée, elle [traduction] « correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale ». Et, comme l’a déclaré la même cour dans R. v. B.O.2, 2010 NLCA 19 (CanLII), au par. 56, lorsqu’ils examinent une recommandation conjointe, les juges du procès devraient [traduction] « éviter de rendre une décision qui fait perdre au public renseigné et raisonnable sa confiance dans l’institution des tribunaux ».

[34] À mon avis, ces déclarations fermes traduisent l’essence du critère de l’intérêt public élaboré par le comité Martin. Elles soulignent qu’il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe, une conclusion à laquelle je souscris. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner. Il s’agit indéniablement d’un seuil élevé — et à juste titre, […]

[40] En plus des nombreux avantages que les recommandations conjointes offrent aux participants dans le système de justice pénale, elles jouent un rôle vital en contribuant à l’administration de la justice en général. La perspective d’une recommandation conjointe qui comporte un degré de certitude élevé encourage les personnes accusées à enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Et les plaidoyers de culpabilité font économiser au système de justice des ressources et un temps précieux qui peuvent être alloués à d’autres affaires. Il ne s’agit pas là d’un léger avantage. […]

[42] D’où l’importance, pour les juges du procès, de faire montre de retenue et de ne rejeter les recommandations conjointes que lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Un seuil moins élevé que celui‑ci jetterait trop d’incertitude sur l’efficacité des ententes de règlement. Le critère de l’intérêt public garantit que ces ententes de règlement jouissent d’un degré de certitude élevé.

[Nos soulignements]

[16]        La recommandation conjointe, quant à la sanction, peut inclure ses accessoires que sont la publication, les débours et le délai pour s’en acquitter.

[17]        Afin de bien comprendre le rôle du Conseil et les raisons de ce rôle plus limité, dans la décision Gauthier[68], le Tribunal des professions fait le point ainsi :

[20]  La véritable question en litige consiste donc à déterminer si la suggestion commune était « déraisonnable, inadéquate, contraire à l'intérêt public ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice », suivant les termes utilisés par la Cour d'appel dans l'affaire Boivin c. R.11

[21]  Si tel n'est pas le cas, il faut en conclure que le Conseil n'était pas justifié de s'en écarter suivant les enseignements de la Cour d'appel dans l'affaire Aucoin12.

[…]

26.   Rappelons que lorsque le syndic, dont la mission première est la protection du public, formule une telle suggestion, il connait tous les tenants et les aboutissants de l’ensemble du dossier traité. De même, avant d’y donner suite, le Conseil doit s’assurer qu’elle n’est pas déraisonnable ou inadéquate.

27.   Dans cette foulée, il est utile de citer un extrait du volume intitulé  «Précis de droit professionnel» [15] dans lequel les auteurs s’expriment ainsi :

Lorsque le comité de discipline doit rendre une décision sur sanction à la suite d’un plaidoyer de culpabilité, il doit faire preuve de plus de réserve face aux recommandations du syndic, puisqu’il est le seul à avoir mené l’enquête et à être au fait de toutes les circonstances pertinentes aux infractions : il est le premier responsable des mesures nécessaires à prendre pour protéger le public et réprimer les manquements déontologiques.

_____________________

11 2010 QCCA 2187 (CanLII), paragr. 12.

12 Aucoin c. R., 2013 QCCA 855 (CanLII).

[Nos soulignements]

[18]        De même, dans Poirier[69] :

[32]  Une fois cette étape franchie, le Conseil doit décider si les recommandations communes sont tellement déraisonnables qu’elles auront pour effet de déconsidérer la justice. Ce n’est pas, en effet, parce que le Conseil imposerait une autre sanction qu’il peut écarter celle acceptée par l’intimé, qui a renoncé à présenter une défense, et qui est considérée juste et raisonnable par deux procureures expérimentées et le syndic adjoint.

[Nos soulignements]

[19]        La sanction vise non pas à punir le professionnel fautif, mais à assurer en premier, la protection du public.

[20]        Les critères que le Conseil de discipline doit prendre en considération lors de l’imposition d’une sanction ont été résumés par la Cour d’appel à l’occasion de l’affaire Pigeon c. Daigneault[70]:

« La sanction disciplinaire doit permettre d’atteindre les objectifs suivants : au premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le professionnel visé d’exercer sa profession.  [réf.omises]

Le Comité de discipline impose la sanction après avoir pris en compte tous les facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier. Parmi les facteurs objectifs, il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l’infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l’exercice de la profession, si le geste posé constitue un acte isolé ou un geste répétitif.  Parmi les facteurs subjectifs, il faut tenir compte de l’expérience, du passé disciplinaire et de l’âge du professionnel, de même que sa volonté de corriger son comportement.  La délicate tâche du Comité de discipline consiste donc à décider d’une sanction qui tienne compte à la fois des principes applicables en matière de droit disciplinaire et de toutes les circonstances, aggravantes et atténuantes, de l’affaire. » [1]

[21]        Le Conseil impose la sanction après avoir pris en compte tous les facteurs objectifs et subjectifs ainsi qu’aggravants et atténuants qui sont propres au dossier.

