(Toronto) Je me suis replongé dans les textes de Michèle Ouimet en vue de la remise du prix Couronnement de carrière décerné mardi soir par la Fondation pour le journalisme canadien.

Je n’ai qu’un mot en tête : exceptionnel.

Son éthique de travail est remarquable, de même que la rigueur de ses textes, le courage qu’elle démontre dans toute situation, son immense sensibilité, son sens aiguisé de la justice et sa proverbiale ténacité.

Je savais tout ça, remarquez. On a travaillé ensemble, on a été voisins de bureau, on se connaît depuis longtemps… et je la lis depuis bien plus longtemps encore ! La relire me ramenait simplement tout ça à la mémoire, et me faisait réaliser à quel point son œuvre — la somme de son travail à La Presse mérite bel et bien ce titre – est inégalée.

Et ce qui m’avait échappé jusqu’ici parce que j’avais le nez trop collé sur chaque ligne de ses éditoriaux, de ses reportages, de ses chroniques lors de leur publication, c’est son extrême polyvalence. C’est comme si Michèle avait excellé dans toutes les positions d’un sport donné !

D’ailleurs, en journalisme comme dans le sport, les professionnels ont habituellement un profil bien à eux. Certains sont des commentateurs, d’autres des enquêteurs, des analystes ou des newsgetters (ceux qui trouvent les nouvelles exclusives). D’autres encore s’illustrent sur le terrain, en zone dangereuse, ou grâce à une plume exceptionnelle.

Michèle Ouimet, elle, est dans une classe à part : elle a développé tous les profils ! Et elle a su se distinguer partout où elle est passée, autant dans la couverture des nouvelles locales qu’à l’étranger. Elle s’est illustrée aussi bien comme reporter que comme éditorialiste, chroniqueuse, journaliste de terrain, de guerre, d’immersion…

Imaginez. Pendant ses 30 ans à La Presse, elle a réussi à terroriser le maire de Montréal comme chroniqueuse et à ébranler les colonnes du système d’éducation comme journaliste affectée à ce secteur à l’époque des grandes réformes. Elle a visité les prisons de Kandahar en tant que reporter de guerre et elle a attrapé la gale en vivant dans un taudis du Centre-Sud de Montréal. Elle a été tour à tour caissière dans un supermarché, tireuse de cartes, téléphoniste érotique et a couvert des génocides, des coups d’État et des attentats terroristes.

Pas étonnant qu’elle ait remporté une quantité phénoménale de prix Judith-Jasmin et d’honneurs au Concours canadien de journalisme.

Mais ce qui est le plus impressionnant, c’est qu’elle ait également réussi à remporter un prix Michener, plus haute distinction journalistique canadienne, pour son travail d’enquête sur les prisonniers talibans en Afghanistan, ET un prix Jules-Fournier pour la grande qualité de la langue dans ses textes.

C’est comme si elle avait gagné le trophée Art-Ross comme meilleur compteur… puis le Vézina l’année suivante à titre de meilleur gardien de but !

C’est pour ça que tous les étudiants en journalisme veulent devenir Michèle Ouimet, qu’elle suscite autant de vocations à elle seule.

Pour ça qu’elle est aujourd’hui l’une des journalistes les plus respectées de la profession. Et ce, pas juste au Québec, au pays.

Tu nous manques, Michèle, mais tu manques surtout aux lecteurs ! Bravo pour cet hommage grandement mérité.