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Rock c. Conseil de Bande de Pessamit, 2024 QCCS 1322 (CanLII)

Date :
2024-02-22
Numéro de dossier :
655-17-000949-235
Référence :
Rock c. Conseil de Bande de Pessamit, 2024 QCCS 1322 (CanLII), <https://canlii.ca/t/k43rq>, consulté le 2024-05-08

Rock c. Conseil de Bande de Pessamit

2024 QCCS 1322

 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE BAIE-COMEAU

 

N° :            655-17-000949-235

 

DATE :     22 février 2024

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE JUGE CARL LACHANCE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

JOHN ROCK

 

Demandeur

c.

CONSEIL DE BANDE DE PESSAMIT

 

Défendeur

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

APERÇU

[1]         Le 26 octobre 2023, le demandeur John Rock (« Rock ») notifie une demande d’injonction contre le défendeur, le conseil de bande de Pessamit (« Pessamit »).

[2]         Rock veut obtenir une ordonnance pour forcer Pessamit à enlever une clôture empêchant l’accès au lot C-001 sur lequel il soutient avoir des droits d’usage et de possession depuis une entente de transfert entre membres du 23 mars 2021[1].

[3]         Il demande également au Tribunal d’entériner cette transaction de transfert, son droit d’usage sur le lot en question et son droit de propriété sur les bâtiments s’y trouvant.

[4]         Le 3 novembre 2023, Pessamit notifie une demande d’exception déclinatoire visant à déclarer que la Cour fédérale possède compétence exclusive pour trancher le litige et en conséquence, elle demande le rejet de l’injonction.

[5]         Pessamit soutient que le conseil de bande est un « office fédéral » soumis à la juridiction de la Cour fédérale et que c’est seulement devant cette juridiction que la demande en injonction de Rock, visant un contrôle judiciaire des décisions de Pessamit, dans le cadre de l’exercice de ses pouvoirs pour la santé et la gestion des terres découlant expressément ou implicitement de la Loi sur les Indiens, peut être tranchée.

[6]         Rock s’oppose au déclinatoire en plaidant entre autres que la Cour supérieure possède la compétence pour entendre « toute demande que la loi n’attribue pas formellement et exclusivement à une autre juridiction ou organisme juridictionnel ». Il plaide la coutume existante à Pessamit concernant l’attribution des terres confirmée par un jugement de la Cour fédérale, l’absence de règlement pour leur gestion et l’absence de décisions du conseil de bande adoptée par la majorité, à contrôler judiciairement.

DÉCISION

[7]         L’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales[2] traite des compétences exclusives de cette Cour comme suit :

18. (1) Sous réserve de l’article 28, la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour :

a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;

b) connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l’alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d’obtenir réparation de la part d’un office fédéral.

(2) Elle a compétence exclusive, en première instance, dans le cas des demandes suivantes visant un membre des Forces canadiennes en poste à l’étranger : bref d’habeas corpus ad subjiciendum, de certiorari, de prohibition ou de mandamus.

(3) Les recours prévus aux paragraphes (1) ou (2) sont exercés par présentation d’une demande de contrôle judiciaire.

[8]         L’article 2 de cette Loi définit comme suit un office fédéral :

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[9]         L’article 20(1) de la Loi sur les Indiens[3] traite la possession des terres :

 (1) Un Indien n’est légalement en possession d’une terre dans une réserve que si, avec l’approbation du ministre, possession de la terre lui a été accordée par le conseil de la bande.

[10]      L’article 81(1) indique les règlements administratifs que peut adopter un conseil de bande :

81 (1) Le conseil d’une bande peut prendre des règlements administratifs, non incompatibles avec la présente loi ou avec un règlement pris par le gouverneur en conseil ou par le ministre, pour l’une ou l’ensemble des fins suivantes :

a) l’adoption de mesures relatives à la santé des habitants de la réserve et les précautions à prendre contre la propagation des maladies contagieuses et infectieuses;

b) la réglementation de la circulation;

c) l’observation de la loi et le maintien de l’ordre;

d) la répression de l’inconduite et des incommodités;

e) la protection et les précautions à prendre contre les empiétements des bestiaux et autres animaux domestiques, l’établissement de fourrières, la nomination de gardes-fourrières, la réglementation de leurs fonctions et la constitution de droits et redevances pour leurs services;