[22]        Dans l’affaire Bougie[71], le Conseil dans sa décision sur sanction réfère à un texte toujours d’actualité de Me Pierre Bernard sur la sanction disciplinaire et rappelle les principes à suivre comme suit :

[8]     À la page 105 de ce même document, Me Bernard décrit le volet objectif de la sanction dont les critères sont les suivants :

-  La protection du public qui est en quelque sorte la finalité du droit disciplinaire.

-  L'atteinte à l'intégrité et à la dignité de la profession.

-  La dissuasion qui vise autant un individu que l'ensemble de la profession.

-  L'exemplarité.

[9]     Le Conseil ajoute à ces facteurs :

-  La nature de l'infraction.

-  La gravité de l'infraction.

-  Les circonstances de la commission de l'infraction.

-  Le degré de préméditation.

-  Les conséquences pour le client.

[10]   En ce qui concerne le volet subjectif, le Conseil tient compte des facteurs suivants :

-  La présence ou l'absence d'antécédents.

-  L'âge, l'expérience et la réputation du professionnel.

-  Le risque de récidive.

-  Le repentir et les chances de réhabilitation du professionnel.

-  La situation financière du professionnel.

[11]   Le Conseil accorde aussi une importance à d'autres facteurs comme :

-  L'autorité des précédents.

-  La parité des sanctions.

-  La globalité des peines.

-  L'exemplarité positive.

[28]      C’est donc à la lumière de tous ces critères que le Conseil évalue le caractère raisonnable de la recommandation conjointe. La parité doit donc être considérée[72].

[23]        Le Conseil retient les éléments suivants de la preuve faite sur sanction.

[24]        Le plaignant a mis en preuve sous la pièce SP-4 un jugement rendu le 21 septembre 2016 par l’Honorable Alain Trudel, J.C.Q. condamnant l’intimé à payer à M. A.P. la somme de 15 000 $ en dommages compensatoires pour les propos diffamatoires, calomnieux, virulents et irrespectueux du défendeur Martin Gaudefroy et 10 000 $ en dommages punitifs pour l’ensemble des publications sur Facebook du défendeur. Dans ce jugement, il est aussi relaté qu’il a plaidé coupable pour harcèlement criminel le 6 février 2015 et a été incarcéré pour une période de six mois avec une probation de trois ans.

[25]        Le plaignant soumet ce jugement pour attirer l’attention du Conseil que postérieurement à la décision du Conseil du 11 mars 2016, lors du procès civil tenu le 6 septembre 2016, l’intimé a qualifié M. A.P. de « petit rat » pendant son témoignage.

[26]        Les faits postérieurs[73] peuvent être pertinents sur sanction pour apprécier le risque de récidive de l’intimé.

[27]        Dans Ingénieurs c. Paré[74], le Tribunal des professions a réaffirmé le pouvoir du Conseil d’apprécier le risque de récidive en prenant en considération les comportements postérieurs de l’intimé :

[60]  Selon le Tribunal, le Conseil a commis une erreur manifeste et dominante en ne considérant pas le comportement de l'intimé, tant à l'égard de la syndique que des membres du Conseil et de son avocat pendant le déroulement du troisième processus disciplinaire l'impliquant.

[61] Bien que l'intimé ne fasse pas l'objet d'une plainte concernant ses comportements, le Conseil peut les prendre en considération dans l'évaluation du risque de récidive tel que le mentionnait la juge Charron de la Cour suprême dans l'affaire R. c. Angelillo[16] :

[…] Le Tribunal ne peut infliger une peine au délinquant qu'à l'égard de l'infraction pour laquelle celui-ci a été condamné et cette peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction. De plus, le juge peut et doit exclure des éléments de preuve qui sont par ailleurs pertinents si leur effet préjudiciable l'emporte sur leur valeur probante, compromettant ainsi le droit du délinquant à un procès équitable. Enfin, le tribunal doit faire la distinction entre la prise en compte de faits démontrant la commission d'une infraction n'ayant fait l'objet d'aucune accusation dans le but de punir l'accusé pour cette autre infraction, et leur prise en compte pour établir la réputation et le caractère du délinquant ou le risque de récidive, dans le but de déterminer la peine appropriée pour l'infraction en cause. […]

[62]  L'attitude de l'intimé dénote une insolence à l'endroit de professionnels dans l'exécution de leurs fonctions et un manque de considération et de respect minimal envers son ordre professionnel.

