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Explosion des cas de harcèlement conjugal: les suspects utilisent la technologie pour traquer leur victime

Des données obtenues par Le Journal révèlent que les accusations de harcèlement criminel en contexte conjugal ont doublé en cinq ans.



Le nombre d'accusations pour harcèlement criminel en contexte de violence conjugale a plus que doublé en seulement cinq ans au Québec, une explosion entre autres provoquée par les nouvelles technologies utilisées par les suspects pour traquer leur victime.

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«C’est de plus en plus accessible. C’est vraiment la grosse différence avec ce qu’on pouvait voir il y a quelques années, en comparant à aujourd’hui», résume Thierry Sabourin, procureur de la Couronne affecté aux dossiers de violence conjugale, à Montréal. 

On parle ici, par exemple, de GPS et de caméras, voire d'applications installées en douce sur un cellulaire pour espionner à son insu la personne ciblée.

Voilà ce qui pourrait notamment expliquer qu'entre 2017 et 2022, les chefs d’accusations de harcèlement criminel en contexte de violence conjugale sont passés de 1683 à 3483 dans la province, selon des données obtenues par Le Journal en vertu de la Loi sur l’accès à l’information auprès du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).

Ce rythme se maintient pour l'année en cours, car pas moins de 2431 accusations avaient déjà été déposées à la fin août.

Intrusif

Si l’usage abusif des réseaux sociaux émerge dans les cas de harcèlement criminel, le recours à diverses applications et à la géolocalisation est désormais aussi fréquent, constatent les intervenants interrogés par Le Journal.

«Il est très facile de se procurer sur internet un GPS pas plus grand qu’une pièce de monnaie [...] à faible coût, qu’on peut déposer dans une voiture et qu’on peut suivre en tout temps», illustre Me Sabourin, ajoutant qu’il en va de même pour l’achat de caméras.

  • Écoutez l'entrevue avec Nathalie Trottier, survivante de violence conjugale, via QUB radio :

Ces comportements «extrêmement intrusifs» sont d’ailleurs pris en considération dans la détermination de la peine accordée à l’accusé, souligne le procureur Sabourin.

Contrôle coercitif

À la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes, un protocole prévoit que les intervenantes scrutent le cellulaire des survivantes à des fins de sécurité et de confidentialité.

«Malheureusement, trop de femmes arrivent, sans même le savoir, avec des applications pour les surveiller» sur leur téléphone, fait valoir Élisabeth Viens Brouillard, coordonnatrice aux communications.

Élisabeth Viens Brouillard, coordonnatrice aux communications à la Fédération des maisons d'hébergement pour femmes. Photo fournie par Élisabeth Viens Brouillard

Laio Auger-Leduc, superviseure des enquêtes à la Section spécialisée en violence conjugale au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), mentionne également que des victimes ignorent à quel point «elles sont exposées» dans leur appareil.

Rien qu’en se commandant de la nourriture avec une application, elles peuvent être géolocalisées, cite-t-elle en exemple.

Nouvelle réalité

Cette attention grandissante au harcèlement criminel serait attribuable aux diverses formations offertes dans le milieu judiciaire, mais aussi aux nouvelles générations de policiers, plus à l’aise avec les nouvelles technologies.

Que ce soit sur le véhicule ou le cellulaire de la victime, «il y a des vérifications qui se font d’emblée, qui ne se faisaient pas avant, parce que ce n’était pas d’actualité», indique la lieutenante-détective Auger-Leduc.

Parallèlement, les survivantes seraient aussi plus sensibilisées sur les différentes formes de violence, les encourageant à alerter davantage les autorités et à dénoncer.

«Ces dernières années, il y a eu beaucoup de travail pour conscientiser les victimes que la violence conjugale, ce n’est pas nécessairement juste des coups», souligne Anouk St-Onge, commandante au SPVM et cheffe de la section de la violence conjugale.

SI VOUS AVEZ BESOIN D’AIDE

SOS violence conjugale

https://www.sosviolenceconjugale.ca/

• 1 800 363-9010 (24h/24, 7j/7)

Qu’est-ce qui constitue du harcèlement criminel?

Quatre actes sont interdits aux yeux du Code criminel: communications répétées, comportement menaçant, suivre la personne, surveillance de la résidence de la victime.

«La notion qui est importante qui va distinguer le harcèlement comme on l’entend au sens commun du harcèlement criminel, c’est que la victime doit avoir des motifs raisonnables de craindre pour sa sécurité [physique et psychologique] suivant la commission de l’infraction», explique le procureur Thierry Sabourin.

Notons que contrairement à certaines croyances populaires, le crime n’a pas à être nécessairement «répétitif», indique la lieutenante-détective au SPVM Laio Auger-Leduc.

50 numéros différents pour la contacter

Un homme de 32 ans incapable d’accepter que son ex-copine ait un nouveau conjoint a utilisé des dizaines de numéros de téléphone pour la harceler.

Jessey Masson a reconnu sa culpabilité pour des chefs de communication harcelante et publication d’une image intime plus tôt cette année. Il a plus tard écopé de 150 heures de travaux communautaires et une probation de deux ans.

La relation entre l’accusé et la victime avait pris fin en octobre 2020.

À la fin de ce même mois, en apprenant que son ex avait un nouveau conjoint, Masson a commencé à écrire à sa victime avec des numéros de téléphone générés par un site web.

Il en a utilisé plus de 50 au total dans les trois mois qui ont suivi. La victime les bloquait tous, un après l’autre.

Masson lui faisait part à travers ses messages de ses états d’âme, ses idées suicidaires, lui envoyait des photos et demandait de la revoir, ce qu’elle a accepté à quelques reprises.

Il s’est également imposé en se présentant chez elle et chez son nouveau conjoint.

À un certain point, dans l’espoir que la victime réagisse, il lui a mentionné avoir publié une vidéo intime d’elle sur internet.

Le trentenaire a aussi envoyé des images osées de celle-ci à son nouveau copain.

Mis en état d’arrestation en janvier 2021, Jessey Masson n'a pas respecté ses conditions deux mois plus tard en contactant la victime, notamment pour lui souhaiter une bonne semaine et dire qu’il pensait à elle.

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