La nuit de samedi à dimanche, le Québec change d’heure. Comme depuis 1940, les Québécois gagneront une heure de sommeil et se coucheront une heure plus tard ce dimanche. Si les montres mécaniques ne s’adapteront pas d’elles-mêmes, les horloges biologiques devraient elles aussi être perturbées par ce décalage.

Deux fois par an, Juans-Dominic Brouillette, horloger de Montréal, se lance dans un rituel fastidieux. « Le lundi matin, j’ai presque deux heures de travail juste pour remettre toutes les horloges à l’heure », raconte-t-il. Il effectue ce geste autant de fois qu’il y a de mécanismes servant à compter le temps dans son magasin. Le reste des Québécois feront de même, une ou deux fois, rarement plus.

Le changement d’heure nécessite aussi l’adaptation d’une machine plus complexe. « Le cerveau a une horloge biologique qui règle nos vies sur à peu près 24 h. Tout à coup, on la bouscule d’une heure », explique Roger Godbout, professeur au département de psychiatrie de l’Université de Montréal. Selon lui, les effets de ce décalage toucheraient surtout les travailleurs de nuit, mais aussi les plus jeunes et les plus âgés, qu’un changement de rythme perturbe plus radicalement.

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Roger Godbout, professeur au département de psychiatrie de l’Université de Montréal

Derniers touchés par le changement d’heure, les insomniaques et autres victimes de troubles du sommeil. « Pour quelqu’un qui a déjà des troubles d’insomnie et une qualité de sommeil plus fragile, un décalage d’une heure a une répercussion au moyen et long terme », note Julien Heon, vice-président de la clinique de soins du sommeil Haleo.

Moins de lumière, plus de tracas

Pourtant, selon Nadia Gosselin, directrice scientifique du Centre d’études avancées en médecine du sommeil, ce changement serait moins difficile que celui du printemps. Il nous fait gagner en effet une heure de sommeil. Au contraire, « ce qui est plus difficile au mois de novembre, c’est que l’on est moins exposé à la lumière. Ça joue sur notre organisme et notre humeur, car nous sommes très sensibles à la lumière que l’on reçoit », explique-t-elle.

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Nadia Gosselin, directrice scientifique du Centre d’études avancées en médecine du sommeil

« On a besoin de la lumière pour activer les hormones qui doivent fonctionner le jour et pour les stopper durant la nuit », développe le professeur Godbout. Le manque de lumière « joue aussi sur les neurotransmetteurs qui sont parfois impliqués dans les symptômes de dépression et dans notre humeur », complète Nadia Gosselin.

Le consensus scientifique

Devrait-on arrêter de changer l’heure deux fois par an ? « Il n’y a plus de raisons claires qui justifient ce changement. On compte chaque année des impacts négatifs, comme la hausse du nombre de crises cardiaques à cette période et une augmentation de la dépression », confirme Rebecca Robillard, professeure à l’École de psychologie de l’Université d’Ottawa.

Nadia Gosselin et Robert Godbout soutiennent, quant à eux, les conclusions de l’Association américaine de médecine du sommeil et de la Société européenne de médecine du sommeil, qui préconisent le respect de l’heure normale, celle qui place le soleil au zénith à midi.

Le Mexique franchissait le pas le mercredi 26 octobre par un vote au Congrès : son prochain changement d’heure sera le dernier. Une décision qui est le reflet d’un questionnement global de la pratique. En mars 2019, la Commission européenne proposait déjà un projet de directive mettant fin aux changements d’heures saisonniers. Pourtant, la majorité des pays occidentaux continuent d’appliquer cette règle.