[63]  Le Tribunal des professions dans la cause Dupont [17] écrit :

[53] Dans l'arrêt la Reine c.Maheu, cité avec approbation par la Cour suprême du Canada dans R. c. Proulx, la Cour d'appel du Québec énumère divers facteurs pertinents dans l'évaluation du risque de récidive, notamment la conduite du délinquant postérieure à la perpétration de l'infraction. Le principe s'applique tout aussi bien en droit disciplinaire.

(Références omises)

(Nos soulignements)

[64]  Faire partie d'un ordre professionnel confère entre autres le privilège d'exécuter des fonctions réservées aux membres de l'ordre. Afin d'assurer la protection du public, le législateur a délégué aux ordres professionnels la surveillance de la compétence et du comportement de leurs membres.

[65]  Les conseils de discipline constituent l'un des organismes dont la mission consiste, entre autres, à assurer la protection du public. Il est inadmissible qu'un membre fasse preuve de manque de courtoisie envers les membres du conseil de discipline. À deux occasions, non seulement est-il entré en communication avec eux, après qu'une interdiction ait été prononcée, mais en plus, il s'en est pris à la personne d'un des décideurs une fois que la décision sur culpabilité eut été rendue.

[66]  Il est tout aussi inconcevable qu'un membre d'un ordre professionnel manque de politesse la plus élémentaire à l'endroit d'un syndic.

[28]        La pièce SP-2 a été déposée dans la même optique puisqu’il s’agit d’un courriel transmis par l’intimé à la secrétaire du Conseil le 27 mai 2016 dans lequel celui-ci utilise un langage ordurier envers cette dernière comme suit :

«  Fuck you bitch,,,,, voilà ta réponse,,, parce que ,,,je t’ai répondu disant que j’étais en mesures d’urgences avec 11 suicides,,,,,,Alors FUCK YOU, FUCK YOU et FUCK YOU,,,,,,TU FAIS QUOI TOI POUR LA PSYCHOÉDUCATION,,,,,PARLE À MON AVOCAT ,,,,,PETITE CONNE,,,,, »

[29]        L’avocat de l’intimé fait part au Conseil que l’intimé a travaillé chez les Inuits du 12 mars au 2 juin 2016 et que pendant cette période, il y aurait eu 16 suicides d’enfants et que cela a beaucoup marqué et perturbé l’intimé, le tout afin d’expliquer les circonstances du contenu du courriel SP-2. L’intimé a suivi, pendant l’été 2016, 5 séances de psychothérapie aux frais de la RAMQ et 5 séances à ses frais. Il a de septembre à novembre 2016 travaillé auprès de personnes âgées en phase terminale, il mentionne que son niveau d’agressivité a diminué et que son expérience de vie l’a changé et calmé. Le plaignant accepte que les explications livrées par la voix du procureur de l’intimé vaillent comme preuve.

[30]        Il est difficile pour le Conseil d’apprécier la valeur probante de ces propos puisque l’intimé n’a pas témoigné. Aucun facteur atténuant n’a été mis en preuve par l’intimé par rapport aux chefs d’infraction dont il a été reconnu coupable.

Les facteurs objectifs

[31]        Les infractions sont graves car elles rejaillissent sur l’ensemble de la profession.

[32]        Les pièces SP-2 et SP-4, qui sont des gestes de l’intimé postérieurs à la décision sur culpabilité, permettent de conclure que l’intimé représente un risque de récidive élevé.

Les facteurs subjectifs

[33]        Le Conseil prend aussi en considération les facteurs subjectifs suivants à l’égard de l’intimé :

         L’intimé n’a pas reconnu ses torts lors de l’audition sur sanction.

         Il n’a pas démontré sa volonté de s’amender, ni d’excuses, de regrets ou de repentir.

[34]        Le seul facteur atténuant est que l’Intimé n’a pas d’antécédents disciplinaires.

[35]        La preuve quant aux séances de psychothérapie durant l’été 2016 est trop vague pour que le Conseil puisse en déduire que l’intimé a pris conscience de son problème de violence verbale quant à la conduite reprochée ni quant aux moyens pris pour se réhabiliter.

Les autorités et le caractère raisonnable de la recommandation conjointe sur sanction

[36]        Quant au chef 1, la recommandation conjointe quant à une amende de 3 000 $, compte tenu de tous les éléments mis en preuve et du très haut risque de récidive, n’apparait pas déraisonnable au point de devoir intervenir. Mais des sanctions beaucoup plus clémentes pourraient être imposées pour une première infraction dans d’autres circonstances ou présence d’autres facteurs atténuants. En effet, la jurisprudence présente une fourchette allant de la réprimande[75] à l’amende[76] ou à la radiation dans des circonstances plus graves ou médiatisées[77].

