Elle a couvert le génocide au Rwanda, les talibans en Afghanistan, la guerre civile en Syrie. Mardi soir, Michèle Ouimet a aussi reçu les grands honneurs pour l’ensemble de son œuvre, avec le prix Couronnement de carrière de la Fondation pour le journalisme canadien.

Cette reconnaissance nationale, soulignée lors d’une soirée au Musée des beaux-arts de l’Ontario, à Toronto, s’ajoute au palmarès de l’intrépide journaliste terrain, qui a passé 29 ans à La Presse avant de signer sa dernière chronique, en 2018. « C’est vraiment le fun que le Canada anglais reconnaisse une journaliste francophone », réagit d’emblée la principale intéressée, rencontrée quelques jours avant la cérémonie.

« C’est un honneur, mais c’est toujours un peu surréaliste… pourquoi moi ? », ajoute en toute humilité Michèle Ouimet, dont on ne compte plus les nominations au Concours canadien de journalisme, sacrée chevalière de l’Ordre national du Québec en 2020 et lauréate du prix Judith-Jasmin hommage en 2019. « Il y en a plein d’autres qui travaillent fort. Peut-être parce que je suis allée en terrain dangereux ? »

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Michèle Ouimet, « Une femme au pays des talibans », 12 janvier 1997

Le jury était dirigé par Michel Cormier, ancien directeur général, nouvelles et actualités, de Radio-Canada. Michèle Ouimet rejoint ici le prestigieux cercle de lauréats parmi lesquels figurent Peter Mansbridge et Michel Auger.

« C’est un prix qui n’est pas donné régulièrement à des journalistes québécois, mais le fait que Michèle Ouimet ait réussi à attirer l’attention du jury en dit beaucoup », a souligné Jean-François Bégin, directeur principal de l’information à La Presse, qui a d’ailleurs commencé sa carrière avec comme maître de stage… Michèle Ouimet ! Il a tenu à souligner sa ténacité (une « tête dure ! »), son courage, sa droiture, que ce soit comme reporter à l’éducation, éditorialiste, comme patronne, chroniqueuse, grande reporter à l’étranger ou « grande reporter tout court ».

Ce prix est le couronnement d’une carrière riche, le genre de carrière qu’on voudrait tous avoir eu !

Jean-François Bégin, directeur principal de l’information à La Presse

La « grande dame du journalisme terrain », comme la qualifie aussi la chroniqueuse Isabelle Hachey, a par ailleurs publié plusieurs romans (L’homme aux chats, La promesse et L’heure mauve). Elle a commencé sa carrière comme recherchiste pour le journaliste Pierre Nadeau à Télé-Québec, puis Radio-Canada, avant de faire le saut rue Saint-Jacques, en 1989. Quelques années à peine après son arrivée (1994), elle part couvrir le génocide au Rwanda (« Mais qu’est-ce qui m’a pris ! »). Suivent quantité de reportages aussi dangereux que marquants, aux quatre coins du monde : du Pakistan au Mali en passant par l’Iran, l’Égypte, le Liban et la Syrie. Sans oublier l’Afghanistan, où elle s’est rendue, avec calepin et gilet pare-balles, pas moins de huit fois.

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Un article de Michèle Ouimet alors dépêchée au Rwanda, le 4 mai 1994

C’est d’ailleurs de son reportage dans une prison de Kandahar, en 2007, qu’elle est le plus fière. « En Afghanistan, à Kandahar, je suis allée en prison parler à des talibans torturés », se souvient-elle. L’histoire lui vaut d’ailleurs le prestigieux prix Michener (« avec Graeme Smith, du Globe and Mail », prend-elle la peine de préciser).

  • L’enquête de Michèle Ouimet qui lui a valu le prestigieux prix Michener.

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    L’enquête de Michèle Ouimet qui lui a valu le prestigieux prix Michener.

  • L’enquête de Michèle Ouimet qui lui a valu le prestigieux prix Michener.

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    L’enquête de Michèle Ouimet qui lui a valu le prestigieux prix Michener.

  • L’enquête de Michèle Ouimet qui lui a valu le prestigieux prix Michener.

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    L’enquête de Michèle Ouimet qui lui a valu le prestigieux prix Michener.

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Quant aux topos dont elle est peut-être moins fière, Michèle Ouimet cite sans hésiter sa couverture des scandales à l’hôtel de ville, sous l’administration de Gérald Tremblay. « J’ai tellement écrit. Peut-être trop. Trop vite. Je n’ai pas fait d’erreurs, mais peut-être que des fois, j’ai appuyé trop fort. J’aurais pu être plus subtile… »

Si on a tendance à citer les grands reportages de Michèle Ouimet à l’étranger, la journaliste a également fait beaucoup de terrain ici. « On se souvient surtout de moi pour mes reportages à l’international, confirme-t-elle, mais j’ai aussi vécu deux semaines dans un taudis dans le quartier Centre-Sud ! » Elle s’en souvient encore. Un « voyage au bout de la misère » duquel elle est sortie… avec la gale. « C’était tellement sale, je me grattais au sang… » Entre autres immersions plus locales, Michèle Ouimet a aussi été téléphoniste érotique ainsi que tireuse de cartes.

« La Presse disait toujours oui à mes idées. Même si, des fois, ça n’avait pas d’allure, on me faisait confiance. […] Je suis vraiment reconnaissante. Et on me donnait aussi le temps de faire mes reportages. C’est une immense chance. »

Son prix en dit d’ailleurs long sur l’importance du terrain, croit-elle. « Il n’y a rien de mieux que l’épreuve des faits. […] Entre lire un rapport sur les réfugiés et aller dans un camp de réfugiés […], c’est complètement un autre univers. […] La base du métier, c’est le terrain. À Montréal, ou ailleurs… »

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