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Gestion Laberge inc. c. Stewart, 2023 QCTAL 12060 (CanLII)

Date :
2023-04-17
Numéro de dossier :
665537 31 20221123 G
Référence :
Gestion Laberge inc. c. Stewart, 2023 QCTAL 12060 (CanLII), <https://canlii.ca/t/jwxvb>, consulté le 2024-03-28

Gestion Laberge inc. c. Stewart

2023 QCTAL 12060

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

665537 31 20221123 G

No demande :

3725469

 

 

Date :

17 avril 2023

Devant le juge administratif :

Serge Adam

 

Gestion Laberge Inc.

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Janet Stewart

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[2]      Les parties sont liées par bail débutant le 1er avril 2022 et se terminant le 31 mars 2023 au loyer mensuel de 687 $, lequel fut reconduit jusqu’au 31 mars 2024 au loyer mensuel de 721 $.

[3]      Le 30 mars 2023, ce dossier fut réassigné au soussigné par le Président du Tribunal administratif du logement, en vertu de l'article 81 de sa loi, le juge administratif ayant entendu l'entièreté de la preuve des parties ne pouvant rendre sa décision.

[4]      Sur la base de l'enregistrement sonore de l'audience tenue pour ce dossier devant mon collègue le juge Alexandre Henri, et, après analyse de l'entièreté de la preuve au dossier, le Tribunal rend sa décision.

[5]      Avant que ne soit entendue la preuve concernant cette demande, le Tribunal a pris connaissance de la demande de remise de la locataire soulevée lors de l’audience tenue le 29 mars 2023 réclamant le droit d’être représentée par le grand chef des Nations autochtones M Ghislain Picard, tel que le prescrit selon ses prétentions par une disposition à cet effet par l’UNESCO.

[6]      Le droit d'accorder une remise relève entièrement du pouvoir discrétionnaire du juge. À cette fin, les articles 28 et 29 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement énoncent ce qui suit :

« 28. La partie qui désire obtenir la remise de l'audience à une date postérieure à celle déterminée dans l'avis d'audition doit produire au Tribunal le consentement écrit de l'autre partie. »


« 29. À l'audience, le membre peut, d'office ou sur demande écrite ou verbale d'une partie, remettre ou ajourner l'audience à une date ultérieure.

Toute décision relative à une demande de remise est consignée au procès-verbal. »

[8]      Pour qu'une remise soit accordée, il faut que le requérant présente un motif sérieux. Il en va d'une saine administration de la justice. C'est également la manifestation d'un respect élémentaire envers la partie adverse.

[9]      Tel qu'édicté aux articles 28 et 29 précités du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement, une partie qui désire obtenir une remise doit produire au Tribunal le consentement de l'autre partie. À l'audience, le juge peut, d'office ou sur demande écrite ou verbale d'une partie, remettre ou ajourner l'audience à une date ultérieure.

[10]   Le Tribunal est d'avis qu'en vertu des articles précités, ce dernier conserve la discrétion judiciaire d'accorder ou non une remise selon la preuve qui lui est présentée.

[11]   Dans une décision rendue le 1er mars 2006(1), la Cour du Québec rejetait l'appel d'une décision de la Régie du logement qui refusait une demande de remise formulée, comme en l'espèce, via une lettre, en l'absence de toute représentation devant la Régie du logement. La Cour du Québec rappelait alors que :

« La décision d'accorder ou de refuser un ajournement est certes discrétionnaire, mais cette discrétion se doit d'être exercée « judiciairement » comme l'ont statué les plus hautes instances judiciaires.[...] Dans le contexte, cette décision n'apparaît ni déraisonnable ni injustifiée. La régisseure a estimé que les locateurs n'ont pas établi la nature et le sérieux de la maladie de leur fils et surtout de l'impossibilité d'au moins l'un deux à se présenter à la Régie, soit pour présenter sa preuve, soit pour faire une demande de remise en personne. La régisseure a exercé sa discrétion de façon judiciaire en concluant, de façon implicite, au manque de diligence de la partie qui demandait la remise. Il n'y aucune faiblesse dans ce jugement et aucun manquement à un principe de justice naturelle.» (par. 12, 21-23, p. 3-4)

« La régisseure, Jocelyne Gascon, refuse la demande de remise essentiellement au motif que l'un des locateurs n'est pas présent pour la demander, que l'information au soutien de la demande de remise est insuffisante et que, de toute façon, l'un des locateurs aurait pu se libérer pour l'audition et témoigner et présenter la preuve. [...] La régisseure a exercé sa discrétion de façon judiciaire en concluant, de façon implicite, au manque de diligence de la partie qui demandait la remise. » (par. 19, 22, p. 4)