[37]        Dans la cause Ouellet c. Médecins[78], le Tribunal des professions fait une revue des sanctions en pareilles matières qu’il est utile de reproduire puisque le Conseil l’a considéré pour décider de la question en litige :

[93]  Pour décider de la sanction juste, équitable, il convient aussi d’analyser la jurisprudence disposant de semblables situations.

[94]  Dans la décision Avocats c. LeBoutillier[73], un avocat tient des propos offensants à l’endroit de la communauté haïtienne et jamaïcaine, soit :

« Il est noir, il est haïtien. La prostitution, souvent dans ces milieux-là, c’est des… Ici à Québec, on voit moins ça mais à Montréal c’est… on voit ça plus dans ces communautés culturelles là. C’est des gens qui… ça fait partie de leur culture comme les jamaïcains, ça fait partie de leur culture de fumer du cannabis. »

[95]  Dans ce cas, il s’agissait d’un dossier fortement médiatisé qui avait obligé le juge à ajourner la cause pendant une période de deux à trois semaines. L’avocat reconnaissait avoir tenu des propos offensants, mais plaidait en défense la liberté d’expression prévue à l’article 2b) de la Charte canadienne.

[96]  Dans ce cas, le Comité a imposé une réprimande, une amende de 2 000 $ et les débours. Ce qui est beaucoup moins que dans le cas présent.

[97]  Dans la décision Avocats c. Walsh[74], un avocat qualifie de malhonnête le contre-interrogatoire de son client mené par le procureur de la Couronne qu’il traite de « crapule ». Le Comité conclut à une réprimande et à une condamnation aux débours et rejette l’amende au motif que celle-ci revêtirait un aspect punitif en regard de la conduite du professionnel. Ce qui est moins que dans le présent cas.

[98]  Dans la décision Médecins c. Boies, un médecin tient des propos déplacés en lien avec l’âge d’une patiente « Ah, un modèle Chevrolet 1957 », en répondant, à la suite des craintes exprimées par celle-ci d’avoir des nausées lors de la gastroscopie envisagée ; il ajoute qu’elle n’aurait qu’à demander la drogue (« pilule du viol ») que l’on donne dans les bars et qui rend les filles faciles et en lui disant, en prévision du prochain rendez-vous (examen gynécologique), que cela leur ferait alors plaisir « de mettre (son doigt) dans le cul de la direction ».

[99]  Dans ce cas, le professionnel a reconnu que ses propos à l’égard de sa patiente étaient inadéquats; le professionnel n’avait aucun antécédent disciplinaire, et a collaboré avec le syndic. Il s’engagea à amender son comportement. Le Comité imposa alors une réprimande et le paiement des déboursés. Ce qui est moins que le présent cas.

[100]  Dans la décision Avocats c. Laurin[75], un avocat écrivant à des débiteurs, mentionne que sa lettre « fait suite à votre torchon daté du 28 juin 2002 », que leur « menace farfelue d’une demande dédommagement [sic] est à l’image de pignoufs et de gougnafiers », qu’ils ne sont « que des menteurs et des hypocrites, compte tenu de vos nombreux mensonges, distorsions de la réalité, défaut de respecter vos obligations et esprits retors » et termine en soulignant qu’il « n’aura de cesse de vous faire rendre gorge quels que soient le temps et les efforts qui seront requis ».

[101]  Dans ce cas, le Comité impose une réprimande convaincu que le volet éducatif était atteint et qu’il ne croyait pas que l’imposition d’une amende ou d’une période de radiation protégerait plus adéquatement le public. Ce qui est moins que le cas présent.

[102]  Dans la décision Médecins c. Mailloux[76], un médecin émet publiquement des propos indignes lors d’une émission radiophonique adoptant une attitude répréhensible et inacceptable, tant à l’égard des interlocuteurs que du public et négligeant ainsi de conserver une conduite irréprochable envers le public, affirmant sur les ondes publiques que « c’est un espèce de gorille ça, un irresponsable, un espèce de croton, pour ne pas dire pourri », que « comme la plupart de ces petits pourris-là qui se droguent, ils volent. Ils volent, ils revendent le stock et ensuite, ils s’achètent de la drogue » et que« tous les drogués et toxicomanes de la pourriture humaine ont tous été engendrés par une mère. C’est malheureux, mais il y a des mères là-dedans qui en souffrent ».

[103]  Pour ces propos, le professionnel s’est vu imposer une réprimande, et une amende de 1 500 $ ; la sanction est moindre que dans le présent cas, alors qu’il y a eu médiatisation.

