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Poutine s’est ingéré dans des élections un peu partout

La Russie a tenté d’influencer les scrutins dans une vingtaine de pays, selon des chercheurs



La Russie a tenté d’influencer les résultats d’une trentaine d’élections dans une vingtaine de pays depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 1999, un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur et qui vise à affaiblir l’Occident. 

Campagnes de désinformation, piratage, financement occulte ; depuis 2015, les Russes ciblent particulièrement les grandes démocraties occidentales à un rythme qui s’accélère. 

Avec ce que l’on sait aujourd’hui sur l’invasion russe de l’Ukraine, « ces ingérences sont un symptôme très sérieux du déclin des relations entre l’Occident et la Russie », croit Adam Casey, chercheur postdoctoral à l’Université du Michigan, qui a compilé tous les cas dans une étude d’abord publiée en 2018.  

Le point de rupture aurait eu lieu en 2014, quand la Russie a envahi la Crimée après la révolution de l’Euromaïdan, en Ukraine. Ces manifestations pro-européennes ont fait tomber le président pro-russe Viktor Ianoukovytch.  

Dans l’étude que le Dr Casey a écrite avec Lucan Way, professeur à l’Université de Toronto, on constate que la Russie s’ingère désormais dans de nombreuses élections dans des pays occidentaux, alors qu’elle ne le faisait que dans les anciens pays de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) avant 2015. Ils ont étudié le phénomène de 1991 à 2018. 

Résultats mitigés

Les ingérences du président Poutine se traduisent de différentes façons, mais elles visent surtout à encourager des voix discordantes dans les pays ciblés, qui ont des buts similaires à ceux des Russes. 

« Ces partis [politiques] veulent quitter l’OTAN ou l’affaiblir, réduire leurs liens avec les États-Unis, sont anti-Union européenne ou veulent carrément la quitter », illustre le Dr Casey en entrevue.  

Les chercheurs estiment toutefois que les résultats de ces efforts sont mitigés, et parfois difficiles à prouver (voir exemples ci-dessous).

Aussi au Canada

Le Canada ne fait pas exception même s’il ne figure pas dans la liste de Lucan Way et Adam Casey. Un autre chercheur de l’Université Simon Fraser, Ahmed al-Rawi, montre que les Russes et les Iraniens ont également tenté d’influencer les élections fédérales de 2015.  

Il n’a pas encore été établi si les Russes se sont ingérés de façon concertée dans les élections canadiennes de 2019 et 2021. Quelques rapports parlent quand même des efforts des trolls et robots russes pour semer la discorde dans les réseaux sociaux pendant cette période.


Stratégies utilisées par les Russes 

  • Campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux pour polariser les populations 
  • Organisation de manifestations contre les réfugiés 
  • Diffusion de courriels et de faux documents sur WikiLeaks 
  • Cyberattaques envers les systèmes d’inscription aux listes électorales  
  • Campagne d’hameçonnage visant des partis politiques 
  • Financement de partis politiques d’extrême droite 
  • Piratage du comptage électoral

Années où il y a eu ingérence

Canada 

2015 

Même si le gouvernement fédéral a estimé que les cybermenaces étaient faibles lors de l’élection remportée par Justin
Trudeau, un chercheur a analysé 12 millions de tweets et a découvert que des trolls russes appuyaient les conservateurs de Stephen Harper, et des trolls iraniens appuyaient les libéraux. 

Les résultats sont toutefois impossibles à évaluer, mais leurs objectifs étaient de semer la division dans la société canadienne.


Royaume-Uni 

Photo AFP

2015 

2016

Lors du référendum sur le Brexit, les principaux partis politiques britanniques étaient en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne, et contre toute attente, les petites organisations en faveur du Leave ont gagné leur pari. 

Elles ont été appuyées par une campagne de désinformation majeure sur les réseaux sociaux menée par des robots et des trolls russes, ainsi que par les chaînes RT et Sputnik.  


France 

Photo AFP

2017

Une banque russe a prêté des millions d’euros au Front national de Marine Le Pen en 2014 (devenu Rassemblement national). Les liens entre le FN et des officiels du gouvernement russe datent de 2011. 

Aux élections présidentielles de 2017, le parti En marche d’Emmanuel Macron a été piraté et des courriels ont été publiés par WikiLeaks. Des trolls et robots russes ont mené une large campagne de désinformation en ligne, si bien que Facebook est intervenu en supprimant des faux comptes. 

Le Pen a perdu au second tour de la présidentielle, mais n’avait jamais obtenu autant d’appuis. 


États-Unis 

Photo AFP

2016 

Les élections présidentielles de 2016 « représentent les démarches entreprises par les Russes ayant eu le plus de succès », selon les chercheurs. 

Les trolls et robots russes ont notamment joint au moins 126 millions de personnes sur Facebook pour polariser encore plus la société américaine, ils ont tenté de diviser le vote chez les progressistes et les démocrates, ont tenté de démotiver les Afro-Américains à voter, ont piraté les courriels de la campagne d’Hillary Clinton et ont attaqué les systèmes électoraux locaux. 

2018


Pays-Bas 

2016  

2017


Norvège 

2016 


Autriche 

2016


Espagne 

2017


Malte 

2017 


Italie 

2016

Le référendum constitutionnel a mené à la démission du premier ministre Matteo Renzi. 

La réforme proposée était décriée par des partis de droite et d’extrême droite eurosceptiques, comme Movimento 5 Stelle et Lega Nord, qui étaient déjà populaires. Ceux-ci entretiennent des liens avec la Russie, Movimento 5 Stelle ayant rencontré des officiels du parti Russie unie, qui est pro-Poutine. Pour sa part, Lega Nord a eu du financement de la Russie. 

Des campagnes de désinformation auraient aussi été lancées par des Russes.  

2018 


Bosnie-Herzégovine 

2018 


Allemagne 

2015 

2017 

Le parti d’extrême droite eurosceptique AfD a fait son entrée au Parlement allemand, ce qui a affaibli la coalition menée par Angela Merkel. En plus d’avoir lancé une campagne de désinformation dans les réseaux sociaux, les Russes ont été accusés de cyberattaques et de cyberespionnage par l’Allemagne. Un député allemand a même dit d’AfD qu’il était « l’extension du bras de Poutine dans le Parlement allemand ». 


Biélorussie 

2006


République Tchèque 

2017 

2018 


Macédoine du Nord 

2018 


Monténégro 

2016 

Des espions russes ont été reconnus coupables, avec d’autres co-conspirateurs, d’avoir voulu assassiner le premier ministre Milo Dukanovic le jour des élections afin d’installer au pouvoir un dirigeant pro-russe et anti-OTAN. La police monténégrine a été prévenue par des espions occidentaux et a sauvé Dukanovic. 

2018


Moldavie 

2005 

2009 

2014


Bulgarie 

2016


Ukraine  

Photo AFP

2002 

2004 

2010 

2014 

Une série de cyberattaques a été lancée contre l’Ukraine par les Russes, notamment pour changer le nombre total de votes, infecter les serveurs de la Commission électorale ukrainienne et même annoncer faussement la victoire d’un candidat de l’extrême droite.

Sources : Lucan Way & Adam Casey, Russian Foreign Election Interventions Since 1991, 2018, PONARS Eurasia Policy Memo. Lucan Way & Adam Casey, Russian Election Interventions, 1991-2018 Codebook, Université de Toronto. Al-Rawi, A. How did Russian and Iranian trolls’ disinformation toward Canadian issues diverge and converge?, Digital War.

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