« Les requérants ne peuvent [...] se limiter à invoquer la violation de la règle audi alteram partem devant la Régie pour obtenir l'autorisation d'en appeler de la décision. Encore faut-il établir par une preuve prima facie que le refus de d'accorder la remise n'était pas justifié ou était déraisonnable compte tenu des circonstances. [...] la demande de remise peut être valablement refusée en présence de mauvaise foi, de connivence ou de manque de diligence de la partie ou de son procureur, comme l'écrit le juge Audet dans l'affaire Gagné et Paquette c. Guiomar, précitée. [...] Dans le contexte, cette décision n'apparaît ni déraisonnable ni injustifiée. [...] Les locateurs n'ont pas réussi à démontrer au Tribunal, prima facie, une violation à une règle de justice naturelle [...]. » (par.15-16, 21et 23, p.4)

[12]   Dans une décision rendue le 6 février 2006, la Cour d'appel du Québec rappelait que :

« [...] il est de jurisprudence constante que la décision d'accorder ou non un ajournement relève du pouvoir discrétionnaire du tribunal de première instance, ce pouvoir ne pouvant être révisé en appel que s'il n'est pas exercé judiciairement : R. c. V(M), J.E. 2004-1867 (C.A.), Roy c. R.F. Baril inc., J.E. 82-267 (C.A.). » (par. 8, p. 2)

[13]   Le droit d'être entendu est, dans le cadre d'un procès, un droit qui appartient aux deux parties. Les deux parties ont également le droit d'être entendues dans les meilleurs délais.

[14]   Une partie qui désire obtenir une remise d'un procès doit donc démontrer le bien-fondé de la demande et sa diligence à poser tout geste qui permettrait à l'instance de procéder.

[15]   Pour qu'une remise soit accordée, il faut que la requérant présente un motif sérieux. Il en va d'une saine administration de la justice. C'est également la manifestation d'un respect élémentaire envers la partie adverse.


[16]   Ici, le seul motif invoqué par la locataire c’est son droit d’être représenté par le grand chef des Nations autochtones, M. Ghislain Picard, ce qui ne peut être légalement accordé, car le droit de représentation appartient aux avocats ou encore à un membre de la famille ou un ami selon des circonstances précises ce qui n’est pas le cas dans la demande de la locataire.

[17]   Or, non seulement la demande de la locataire est non fondée, mais celle-ci est présente et le Tribunal juge cette dernière parfaitement apte à se défendre elle-même.

[18]   La demande de remise de la locataire est donc rejetée.

[19]   Le représentant de la locatrice témoigne qu’il se doit d’effectuer des travaux importants, notamment le changement de la ou des fenêtres du logement concerné, car celles-ci sont rendues à la limite de leur vie active ayant été installées il y a de cela plus de 60 ans.

[20]   Ces travaux exigeront une présence d’ouvriers dans celui-ci afin d’effectuer cesdits travaux lesquels dureront une dizaine de jours, soit quelques heures pour le changement de la ou les fenêtres et le reste des jours pour compléter la finition incluant le plâtre et l’application d’une nouvelle peinture au logement.

[21]   Au soutien de sa demande, le locateur précise avoir expédié deux lettres à la locataire afin d’obtenir de cette dernière l’accès à son logement. L’une fut datée du 31 octobre 2022 et une autre datée du 9 novembre 2022 pour des travaux prévus dans les jours suivants.

[22]   Or à chaque occasion, malgré des demandes d’accès avec un éventail très large de dates par la locatrice, cette dernière ne collabore nullement, souligne le représentant de cette dernière et refuse systématiquement tout accès à son logement.

[23]   La locataire quant à elle prétend ne pas refuser l’accès, mais insiste pour dire que toute cette demande fait partie d’un processus de harcèlement déjà entrepris par la locatrice afin qu’elle quitte son logement, en plus de se plaindre de la perte de ses droits lesquels sont décrits par des propos insensés voire sans aucun fondement juridique.