[104]  Ce même médecin a aussi émis publiquement des propos indignes d’un médecin envers une interlocutrice victime de violence conjugale lors d’une émission radiophonique, en adoptant une attitude répréhensible et inacceptable, tant à l’égard de cette interlocutrice que du public et en négligeant d’observer une conduite irréprochable envers le public, et de conserver une attitude irréprochable envers son interlocutrice et le public, allant même jusqu’à culpabiliser l’interlocutrice et l’inviter à la violence. Dans ce cas, le Comité imposa une réprimande, une amende de 3 500 $ et la moitié des débours.

[105]  Dans la décision Avocats c. Fine[77], un avocat s’adresse de façon grossière, impolie et abusive à son confrère et à la secrétaire de ce dernier. De plus, au palais de Justice, dans les escaliers menant au salon des avocats, il invective un confrère toujours de façon grossière en criant et en le menaçant de poursuite en dommages et intérêts au vu et au su des personnes qui circulaient alors dans les parages. Considérant le plaidoyer de culpabilité, l’absence d’antécédents judiciaires et la collaboration du professionnel, le Comité imposa une réprimande. Ce qui est moins que dans le présent cas.

[106]  Dans la décision Dumais c. Roy[78], le Comité de discipline impose une radiation d’une période d’un mois à un avocat ayant des antécédents judiciaires, pour avoir tenu des propos injurieux envers des confrères et pour les avoir invités à se battre.

[107]  Dans Avocats c. Roy[79], le même avocat reconnaît sa culpabilité pour avoir tenu des propos vulgaires et dégradants à l’endroit d’un policier. Le Comité le condamna à une radiation de 30 jours compte tenu de son plaidoyer de culpabilité, de ses antécédents disciplinaires, et de la gravité objective de l’infraction. Le Comité écrit alors:

« [50]  Le Comité considère que l’infraction commise par l’intimé doit être sanctionnée par une période de radiation ;

[51]  Il ne s’agit pas pour le Comité de punir l’intimé mais de s’assurer que sa sanction comporte un volet dissuasif auprès des autres membres de la profession;

[52]  Le Comité refuse de laisser croire que, moyennant paiement d’une amende, fût-elle du montant maximum prévu à la Loi, un avocat peut avoir un comportement qui porte atteinte à l’honneur et à la dignité de la profession et tenir des propos grossiers et injurieux envers des personnes qui collaborent à l’administration de la Justice. »

[108]  Dans la décision Tribunal – Avocats -2[80], un avocat dans une conversation téléphonique avec un policier a eu des paroles irrespectueuses envers certains juges et a manqué de courtoisie avec certains confrères. Le Tribunal confirme une radiation temporaire d’un an.

[109]  Dans Charbonneau c. Infirmières[81], un infirmier tient des propos irrespectueux envers trois usagers. Le Comité impose une radiation d’un mois pour chaque cas, à être purgée concurremment et une amende de 1 000 $ pour chacun des cas, ce qui totalisait une radiation d’un mois et une amende de 3 000 $. En appel, le Tribunal des professions réduit la radiation temporaire et supprime les amendes.

[110]  Dans Lecourt c. Infirmières[82], un infirmier tient des propos irrespectueux envers des usagers. Le Comité prononça une radiation temporaire de 15 jours.

[111]  La revue de la jurisprudence permet donc de constater que le spectre des possibilités est très grand. Chaque cas est un cas d’espèce et l’autorité disciplinaire doit tenir compte de plusieurs facteurs : la récidive, la gravité objective, les excuses formulées, le préjudice subi, la médiatisation, le repentir…

[112]  En l’espèce, l’appelant a tenu des propos offensants de façon spontanée, sans préméditation, ni malice et sans en mesurer la portée. Ses propos ont été tenus lors de conversations téléphoniques avec deux interlocuteurs différents, donc dans un contexte privé, sans médiatisation aucune, contrairement au cas LeBoutillier (réprimande + 3 500 $) et au cas Mailloux (réprimande + 3 500 $).

[113]  L’appelant, qui n’a pas d’antécédents disciplinaires stricto sensu, a reconnu sa faute, s’en est excusé auprès de ses deux interlocuteurs et a exprimé son repentir.

[114]  Il a reconnu qu’il avait agi ainsi à cause notamment d’un problème de santé et il a pris différentes mesures et engagements pour contrôler son caractère bouillant, comme il l’admet lui-même.

[115]  Dans Avocats c. LeBoutillier[83], le Comité déclare qu’une réprimande est une sanction appropriée lorsqu’un professionnel, sans antécédents judiciaires, reconnaît sa faute, s’en excuse et exprime son repentir. C’est un peu le cas de l’appelant, et il y a lieu en conséquence de retenir la réprimande comme sanction.