f) l’établissement et l’entretien de cours d’eau, routes, ponts, fossés, clôtures et autres ouvrages locaux;

g) la division de la réserve ou d’une de ses parties en zones, et l’interdiction de construire ou d’entretenir une catégorie de bâtiments ou d’exercer une catégorie d’entreprises, de métiers ou de professions dans une telle zone;

h) la réglementation de la construction, de la réparation et de l’usage des bâtiments, qu’ils appartiennent à la bande ou à des membres de la bande pris individuellement;

i) l’arpentage des terres de la réserve et leur répartition entre les membres de la bande, et l’établissement d’un registre de certificats de possession et de certificats d’occupation concernant les attributions, et la mise à part de terres de la réserve pour usage commun, si l’autorisation à cet égard a été accordée aux termes de l’article 60;

j) la destruction et le contrôle des herbes nuisibles;

k) la réglementation de l’apiculture et de l’aviculture;

l) l’établissement de puits, citernes et réservoirs publics et autres services d’eau du même genre, ainsi que la réglementation de leur usage;

m) la réglementation ou l’interdiction de jeux, sports, courses et concours athlétiques d’ordre public et autres amusements du même genre;

n) la réglementation de la conduite et des opérations des marchands ambulants, colporteurs ou autres personnes qui pénètrent dans la réserve pour acheter ou vendre des produits ou marchandises, ou en faire un autre commerce;

o) la conservation, la protection et la régie des animaux à fourrure, du poisson et du gibier de toute sorte dans la réserve;

p) l’expulsion et la punition des personnes qui pénètrent sans droit ni autorisation dans la réserve ou la fréquentent pour des fins interdites;

p.1) la résidence des membres de la bande ou des autres personnes sur la réserve;

p.2) l’adoption de mesures relatives aux droits des époux ou conjoints de fait ou des enfants qui résident avec des membres de la bande dans une réserve pour toute matière au sujet de laquelle le conseil peut établir des règlements administratifs à l’égard des membres de la bande;

p.3) l’autorisation du ministre à effectuer des paiements sur des sommes d’argent au compte de capital ou des sommes d’argent de revenu aux personnes dont les noms ont été retranchés de la liste de la bande;

p.4) la mise en vigueur des paragraphes 10(3) ou 64.1(2) à l’égard de la bande;

q) toute question qui découle de l’exercice des pouvoirs prévus par le présent article, ou qui y est accessoire;

r) l’imposition, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de mille dollars et d’un emprisonnement maximal de trente jours, ou de l’une de ces peines, pour violation d’un règlement administratif pris aux termes du présent article.

[11]      L’article 24 de cette loi[4] traite du transfert du droit à la possession des terres :

24 Un Indien qui est légalement en possession d’une terre dans une réserve peut transférer à la bande, ou à un autre membre de celle-ci, le droit à la possession de la terre, mais aucun transfert ou accord en vue du transfert du droit à la possession de terres dans une réserve n’est valable tant qu’il n’est pas approuvé par le ministre.

[12]      L’article 88 de la loi[5] énonce que les lois provinciales d’ordre général peuvent être applicables aux indiens :

88 Sous réserve des dispositions de quelque traité et de quelque autre loi fédérale, toutes les lois d’application générale et en vigueur dans une province sont applicables aux Indiens qui s’y trouvent et à leur égard, sauf dans la mesure où ces lois sont incompatibles avec la présente loi ou la Loi sur la gestion financière des premières nations ou quelque arrêté, ordonnance, règle, règlement ou texte législatif d’une bande pris sous leur régime, et sauf dans la mesure où ces lois provinciales contiennent des dispositions sur toute question prévue par la présente loi ou la Loi sur la gestion financière des premières nations ou sous leur régime.

[13]      Dans la décision Air Liaison[6], madame la juge Catherine LaRosa estime que même si le conseil de bande est un office fédéral visé par la Loi des Cours fédérales, le concept d’injonction de l’article 18(1)a vise l’injonction dans le cadre du contrôle judiciaire par cette Cour :

[25]        En l'espèce, il n’est pas contesté qu’un conseil de bande constitue généralement un « office fédéral » au sens de la loi.

[26]        En fait, le concept d’« office fédéral » comprend toutes les autorités relevant de la Loi sur les indiens ou de toute autre loi fédérale concernant les autochtones.

