(Québec) Malgré le recul du ministre Christian Dubé, le Collège des médecins n’en démord pas : Québec doit élargir l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant d’un « handicap neuromoteur grave et incurable ». L’ordre professionnel déplore que des patients québécois subissent un traitement « inégal et inéquitable » par rapport au reste du Canada, ce qui est « inacceptable ».

Le Collège des médecins tentera ce mardi une ultime tentative pour convaincre les parlementaires de réintégrer l’article controversé sur l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes souffrant d’un « handicap neuromoteur grave et incurable ».

L’ordre professionnel des médecins québécois ouvre le bal des consultations sur le projet de loi 38 qui vise à modifier la Loi concernant les soins de fin de vie.

C’est vrai que les choses vont rapidement, mais il faut profiter de cette fenêtre-là et l’élargir. Au Québec, les personnes disposent en ce moment de moins d’options dans les soins de fin de vie que les autres Canadiens et pour nous, c’est inacceptable […], c’est une question d’équité.

Le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins

Moins de 24 heures après le dépôt du projet de loi 38, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a retiré l’article de son texte législatif qui rendait les personnes souffrant d’un handicap neuromoteur grave et incurable admissibles à l’aide médicale à mourir.

Les partis de l’opposition l’ont accusé de « sortir un lapin de son chapeau » en ouvrant « un tout nouveau chantier » qui n’a pas fait l’objet de débats au Québec.

Québec a déposé son texte législatif à deux semaines de la fin de la session, le 10 juin. M. Dubé a dit craindre que cet ajout ne vienne faire capoter l’adoption du projet de loi, qui vient notamment permettre aux personnes souffrant d’une maladie grave et incurable de faire une demande anticipée, un enjeu qui fait largement consensus à l’Assemblée nationale.

Pour les personnes souffrant d’un handicap, le ministre Dubé a expliqué vouloir répondre à la demande du Collège pour harmoniser la loi provinciale à la législation fédérale. L’ordre avait formulé au printemps 2021 la recommandation d’inclure la notion de handicap dans celle de « maladie grave et incurable ».

La semaine dernière, le Collège s’était dit « déçu » de la décision du ministre de reculer.

« Rôle de professeur de droit »

Qu’à cela ne tienne, le Collège des médecins fera valoir les difficultés sur le terrain de la discordance entre les deux légalisations. « Ça fait jouer un rôle de professeur de droit aux médecins », déplore le DGaudreault.

« Chaque semaine, des médecins de famille nous parlent de cette difficulté, de comment des personnes se sont laissées mourir de faim, se sont suicidées ou sont allées dans d’autres pays », relate-t-il.

Le Collège des médecins craint que des médecins choisissent de ne plus administrer l’aide médicale à mourir si ce flou persiste.

Il faut faire tout ce que l’on peut pour clarifier, harmoniser et rendre tout cela applicable correctement.

Le Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins

Selon le DGaudreault, l’aide médicale à mourir demeure un « soin de dernier recours pour soulager les souffrances d’une personne », et ces souffrances peuvent venir d’un handicap.

Il estime que les critères d’admissibilité qui sont pour l’heure toujours inscrits dans le projet de loi 38 sont suffisamment stricts pour bien encadrer l’administration de l’aide médicale à mourir à une personne souffrant d’un handicap.

Une personne pourrait formuler une demande si elle éprouve notamment « des souffrances physiques ou psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge tolérables ».

« Je pense qu’on est rendus là. Ce sont des patients qui souffrent et ce qui nous guide, c’est la souffrance, l’aide médicale est un soin quand tout le reste n’a pas fonctionné », plaide-t-il.

Or, la députée péquiste et marraine de la Loi concernant les soins de fin de vie, Véronique Hivon, faisait valoir la semaine dernière que l’ajout des personnes souffrant d’un handicap, comme quelqu’un qui subit un traumatisme crânien, mérite d’être débattu en profondeur au Québec parce qu’il ne s’agit pas « d’une personne qui a une maladie grave, incurable et qui est dans une trajectoire vers la fin de vie ».

À huit jours de la fin de la session, les consultations sur le projet de loi 38 se tiendront sur deux jours selon un horaire chargé alors que des groupes seront entendus jusqu’à 22 h. La plupart des articles du texte législatif font consensus, et les avancées ont été saluées.

Les maisons de soins palliatifs sont inquiètes

Le projet de loi 38 indique qu’une maison de soins palliatifs ne pourra pas exclure l’aide médicale à mourir des soins qu’elle offre, sauf exception. Une disposition qui a provoqué « une surprise désagréable » au sein de l’Alliance des maisons de soins palliatifs du Québec, qui représente 36 maisons. L’Alliance réclame carrément l’abolition de l’article du texte législatif. « Il y a des maisons qui ne sont pas rendues là dans le rythme pour différentes raisons qui peuvent varier. Parfois, c’est que les médecins ne sont pas prêts à inclure ce soin, parfois, ce sont les bénévoles ou même des donateurs qui menacent de se retirer », illustre la présidente Marie-Julie Tschiember. Il faut respecter leur rythme, et c’est la position de l’Alliance, plaide Mme Tschiember.