[116]  Toutefois, comme on l’a dit antérieurement, l’effet dissuasif ne sera pas atteint uniquement par la réprimande et il y a lieu d’y ajouter une amende de 1 000 $ à l’égard de chacun des chefs d’infraction. Par cette sanction, le Tribunal est convaincu que le volet éducatif auprès de l’appelant et le volet dissuasif auprès de l’ensemble des membres de la profession seront atteints.

                                                                        [Notre emphase et nos soulignements]

[38]        Dans l’affaire Association des courtiers et agents immobiliers c. Ménard[79], l’intimé s’est vu imposer une suspension de son permis pendant 90 jours :

[70]  Il s’agit de la lettre de menaces anonyme dont la paternité est attribuée à l’intimé. Les menaces y sont nombreuses et l’intimé tente d’entraver le processus disciplinaire.

[71]  Il ne recule devant rien et n’a visiblement aucuns (sic) remords. Après les menaces, viennent les conséquences. L’intimé poursuit son fils en révocation de dons, invoquant comme cause d’ingratitude le témoignage que Sébastien Ménard a rendu devant le Comité de discipline (PS-5).

[72]  Dans ACAIQ c. Cardinal déjà cité, la sanction s’appliquait à l’endroit de plusieurs gestes posés par cet intimé; la lettre de menace (P-39) n’est pas un geste isolé s’agissant de la culmination d’une longue série d’insultes et de menaces à peine voilées (voir P-31à P-38).

[73]  En l’occurrence, le facteur de l’exemplarité est à privilégier, les menaces à un demandeur d’enquête et l’incitation à ne pas rendre témoignage étant d’une extrême gravité.

[74]  La protection du public commande une suspension de 90 jours consécutive à toute autre suspension décrétée aux présentes.

[39]        La sanction suggérée quant à une amende de 4 000 $ sur le chef 2 apparait un peu clémente dans les présentes circonstances vu la médiatisation sur Facebook, l’absence de repentir et d’excuses et le risque de récidive élevé, mais pas à ce point contraire à l’intérêt du public qu’il faille intervenir. Le Conseil tient à souligner cependant qu’il s’agit d’une infraction très grave.

[40]        À la lumière de ce qui précède, le Conseil estime que les sanctions suggérées par les parties ne sont  pas déraisonnables au point d’être contraires à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice puisqu’elles tiennent compte des facteurs propres à ce dossier et se situent dans la fourchette des sanctions établies par la jurisprudence. Il en est de même pour les autres modalités recommandées.

DÉCISION

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT :

IMPOSE à l’intimé une amende de 3 000 $ sur le chef 1;

IMPOSE à l’intimé une amende de 4 000 $ sur le chef 2.

CONDAMNE l’intimé au paiement des débours.

ACCORDE à l’intimé un délai de 12 mois pour s’acquitter de l’amende et des frais, par versements mensuels égaux, le solde devenant dû et exigible en cas de défaut.

 

 

 

__________________________________

Me CHANTAL PERREAULT, Présidente

 

__________________________________

M. RENÉ GRENIER, psychoéducateur

Membre

 

__________________________________

Mme DIANE MÉTAYER, psychoéducatrice

Membre

 

 

 

Me Sylvain Généreux

Procureur de la partie plaignante

 

Me Jacques Patry pour Martin Gaudefroy

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience :

16 décembre 2016

 

 



[1] Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)], art. 2.

2 Code de déontologie des psychoéducateurs et psychoéducatrices, RLRQ c. C-26.

 

 

[3] Travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux (Ordre professionnel des) c. Paré, 2014 QCTP 98, par. 37 et 72.; Avocats c. Roy, [1996] D.D.O.P. 23 (QC CDBQ).

[4] Ingénieurs c. Lussier, 2013 CanLII 99526 (QC CDOIQ), par. 14.

[5] Travailleurs sociaux c. Paré, 2011 CanLII 100958 (QC OTSTCFQ) requête en irrecevabilité et rejet de la plainte accueillie : Travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux (Ordre professionnel des) c. Paré, 2014 QCTP 98, par. 37 et 72. Jugement renversant la décision du Conseil de discipline et  qui retourne le dossier au Conseil : Travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (Ordre professionnel des) c Paré, 2015 CanLII 11419 (QC OTSTCFQ) qui accepte le retrait de la plainte.

[6]  Travailleurs sociaux c. Paré, 2011 CanLII 100958 (QC OTSTCFQ), par. 82.

[7] Avocats c. Roy, [1996] D.D.O.P. 23 (QC CDBQ).

[8] Conseillers et conseillères d'orientation et des psychoéducateurs et psychoéducatrices (Ordre professionnel des) c. Navert2008 CanLII 89873 (QC CDPPQ), par. 273 à 285.

[9] Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) c. Roussel, 2003 CanLII 74310 (QC CDOII), par. 225.