[27]        À partir du moment où le conseil de bande est désigné comme étant un « office fédéral » et qu’il est par conséquent visé par la Loi sur les cours fédérales, il faut en deuxième lieu s’attarder au concept d’injonction employé à l’article 18(1) de la loi. S’agit-il de l’injonction à laquelle réfère le Code civil du Québec? Le Tribunal répond par la négative pour les raisons qui suivent.

[28]        Tout d’abord, la Cour suprême, dans l’arrêt TeleZone, s’est exprimée sur le type de recours visés par l’article 18 de la Loi sur les cours fédérales :

52     Tous les recours énumérés à l'al. 18(1)a) sont des recours classiques du droit administratif, y compris les quatre brefs de prérogative — certiorari, prohibition, mandamus et quo warranto — et les demandes d'injonction et de jugement déclaratoire en droit administratif. L'article 18 ne prévoit pas l'octroi de dommages-intérêts. L'indemnisation n'est pas possible dans le cadre d'une procédure de contrôle judiciaire.

[Soulignement dans l’original]


[29]        Ainsi, l'article 18 de la Loi sur les cours fédérales vise l'injonction en tant que moyen de mise en œuvre du pouvoir de contrôle et de surveillance de la Cour fédérale à l'égard des offices fédéraux au sens de l'article 2 de la même loi et non en tant que demande autonome.

[30]        D’ailleurs, le paragraphe 3 de l’article 18 de la Loi sur les cours fédérales prévoit que les demandes prévues au paragraphe 1 sont toutes exercées par présentation d'une demande de contrôle judiciaire.

[14]      Dans un arrêt[7], la Cour suprême énonce les trois conditions qui doivent être réunies pour donner compétence à la Cour fédérale.

[34] Dans l’arrêt ITO, notre Cour a jugé qu’une attribution législative de compétence était nécessaire, mais insuffisante, à elle seule, pour conférer à la Cour fédérale compétence dans une affaire donnée. Étant donné que le Parlement a établi la Cour fédérale en application de la compétence que lui reconnaît l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 d’établir « des tribunaux additionnels pour la meilleure administration des lois du Canada », le rôle de la Cour fédérale se limite constitutionnellement à administrer les « lois du Canada », une expression qui, dans le présent contexte, s’entend des lois fédérales (Thomas Fuller, p. 707; Quebec North Shore, p. 1065-1066; Consolidated  Distillerie, p. 521-522). Le critère à trois volets déterminatif de la compétence élaboré dans l’arrêt ITO vise à faire en sorte que le Cour fédérale n’outrepasse pas ce rôle limité (ITO, p. 766, le juge McIntyre) :

1.      Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.

2.      Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

3.      La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[15]      Dans un autre arrêt, la Cour suprême énonce le principe de compétence large de la Cour supérieure et celui de compétence législative de la Cour fédérale[8] :

[43] La formule souvent répétée en common law veut que « rien n’est censé échapper à la compétence d’une cour supérieure sauf ce qui paraît en être spécialement exclu et, inversement, rien n’est censé relever de la compétence d’une cour d’instance inférieure sauf ce qui est expressément déclaré en relever » : Peacock c. Bell (1667), 1 Wms. Saund. 73, 85 E.R. 84, p. 87-88.  À l’opposé, la compétence de la Cour fédérale est purement d’origine législative.


[16]      À notre avis, la Cour supérieure possède compétence pour entendre le litige.

[17]      Pessamit avait le fardeau de démontrer la compétence exclusive de la Cour fédérale. Elle échoue à nous convaincre.

[18]      Pour décider du rejet de la demande déclinatoire de Pessamit, nous tenons pour avérés, comme l’enseigne la jurisprudence[9], les faits mentionnés dans la demande en injonction appuyée par quatre déclarations assermentées et les pièces produites.

[19]      Ainsi, nous prenons pour avéré le fait que le conseil de bande n’a adopté aucune décision valable à la majorité concernant le lot C-001 (voir paragraphes 19, 32 et 46 de la demande introductive d’instance).

[20]      Quant aux faits mentionnés dans le plan d’argumentation de Pessamit qui ne sont pas allégués dans la demande en injonction, les pièces et les affidavits, le Tribunal ne peut les prendre en compte, n’étant pas tenu pour avérés. Il s’agit des paragraphes 4, 5, 10, 11 et 12 de ce plan.