Décision

[24]   Les articles pertinents du Code civil du Québec concernant l'accès au logement se lisent somme suit :

« 1930. Le locataire qui avise le locateur de la non-reconduction du bail ou de sa résiliation est tenu de permettre la visite du logement et l'affichage, dès qu'il a donné cet avis. »

« 1931. Le locateur est tenu, à moins d'une urgence, de donner au locataire un préavis de vingt-quatre heures de son intention de vérifier l'état du logement, d'y effectuer des travaux ou de le faire visiter par un acquéreur éventuel. »

« 1932. Le locataire peut, à moins d'une urgence, refuser que le logement soit visité par un locataire ou un acquéreur éventuel, si la visite doit avoir lieu avant 9 heures et après 21 heures; il en est de même dans le cas où le locateur désire en vérifier l'état.

Il peut, dans tous les cas, refuser la visite si le locateur ne peut être présent. »

« 1933. Le locataire ne peut refuser l'accès du logement au locateur, lorsque celui-ci doit y effectuer des travaux.

Il peut, néanmoins, en refuser l'accès avant 7 heures et après 19 heures, à moins que le locateur ne doive y effectuer des travaux urgents. »

« 1934. Aucune serrure ou autre mécanisme restreignant l'accès à un logement ne peut être posé ou changé sans le consentement du locateur et du locataire.

Le tribunal peut ordonner à la partie qui ne se conforme pas à cette obligation de permettre à l'autre l'accès au logement. »

[25]   Il ressort de la preuve que les relations sont très tendues entre les parties et que la locataire refuse de collaborer pour toute démarche entreprise par la locatrice. Cette situation résulte que la locataire semble convaincue que la locatrice agit de mauvaise foi dans cette demande alors que rien dans la preuve ne vient soutenir un tel argument.

[26]   Par ailleurs, le Tribunal est fort perplexe devant l’attitude de la locataire alors que la locatrice tente de satisfaire ses demandes d’entretien et de réparation de son logement, afin d’améliorer le confort de celui-ci.


[27]   La loi est précise. Le locataire ne peut refuser l'accès au logement au locateur lorsqu'il y a des travaux à effectuer. Il ne s'agit pas pour lui d'accepter l'accès au locateur, mais l'interdire à des ouvriers ou encore de dicter ses disponibilités.

[28]   Il n'y a aucune option pour le locataire, il doit se conformer et laisser le locateur gérer la réparation et pouvoir le faire par toutes personnes de son choix afin d’effectuer ces travaux.

[29]   Pour paraphraser le juge Benoit Émery, de la Cour Supérieure[1], la locataire contrairement à ce qu’elle peut penser, elle ne lui appartient pas de choisir la date pour la réalisation de travaux au logement concerné ou encore son refus de procéder aux changements des fenêtres. En vertu de l’article 1931 du Code civil du Québec, le propriétaire jouit du droit de vérifier l’état du logement ou d’y effectuer des travaux incluant le changement des fenêtres dès lors qu’il donne à la locataire son préavis de 24 heures. Une fois ce préavis donné, la locataire doit permettre l’accès au logement. Elle peut exiger toutefois que le propriétaire soit présent lors des travaux. Si la locataire ne peut être présente, elle peut demander à l’un de ses proches d’être présent, mais elle ne peut refuser l’accès au motif qu’elle n’est pas disponible.

[30]   Quoi qu'il en soit et compte tenu des termes de ces articles précités, il appert que la locataire ne pouvait interdire l'accès de son logement à la locatrice afin que cette dernière procède au changement de la ou des fenêtres de son logement,

[31]   La locataire devra donc permettre l'accès de son logement à la locatrice afin que cette dernière procède au changement de la ou des fenêtres de celui-ci et aux travaux de finition requis par la suite, et ce, moyennant un nouvel avis au moins de 24 heures.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[32]   ORDONNE à la locataire de permettre l'accès de son logement à la locatrice afin qu'elle y procède au changement de la ou des fenêtres, en plus des travaux de finition requis à être effectués soit par la locatrice ou tout autre(s) ouvriers indiqués par cette dernière, et ce, moyennant un nouvel avis de 24 heures;

[33]   ORDONNE à la locataire de se conformer à la loi et de permettre l'accès au logement lors de tout avis à cet effet,

[34]   CONDAMNE la locataire à payer à la locatrice la somme de 107 $ en remboursement des frais judiciaires.

 

 

 

 

 

 

 

 

Serge Adam

 

Présence(s) :

le mandataire de la locatrice

la locataire

Date de l’audience :  

29 mars 2023

 

 

 


 



[1] Lapierre c. Therrien, Cour Supérieure, district de Montréal, 500-05-0666143-015, le 4 octobre 2007, juge Benoît Émery.