[10] Landry c. Avocats (Ordre professionnel des), 2011 QCTP 208 (CanLII)

[11] Landry et Provigo Québec Inc, 2011 QCCLP 1802, par. 69 à 71.

[12] Lapointe c. Gagnon, 2013 QCCQ 923.

[13] Id., par. 114 et 115.

[14] Cloutier c. Sauvageau et Roy (Avocats), 2004 QCTP 5, par. 14.

[15] Nadon c. Avocats[15], 2008 QCTP 12, par. 72.

[16] Notaires c. Samson, 2002 QCTP 33 (CanLII)

[17] Chimistes c. Weigensberg, 2013 QCTP 42, par. 55 à 57; voir aussi Blanchet c. Avocats, 2005 QCTP 60, par. 96 à 98; Bélanger c. Avocats, 2012 QCTP 73, par. 52 et 58; Avocats c. Joyal, [1992] D.D.C.P. 228 (T.P.); R. c. Saunders, 1990 CanLII 1131 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 1020, 1021; Fanous c. Médecins, 2011 QCTP 228, par. 59 à 61.

[18] Haché c. Champagne, 2013 QCCQ 4082 (Division administrative et d’appel – Chambre de la sécurité financière), par. 126.

[19] Cohen c. Optométristes, 1995 CanLII 10931 (QCTP), 7.

[20] Lajoie c. Chiropraticiens, 2006 QCTP 76, par.67 et 78; voir aussi Bérubé c. Psychologues, 2001 QCTP 86, par. 33 à 38.

[21] Psychoéducateurs c. Mino, 2015 CanLII 9953 (QC CDPPQ).

[22] Ouellet c. Médecins, 2006 QCTP 74.

[23] Landry c. Avocats (Ordre professionnel des), 2011 QCTP 208 (CanLII) paragraphes 173 à 175.

[24] Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12 (CanLII), [2012] 1 R.C.S. 395.

[25] Mailloux c. Médecins, 2015 QCCS 2619, par.106.

[26] Id.

[27] Goldwater c. Avocats, 2014 QCTP 54; voir aussi Avocats c. Rosenberg, 2015 QCCDBQ 28, par. 89 à 96.

[28] Code de déontologie des avocats, RLRQ,c B-1, r 3, art. 4, 111 et 112. 

[29] Goldwater c. Avocats, préc., note 27, par. 35.

[30] Mailloux c. Médecins, 2015 QCCA 1619.

[31] Doré c. Barreau du Québec, préc., note 24, par. 126 et 127.

[32] Médecins (Ordre professionnel des) c L'Espérance, 2004 CanLII 66537 (QC CDCM)

[33] Tremblay c. Barriault, 2003 CanLII 74307 (QC CDOII), par. 67.

 

[34] Tremblay c. Barriault, préc., note 33, par. 51, 52 et 66.

[35] Tribunal-Avocat -2, [1980] D.D.C.P. 266.

[36] Ward c. Opticiens d'ordonnances, 2002 QCTP 69.

[37] Id., par. 127 et 130.

[38] Ingénieurs c. Lussier, préc., note 4, maintenu par le Tribunal des professions dans Lussier c. Ingénieurs (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 89. Dans ce dossier, il s’agissait de contributions politiques faites en contravention à la Loi électorale.

[39] Gagné c. Mackay, 2014 QCCS 2281.

[40] Travailleurs sociaux c. Paré, préc., note 5, par. 82. Le Tribunal des professions renversant la décision du Conseil de discipline ne contredit pas cette description du test. 2014 QCTP 98, par. 37 et 72. Jugement renversant la décision du Conseil de discipline et  qui retourne le dossier au Conseil : Travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (Ordre professionnel des) c Paré, 2015 CanLII 11419 (QC OTSTCFQ) qui accepte le retrait de la plainte.

 

[41] Nowodworski c. Guilbault (Ingénieurs), 2001 QCTP 5.

[42] Id., par. 104; voir aussi Pharmaciens c. Coutu, [1998] D.D.O.P. 343, et Tremblay c. Barriault, préc., note 33.

[43] Travailleurs sociaux c. Paré, préc., note 5, par. 82.

[44] Bouchard c. Nadeau (Notaires) 1998 QCTP 1726 (CanLII)

[45] Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Renaud, 2014 QCCDBQ 102.

[46] Acupuncteurs c. Jondeau, 2006 QCTP 86.

[47] Damphousse c. Denturologistes, 2012 QCTP 149.

[48] Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Renaud, préc., note 44.

[49] Coutu c. Tribunal des professions, 2010 QCCS 6076 et Pharmaciens c. Coutu, 2012 QCCA 2228, par. 13 à 15.

[50] L’Écuyer c. Administrateurs agréés, 2005 QCTP 38, par. 58.