[21]      Examinons les trois conditions d’attribution de compétence à la Cour fédérale.

ATTRIBUTION DE COMPÉTENCE PAR UNE LOI DU PARLEMENT FÉDÉRAL

[22]      Selon les faits tenus pour avérés les coutumes, concernant les droits d’usage des membres de la bande de Pessamit sur les lots de la réserve, sont indépendantes de la Loi sur les Indiens.

[23]      À Pessamit, les transferts et les cessions de droits d’usage des lots se font, selon une coutume établie depuis longtemps et qui semble reconnue par le conseil de bande, entre les membres de la bande sans l’émission des certificats de possession prévus à l’article 20 de la Loi sur les Indiens.

[24]      Dans la décision Copeau[10], la Cour fédérale refuse l’émission d’un certificat de possession à un membre de Pessamit en considérant que le droit d’usage des terres ne relève pas de la Loi sur les Indiens et que le droit d’usage n’est pas régi par celle loi, elle écrit :

[24] La preuve au dossier ne démontre pas que le Conseil a eu l’intention de recommander au ministre l’octroi d’un certificat de possession en faveur de Mme Copeau. Au contraire, tout indique que le Conseil a voulu attribuer un droit d’usage qui ne relève pas de la Loi, mais plutôt de son propre droit ou de sa propre coutume.

[25] En effet, même si certaines terres de la communauté de Pessamit font l’objet d’un certificat de possession, de tels certificats sont rares et ont tous été attribués il y a plusieurs décennies. Les témoins s’entendent pour dire que la politique du Conseil, depuis au moins les années 1980, est de ne pas consentir à l’émission de tels certificats, afin de favoriser la gestion collective du territoire. En particulier, M. Jean-Marie Vollant, qui était secrétaire-greffier du Conseil en 2007 et qui a souscrit un affidavit en faveur de Mme Copeau, a affirmé qu’aucun certificat de possession n’avait été émis pendant qu’il occupait cette fonction, entre 2003 et 2016. En contre-interrogatoire, M. René Simon, qui était alors chef, a affirmé que cette politique se justifiait par la pensée autochtone collectiviste.

[30] À ce propos, l’emploi de verbes comme « accordé » ou « octroyé » ne signifie pas que Mme Copeau est titulaire d’un droit de possession visé à l’article 20 de la Loi. Ces termes sont compatibles avec l’octroi d’un droit d’usage qui n’est pas régi par la Loi.

[25]      En conséquence, nous concluons à ce stade-ci qu’aucune loi fédérale n’attribue compétence à la Cour fédérale en raison des circonstances particulières révélées par les faits tenus pour avérés.

[26]      Pessamit, depuis longtemps, comme le souligne la Cour fédérale, favorise la gestion collective du territoire et n’exerce pas les pouvoirs qui lui sont conférés sur les terres de la réserve en vertu de la Loi sur les Indiens.

[27]      Par ailleurs, l’essence de la demande en injonction vise principalement le droit d’usage de Rock sur un lot qui lui a été cédé et qui a déjà été cédé à quelques reprises dans le passé de façon coutumière. Pessamit est informée de ces cessions et n’intervient pas pour s’opposer. Elle semble en prendre acte sauf dans le présent dossier.

[28]      À notre avis, la solution du litige passe par les coutumes reconnues à Pessamit et possiblement par les règles de droit d’ordre général d’application dans une province comme le Code civil du Québec. Ces règles ne sont pas exclues par l’article 88 de la Loi sur les Indiens.

[29]      Le litige, tel que présenté dans la demande introductive d’instance, semble se référer à des questions relevant du Code civil du Québec comme le droit des biens (usage du lot et propriété des bâtiments), droit de la vente (entre le demandeur et les anciens usagers), et droit des obligations (responsabilité civile de Pessamit).

[30]      Par sa demande Rock souhaite le maintien de la situation existante, le respect de la coutume établie et la reconnaissance par injonction de ses droits en découlant.

[31]      En l’espèce, il ne s’agit pas d’une demande de la nature d’un contrôle judiciaire d’une décision du conseil de bande qui aurait été valablement adoptée et qui pourrait être assortie d’une injonction en vertu de la Loi sur les Cours fédérales.

