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Essai: contre l’arrogance des riches

La société de provocation
Photo fournie par les Éditions Lux


Pour Dahlia Namian, l’auteure de ce réquisitoire, l’arrogance des riches n’a pas de limites. Parmi leurs lubies les plus scandaleuses et grotesques, Namian en souligne quelques-unes, comme celle d’Elon Musk, l’homme le plus riche de la planète dont la fortune est évaluée à plus de 200 milliards $: il a lancé, un peu avant le «Jour du dépassement de la Terre», une voiture électrique dans l’espace. «La Tesla Roadster voguera ainsi en boucle dans l’espace, durant des milliers, voire des millions d’années.» Personne ne semble s’être scandalisé d’une telle lubie que seuls des milliardaires en mal de célébrité peuvent se payer, sans se soucier de dilapider les ressources de la planète. Ces personnes passent souvent pour des génies, des visionnaires, des grands innovateurs, déplore-t-elle. 

Les chiffres ne mentent pas. L’écart entre les riches et les pauvres n’a cessé de croître tandis que la fortune des milliardaires a augmenté «autant en 24 mois de pandémie qu’en 23 ans». 

Ces milliardaires sont devenus si puissants qu’aucun gouvernement ne peut les contrôler. Ils ont surtout fait fortune dans les secteurs de l’énergie, du pharma et de l’agroalimentaire. Et le Canada n’y échappe pas. «La richesse des 64 milliardaires canadiens a même augmenté de 57,1 % depuis 2020.» 

Dans son roman Chien blanc où il dénonce le racisme de la société étatsunienne à la suite de l’assassinat de Martin Luther King, l’écrivain Romain Gary parle, pour la première fois, de «société de provocation» à propos de ces riches qui se livrent à une sorte d’exhibitionnisme honteux de leurs richesses. 

«La société de provocation glorifie, en d’autres termes, les prouesses et le mode de vie obscènes des riches, tout en s’aveuglant au dénuement et au ressentiment qu’ils provoquent.» 

Et malgré tout, on les admire et on les hisse sur un piédestal, constate-t-elle. 

«Think big!»

On n’a qu’à se rappeler le film de Pierre Falardeau, Le temps des bouffons, où l’aristocratie canadienne dans ce qu’elle a de plus grotesque se réunit annuellement au Beaver Club pour se pavaner et s’exhiber fièrement en se proclamant «magnificent». 

On pense aussi aux banquets organisés pour l’assermentation des gouverneurs généraux. Nous en avons eu une certaine idée avec la publication du rapport des dépenses de l’ex-gouverneure générale Julie Payette : un demi-million de dollars ont été dépensés pour cette cérémonie d’assermentation, sans compter les 32 000 $ pour le bar ouvert et les 18 000 $ pour les rideaux, les fleurs et autres décorations. 

Or, selon le Programme alimentaire mondial de l’ONU, «près de 50 millions de personnes sont actuellement au bord de la famine et 800 millions vivent au quotidien tenaillés par la faim». Des chiffres qui devraient nous alerter.

Du côté des bien nantis, on s’en lave les mains. «Think big!» clament-ils. Si vous êtes pauvres, c’est de votre faute, il suffit de «vouloir» pour s’en sortir et on n’hésite jamais à se donner en exemple. Or, pendant que les dirigeants d’entreprises de la Silicone Valley, en Californie, se paient des salaires annuels oscillant entre 20 et 90 millions $, leurs employés en arrachent pour joindre les deux bouts. Pourtant, «il coûterait seulement six milliards de dollars pour nourrir les plus affamés de la planète. Six milliards, un montant dérisoire pour le club des 1 %...»

Stratégies de camouflage

Namian cite en exemple, entre autres, la fondation de Carlos Slim, le magnat mexicain des télécommunications. Ce «philantrocapitaliste» a ouvert un musée privé en l’honneur de sa défunte épouse. 

«On peut y admirer sa propre collection d’art composée d’environ 70 000 pièces. Les Van Gogh, Matisse, Rodin, Degas et Picasso côtoient des œuvres d’artistes latino-américains parmi les plus célèbres.» 

Ou le milliardaire Bill Gates, qui dit lutter, à travers sa fondation, contre les changements climatiques, mais se fait construire un palace de 145 millions $ avec du bois précieux provenant d’arbres vieux de 500 ans. 

Ou encore Mark Zuckerberg qui s’est engagé, par sa fondation, non pas à redistribuer ses profits phénoménaux aux 99 %, mais à consacrer 99 % de ses parts dans Facebook pour «faire progresser le potentiel humain et promouvoir l’égalité». Rien de moins. Une stratégie parmi d’autres pour camoufler l’indécence des écarts de richesse, conclut-elle.

Un réquisitoire implacable contre les milliardaires «visionnaires». 

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