[51] Marin c. Ingénieurs forestiers, 2002 QCTP 29.

[52] Bell c. Chimistes, 2004 QCTP 65.

[53] Ouimet c. Denturologistes, 2004 QCTP 90 (CanLII), 2004 QCTP 090; voir aussi Bégin c. Comptables en management accrédités 2013 QCTP 45, par. 70 à 73; Chené c. Chiropraticiens, 2006 QCTP 102.

[54] Savoie c. Arpenteurs-géomètres, 8 et 9; Acupuncteurs c. Jondeau, préc., note 45 (envoi de documents à une patiente).Chauvin c. Gignac 2002 Can LII 46650 (QC CDCHAD)

[55] Denturologistes c. Lauzière, 2008 CanLII 88617 (QC CDLQ). 

[56] Id., par. 21 et 22.

[57] Papillon c. Rainville, [1990] D.D.C.P. 241, 5.

[58] Denturologistes c. Lauzière, préc., note 55, par. 16.

[59] Marin c. Ingénieurs forestiers, préc., note 51, 36 et 37.

[60] Lauzière, préc. , note 54, par. 21 et 22.

[61]  Id., paragraphe 35, 36 et 44.

[62] Acupuncteurs c. Jondeau, préc. , note 46, par. 128 à 132.

[63] Idem, paragraphe 132

[64]    Gauthier c. Médecins (Ordre professionnel des), 2013 QC TP 82189 (CanLII).

[65]    Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5 (CanLII).

[66]    Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Ungureanu, 2014 QCTP 20 (CanLII).

[67]    R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

[68] Gauthier, précité note 1; Dentistes c. Auger, 2014 CanLII 31695 par. 54 à 58.

[69]    Dentistes (Ordre professionnel des) c. Poirier, 2014 CanLII 49143 (QC ODQ).

[70]    Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 (QC CA), [2003] R.J.Q. 1090 (C.A.), p.1097-1098.

[71]    Audioprothésistes (Ordre professionnel des) c. Bougie, 2013 CanLII 92054.

[72]    Optométristes (Ordre professionnel des) c. Jarada, 2016 CanLII 39313, par. 44.

[73]    Dentistes c. Dupont, QCTP 7 par. 53; Avocats (Ordre professionnel des) c. Drolet-Savoie, 2014 QCTP 115 (CanLII).

[74]    Ingénieurs c. Paré, 2014 QCTP 71; Barreau du Québec (Syndic adjoint du) c. Montambault, [2010] QCCDBP 119 (CanLII), par. 81.

[75]    Barreau du Québec (syndic ad hoc) c. Oberman, 2016 QCCDBQ 40 (CanLII); Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Jurju Bala, 2012 QCCDBQ 21 (CanLII); Barreau du Québec (syndic ad hoc) c. Dufour, 2008 QCCDBQ 41 (CanLII); Dufour c. Avocats (Ordre professionnel des), 2010 QCTP 129 (CanLII); Avocats c. Goldwater 2012 QCCDBQ 100 (CanLII) et 2014 QCTP 54 (CanLII); Avocats c. Carignan, 2013 QCCDBQ 37 (CanLII); Avocats c. Rosenberg, 2015 QCCDBQ 28 (CanLII), 2015 QCCDBQ 028 et 2015 QCCBQ 059; Richard c. Normandeau, 2007 CanLII 22003 (QC CDBQ); Barreau du Québec (syndic-adjoint) c. Bouchard, 2016 QCCDBQ 3 (CanLII) réprimande sur le chef 2.

[76]    Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Laflamme, 2016 QCCDBQ 027, amende de 2 500 $; Barreau du Québec (syndic-adjoint) c. Fradette, 2016 QCCDBQ 2 (CanLII), amende de 1 000 $ sur le chef 1; Barreau du Québec (syndic-adjoint) c. Bouchard, 2016 QCCDBQ 3 (CanLII), amende de 2 500 $ sur le chef 1.

[77]    Médecins (Ordre professionnel des) c. Mailloux, 2012 CanLII 61510 (QC CDCM), 5 ans de radiation; voir aussi Psychoéducateurs (Ordre professionnel des) c. Mino, 2015 CanLII 9953 (QC CDPPQ), radiation permanente; Barreau du Québec (syndic-adjoint) c. Fradette, 2016 QCCDBQ 2 (CanLII), radiation d’une semaine sur le chef 2; Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Houle, 2007 CanLII 82782 (QC OIIA) radiation de 3 semaines; Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Boudreau, 2016 CanLII 1881 (QC OIIA).

[78]    Ouellet c. Médecins (Ordre professionnel des), 2006 QCTP 74.

[79]    Association des courtiers et agents immobiliers c. Ménard, 2010 CanLII 100111.