[32]      Tel que mentionné à la déclaration introductive d’instance, le conseil de bande n’a pris aucune décision à la majorité de ses membres en tant qu’office fédéral.

[33]      Il nous apparait qu’il ne peut y avoir de contrôle judiciaire en l’absence de décisions valablement adoptées.

[34]      Par ailleurs, la présence de Pessamit n’est pas un obstacle pour attribuer compétence à la Cour supérieure. Dans la décision Banque de Montréal[11], la Cour supérieure a été jugée compétente pour trancher un litige relevant du Code civil du Québec même si le conseil de bande était impliqué.

L’EXISTENCE D’UN ENSEMBLE DE RÈGLES DE DROIT FÉDÉRALES ESSENTIEL À LA SOLUTION DU LITIGE ET CONSTITUANT LE FONDEMENT DE L’ATTRIBUTION LÉGALE DE COMPÉTENCE

[35]      Selon l’affidavit de l’ancien chef de la bande de Pessamit, le Conseil n’a adopté aucun règlement administratif en vertu de la Loi sur les Indiens concernant les bâtiments, la division de la réserve en zone, l’arpentage des terres et leur répartition entre les membres de la bande comme le permet l’article 81(1) de la loi.

[36]      Dans les circonstances, la deuxième condition essentielle n’est pas remplie pour attribuer compétence à la Cour fédérale.

LA LOI INVOQUÉE DANS L’AFFAIRE DOIT ÊTRE UNE LOI DU CANADA AU SENS OÙ CETTE EXPRESSION EST EMPLOYÉE À L’ARTICLE 101 DE LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

[37]      Tel que mentionné plus haut, même si la Loi sur les Indiens est une loi fédérale au sens de la constitution, elle ne semble pas trouver application d’après les circonstances particulières des faits tenus pour avérés dans le présent dossier.

CONCLUSION

[38]      Nous sommes d’avis que la décision Pelletier[12] ne s’applique pas ici. Dans cette décision le conseil de bande avait adopté plusieurs règlements pour administrer et gérer les terres en conformité avec la Loi sur les Indiens. En l’espèce, il n’y a pas de tels règlements d’adoptés.

[39]      Quant à la décision Tremblay[13], elle ne s’applique pas non plus. Les faits et pièces à l’appui de la demande de Tremblay sont différents et permettent de conclure qu’il s’agit d’une demande de réparation au sens de l’article 18(1) b de la Loi sur les Cours fédérales.

[40]      À ce stade-ci, il serait donc prématuré de rejeter la demande introductive en injonction. La Cour supérieure possède à tout le moins une compétence concurrente sur la gestion des terres.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[41]      REJETTE l’exception déclinatoire du défendeur;

[42]      LE TOUT, avec frais de justice.

 

 

__________________________________

CARL LACHANCE

Juge à la Cour supérieure

 

 

Me François Boulianne

François Boulianne avocat

Avocat du demandeur

 

Me Mathieu Papineau

Gowling WLG Canada

Avocats du défendeur

 

Date de l’instruction :

 11 janvier 2024

 

 



[1]       Pièce P-3.

[3]       Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), c-1-5, art. 20

[4]       Id. note 3.

[5]       Id. note 3.

[6]       Air Liaison inc. c. Conseil des Innus de Unamen Shipu, 2014 QCCS 2299.

[7]       Windsor (City) c. Canadian Transit co., 2016 CSC 54 (CANLII), par. 34.

[8]       Canada (Procureur général) c. TeleZone inc., 2010 CSC 62, CANLII, par. 43.

[9]       Fruits de mer Lagoon inc. c. Réfrigération, plomberie & chauffage Longueuil inc. (Zero-C), 2016 QCCS 1647 (CanLII) par. 30 et 33.

[10]    Copeau c. Procureur général du Canada et al, 2021 CF 325 (CanLII), 2021 C.F. 325, par. 24, 25 et 30.

[11]    Banque de Montréal c. Innus (les montagnais) Dunamer Shipi, 2006 QCCS 4774 (CANLII), par. 7.

[12]    Pelletier c. Delorme, 2019 CF 1487.

[13]    Conseil de la Première Nation Malécite de Viger c. Tremblay, 2000 CANLII 11377 QCCA.