Des élèves étudient les branches d’un arbre.

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Durabilité, Engagement, Enseignement

Apprécier la biodiversité pour mieux la préserver

Les changements globaux ainsi que la perte de biodiversité représentent d’importants défis contemporains. C’est en ce sens que le 15e objectif de développement durable fixé par l’Organisation des Nations Unies en 2015 pour l’horizon 2030 vise à :

« préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des sols et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité. »

Dans son rapport de 2020, l’Organisation des Nations Unies (p. 55) constate que « malgré quelques progrès, le monde n’atteindra pas les cibles de 2020 pour stopper la perte de biodiversité. »

Une élève étudie les branches d’un arbre.

Découvrir les êtres vivants dans les écosystèmes de proximité

Afin de faire connaitre les enjeux d’importance pour l’humanité, les programmes d’études introduisent généralement ces thématiques auprès des élèves du primaire et du secondaire. On leur présente en bas âge les grandes problématiques mondiales (p. ex. pollution, déforestation, extinction) ainsi que leurs conséquences sur les êtres vivants de la planète. Mais l’école ne devrait-elle pas d’abord permettre aux jeunes de découvrir les êtres vivants qui habitent et partagent les écosystèmes qu’ils fréquentent?

Les espaces extérieurs à proximité des écoles représentent de riches environnements d’apprentissage, car la vie y est toujours présente, en ville comme en milieu rural. Chaque milieu est habité par une diversité d’arthropodes, de végétaux, d’oiseaux ou de petits mammifères.

Ces milieux permettent aux enfants dès leur plus jeune âge de développer des qualités scientifiques comme la curiosité, l’observation et l’expérimentation (Ayotte-Beaudet, 2020a). On peut par exemple vouloir en apprendre davantage sur les plantes que plusieurs qualifient souvent de mauvaises herbes. Sur un trottoir près de l’école, on peut demander aux élèves d’entourer à la craie des herbes qui poussent spontanément et ajouter leur nom à côté afin de renseigner les passants (www.sciencesdehors.com).

Les lieux de proximité hors du terrain de l’école permettent aussi de comprendre les phénomènes naturels là où ils se produisent (Ayotte-Beaudet, 2020b). Les élèves peuvent adopter un arbre afin d’en faire des observations systématiques tout au long de l’année scolaire. Les jeunes peuvent alors établir les mécanismes d’adaptation et de survie de leur arbre tout en découvrant la variété d’organismes vivants qui entrent en interaction avec cet arbre (p. ex., le lichen et les oiseaux). Ce type de suivi permet de développer un sentiment d’appartenance à l’égard de l’arbre étudié.

À l’extérieur, les élèves peuvent également mener des activités de terrain à la manière des scientifiques. La participation à des projets de sciences citoyennes représente une occasion pour les milieux de l’éducation, car ces projets offrent un cadre d’observation déjà défini ainsi que des connaissances sur certaines espèces locales (Secours et coll., 2020). On peut penser au programme d’observation des oiseaux d’eBird ou aux programmes de surveillances des écosystèmes d’AttentionNature.

D’abord apprendre à apprécier

Les résultats d’une récente recherche devraient nous faire réfléchir sur la manière d’enseigner la biodiversité à l’école. L’étude en question avait pour objectif de mieux comprendre l’impact d’un enseignement contextualisé dans un écosystème à proximité de l’école, soit l’apprentissage des relations entre les espèces (Ayotte-Beaudet et coll., à paraitre). Les participants, des élèves du primaire (10-12 ans), devaient prendre part à un projet de sciences citoyennes développé pour les milieux scolaires (www.chenilles-espionnes.com) visant à mieux comprendre les effets des changements globaux sur les écosystèmes urbains. Lors des interventions pédagogiques, les concepteurs de la recherche avaient décidé de parler positivement de la nature, sans jamais évoquer de problèmes environnementaux. Or, durant les entretiens qui ont eu lieu à la fin du projet, plusieurs jeunes ont manifesté le désir de protéger les êtres vivants sans que la question ait été explicitement abordée. Autrement dit, avoir découvert la nature in situ et n’en avoir parlé que positivement a suffi pour sensibiliser les jeunes aux êtres vivants qui les entourent.

Un élève étudie les branches d’un arbre.

Par où commencer?

Si vous n’avez pas l’habitude d’animer des cours sur la biodiversité à l’extérieur, la première chose à faire est probablement de réfléchir à vos motivations et de vous fixer une intention pédagogique claire pour la première sortie. Cela vous permettra d’orienter la planification de vos activités d’enseignement et d’apprentissage et de convaincre les parents et la direction du bien-fondé de votre démarche.

Les premières fois, il est préférable de sortir pour une courte période afin que vos élèves et vous puissiez vous familiariser avec ce nouvel environnement pédagogique (www.sciencesdehors.com). La recherche nous apprend également qu’il est important de bien préparer les jeunes à leurs sorties, de les mettre en action et de leur donner la possibilité de faire des choix (Ayotte-Beaudet et Potvin, 2020; Ayotte-Beaudet, Potvin et Riopel, 2019). Surtout, misez sur la curiosité des jeunes et faites-leur confiance. Et, si vous êtes une direction d’établissement, faites à votre tour confiance à votre personnel enseignant et laissez-lui la chance d’expérimenter!

Conclusion

Alors que les programmes d’études de niveau primaire mettent souvent l’accent sur la gravité des problèmes environnementaux, chaque personne actrice de l’éducation a le devoir de réfléchir aux meilleurs moyens de sensibiliser les enfants à la biodiversité. À partir de quel âge pouvons-nous en toute conscience faire véritablement porter aux jeunes générations le poids des problèmes dont elles héritent? Avant de leur demander de préserver et de restaurer les écosystèmes terrestres, nous avons à mon avis le devoir de leur apprendre à apprécier la diversité de la vie dans les écosystèmes qui les entourent.

Photos, gracieuseté de Jean-Philipe Ayotte-Beaudet

Première publication dans Éducation Canada, mars 2021

Lisez les autres articles de ce numéro

 

Ayotte-Beaudet, J.-P. (2020a). Éveiller aux sciences de la nature à ciel ouvert. Revue préscolaire, 58(4), 36-38. http://aepqkiosk.milibris.com/reader/9d1311ef-ccbb-4df1-af16-ebc7f44582ae?origin=%2Frevue-prescolaire%2Frevue-prescolaire%2Fn584-2020

Ayotte-Beaudet, J.-P. (2020b). Regarder dehors pour apprendre et enseigner les sciences. Vivre le primaire, 33(3), 38-40. https://aqep.org/wp-content/uploads/2020/09/D-Regarder-dehors-pour-apprendre.pdf?fbclid=IwAR248QqdERwurwv755FVeGYMItC61bYxQ9GOjs4hbwxSiUN_-fT45NxlV8k

Ayotte-Beaudet, J.-P., Chastenay, P., Beaudry, M.-C., L’Heureux, K., Giamellaro, M., Smith, J., Desjarlais, E. et Paquette, A. (2021, à paraitre). Exploring the impacts of contextualised outdoor science education on learning: The case of primary school students learning about ecosystem relationships. Journal of Biological Education.

Ayotte-Beaudet, J.-P. et Potvin, P. (2020). Factors related to students’ perception of learning during outdoor science lessons in schools’ immediate surroundings. International Journal of Environmental and Science Education, 16(2), 1-13. https://doi.org/10.29333/ijese/7815

Ayotte-Beaudet, J.-P., Potvin, P. et Riopel, M. (2019). Factors related to middle-school students’ situational interest in science in outdoor lessons in their schools’ immediate surroundings. International Journal of Environmental & Science Education, 14(1), 13-32. http://www.ijese.net/makale/2100.html

Chenilles-espionnes (https://www.chenilles-espionnes.com) est un site Web dédié à un projet de sciences citoyennes développé par un partenariat entre Les Clubs 4-H du Québec, l’Université du Québec à Montréal et l’Université de Sherbrooke.

Des sciences dehors (https://www.sciencesdehors.com) est un site Web québécois de partage développé par et pour les personnes qui sont intéressées et passionnées par l’apprentissage et l’enseignement des sciences de la nature.

Organisation des Nations Unies. (2020). Rapport sur les objectifs de développement durable 2020. ONU. https://unstats.un.org/sdgs/report/2020/The-Sustainable-Development-Goals-Report-2020_French.pdf

Secours, É., Paquette, A., Ayotte-Beaudet, J.-P., Gignac, A. et Castagneyrol, B. (2020). Chenilles-espionnes, un projet de sciences citoyennes pour sensibiliser les jeunes à la biodiversité. Spectre, 50(1), 27-31. https://fr.calameo.com/aestq/read/00518148392339471f721

Apprenez-en plus sur

Jean-Philippe Ayotte-Beaudet

Professeur, Université de Sherbrooke

Jean-Philippe Ayotte-Beaudet est professeur au département d’enseignement au préscolaire et au primaire de la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke et directeur du Centre de recherche sur l’enseignement et l’apprentissage des sciences.

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